samedi 31 décembre 2016

EST-CE EFFICACE POUR LA "GUEULE DE BOIS"



28 juin 1765

« Reméde  (sic) contre les coups de Soleil
On nous donne ce Remède comme infaillible, le voici. Quand on se sent frapé (sic) d’un coup de soleil, il faut, le plutôt (sic) qu’il est possible, tâter avec le doigt l’endroit où la douleur se fait sentir le plus vivement, faire raser les cheveux sur cet endroit, & y appliquer (sic) une bouteille pleine d’eau fraiche, avec assez d’adresse pour que l’eau dont elle est pleine à 2 ou 3 doigts près, ne s’écoule pas : on tient la bouteille ainsi posée jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que l’eau commence à frémir, & même à s’élever comme si elle étoit sur le feu ; alors on substitue promptement une seconde bouteille pleine d’eau comme la première, & on continue d’en substituer de nouvelles jusqu’à ce que l’eau ne contracte plus de chaleur ni de mouvement, & alors le malade est entièrement guéri, & hors de tout danger : ce reméde est simple & aisé, & on peut assurer qu’un grand nombre d’expériences en garantissent la bonté & l’efficacité. »
Sources : Journal de Rouen


Ce remède était préconisé en cas d’insolation....... il est peut-être efficace pour une bonne « gueule de bois » !

Pas tout à fait faux la prescription d’appliquer de l’eau fraîche, mais là à attendre que l’eau se mette à bouillir !!!
Assurément celui qui a trouvé le remède avait reçu un bon coup de soleil sur la tête !


jeudi 29 décembre 2016

POUR CEUX QUI FERONT TROP BONNE CHAIR




6 janvier 1764

« Remèdes contre les maux d’estomac
Plusieurs personnes qui se sont servi de ce remède simple, ont assuré qu’il est infaillible. Sur leur témoignage qui ne paroit nullement suspect, nous le donnons avec confiance, car il est aussi aisé que dispendieux, et que d’ailleurs, nous sommes intimement persuadés que s’il n’est pas efficace pour tout le monde, il ne peut faire mal à personne, pas même à ceux qui sont de la complexion la plus délicate. Nous pensons au reste que s’il ne guérit pas radicalement des maux d’estomac, du moins il peut les soulager, ou bien le principe généralement reçu est faux : amara sunt salubria ; les amers sont toujours très-bons (sic) pour l’estomac. En voici la recette.
Eventrez une carpe, prenez-en le fiel que vous détremperez dans une cuiller à bouche avec un peu d’eau ou du bouillon, avalez ce breuvage, prenez par-dessus une écuelle de bouillon, et vous vous sentirez à l’instant soulagé et guéri radicalement des maux d’estomac de quelque nature et quelque invétérés qu’ils soient (sic). »


Etant donné le goût horrible que devait avoir ce remède…… il devait, en effet,  être très efficace, comme vomitif, en cas d’indigestion !!

Article du Journal de Rouen


QUE NOUS RESERVE LA METEO ?



24 février 1764

« Depuis quelque-tems (ainsi dans le texte) nous avons été fort  maltraités par les grosses eaux. La Seine s’est accrue de façon que les quais, les maisons contigües et celles des rues voisines ont été remplies et à  une telle hauteur, que l’on alloit en bateau sur les quais ; grace (sans accent dans le texte) à la Providence nous sommes bien-tôt (ainsi dans le texte) débarrassés de ce fléau ; les eaux sont presque rentrées dans leur lit, et l’on travaille à netoyer (sic) et purifier les maisons qui ont souffert, avant de les habiter de nouveau, conformément à une Ordonnance de Police du 16 de ce mois, qui y assujettit les propriétaires. »


De nombreux articles de météorologie de l’année 1764 évoquent une Seine souvent prise par les glaces. Le dégèle entrainaient une hausse du niveau du fleuve et le débordement de celui-ci avec des conséquences toutes aussi importantes que désastreuses.
Maisons, mais aussi commerces implantées sur les quais, étaient dévastées par les eaux. Beaucoup de commerçants, lassés, finirent par aller planter boutique plus loin, au centre de la ville.
Les bateliers représentaient également une part importante des travailleurs du fleuve en relation directe avec l’activité portuaire de la ville.
Concernant les activités liées au fleuve, il existait, depuis 1765, un service de bains sur le fleuve, tenu par la compagnie des Eaux minérales de Saint-Paul
Les rives de la Seine étaient également un lieu de promenade et de nombreuses célébrations y avaient lieu en grandes pompes.
Pour éviter, en raison des inconvénients des inondations, que les berges de la Seine se voient désertées, des mesures officielles en cas d’inondations furent instaurées.


Article du Journal de Rouen

VOUS ARRIVE-T-IL DE FRIMER ?



La « frime », ce mot féminin n’est pas récent du tout, car il était déjà employé vers 1450.
« Frimer », pour un être humain, n’est donc pas nouveau !

A cette époque donc, en ce milieu de XVème siècle, on « faisait la frime ». Et « faire la frime », c’était « faire des mines », « faire des grimaces ».

Au fil des ans, le sens de ce mot a continué à dévier.
En 1611, « Faire frime » signifiait « faire semblant ».
Par extension, le mot prit le sens de « tromperie » et « apparence trompeuse », en 1835 ; puis de « supercherie » en 1865, notamment dans la locution « Faire la frime » ; et puis encore de « ce n’est pas sérieux » dans la locution « c’est de la frime ».

Significations successives  du verbe « frimer » :
1836 : Envisager.
1867 : Faire de l’esbroufe.
1878 : Se faire remarquer.

« Faire de l’esbroufe », «se faire remarquer », « montrer une apparence trompeuse »......
Voilà bien le sens que nous connaissons de ce verbe, aujourd’hui.

Frime, frimer, frimeur, frimeuse ........... FRIMOUSSE !

« Frimousse », mot connu depuis 1743, est également un dérivé de « frime », mais dans le sens de « faire des mimiques », « faire de petites manières ».
Depuis 1833, « Frimousse » désigne le visage, et plus particulièrement, celui d’un jeune enfant gracieux ou d’une jeune fille.

Je suis sûre, à présent, que lorsque vous verrez un « frimeur », vous ne pourrez vous empêcher de penser qu’il « fait des grimaces trompeuses, afin de se faire remarquer ». Et vous pourrez aussi le qualifier d’esbroufeur, de bluffeur, de hâbleur .........

La langue française est vraiment très curieuse et très riche !


  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 21 décembre 2016

CURE MINGRAT - Seconde partie




En rentrant de sa journée de labeur, le mercredi 8 mai 1822, à la nuit tombée, Etienne Charnalet trouva la maison vide. Sur la table, toutefois, le repas avait été préparé et l’attendait. Inquiet, ce mari alla voir les voisins qui lui dirent que, vers les six heures, ils avaient vu Marie se diriger vers le village.
Pensant que son épouse avait pris du retard et devait être sur le chemin du retour, il alla à sa rencontre, accompagné de Joseph Charvet, son cousin et de l’épouse de ce dernier. Mais, ils parvinrent au village sans l’avoir vue.
Bien entendu, ils se rendirent au presbytère pour demander au curé Mingrat, si Marie Gérin était toujours à l’église. Antoine Mingrat, contrarié d’être dérangé, répondit sèchement :
« Je l’ai vue, en effet, au moment où je suis allé faire ma prière au chœur ; je l’ai laissée dans l’église et depuis lors je ne l’ai plus revue : elle a l’air d’être un peu égarée ; faites la chercher. »
Après cela, il referma vivement la porte qu’il n’avait, d’ailleurs, qu’entrouverte sur les visiteurs.

Le lendemain, toujours sans nouvelle de Marie, les recherches reprirent.
Joseph Michon, le jeudi 9 mai, trouva sous la Roche, dans la prairie de la veuve Cottin, près d’un noyer à cinq cents mètres de l’église, une place couverte de sang et un couteau dont la lame portait également des traces de sang.
Ce couteau était un couteau de maître, en très bon état, au manche en ébène patiné, avec une lame ordinaire, une lame de canif et un tire-bouchon.
Le curé fut de nouveau interrogé. Il précisa qu’il avait vu, dans l’église, la femme Charnalet faisant « le chemin de croix ». Elle lui avait demandé à être entendue en confession, mais il avait refusé, prétextant en ces termes :
« Mon enfant, vous n’êtes pas mise décemment pour que je vous reçoive au presbytère, encore moins au confessionnal ; d’ailleurs je n’ai pas le temps : revenez demain ».
Il ajouta qu’elle avait continué son « chemin de croix », et que lui, après sa prière, s’était retiré en la laissant dans l’église.


Le jeudi 16 mai, jour de l’ascension, le curé continua sa fonction comme si de rien n’était. Mais, les paroissiens remarquèrent que le « saint homme » semblait préoccupé. En effet, il avait, au cours de l’office, interverti l’ordre des prières.
Pas courant pour un prêtre !
Ce fut ce même jour que fut découvert un membre inférieur (cuisse, jambe et pied), membre attrapé par un homme pêchant au bord de l’Isère.

Les rumeurs qui avaient couru, disant que la jeune femme qui semblait ne pas aller très bien, avait pu mettre fin à ses jours, cessèrent instantanément.
Avait-on déjà vu quelqu’un se suicider en se découpant en morceaux ?

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Les gendarmes vinrent sur les lieux pour enquêter. D’autant plus qu’on venait de retrouver, aux Tauries, sur une des rives de l’Isère, à huit lieues de Saint Quentin, le buste de la malheureuse, ainsi que l’autre jambe dans un fossé, non loin de la cure.

Tout semblait partir du presbytère et de l’église.
Les gendarmes allèrent questionner, encore une fois le prêtre, tout simplement pour observer ses réactions. Les soupçons, toutefois ne l’atteignaient pas encore.
Quoique......

Certaines langues se délièrent.
Certains souvenirs resurgirent.
Les commérages se mirent en marche, coururent, partirent au grand galop....
N’y avait-il pas eu, dans la paroisse de Saint-Aupe, lorsque le curé Mingrat s’y trouvait.......... ?

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Lorsqu’Antoine Mingrat s’était installé à Saint-Aupe, sa tante, ancienne institutrice, l’avait suivi. Dans sa maison, elle avait créé une salle de classe pour y instruire les filles. Une bonne initiative. Le prêtre, sous prétexte de préparer les élèves à la communion, assistait aux leçons. Il faut préciser, toutefois, que certaines n’étaient pas loin de fêter leur quinzième anniversaire.
Plus tout à fait des petites filles !
Les plus grandes, ensemble ou séparément, étaient admises au presbytère pour écouter des « lectures saintes » ou répéter les leçons de catéchisme. Ces séances collectives ou privées étaient considérées par les filles et leurs parents comme un privilège. Personne ne pensait à mal. Auprès d’un prêtre, les filles du village ne risquaient rien.
Pas sûr !

L’une  d’entre elle eut quelques symptômes très caractéristiques.
Dans cette situation, ayant peur de sa mère et ne pouvant se confesseur au curé Mingrat, et pour cause, elle s’en alla dans un village voisin où dans l’obscurité du confessionnal, elle avoua sa faute et ses conséquences.
Le prêtre lui conseilla de se marier avec le père de l’enfant à venir.
Pas possible, évidemment !
Le prêtre insista et voulut savoir si celui-ci était marié.
Que nenni, bien entendu !
Ce fut avec peine que le prêtre arracha à sa pénitente le nom du géniteur.
Secret de la confession. Rien ne passa la porte du confessionnal.
L’affaire fut connue par une indiscrétion venue on ne sait d’où, ainsi que bien d’autres choses encore qui arrivèrent aux oreilles de l’Eglise qui s’empressa de déplacer ce prêtre indélicat.

Et le jeune fille, me direz-vous ?
Elle disparut, un jour, et on ne l’avait jamais revue.

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L’affaire de « la disparition » de Marie Gérin fit ressortir cette sombre histoire.

La maréchaussée dépêchée sur place enquêta.

Madame de Saint-Michel, une ancienne religieuse, qui se trouvait dans l’église le soir de la disparition, affirma avoir vu Marie Charnalet. Lorsqu’elle était partie, la jeune femme était toujours en prière. Madame Saint-Michel dit aussi ne pas avoir vu le prêtre.


La servante du curé fut entendue également, une première fois, au presbytère de Saint-Quentin, où elle se montra hésitante, bredouillante, perdue. Elle semblait craindre et même avoir peur.


Le corps incomplet de Marie Gérin, épouse Charnalet fut inhumé.
Sur le registre de l’état civil de Saint-Quentin-sur-Isère, on peut lire :

Je soussigné Victor Gerard, juge de paix du canton de Tussin, arrondissement de St Marcellin, Département de l’Isere à la requisition d’Etienne Charnalet cultivateur habitant à St Quentin au hameau du Gît et sur l’attestation du Sieur Louis Guillet propriétaire cultivateur âgé de quarante-sept ans, d’hypolite Biron, Scieur de long âgé de trente-un ans, de nicolas Lespiade marinier âgé de trente-neuf ans et de  Joseph Blandoit propriétaire cultivateur âgé de vingt-huit ans tous habitant au lieu dit St Quentin.
Certifie qu’il est de notoriété publique que pendant la nuit du huit au neuf du mois de mai dernier, Marie Gérin femme dudit Etienne Charnalet a été assassinée en sortant de l’église audit lieu de Saint Quentin où elle s’était rendue pour remplir un devoir religieux et se mettre en état d’aller communier le lendemain neuf du mois de mai dans l’eglise paroissiale de Vauray avec les enfants faisoient leur premiere communion que son acte de décés n’a pas été inscrit sur le registre de l’état civil parce que le corps de cette malheureuse femme ayant été dépecé et jetté  une partie dans la riviere d’isere et une partie dans un fossé plein d’eau, l’on n’a pu être assuré de la fin qu’elle avait faite que plusieurs jours après.
En foi de quoi nous avons signé le présent avec les attestants et notre greffier, excepté Nicolas Lespiade qui a déclaré ne le savoir faire.
Délivré à Tussin le six juillet mil huit cent vingt deux.


Après l’inhumation de la pauvre Marie Gérin, les autorités passèrent au presbytère pour emmener la servante du curé afin de subir un second interrogatoire, plus musclé celui-là. Il fallait lui faire avouer ce qu’elle avait vu au cours de la nuit du 9 mai 1822. Son témoignage était capital.
Il fut difficile de la faire parler car elle fit d’abord des réponses vagues et insignifiantes. Il fallut l’impressionner, lui faire peur même, ce qui ne fut pas réellement difficile, la pauvre étant déjà terrorisée.
Alors, tremblante, elle raconta en essayant d’être le plus précise possible.


Ce soir-là, le clerc de l’église, le nommé Rafflin, était venu demander le curé. Aussitôt, elle l’avait appelé car il se trouvait au premier étage. N’ayant obtenu aucune réponse, elle était allée frapper à sa porte. Pas de réponse. Mais elle avait perçu des gémissements comme si quelqu’un se trouvait mal. Inquiète, elle avait essayé d’ouvrir la porte afin de porter secours au curé qu’elle pensait être au plus mal.
Ce fut à ce moment que le curé lui avait crié d’une manière peu aimable : « Marie, descendez, je suis à vous dans un instant. »
Alors, elle était redescendue. Peu de temps après, le curé Mingrat était apparu sur le palier. 
« Qui me demande ? avait-il hurlé.
Alors, elle lui avait expliqué que c’était Monsieur Rafflin.
Au nom de Monsieur Rafflin, le curé n’était pas descendu, n’avait rien répondu. Il était de nouveau rentré dans sa chambre et avait fermé la porte à clef.
Monsieur Rafflin s’en était donc allé, comme il était venu.

La servante avait fait une pause. Puis avait poursuivi sa narration.

L’attitude du curé l’intriguait toutefois, aussi, elle était remontée, tout doucement et sur le palier, elle avait collé son oreille contre la porte, précisant bien que ce n’était pas son habitude, mais que tout ceci lui paraissait bien étrange.
A l’intérieur, il y avait toujours des plaintes et puis aussi des bruits comme des meubles qu’on déplace en les trainant. Puis plus rien. Le silence.
Alors, ne voulant pas être surprise, aussi doucement que possible, elle était redescendue dans la cuisine où elle avait préparé le repas.

Quelques instants plus tard, le curé l’avait rejointe. Sa tenue était en grand désordre et l’expression de son visage était à faire peur.
Quand elle l’avait vu elle lui avait dit :
« Ah , Monsieur que vous m’avez fait peur, j’ai cru que vous vous trouviez mal, et que vous alliez mourir ! »
Le prêtre lui avait répondu, bruitalement :
« Taisez-vous, vous êtes une bête ! »

La servante dit lui avoir servi son repas auquel il ne toucha pas. Il l’avait ensuite envoyée porter le journal chez M. Heurand dont la maison se situait à une petite demi-heure du presbytère.
Quand elle était revenue, il y avait un grand feu dans la cheminée, alors qu’avant de s’absenter, elle avait, comme chaque soir, recouvert les braises de cendres pour la nuit. Quand elle était allée fermer la porte de la basse-cour, elle avait aperçu des gouttes de sang sur la paille et des cendres mêlées de quelques morceaux de linge brûlés sur lesquelles avait été jeté de la terre.
Le curé, la voyant revenir, avait semblé très contrarié. Il lui avait demandé de partir et d’aller se coucher. Elle avait bien senti qu’il voulait se débarrasser d’elle.

Après cette « confession », la pauvre Marie, la servante du curé, fut remise en liberté. Elle quitta Saint-Quentin-sur-Isère et s’installa près de Moiran, chez des parents.

Le couteau, celui plein de sang, retrouvé dans la prairie de la veuve Cottin, fut formellement identifié par Monsieur Clare, coutelier à Grenoble. C’était un couteau qu’il avait fabriqué et il se souvenait parfaitement l’avoir vendu à Monsieur Mingrat, curé de Saint-Quentin.


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Voici quelques extraits du
jugement rendu contre Mingrat par la Cour d’assises de Grenoble (Isère)


Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous presens et à venir, salut.
La Cour d’assises du département de l’Isère, séant à Grenoble, a rendu l’arrêt dont la teneur suit.
Du 9 décembre 1822.
La Cour d’assises du département de l’Isère séant à Grenoble, presens messieurs de Noailles, président ; Trusché, Bazil, Bardet, conseillers, et de Gilbert, conseiller auditeur ; tous délégués par ordonnance de M. le premier président de la Cour royale de Grenoble, pour former la Cour d’assises, sauf M. de Noailles qui a été nommé par ordonnance de son excellence monseigneur le garde des sceaux ; présent aussi M. Coffarel avocat général.
En la cause, sur l’accusation du crime d’assassinat, précédé ou accompagné de viol, portée contre Antoine Mingrat, ancien recteur de Saint-Quentin, contumax ; vu par la Cour d’assises, l’arrêt rendu par la Cour royale de Grenoble, le 5 août 1822, portant accusation contre Antoine Mingrat, et renvoi de ce dernier devant la Cour d’assises du département de l’Isère, le dit arrêt renfermant ordonnance de prise de corps contre cet accusé.
Vu l’acte d’accusation rédigé en exécution du sus dit arrêt de renvoi lequel est amené par le resumé suivant :
En conséquence, Antoine Mingrat est accusé :
1° D’avoir, dans la nuit du 8 au 9 mai 1822, volontairement et avec préméditation, homicidé Marie Gérin, femme d’Etienne Charnalet, cultivateur au Gît, hameau de la commune de Saint-Quentin ; ce qui constitue le crime d’assassinat prévu par les articles 295, 296 et 302 du code pénal ;
2° D’avoir, dans la même nuit, audit lieu de Saint-Quentin, et dans les instans qui auraient précédé ou accompagné l’assassinat, commis sur la personne de Marie Gérin, femme Charnalet, et ce, à l’époque où ledit Mingrat était ministre du culte, le crime de viol prévu par les articles 331 et 332 du code pénal ;
.....................
Ouï M. l’avocat général en sa réquisition mentionnée au procès verbal séparé du présent, et ce, relativement à l‘application de la peine ;
L’affaire mise en délibération, le président ayant posé toutes les questions résultant de l’acte d’accusation, et recueilli les voix dans l’ordre prescrit par la loi ;
La Cour déclare Antoine Mingrat coupable d’avoir, dans la nuit du 8 au 9 mai 1822, en la commune de Saint-Quentin, volontairement et avec préméditation, homicidé Marie Gérin, femme d’Etienne Charnalet ; mais le déclare non coupable d’avoir dans les instans qui ont précédé ou accompagné cet homicide, commis le crime de viol sur la personne de ladite Marie Gérin, femme Charnalet.
...........................
Article 295 L’homicide commis volontairement est qualifié de meurtre ;
Article 296 Tout meurtre, commis avec préméditation ou de guet-à-pens est qualifié d’assassinat ;
Article 302 Tout coupable d’assassinat, de parricide, d’infanticide et d’empoisenement, sera puni de mort, sans préjudice de la disposition particulière contenue en l’article 13, relative au parricide ;
......................
Article 12 Tout condamné à mort aura la tête tranchée ;
.........................
La Cour condamne Antoine Mingrat à la peine de mort et aux frais de la procédure, liquidés à la somme de 425 fr 25 c.
Ordonne que l’exécution se fera sur la place publique, dite Grenette, de la Ville de Grenoble.


Qu’est devenu Antoine Mingrat ?
Avec quelle complicité put-il quitter la France sans être inquiété, juste avant d’être arrêté ?
Il se refugia en Savoie, terre appartenant au roi de Piémont-Sardaigne, où toutefois il fut arrêté et enfermé à la Forteresse de Fenestrelles dans le Turinois, conservant ses indemnités annuelles, versées par l’évêché de Grenoble.

La famille de Marie Gérin remua ciel et terre et interpela les autorités supérieures qui firent la sourde oreille.
Le frère de Marie, bijoutier et fabricant d’acier à Paris, possédant une petite fortune, aida son beau-frère, Etienne Charnalet, pour que justice soit rendue et que  Antoine Mingrat soit ramené en France afin d’être exécuté, comme le notifiait le jugement rendu par contumace.
Tous deux écrivirent un document intitulé : « Précis historique sur Mingrat, ex-curé de Saint Quentin (Isère), qu’ils vendirent sur les marchés à travers toute la France pour que l’histoire soit connue et qu’ils soient soutenus par le public rallié à leur cause.
Ils ne récoltèrent que des ennuis, poursuivis par les forces de l’ordre et emprisonnés plusieurs années.
Antoine Mingrat s’évada de la forteresse de Fenestrelles, personne ne sut comment, et disparut dans la nature.
A présent, il doit être décédé, évidemment, mais je ne peux vous dire où et quand.


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Quant à la famille Mingrat....
Rose Mingrat Doublier n’obtint pas son diplôme de sage-femme et revint s’installer à Grand-Lemps chez son mari. Je suppose que les querelles conjugales reprirent de plus belle.
Rose Doublier, épouse Mingrat,  décéda le 19 juin 1839.
Acte de décès – juin 1839 – Grand-Lemps.
Du dix-neuf juin dix-huit cent trente neuf à sept heures du matin par devant nous ..... est comparu Clavel Etienne bourrelier et Joseph Charvet marchand tailleur âgé de vingt-sept ans tous deux domiciliés à Lemps lesquels nous ont déclaré qu’aujourd’hui à quatre heures du matin Rose Doublier épouse d’Etienne Mingrat charron est décédée dans son domicile à Lemps agée d’environ septante quatre ans........

Etienne Mingrat décéda vingt-sept mois plus tard, le 18 septembre 1841.
Acte de décès – septembre 1841 – Grand-Lemps.
Par devant nous ....... le dix-neuf septembre mil huit cent quarante un à dix heures du matin ont comparu Etienne Serpinet âgé de cinquante-huit ans et Joseph Muhallet âgé de trente-trois ans tous deux cordonnier, domiciliés audit Grand-Lemps, lesquels nous ont déclaré qu’hier à neuf heures du soir, Etienne Mingrat journalier demeurant audit lieu leur voisin et veuf de Rose Doublier est décédé dans son domicile âgé de quatre-vingt ans.......

Je n’ai retrouvé aucune trace de Joseph Barthélémy Mingrat, le second fils du couple.

Une histoire qui divisa un temps le village de Saint-Quentin en deux clans.
Celui qui accusait ouvertement le curé d’être un assassin et souhaitait le voir puni pour son crime.
Celui qui criait bien haut et fort que leur curé était innocent, accusant le mari d’être l’auteur du meurtre de sa femme.
L’ambiance devait être charmante en ce lieu lorsque le nouveau curé prit ses fonctions. Sa principale mission qui lui incomba fut incontestablement d’apaiser les esprits. Une bien lourde charge !


Nous ne connaitrons jamais le fin mot de l’histoire, si ce n’est qu’il y a eu une victime, Marie Gérin dont le pasteur Ravix de Monteau disait d’elle :
« Cette femme, ensemble de sagesse et d’amabilité, avait de l’éducation, même de l’esprit, une prudence à toute épreuve et une piété très éclairée ».




Pour écrire cette histoire, j’ai lu les documents et ouvrages suivant :
·         Précis historique sur Mingrat, ex-curé de Saint-Quentin (Isère)
Dory Charnalet (1826)
·         Mémoire par M. Bossan adjoint du Maire de la commune de Saint-Quentin
·         L’abbé Mingrat – oeuvre complète - par Paul Louis Courrier
Les œuvres ci-dessus énoncées sont consultables via internet

Les grandes affaires criminelles en France
sous la direction de Eric Alary – Nouveau monde editions.



dimanche 18 décembre 2016

PERE NOEL VIENDRAS-TU ?

A tous les enfants sages .... et moins sages.

Père Noël, viendras-tu ?


Dehors, tout était calme.
Le soleil s’était couché depuis bien longtemps.

Le nez collé à la vitre de la fenêtre, Pauline regardait la grosse lune qui éclairait la nuit d’une pâle clarté  et dont les rayons  faisaient étinceler la neige qui recouvrait le jardin.

C’était l’hiver. C’était une nuit d’hiver.

Mais était-ce une nuit comme les autres ?
Pas tout à fait, car c’était la nuit de Noël.

Pauline rêvait en regardant l’astre blafard. Puis, des yeux, elle parcourut le jardin qui, revêtu de son manteau blanc, lui semblait bien étrange.

Etait-ce vraiment le jardin,  dans les allées duquel elle courait ce matin ?

Quelques flocons blancs voltigeaient. La nuit semblait irréelle.


Tout à coup, Pauline sentit une légère angoisse, là, au creux de l’estomac.

C’était la nuit du père Noël ?
Et si elle n’avait pas été assez sage ?
Et si le Père Noël ne passait pas cette nuit ?


Elle se sentit désemparée, les larmes lui montèrent aux yeux.

« Mais, j’ai été sage, se dit Pauline, je n’ai pas fait trop de bêtises. »

Le « trop » était de trop, cela voulait dire qu’elle avait fait, tout de même, quelques bêtises. Là, Pauline ne fut plus sure du tout de sa sagesse.

« Mais ce n’était que de toutes petites bêtises …. »

En effet, elle ne pouvait pas être bien grosses les bêtises de Pauline. Il suffisait de la regarder avec ses cheveux blonds, sa jolie frimousse, son sourire enjôleur.
Ne lui disait-on pas qu’elle était une adorable petite fille ? Alors ?...

Alors, oui, mais est-ce que le Père Noël savait, lui, qu’elle était une adorable petite fille ?
Est-ce que le Père Noël n’allait pas voir que les bêtises ?

Se ressaisissant, Pauline réfléchit.

« Je vais attendre le Père Noël, et je vais tout lui expliquer. Bien sûr, j’ai fait quelques bêtises, mais elles étaient petites, petites, toute petites, vraiment minuscules. »

Le nez collait à la vitre, Pauline scrutait le ciel. Avec cette magnifique pleine lune, elle verrait le Père Noël arriver. Elle ne pouvait donc pas manquer le rendez-vous.


Elle s’installa confortablement et son attente commença.

« Que c’est long, se disait Pauline. Quand va-t-il arriver ? C’est vrai qu’il doit avoir beaucoup de travail cette nuit. »

Sans relâcher sa surveillance, Pauline commença à se frotter les yeux (sûrement à cause du marchand de Sable qui était passé, sans bruit). Elle bâilla une fois,  deux fois, à s’en décrocher la mâchoire.
Elle luttait contre ce maudit sommeil qui allait l’empêcher de plaider sa cause auprès du Père Noël.


Ce fut alors que le Père Noël arriva.
Pauline fut très intimidée.
Pensez donc le Père Noël !

Il était vraiment très impressionnant et tout à fait comme dans les livres. Personne ne pouvait douter de son identité.

« Bonjour Pauline, lui dit-il en lui tapotant la joue. Ne devrais-tu pas être au lit ? Ne sais-tu pas que les enfants ne doivent pas me voir ? »

La petite fille médusée, restait sans voix. Elle se sentait en faute car, en effet, elle devrait être au lit.

« Zut ! pensa-t-elle. C’est encore une bêtise. Je n’ai vraiment pas de chance. 

-  Bon, et bien maintenant, vas te mettre au lit, continua le père Noël, devant le silence de la fillette. C’est la nuit de Noël et je ne vais pas te gronder. Je vais même oublier les petites bêtises que tu as faites cette année, mais à une condition, que l’année prochaine, tu sois bien sage. Je peux te faire confiance ?

Et le Père Noël ponctua sa phrase en déposant un baiser sur les cheveux de l’enfant.


Le jour avait envahi la petite chambre. Par la fenêtre, on pouvait voir voltiger des flocons blancs sous un ciel plombé.
Pauline ouvrit les yeux. Elle était bien au chaud dans son lit. Comme elle avait bien dormi !


Elle se leva.

Toute la maisonnée était encore endormie. Elle descendit sans bruit l’escalier qui menait au rez-de-chaussée, poussa doucement la porte menant au salon et là, devant ses yeux émerveillés, sous le sapin illuminé, le Père Noël avait déposé des paquets enrubannés.

La fillette se promit alors d’être bien sage maintenant. Du moins, elle ferait tout son possible pour l’être, car elle n’était encore qu’une petite fille.



Noël 2009 – Texte écrit pour une de mes petites filles

jeudi 15 décembre 2016

COLLATION D'ANTAN



Si vous demandez à un enfant si il veut « collationner », il vous regardera sûrement de travers comme l’a fait une de mes petites-filles.
Elle n’avait pas compris ce mot.
C’est vrai, aujourd’hui, « on goûte ».

Quand j’étais enfant, je prenais, en rentrant de l’école, une collation.

Ce mot, « collation », remonte au milieu su XVème siècle.
Non !! Je ne suis pas aussi âgée que cela !
Au XVème siècle, disais-je, il désignait un repas léger, pris le soir.

Un siècle plus tard, vers 1590, il était employé plus spécialement pour un repas léger, fait le soir, toujours, mais par les catholiques en période de jeûne, repas composé essentiellement de fruits.

Au XVIIème siècle, peu à peu, il se voit remplacé par « goûter » - « pique-nique » - « souper » - « en-cas », et même « réveillon ».

Je peux tout de même vous préciser qu’une collation, lorsque j’étais gamine, consistait en une tranche de pain, une vraie de vraie, pas une « tranchinette » de pain de mie, beurrée et tartinée de confiture ou accompagnée de « carrés de chocolat » ou encore beurrée et saupoudrée de poudre de cacao, tartine déposée pendant quelques minutes dans le four de la cuisinière à charbon afin que, fondant, le beurre se mêle au chocolat. Un régal !
Une collation, c’était du solide !

« Goûter » laisse un goût de trop peu.... du bout des papilles......
« Pique-nique », celui de petites choses peu consistantes.....
« En-cas », une vision de broutilles légères......
Quant à « Réveillon », il consistait dans les siècles passés, en un partage de fruits secs et d’oranges, au cours d’une veillée, après la messe de minuit......
Aujourd’hui, on y a ajouté huîtres, Dinde farcie, bûche glacée et meringuée ou débordante de crème pâtissière. Rien à voir avec  celle qu’on apportait pour alimenter les flammes de l’âtre.

Les temps changent.
Les mots dérivent au fil de l’évolution des habitudes.

Mais moi, j’aime ce mot et l’emploie toujours pour mon « petit quatre heures », que je prends d’ailleurs à « five o’clock », avec une bonne tasse de thé..... « so british ! »


  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert