dimanche 28 février 2016

TROTTE MENU ET LE PETIT LIONCEAU - CHAPITRE 2


Trotte-Menu se prépara à partir, mais avant, elle alla embrasser son cher filleul, cause de tous ces problèmes, mais qu’elle chérissait tant. Elle le trouva courant, maladroit et pataud, après un papillon.
Puis, bien déterminée à trouver rapidement une solution, elle partit d’un bon pas.
Il lui fallut, dans un premier temps, découvrir où vivait Monsieur-Hibou-l’apothicaire.
Elle rencontra une perdrix qui faute de pouvoir chanter, en raison de la nouvelle loi, répétait à voix imperceptible les notes de la gamme :

Do, ré, mi, pauvr’ perdrix
Mi, fa, sol, sur le sol
Fa, mi, ré, sans chanter
Mi, ré, do, est dingo !

« Bonjour, lança Trotte-Menu

Do, ré, mi, p’tit’ souris
Mi, fa, sol, toute seul’
Fa, mi, ré, très pressée
Mi, ré, do, …….

« Je cherche Monsieur-Hibou-l’apothicaire, coupa Trotte-menu. Sais-tu où il habite ?

Do, ré, mi, dans son nid
Mi, fa, sol, en faux-col
Fa, mi, ré, en forêt
Mi, ré, do, sur l’ bouleau

« Bon, mais où se trouve cette forêt ? demanda-t-elle encore.

Do, ré, mi, pas d’soucis
Mi, fa, sol, je m’envol’
Fa, mi, ré, suis-moi d’ près
Mi, ré, do, et presto

La perdrix s’envola, laissant clouée au sol et sans voix notre petite messagère.

Plus loin, une sauterelle faisait de la balançoire sur un brin d’herbe poussé par le vent.
« Bonjour ! dit la petite souris.
-          Salut, rétorqua la sauterelle. Que cherches-tu ?
-          Je souhaite rencontrer Monsieur-Hibou-l’apothicaire. Sais-tu où il demeure ?
-          Je n’en ai aucune idée, répondit la sauterelle. Je ne quitte jamais ce champ et avec cette chaleur, je n’ai pas le courage de sauter bien haut. Les arbres sont trop élevés pour moi, je n’en vois que les troncs. Va voir Madame-Grenouille, peut-être pourra-t-elle te renseigner.
En effet, un peu plus loin, près d’un point d’eau minuscule, Madame-Grenouille faisait « bronzette ».

« Bonjour ! dit Trotte-Menu.
-          Coa ! Coa ! répliqua Madame-Grenouille.
-          Bonjour ! insista la souris, pensant que Madame-Grenouille n’avait pas bien entendu.
-          Coa ! Coa ! répéta Madame-Grenouille
-          Bonjour !! hurla cette fois la petite souris, de toute la force  de ses cordes vocales.
-          Coa ! Coa !......

Et ce fut tout ce que Trotte-Menu put tirer de ce batracien, aussi, reprit-elle son chemin, en murmurant.
« Je pense que le royaume subit une épidémie. Les maladies d’oreilles gagnent à grands pas ! »
Elle marcha un bon moment, en silence, puis levant les yeux, elle aperçut, voletant gracieusement au-dessus d’elle, un papillon aux couleurs chatoyantes.

Ce fut lui, cette fois, qui entama la conversation.
« Bonjour ! Où cours-tu si vite ?
-          Je cherche la demeure de Monsieur-Hibou-l’apothicaire. Peux-tu m’en indiquer le chemin ?
-          Je viens de sortir de mon cocon. Ne vois-tu pas que mes ailes sont encore humides et froissées ? Je ne connais encore rien de ce monde. Oh, regardes la jolie fleur là-bas ! N’est-elle pas admirable ? Au revoir !
Et d’un coup d’aile agile, le papillon disparut à la découverte du monde, laissant Trotte-Menu, seule, avec toujours la même question à résoudre.

« Hou ?  Hou, habitait Monsieur-Hibou ? Hou ? Hou ? »

Elle avançait droit devant elle, mais était-ce la bonne direction ?
Elle arriva enfin dans une forêt. Etait-ce le domaine de Monsieur-Hibou, l’apothicaire ?
Que faire pour le savoir ?
Personne en vue et de plus, le jour commençait à décroître.

« Hou ? Hou ? Monsieur-Hibou ? Etes-vous là ?

Au loin, prêtant l’oreille, elle crut entendre : « Hou ! Hou ! »



Pleine d’espoir, Trotte-Menu se dirigea vers l’endroit d’où semblait provenir la voix.
« Monsieur-Hibou ?
-          Hou ! Hou ! répondit la voix.
La petite souris leva le nez et elle l’aperçut enfin,  perché sur une branche, à la clarté de la lune montante, chaussé de grosses lunettes rondes. Il avait vraiment fière allure.
Monsieur-Hibou jouissait, dans le royaume, d’une excellente réputation. Il connaissait toutes les plantes et avec elles qu’il dosait avec précision, composait de savants mélanges assurément très efficaces. Il possédait également des notions d’anatomie.
Un seul problème toutefois, à la connaissance de notre petite amie, résidait en ce que Monsieur-Hibou n’avait suivi que les cours du soir, car le jour, il s’endormait sur ses cahiers. Aussi, était-il évident qu’il avait quelques lacunes dans ses connaissances médicales.
Pouvait-il, de ce fait, répondre à toutes les questions ?

« Monsieur-Hibou, je suis Trotte-Menu, je viens vous demander conseil.
-          Hou ! Hou ! répéta Monsieur-Hibou, en regardant vers le sol. Que voulez-vous ?
-          Je viens vous demander conseil. Que connaissez-vous sur les problèmes d’oreilles ?
-          Je n’y entends rien, coupa net Monsieur-Hibou.
-          Ça y est, pensa la souris, encore un ! Ma parole, c’est un virus !.....

Puis, ne voulant pas démissionner trop vite, elle se risqua plus avant dans la conversation.

« Vous n’avez pas une petite idée, pour remédier à des problèmes auditifs ?
-          Nullement, répondit l’apothicaire, mais je peux consulter mes livres. Hou sont-ils ? Hou ? Hou ?....et il prit son envol, laissant sur place Trotte-menu, complètement désemparée. Elle attendait tant de cette consultation !

Elle s’en fut, au milieu de la nuit, mais fatiguée, elle se blottit au creux des racines d’un arbre, et s’endormit, pensant que la nuit portant conseil, elle aviserait à son réveil.



CONCLUSION DU SUJET DE "A VOS PLUMES" DE FEVRIER 2016

La fratrie !

Il y aurait beaucoup à dire…… On a d’ailleurs beaucoup dit et écrit concernant les relations entre les frères et les sœurs.

Quand on est fils unique, on rêve d’un « second soi » à qui se confier, avec qui partager.
Ce fut le cas de Maxime Leforestier, qui en a fait une très jolie chanson « Toi, le frère que je n’ai jamais eu ».

Mais, quand ont fait partie d’une nombreuse fratrie, on rêve d’être « enfant unique ».
Il faut avouer qu’être l’aîné n’est pas facile.
Objet de toutes les attentions pendant un certain laps de temps, car seul, l’enfant doit partager, ce qu’il croit acquis à lui seul, l’amour de ses parents et de toute la famille, et partager ce qu’il possède.
Alors,  la jalousie guette…… et l’enfant développe des animosités envers celui, celle ou ceux qui arrivent au foyer.
Mais pour les suivants, cela n’est pas plus facile, chacun à son tour doit trouver sa place, une place que certains ne trouveront jamais.

La littérature est pleine d’exemples :

Prenons ce « poil de carotte », dernier des trois enfants du couple Lepic. Les vexations que lui impose  sa mère ayant mal vécu cette grossesse non désirée et marquant une préférence marquée pour ses deux aînés, vont faire jaillir en ce jeune garçon des questionnements. Il n’est pas l’enfant de ce couple, il a été adopté. La preuve ? N’est-il pas le seul à être roux ?
On assiste alors à des révoltes incessantes et des affrontements, de plus en plus sévères, avec sa mère, face à un père inexistant.
Un grand-père, attentif lui, expliquera ce que ses parents auraient dû lui dire. Pas facile d’avoir un enfant non désiré… mais ce n’est pas pour cela qu’on ne l’aime pas. Adopté, lui ? Quelle idée ! Sa chevelure rousse, il la tenait de lui, le grand-père, dont les cheveux à présent étaient de neige.
Mais ces non-dits ont provoqué une cassure et Poil-de-carotte demandera à partir en pension, loin des siens.


Prenons un autre exemple, sous la merveilleuse plume de « mon cher Maupassant ».
Son roman, « Pierre et Jean », montre bien tout  ce que la jalousie peut engendrer.
Monsieur et Madame Roland ont deux fils. Pierre, brun, ayant fait des études en médecine et Jean, Blond, licencié en droit, souhaitant devenir avocat.  Pierre est l’aîné, Jean est né cinq années après. Tout semble séparer les deux frères trop différents l’un de l’autre.
Jean a un riche parrain, M. Maréchal.
Monsieur Roland lorsqu’il prit sa retraite, il était bijoutier à Paris, vint s’installer avec sa famille au Havre. Les deux garçons, ayant fini leurs études, souhaitent s’installer aussi dans cette ville, près de leurs parents.
Pierre est jaloux de son frère. Cette jalousie va s’amplifier au moment où M. Maréchal décède et lègue toute sa fortune à son filleul.
Dès lors, dans la tête de Pierre, s’enclenche un processus infernal.
Si cet homme a donné tout son argent à son frère, c’était qu’il était son fils. Sa mère avait donc fauté….. Haine allant jusqu’à la persécution, car il harcèlera sa mère de questions. Fouillant dans sa vie d’une manière machiavélique, il découvrira cette vérité, ce secret bien gardé. Oui, sa mère avait eu une liaison …….
Un ingénieux travail d’écrire de Maupassant dans l’amplification de cette jalousie tout au long des pages.
Tout comme notre Poil de Carotte, Pierre coupera les liens familiaux, s’embarquant comme médecin sur un transatlantique. Sa mère étant morte de chagrin.



Dans « La Mandarine », Christine de Rivoyre, nous peint l’histoire tranquille d’une famille. Dans un hôtel qu’ils gèrent ensemble, vivent Mémé Boul,  la grand-mère, Séverine, petite-fille de Mémé Boul  et son mari Georges qui est également son cousin, et deux autres de ses petits-enfants Laurent et Baba, frère et sœur de Séverine.
Dans ce roman, l’amour est très fusionnel entre les frère et sœurs.
Cet amour sera à peine perturbé par la venue d’un jeune homme anglais, Toni, duc de Barbillo, ami de leur frère. Pourtant, les deux sœurs en tombent éperdument amoureuses. Séverine plus âgée se sent rajeunir et malgré son mariage cherche à séduire. Finalement, le beau jeune homme demandera la main de Baba, ramenant à la réalité Séverine qui acceptera ce choix. N’a-t-elle pas la chance, elle, d’avoir un merveilleux mari qui n’a d’yeux que pour elle ?
Une très belle histoire à lire et qui fut l’objet d’un film avec Annie Girardeau dans le rôle de Séverine et Philippe Noiret dans celui de Georges.


Que direz-vous des « Enfants terribles », le premier livre de Jean Cocteau à avoir rencontré un succès public ? Pas tout à fait un roman, mais un conte fantastique.
L’histoire se passe à Paris.
Deux enfants, frère et sœur, Paul et Elisabeth,  auxquels s’ajoute Gérard un ami, livrés à eux-mêmes, en vase clos dans la chambre de Paul qui blessé  par une pierre dissimulée dans une boule-de-neige est contraint à garder la chambre.
Retranché ainsi du monde extérieur, ils vont se recréer un monde imaginaire. Devenant ainsi héros de  diverses légendes loin, de la réalité des adultes. Ils y mettent tout ce qu’une légende demande, trésor, bataille,  amour  et mort. Ce monde ne sera même pas troublé par le décès de la mère de Paul et Elisabeth, souffrant de mélancolie depuis bien longtemps.
Recueillis par un oncle, ils seront encore plus livrés à eux-mêmes, ce qui renforcera l’amour fusionnel qui les unit. Ils vivront alors libres niant totalement leur environnement.
Les années passent, les sentiments changent, mais le frère et la sœur resteront toujours soudés…… jusqu’à la mort.

Il y a aussi « l’échappée belle », d’Anna Gavalda.
Deux frères et une sœur qui devenus adultes s’échappent tous trois alors qu’ils assistent au mariage d’une cousine. Trop lourde pour eux, cette cérémonie, ils souhaitent un moment rompre avec leur quotidien et leurs soucis ! Ils vont décider de rejoindre le dernier de leur fratrie qui vit  au fin fond de la campagne Tourangelle.
Un temps, tous quatre vont retrouver le chemin de leur enfance.
Il y a là, Simon, Garance la narratrice de ce roman, Lola et Vincent.
Bien sûr, il y  a des infinités plus ou moins marquées entre eux selon leurs pôles d’attraction, mais la fratrie est solide.
Cette escapade va-t-elle les aider à affronter avec plus de force leur vie ?
Assurément.


Le roman « La petite Fadette » que George Sand a écrit en 1849, a toujours autant de fraîcheur.

Il s’agit là de l’histoire de la séparation de jumeaux âgés de quatorze ans, Landry et Sylvinet.
Dans les fratries de jumeaux, il y en a toujours un plus fort que l’autre. C’est la trame et le drame de ce récit. Landry s’accoutume à sa nouvelle vie, sans son frère, alors que  Sylvinet voit son chagrin augmenter de jour en jour jusqu’au moment où celui-ci disparaît. Landry, inquiet,  le recherche en vain. Il demande de l’aide à une vieille femme, Fadet, que l’on dit un peu sorcière.
Une belle page de littérature où l’amour de ces jumeaux se mêle aux superstitions.

Et puis, « la Sœur de Gribouille » livre de la Comtesse de Ségur que j’ai dévoré lorsque j’étais enfant.
Gribouille, un peu nigaud, est à la charge de sa sœur Caroline depuis la mort de leurs parents.
Elle veille sur lui comme elle le ferait avec son petit, mais, lui aussi, la protège, avec son franc parlé de « bouffon ». Il est « fada », certes, mais ses vérités font mouche !
Un livre plein de fraîcheur, peut-être parce qu’il a bercé mes jeunes années.


Vous trouverez aussi de charmantes nouvelles dans « 13 à table ! », un livre écrit par douze écrivains (dont Françoise Bourdin – Michel Bussi – Douglas Kennedy….) qui ont planché sur le sujet de la fratrie  et qui est édité par « Pocket » au profit des « Restos du Cœur ». Je vous le recommande vivement, j’ai passé un excellent moment en le lisant. Vous y trouverez tous les sentiments ressentis par « ses frères et sœurs ». Même dans les pires cas, il y a toujours un peu de tendresse dans le cœur de chacun d’eux.

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En conclusion de tout ce qui précède, je dirai que les jalousies n’apportent rien.
Le second et les suivants, n’ayant pas demandé à venir au monde, ne doivent pas subir de la part de leurs aînés, réflexions et vexations, voire haine.
Il est vrai que dans certaines familles, les préférences sont flagrantes pour un enfant en particulier. Les autres en souffrent, c’est évident. Obtenir plus d’amour de la part des parents est la première rivalité de la vie.
J’en ai pour ma part souffert, ayant été pour mon frère aîné la pire des calamités lorsque je suis arrivée au foyer parental. Cela faisait déjà longtemps qu’il était seul et cela lui convenait parfaitement.
Pourtant, il a été « mon grand frère » !! Et moi, je n’ai jamais été son ennemie.

Parents qui me lisaient, faites très attention, la moindre parole, le moindre geste qui vous ferez à un de vos enfants, peuvent être pris pour une préférence, par un autre.
Pas facile la famille !

Complexe et fragile, la fratrie !

mercredi 24 février 2016

1770 – SOUHAITEZ-VOUS LA SUITE ?


  
Une bête qui en rappelle une autre

20 juillet 1770

« On a vu marcher les plus fameux chasseurs pour détruire il y a un tems (sic) la terrible Hyene (sic), ou plutôt les loups qui ont fait trembler le Gévaudan ; nous avons dans nos environs de quoi les éxercer (sic), où probablement quelques uns de ces animaux ont fait depuis un tems du ravage ; une jeune fille a été étranglée, & plusieurs autres personnes très-maltraitées, dans les paroisses aux environs de Ry, au Pays de Caux. On dit l’animal qui a fait ce dégât, plus haut & plus allongé qu’un loup, la gueule plus grande, & de couleur roussâtre : nombre de personnes l’ont vu ; plusieurs Gentilshommes & autres l’ont chassé sans pouvoir le joindre ; il a jetté (sic) la terreur dans nos environs, & les femmes sur-tout (sic) n’osent sortir. M. l’Intendant, dont le zèle ne connoit point de bornes, a fait afficher aux portes des Eglises, dans les endroits où cet animal a été vu, que celui qui le tueroit, recevroit une bonne récompense. »


Pour la récompense, la dépouille d’une « louve pleine » valait plus que celle d’une louve,
d’un loup ou d’un louveteau. Une condition à l’obtention  de cet argent, la bête présentée devait être entière.
Certains auraient-ils eu l’audace de présenter deux demi-bêtes pour doubler la prime ?

Mais à cet article, succéda le suivant ….

3 août 1770

« Le Bête dont nous avons parlé précédemment, n’a point encore été tuée ; elle a attaqué il y a quelques jours plusieurs personnes, & notamment un jeune Garçon de la paroisse d’Auzouville, à qui elle a fait 9 à 10 trous à la gorge ; ce qu’il y a de singulier, c’est qu’elle paroit en différens (sic) endroits presqu’en même tems (sic), & que nombre de personnes ont fait des battues dans un espace de terrein (sic) assez considérable, sans avoir pu la joindre ; dans une on a fait partir une Louve qui avoit six ou sept petits déjà forts, que l’on a assommés. »

Il s’agirait là, de la commune de Auzouville-sur-Ry, en Seine-Maritime dans le canton de Mesnil-Esnard.


28 septembre 1770

« Malgré les poursuites de nombre de personnes, & la promesse qu’a faite M. l’Intendant, d’une récompense pour celui qui tueroit la bête qui depuis un tems (sic) fait du dégât à quelques lieues de cette Ville, on n’a pu venir à bout de la détruire. Depuis 15 jours elle a dévoré plusieurs enfants ; il est bien singulier qu’on ne puisse la joindre : beaucoup de gens de campagne disent l’avoir vue, mais on ne dit point que personne l’ait approchée d’assez près pour la tuer : on croiroit que ceci seroit une histoire, si les malheurs qu’elle a occasionnés n’étoient bien constans (sic). »

Nous trouvons l’épilogue de cette chasse au loup, un an plus tard, le 2 août 1771

2 août 1771

« La Bête carnassière qui, comme celle du Gevaudan, avoit répandu la terreur dans nos environs l’Eté dernier, & qui après avoir disparu l’Hyver, s’est fait voir il y a environ un mois, vient enfin d’être tuée par un Garde de M. de Vintimille, nommé Delamare, sur le chemin de Saint Aubin-la-Rivière. Mardi dernier, sur les onze heures & demi du matin, faisant sa tournée, armé d’un fusil à deux coups ; il entendit une femme qui, en criant, fuyoit de toutes ses forces ; bientôt il aperçut le terrible Animal qui, les yeux étincelans (sic) & ouvrant une gueule effroyable, se disposoit à la dévorer. Cet homme le voit venir, s’arrête, l’ajuste, & du premier coup lui passe (sic) une balle dans la gorge, qui la lui coupa, & le fit tomber sur la plaçe (sic) sans faire le moindre mouvement. Cet événement (sic) a répandu la joie dans les environs, & le sieur Delamare vient de faire aporter (sic) en cette Ville ce redoutable animal, les personnes qui ont vu la Bête du Gevaudan (sic), assurent qu’elle est semblable, même un peu plus forte. »


Saint-Aubin- la Rivière est une commune située dans le département de la somme.
Rien sur le M. de Vintimille et trop de « Delamare » pour espérer trouver parmi eux, le garde.

Mais, l’animal tué, était-il bien celui dont on parlait dans les articles précédents ?

Car, dans son livre « Histoire du méchant loup, 3000 attaques sur l’homme en France », Jean Marc Moriceau parle, en effet,  d’un loup et note que celui-ci avait dévoré, le 8 septembre 1770,  une petite fille, de 6 à 7 ans, fille de Passeleur – charbonnier, de la paroisse de Saint-Denis-le Thiboult à une demi-lieue de Ry et quelques jours après, le 13 septembre, un petit garçon de 8 ans, fils de Mulot, à la ferme du petit Thuit, proche de Charleval.
Il écrit aussi qu’à Franqueville-Saint-Pierre, l’année suivante, un spécimen d’une taille impressionnante fut tuée, mais que cette mort ne mit pas fin aux ravages pour autant, car d’autres attaques meurtrières furent encore à déplorer par la suite. Pourtant aucun article dans le journal mentionnant d’autres victimes.

Le loup, dont il est question dans l’article du 2 août 1771, abattu à Saint-Aubin-la Rivière, ne pouvait donc pas être le même que celui tué à Franqueville-Saint-Pierre.

Quant aux petites victimes, je n’ai pu retrouver l’acte de décès de la « demoiselle Passeleur ». Par contre, à Charleval, un acte d’inhumation au nom de Mulot Jean Louis, fils de Louis et Marie Catherine Féron, âgé de huit ans, figure bien dans les registres, mais aucune mention sur les causes de la mort due à la « bête ».


Crime  à la chambre criminelle

20 juillet 1770

« On mande de Grenoble que deux  Particuliers, l’un Suisse & l’autre Piémontois, ayant été soupçonnés d’avoir volé, pendant la Messe, une montre d’or à un Négociant de cette Ville, furent arrêtés, il y a quelques jours, mis en prison & interrogés par le Lieutenant Général de Police. Comme ils se donnerent pour Négocians (sic), on écrivit en différens (sic) endroits pour avoir des renseignemens (sic) sûrs à leur sujet, & en attendant les réponses, on leur laissa dans les prisons la liberté qu’on est dans l’usage de donner aux prisonniers détenus pour affaires civiles ; mais les réponses qu’on reçut ne s’accordant pas avec les interrogatoires, M. de Savoye, premier Consul-Echevin, & en cette qualité Lieutenant-Général de Police, se rendit le 15 de ce mois, après midi, dans la chambre criminelle, accompagné du Greffier, pour y interroger de nouveau ces  deux Particuliers, & il commença par le Piémontois, qu’il convainquit d’en avoir imposé dans son premier interrogatoire. Cet homme pressé par son Juge de dire la vérité, & se voyant démasqué, tira de sa poche, sans qu’on s’en apperçut (sic), un couteau à gaine, & en frappa le Juge qui, au mouvement du bras que fit ce misérable, voulut parer le coup avec la main droite, & le reçut dans l’intérieur de la main au dessous du pouce ; il en reçut dans le bras un second qui lui coupa une artere (sic). Le Juge s’étant levé alors & voulant passer par-dessus un banc sur lequel il étoit assis pour se mettre en défense, fut blessé d’un troisième coup à la cuisse. Le Greffier qui ne s’étoit apperçu (sic) de ce qui se passoit que lorsque le second coup de couteau fut porté, se leva alors, & saisit le criminel par derriere (sic), mais celui-ci tenant encore son couteau à la main & ayant le bras libre, lui porta au dessous de l’estomac un coup qui pénétra de toute la longueur de la lame, & dont le Greffier est mort. Le scélérat entendant crier au secours & prévoyant qu’il ne pouvoit échapper à la punition d’un crime de cette nature, se donna sur le champ quatre coups du même couteau, & tomba mort au dernier, avant que les Guichetiers fussent entrés dans la chambre criminelle où s’étoit passé cette scene (sic) tragique. Le Parlement s’assembla aussi-tôt & ordonna par un Arrêt que le corps de l’assassin seroit traîné sur la claie, pendu par les pieds, & jetté (sic) à la voierie, ce qui fut exécuté le lendemain. »


Je n’ai pu retrouver quoique ce soit sur cet acte inqualifiable sans doute passé dans les faits divers !
Il y aurait eu, pourtant, avec quelques informations supplémentaires de quoi faire un beau texte !


Le complot a échoué

27 juillet 1770

« Les  évènements tragiques semblent se multiplier ; M. de Beaujeu, Seigneur d’une terre à quelques lieues de Lyon, vouloit aller passer quelques jours chez un de ses amis. Deux heures après son départ, des Paysans apportent au Château une grande caisse adressée à la femme de Chambre de Madame qui étoit absente, & la laissent dans le Vestibule. M. de Beaujeu se rappelle, chemin faisant, d’avoir oublié quelque chose dont il a besoin ; il revient sur ses pas, voit la caisse en entrant & demande ce que c’est. On lui dit de quelle maniére (sic) elle a été apportée, il la fait retirer du Vestibule & placer dans la Cour. Pendant qu’il monte dans son Cabinet, les chiens arrivent, entrent dans la Cour, l’aspect de la caisse les étonne, ils s’avancent en flairant & se mettent à japper. M. de Beaujeu descend & le cri des chiens le surprend ; il s’approche de la caisse, l’éxamine (sic) ; & reconnoissant qu’elle ne peut s’ouvrir que par dedans, il sent une émotion extraordinaire. Sa premiere (sic) pensée est de prendre son fusil, il le charge de trois balles & tire sur la caisse. Les chiens aboyent toujours plus, mais rien ne paroit ; il tire un second coup, rien ne donne encore aucun indice, enfin au troisiéme (sic) coup, on voit sortir du sang. Il fait alors enfoncer la caisse & on y trouve un homme mort qui a un sifflet à la main & deux pistolets à la ceinture ; il ne fut pas mal aisé de comprendre quel devoit être le dénouement d’une pareille avanture (sic). M. de Beaujeu fait assembler tous les paysans du voisinage, les arme, les assigne les postes qu’ils doivent occuper & attend la nuit avec impatience. Elle tombe, personne ne paroit ; il fait alors usage du sifflet, & bientôt après on voit venir 14 à 15 hommes. On les laisse approcher sans bruit ; & lorsqu’ils sont à portée, il ordonne aux paysans de tirer. Les coups partent, 7 à 8 de ces malheureux sont étendus roides morts, 4 sont blessés & le reste prend la fuite. On arrête aisément les blessés ; & c’est maintenant de leur confession qu’on attend d’être instruits du complot dont il s’agissoit.
Les malfaiteurs devroient renoncer à cette ruse. On lit dans les Mémoires de Vordac, tom 1 que des scélérats l’ayant tentée à Paris elle ne servit qu’à en faire prendre & rouer cinq ou six, & notamment celui qui étoit dans la caisse. »


Le château du sieur Beaujeu serait-il le château situé à Beaujeu-Saint-Vallier-Pierrejux-et-Quitteur ?
Rien pour le confirmer, alors l’énigme restera complète !!
Pourtant avec un complot de cette ampleur, il y aurait eu beaucoup à dire.

Le nom du domaine de la famille de Beaujeu aurait donné le nom d’un vin réputé, le Beaujolais.


Offre d’emploi

10 août 1770

« Une place de Chapier vacante, en l’Eglise de Caudebec ; les appointements (sic) sont de 150 l. en argent par an, casuel double, & toutes les Messes libres ; on demande un Ecclésiastique  Prêtre qui ait de la voix ; sçache (sic) son plain-chant & en état d’aider au S. Ministére (sic), vû  (sic) que le nombre des Confesseurs de cette dite Paroisse n’est pas suffisant pour satisfaire le besoin public. S’adresser à M. Moreau, Curé de ladite Paroisse, qui sera sçavoir (sic), en lui dénommant l’adresse, le jour indiqué pour la réception. »

Un chapier est un religieux portant une chape. Cela vous renseigne je suppose ?
Ce mot désigne également le meuble,  composé de tiroirs, dans lequel on rangeait les chapes.
Voilà qui est mieux ….. enfin, peut-être ?
Et une chape, me direz-vous ? Il s’agit d’un long manteau droit, sans manche, agrafé par devant, porté par le prêtre et d'autres officiants à certains offices liturgiques.
Ce chapier devait bénéficier du casuel, produit des offrandes faites à l’occasion des mariages, baptêmes et inhumations par les fidèles.

Il aurait d’ailleurs fort à faire, car la paroisse possède visiblement un grand nombre de pécheurs, car : « en état d’aider au S. Ministére (sic), vû  (sic) que le nombre des Confesseurs de cette dite Paroisse n’est pas suffisant pour satisfaire le besoin public. »


24 août 1770

« On mande de Mulhausen, que le 25 Juillet dernier, il y a eu un funeste orage, que dans quelques minutes la Ville a été remplie d’eau jusqu’au premier étage, qu’une partie des meubles ont été entraînés par le torrent, que les biens de la campagne sont ravagés, & que les prairies sont couvertes de six à sept pieds de gravier & de sable. Mais c’est à Plombières où cet orage a déployé toute sa fureur ; le torrent ayant fait crever la voûte que le Roi de Pologne a fait bâtir pour l’écoulement des eaux, seize maisons qui étoient construites dessus, croulérent (sic) ; dix-sept autres éprouvérent (sic) le même sort, parmi lesquelles se trouve le Couvent et l’Eglise des Capucins, & la maison du Curé qui a péri avec quantité de personnes, & sur-tout (sic) beaucoup d’enfans (sic), sans qu’il fût possible de leur porter aucun secours. Les ténébres (sic) de la nuit empêchérent (sic) & rendirent presque inutile tout ce qu’on pouvoit faire pour diminuer le desastre (sic). Toutes les boutiques des Marchands furent détruites, & leurs marchandises emportées par les eaux. La misére (sic) & le désespoir des habitans sont inexprimables. Aucunes (sic) des personnes de distinction qui se trouvoient aux eaux n’ont péri ; mais on doit juger de leur effroi & de leur consternation. On mande que les fontaines & les canaux ont peu souffert, mais c’est une foible (sic) consolation. Le tonnerre est tombé le même jour sur l’Eglise Collégiale de Thann, il a terrassé les sonneurs & tué roide l’un d’entr’eux (sic). Ce malheur, joint  à tant d’autres, devroit enfin convaincre de l’extrême danger qu’il y a de sonner quand l’orage est au-dessus, ou dans la grande proximité du lieu où l’on sonne. Le peuple ignorant fait l’usage, sans en connoitre le danger ; mais les Curés des paroisses, plus instruits, devroient empêcher de sonner quand le danger est imminant (sic). »

Mulhausen, commune se trouvant en Alsace.
Plombières-les-Bains, commune en Lorraine où de nombreux curistes se rendirent pour se soigner. Parmi eux,  Voltaire, Beaumarchais, Montaigne, Alfred de Musset, Goya, mais aussi Napoléon 1er et sa première épouse, Joséphine.

« ….. a l’autre extrémité de Plombières, se voit un couvent de capucins, avec l’église dédiée à Sainte-Barbe, et des jardins disposés en terrasses, qui sont ouverts à tout le monde, même aux femmes, où l’on trouve des allées et des cabinets pour prendre l’air, pour se promener et se reposer.
…….. (parlant des thermes) ces eaux sont souveraines pour les maux et faiblesses d’estomac, et pour toutes les maladies qui affectent les nerfs et les viscères. On y compte trois bains considérables, savoir : Le grand bain, qui est au milieu du bourg de Plombières. Le bain des dames ou de la reine, qui est près de la maison des dames de Remiremont. Le bain des pauvres ou des gouteux qui est à l’extrémité du bourg vers les capucins. »
Extrait de
« Notice de la Lorraine qui comprend les duchés de Bar et de Luxembourg »
Tome premier – 1840 – par Augustin Calmet

En ce qui concerne l’église,  j’ai lu dans un texte (mais lequel, j’en lis tellement !) que « à la suite de l’inondation de 1770, le couvent fut restauré et qu’à la révolution, il ne restait plus que cinq moines dans les lieux. Quant à l’église de ce couvent, elle servit de paroisse de 1796 à 1805, avant d’être convertie en théâtre. »

J’aurais aimé vous donner le nom du pauvre sonneur foudroyé, mais les actes de Thann ne sont en ligne qu’à partir de 1793.

Grande maison à vendre

14 Septembre 1770

« A vendre une belle Maison, au Petit-Quevilly ; consistante en maison de maître, salon, grande salle, chambre & petite chambre ; au second étage, grande chambre & deux petites, deux grands jardins, cuisine, chambre au-dessus & grenier séparés du grand bâtiment, bosquet tout jeune plant, remise, écurie & autres batimens (sic), petit étang, bassin entouré de figures formant des jets d’eaux, le tout provenant de feu l’abbé Sehier. S’adresser à M. Le Canu, Procureur au Parlement, rue des Bons-Enfants. »

Tout ce qui concerne Petit-Quevilly m’interpelle, car c’est la ville où j’ai passé mon enfance.
Je ne peux rien vous dire sur « feu-cet-abbé », ni où se situait sa grande maison.
Désolée !


7 décembre 1770

« Noble Dame Louise-Adelaïde Bulteau ; Dame de Franqueville & Hecquemauville, épouse de Messire Louis-François Grossin, Chevalier, Seigneur de Bouville, Vicomte de Menneval, Seigneur et Patron de Saint Thurien, Menil-Sur-Ecu, Conseiller en la Grand’Chambre (sic) du Parlement de Normandie, est morte en cette Ville le 29 Novembre dernier, âgée de 38 ans. Cette Dame réunissoit les agréments de l’esprit & les qualités du cœur : elle joignoit à un cœur droit & compatissant, une grande justesse de jugement & beaucoup de modestie ; un esprit naturel, orné, délicat & pénétrant. Bonne amie, épouse vertueuse, mere très-tendre (sic) ; elle emporte dans le tombeau les regrets universels. »

Louise Adélaïde Bulteau naquit le mercredi 21 mai 1732. Elle reçut, le même jour, le baptême en  l’église de Saint-Martin-sur-Renelle à Rouen :
« Le 21e de may 1732 est née une fille du légitime mariage de messire jacques Bulteau chevalier seigneur de Franqueville conseiller au parlement de Normandie et de noble dame marie anne Louïse le quême, a été baptisée par nous Bestre desservant et nommée adelaïde louïse par messire Louïs Robert de St Victor conseiller au Parlement de Normandie et par demoiselle Louise magdeleine marguerite Bulteau ses parain et maraine soussignés. »

Elle fut inhumée le 30 novembre 1770, à l’âge de 38 ans.
Rouen – paroisse Sainte-Marie
« Ce jourd’huy Samedy Premier jour de décembre mil sept cent soixante dix le corps de noble Dame adelaïde Louise Bulteau dame et patrone de francqueville et ecquemanville epouse de messire Louis François de Grossin chevalier seigneur haut justicier et patron du Recu, conseiller en la grande chambre du parlement de Normandie décédée en cette paroisse le jour précedent munie de tous ses sacrements agee d’environ trente huit ans a été inhumé dans le chœur de l’église paroissiale de Bouville par M. Pion prestre curé. »


Cette jeune femme, alors qu’elle n’avait que 20 ans, épousa Louis-François GROSSIN.
Rouen Paroisse Saint Godard
« Le lundy neuvieme jour d’octobre après la publication….. mariage entre messire Louis françois Grossin de Menneval chevalier conseiller au parlement de Normandie fils de Messire Louis Grossin chevalier seigneur et patron de St Thurien, Bouville, Dubreuil, vicomte de Menneval conseiller du Roy en ses conseils, president en la cour des comptes aydes et finances de Normandie et de Noble dame Catherine formont ses père et mere de la paroisse de St Laurent de cette ville et noble demoiselle adelaide Louise Bulteau de franqueville fille de messire Jacques Bulteau chevalier seigneur et patron de franqueville hecquemanville conseiller en la grande chambre du parlement de Normandie et de noble dame marie anne marguerite susanne louise Duquesne de Brotonne ses père et mere de cette paroisse »


Cette même année 1770, quelques jours avant le décès de cette « noble dame », un de ses enfants, le petit Louis Hector était décédé également.
Quelle maladie les a emportés tous les deux ? Je ne saurai le dire.

Rouen – paroisse Saint-Lô.
« Le corps de monsieur louis hector grossin de Bouville age de sept ans, fils de messire Louis françois de grossin chevalier seigneur haut justicier et patron de Bouville menil du Recu St Thurien francqueville hemanville conseiller au parlement de Normandie et de noble dame adelaide louise de Bulteau ses père et mere decede du jour precedent a été apporte de la paroisse de Ste marie en celle de St lo pour y être inhumé dans la sepulture de sa famille par monsieur Pion curé de la ditte paroisse de Ste Marie la petite et Doyen de la chrétienté en presence de Mr charles Blaiset prêtre et clerc de notre paroisse et de Nicolas Doüelle officier et Mr de Bouville. »

Cet enfant avait été baptisé dans la paroisse Sainte-Marie-la-Petite, le 17 septembre 1763.

Quant à Louis François Grossin de Bouville, il serait décédé à Bouville le 13 avril 1774, mais je n’ai découvert aucun acte d’inhumation, que ce soit à Bouville ou dans les paroisses de Rouen fréquentées par sa famille.
  Ir son arbreTriste année 1770, aux nombreuses intempéries

26 octobre 1770

« Il s’éleva à Grenoble & dans les environs, la nuit du 13 au 14 de ce mois, un furieux ouragan, accompagné de tonnerre et de pluie. La foudre est tombée sur le clocher de la Paroisse des côtés de Sassenage, Village situé à deux lieues de la Ville ; elle a brûlé le toit, a fait tomber deux angles de mur, a mis le feu au béfroi (sic) ; & de là se glissant par le trou qui sert au passage de la corde de la cloche, elle a coupé cette corde en deux, est entrée dans la Sacristie, en a renversé & brisé les armoires, & a fondu la patene (sic) du calice dont elle a coupé le pied près de la coupe : elle a passé ensuite dans l’Eglise, a renversé & mis en pièces le confessionnal, a cassé toutes les vîtres (sic) & fondu les barreaux de fer d’une fenêtre par laquelle est elle sortie, a détaché de cette même fenêtre une grosse pierre de taille, & a laissé d’autres traces de son passage. La pluie abondante & les prompts secours qui ont été aportés (sic), ont préservé de l’incendie l’Eglise & la Maison Curiale qui y est adossée. »

Une heureuse fin, malgré les dégâts !

14 décembre 1770

« La crainte que nous avions si justement d’une inondation, s’est heureusement dissipée : la Seine est rentrée dans son lit, & baisse tous les jours. »

Les rues de Rouen, proches de la Seine, étaient  très souvent inondées, d’autant plus qu’à cette époque elles se situaient à la même hauteur que les berges du fleuve.


14 décembre 1770

« Les lettres de Nantes, d’Orléans, de Poitiers & autres endroits, annoncent les plus grands dégats (sic) par le débordement des rivières qui y passent ; & qui par leur crue subite ont emporté, ponts, digues, chaussées, maisons, &c. plusieurs personnes y ont péri, & c’est toujours la plus grande perte ; au reste celle occasionnée par ces ravages est des plus considérables. »


21 décembre 1770

« Mardi à Mercredi la nuit jusques vers les six heures du matin, nous essuyâmes un vent furieux, mêlé de pluye (sic) ; les Navires dans le Port furent violemment agités ; l’amarre d’un ayant rompu un fort anneau de fer qui le retenoit, fut emporté contre le Port & y causa quelque dommage ; un autre Navire vuide (sic) qui étoit contre une Isle, le fut également & s’enfonça ;  plusieurs grands bateaux qui remontent à Paris, dérivérent (sic) & furent jettés (sic) en différens (sic) endroits ; heureusement personne n’a péri : on craint beaucoup qu’il n’y ait eu quelque naufrage sur nos côtes. »

Les années 1769 et 1770 furent marquées par une succession de catastrophes naturelles en France, mais aussi dans toute l’Europe.
Des dégâts matériels considérables, mais aussi, malheureusement des victimes.
Nos ancêtres « relevaient alors leurs manches » pour déblayer et reconstruire. Que faire d’autre ?


Au feu !

28 décembre 1770

« La nuit du 19 au 20 de ce mois, le feu prit vers minuit à Lisieux dans la Cuisine des Mathurins, & dura près de trois heures ; tout ce qui y étoit fut consommé ; les flammes remplissant les escaliers, ces Religieux furent obligés de sortir de leurs chambres par les fenêtres, l’un deux étant tombé, se cassa une jambe : on vint à bout d’éteindre le feu. Quelques étincelles de ce feu furent portées vers leur Grenier rempli de foin & de paille & occasionnerent (sic) un second embrasement ; le Dimanche 23, à six heures du soir, ce Grenier parut tout en feu, qui s’étant communiqué à l’Eglise, la consuma, de même que leur Maison, l’Hôpital qui étoit dans l’enclave & deux de leurs Maisons voisines. Ce feu a duré 18 heures & a mis toute la Ville dans une grande inquiétude ; pour couper ce feu, on a abattu deux Maisons ; les pompes, quoique très-anciennes, ont rendu de bons services, & si la principale n’eût manqué dans le plus fort du besoin, le dommage n’auroit pas été si grand. »

Dans ce cas, pour éviter l’embrasement total d’une ville, on faisait « la part du feu » en détruisant tout bâtiment autour des flammes pour qu’elle ne se propagent pas plus loin.

Rien sur cet incendie qui a dû pourtant marquer les mémoires


Ça a fait un « effet bœuf » !

28 décembre 1770

« On voit ici sur le Quai, un Bœuf d’une énorme grandeur : il pese (sic) 3108 liv., son poil est noir, tâché de blanc réguliérement (sic), sa queue très longue, est bien garnie d’un très-beau (sic) crin blanc ; il a cinq ans ; il est très-doux (sic) & semble aimer qu’on le touche ; il vient de Paris, il va en Angleterre : il mérite d’être vû (sic) ; on prend 6 sols par personne. »

Quelle belle bête !
Etant très impressionnée par ce poids, j’ai fait plusieurs recherches sur internet
J’ai tapé « Quel est le poids du plus gros bœuf de France ? »
Et voilà la réponse :
« Parmi les 4000 animaux présents au Salon de l’agriculture, les bovins étonnent. Fêtard, le plus lourd taureau du salon approche les deux tonnes. En fait, il fait exactement 1890 kgs !! »

Ouah ! cela valait bien les 6 sols pour la voir !