mercredi 28 septembre 2016

TRIMER ? QUEL BOULOT !




Ce mot à lui seul est un vrai épuisement, car ne signifie-t-il pas : « travailler dur ! » ?

Mais, à votre avis, d’où vient ce mot ?
Ce mot vient de « trimar » (1566), puis « trimard » (1628), mot argotique désignant la route ou le chemin.

Peu à peu, ce mot sera attribué  au travailleur effectuant un grand nombre de kilomètres à pied, afin de trouver un emploi (1892).
Mais il désignera également la vie errante d’un vagabond toujours par monts et par vaux, donc, en définitive, toujours sur les chemins.

En 1860, « faire le trimard », c’est « arpenter le bitume »  ou  « faire le trottoir » donc, se prostituer.

Trimarder :
Vagabonder (1628) – se prostituer (1883).

Un trimardeur, (trimardeuse au féminin) est  un voleur de grand chemin (1712).

Celui qui est toujours sur les chemins, se verra appeler « chemineau » (1896).


A travers les siècles, tous les mots font un sacré chemin, en s’éloignant parfois de leur sens premier !

Après ce nouveau mot, je vais me pencher à nouveau dans  mon dictionnaire, alors : « au boulot ! »
Oh pardon ! Je vais « trimarder » au fil des pages de mon dico !


  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

L'AFFAIRE DES CARDINAUX ........ suite


Le juge Perrin clôt l’enquête.
N’y avait-il pas eu cent vingt huit témoins auditionnés au cours des six derniers mois ?
Perrin redonne alors le dossier au juge Pommier qui interroge, le 27 frimaire an XIII, un cent vingt neuvième témoins.
Encore un !
Cela ne finira donc jamais !

Jacob Wilhem, marchand de bétail à Vandoeuvre, arrondissement de Bar-sur-Aube raconte.
Il revenait d’Alsace et retournait chez lui, le 13 floreal an VI (mai 1798) quand il a été attaqué vers deux heures du matin par deux hommes en habit de garde national. C’était près de Liffol-le-Grand. L’un lui avait demandé l’heure avant de lui donner un coup sur la tête. L’autre lui avait pris son sac contenant mille sept cents francs. Il avait toujours soupçonné François Arnould, mais ne peut l’affirmer.

Le juge communique le dossier au ministère public, au magistrat de sureté Delpierre, substitut du procureur général impérial de la cour de justice criminelle des Vosges.

Des défenseurs sont commis d’office :
·         M. Martin, avoué à Epinal, pour François Arnould et sa femme.
·         M. Maurice, pour Sébastien et Joseph Arnould.
·         M. Collin, avoué à Epinal, pour Agnès Chassard et sa fille.

Le 15 thermidor an XIII (4 août 1805), Epinal est en effervescence. Une multitude de personnes venue des villages environnants, ainsi que les cent douze témoins cités par l’accusation se sont déplacés. La Cour de Justice Criminelle, présidée par Joseph Hugo, conseiller à la cour de Nancy, doit juger les « Cardinaux »,.
Joseph Hugo a près de soixante ans. Il a été notaire royale au bailliage de Mirecourt en 1790 et administrateur du département des Vosges. Il a été élu le 4 septembre 1792, député à la Convention. Malade, presque aveugle, il a été déchu de son mandat le 30 septembre 1793. Quelques temps après, il est entré à la Cour de Nancy.

Le premier assesseur : M. Derivaux.
Le second assesseur : Armand Papigny.
Le ministère public est représenté par le procureur général Derasey, ancien avocat au parlement de Lorraine.
Douze jurés et trois suppléants tirés au sort.

Devant les accusés, les avocats, Maitres Martin, Collin et Maurice.

Sur les débats du procès, aucun document n’a été conservé.
On sait seulement que sur les cent douze témoins à charge, trois étaient morts et deux n’avaient pas été retrouvés dont Jeanne Rose Emonet qui avait quitté le pays pour une destination inconnue. Sa conscience la tourmentait-elle ?
Douze témoins à décharge dont l’identité, toutefois, restera à jamais ignorée.

Devant le déferlement d’accusations les « Arnould » ne font que nier et toujours nier. Ils sont innocents et le crient fort et haut, mais ne sont pas entendus.

Le 19 thermidor, après cinq jours d’audience, le verdict est rendu.
Les accusés sont, à l’unanimité, déclarés coupables d’avoir assassiné les « quidams inconnus » à Vittel, crimes effectués de l’an II à l’an VIII.
La mort pour Agnès et ses quatre enfants, Thérèse, François, Joseph et Sébastien.
Quant à Thérèse Hatier, épouse de François Arnould, elle est condamnée à vingt ans de fer. Elle est conduite, le 24 thermidor, par l’huissier Charles Ory, accompagné de deux gendarmes, sur la place de Grève à Epinal, attachée à un poteau et exposée. Sur un écriteau, ses nom et prénom, âge, profession et la cause de sa condamnation.
La honte ! Elle a sûrement reçu injures, fruits pourris et crachats......

Les cinq condamnés signent un pourvoi en cassation qui est rejeté.
Le 29 fructidor (16 septembre 1805), revêtus d’une chemise rouge, tous les cinq sont conduits en plein midi, sur la place de Grève, aujourd’hui place de la Bourse à Epinal.
Des exécuteurs de Nancy, Metz et Colmar sont venus assister le bourreau d’Epinal.
La foule est immense. Les distractions ne sont pas si courantes !!
Un peu avant midi toutes les cloches des églises de la ville sonnent le glas.
Le silence se fait.
Les têtes tombent.
D’abord Thérèse Arnould, épouse de Joseph Duvaux, puis celles de Joseph, Sébastien, François et enfin, celle de leur mère, Agnès.

Epinal – Actes de décès – 29 fructidor an XIII

L’an treize de la république le 29 du mois de fructidor par devant nous Claude Charles nicolas Launay..... sont comparus Charles Ory huissier de la cour criminelle des Vosges résidant à Epinal agé de vingt neuf ans et joseph Aymonin commissaire de police à Epinal agé de soixante cinq ans lesquels nous ont déclaré que Therese arnould agee de trente deux ans née à Vittel Département des Vosges y domiciliée fille de feu françois arnould de son vivant marchand de bétail à Vittel et de agnès Chassard son epouse residant encore audit Vittel epouse de Joseph Duvaux chaumier à Valfroicourt est decédée en cette ville ce jourd’hui à midi.

L’an treize de la république le 29 du mois de fructidor par devant nous Claude Charles nicolas Launay..... sont comparus Charles Ory huissier de la cour criminelle des Vosges résidant à Epinal agé de vingt neuf ans et joseph Aymonin commissaire de police à Epinal agé de soixante cinq ans lesquels nous ont déclaré que Joseph arnould agé de trente six ans né à Vittel département des Vosges y residant en qualité de marchand de bétail epoux de Catherine Rippard résidant encore au dit lieu fils de feu françois arnould de son vivant marchand de bétail audit Vittel et de agnès Chassard son épouse résidant encore au dit lieu est décédé en cette ville aujourd’huy a midi et quelques minutes ......


L’an treize de la république le 29 du mois de fructidor par devant nous Claude Charles nicolas Launay..... sont comparus Charles Ory huissier de la cour criminelle des Vosges résidant à Epinal agé de vingt neuf ans et joseph Aymonin commissaire de police à Epinal agé de soixante cinq ans lesquels nous ont déclaré que Sébastien arnould age de trente cinq ans né à Vittel département des Vosges, marchand de bétail résidant à senonge epoux de agnès grandgerard residant auduit senonge fils de feu françois arnould de son vivant marchand de bétail audit Vittel et de agnès Chassard son épouse résidant encore au dit lieu est décédé en cette ville ce jourd’huy à midi et quelques minutes


L’an treize de la république le 29 du mois de fructidor par devant nous Claude Charles nicolas Launay..... sont comparus Charles Ory huissier de la cour criminelle des Vosges résidant à Epinal agé de vingt neuf ans et joseph Aymonin commissaire de police à Epinal agé de soixante cinq ans lesquels nous ont déclaré que françois arnould agé de quarante et un ans, né à Vittel département des Vosges marchand de betail residant audit lieu epoux de thérèse hattier fils de feu françois arnould de son vivant marchand de bétail audit Vittel et de agnès Chassard son épouse résidant encore au dit lieu est décédé en cette ville ce jourd’huy a midi et quelques minutes .....


L’an treize de la république le 29 du mois de fructidor par devant nous Claude Charles nicolas Launay..... sont comparus Charles Ory huissier de la cour criminelle des Vosges résidant à Epinal agé de vingt neuf ans et joseph Aymonin commissaire de police à Epinal agé de soixante cinq ans lesquels nous ont déclaré que agnès chassard veuve en premieres noces de françois arnould et en secondes de gabriel hocquard residant à Vittel née à la Chapelle-aux-Bois département des Vosges agée de soixante sept ans fille des defunts jean chassard et de anne martin son épouse  de leur vivant residant à Vittel est decécée en cette ville cejourd’huy à midi et quelques minutes......

Tous cinq reposent dans un coin du cimetière d’Epinal. Personne ne viendra fleurir leurs tombes.

On est à la veille d’Austerlitz.
Tous semblent oublier très vite cette affaire.
Cette affaire est troublante par plusieurs points.


Premier point :
Il est question d’ossements enterrés dans une carrière et aussi dans un jardin.
Des os en mauvais état, car décrits comme « dissociés ».
Un médecin affirme qu’il y a des os de femmes et d’un garçon de quatorze ans.
Mais, personne n’a témoigné avoir vu des femmes chez les Arnould.

Second point :
La carrière se trouve en bordure de la maison des Arnould.
Ce n’est pas une carrière en plein bois. Elle longe une des rues de la ville de Vittel. Une rue que chacun peut emprunter à toute heure. De plus, c’est une carrière communale dans laquelle les habitants peuvent aller chercher des pierres.
Des assassins récidivistes n’auraient jamais enterré leurs victimes dans un lieu fréquenté où chacun pouvait venir creuser.

Troisième point :
Les odeurs ?
Il est certain, en effet, qu’elles provenaient de l’activité du tanneur et non des cadavres et ossements.

Quatrième point :
Les volets toujours fermés..... Et justement ouvert un soir où les Arnould commettaient un assassinant dans leur propre cuisine.
Des assassins bien peu précautionneux !

Cinquième point :
Les Arnould. Une famille de rustres comme il y en avait beaucoup à cette époque où l’alcool était consommée abondamment. Une famille qui avait connu la misère et avait acquis un peu de bien. Cela fait toujours des envieux. Il ne faut pas sortir du lot, cela devient tout de suite suspect.

Sixième point
Les témoignages ? Plus de cent personnes !
En fait que des ragots ! Des récits de querelles de voisinage pour tout et pour rien.
Chacun rapporte un fait qu’il rattache à l’affaire avec de plus en plus de détail au cours de l’instruction du juge.
La rumeur enfle, grossit et chacun des soi-disant témoins ajoute sa touche personnelle dans le récit qui prend ainsi des proportions disproportionnées.

Septième point
Les victimes et notamment les frères Didiot. Marchands de bétail, ils venaient régulièrement à la foire et depuis huit ans, on ne les voyait plus. Ils étaient trois et il y en avait même un quatrième.
Un des témoins a renseigné très précisément le juge en indiquant d’où ils venaient, où ils habitaient.
Aucune recherche n’a été engagée pour les retrouver. Et pourtant, au moment de l’exécution de leurs « assassins », ils étaient bien en vie, eux.

Huitième point
Les témoins capitaux, ceux qui, par leurs récits, ont fait basculer le verdict vers la mort, ne furent en fait qu’un « pauvre garçon », Michel Huraux et une « vieille fille », Jeanne Rose Emonet.
Michel Huraux, le rejeté, se trouve ainsi pour la première fois de sa vie en pleine lumière. Il existe, on l’écoute !
Jeanne Rose Emonet prend d’un coup de l’importance, elle aussi. Pourtant, elle s’enfuit et ne parait pas le jour du procès.


Le dossier était donc vide !
Mais, pour calmer l’effervescence de la ville, pour faire taire les haines, il fallait un ou des coupables. Les Arnould par leur caractère brusque et violent correspondaient tout à fait au profil des assassins recherchés, puisque assassins il y avait.



Concernant les ossements :
Dans son ouvrage, Louis Sadoul explique qu’il s’était penché sur les ossements. Cherchant à comprendre, il s’était rapproché de personnes compétentes comme le docteur Pierre Parisot, professeur de médecine légale à l’Université de Paris et Georges Goury, préhistorien enseignant à la Faculté des lettres l’histoire des anciens âges.
Selon eux, l’état des ossement fragmentés et en mauvais état atteste qu’il s’agissait des restes d’un très ancien cimetière dont on avait oublié l’existence. Sans doute un cimetière de l’époque gauloise, barbare ou mérovingienne. En effet à ces époques anciennes, les corps étaient enterrés dans des carrières.

Et les victimes, les Didiot ?
Comme je vous le disais plus haut, le jour de l’exécution de leurs « assassins », ils étaient bien en vie.

Il y avait bien trois frères dont le nom n’était pas Didiot, mais Dediot.
Il y avait Jean-Baptiste, Bonaventure et Clément Pierre et un quatrième, en effet, Claude, fils de Jean-Baptiste.

Jean Baptiste Dediot était né le 15 mai 1755, à Thoisy-la-Berchère.
Jean baptiste fils legitime de Jean Dediot marchand à Thoisy et de Louïze maillard ses pere et mere a été baptise le quinze may 1755 a eu pour parein jean Baptiste pernot manouvrier eu..... (dans la pliure du registre) et pour mareine Reyne Dediot sa tante le parein et la mareine sont soussignés.

Il décéda le 12 janvier 1806 à Saulieu.
L’an mil huit cens six le treize janvier a dix heures du matin devant nous.... sont comparus Monsieur Jean Baptiste marie therèze Gilles propriétaire demeurant à Saulieu age de vingt huit ans gendre du defunt ci-après et Monsieur Guillaume Claude Charles aussi propriétaire demeurant au dit saulieu, agé de trente sept ans cousin germain du dit defunt lesquels nous ont déclaré que Monsieur Jean Baptiste françois Dediot propriétaire demeurant à Saulieu, natif de thoisy la Bergere canton de saulieu agé d’environ cinquante cinq ans époux de Madame Denize anne Royer, fils des furent jean Dediot vivant marchand au dit thoisy et Louise Maillard, est decedé hier 12 janvier, en son domicile rue de l’ (illisible) à trois heures du soir.......


Bonaventure Dediot naquit, le 16 mai 1762, également à Thoisy-la-Berchère.
Bonaventure fils de legitime mariage de jean Dediot marchand à Thoisy et de Louise Malliard ses père et mere né et baptisé le seize may 1762 a eu pour parein M. Bonaventure Cordier marchand et pour mareine denault femme de jaque grigniard marchand a St Jean.....

Il décéda, lui aussi, après l’exécution des Arnould, le 29 juin 1813, à Thoisy-la-Berchère.
L’an mil huit cent treize, le vingt neuvieme jour du mois de juin à dix heures du matin..... sont comparus claude Moissenot fils, marechal demeurant au dit thoisy âgé de trente deux ans et jean Pommereau fils, menuisier demeurant au meme lieu âgé de vingt cinq ans tous les deux voisin du decede cy après nommé lesquels nous ont déclaré que le sieur Bonnaventure Dediot proprietaire audit Thoisy mari de Marie Dominique Couchard est decede cejourd’huy en son domicile à quatre heures du matin, âgé de cinquante un ans un mois et treize jours, ayant été né audit thoisy le seize mai mil sept cent soixante deux de legitime mariage de furent jean Dediot marchand audit thoisy et de Louise Maillard suivant qu’il est constaté par le registre des actes de naissances dudit an mil sept cent soixante deux, dans lequel domicile nous nous sommes transportés pour nous assurer ce décès.....


Clément Pierre Dediot vit le jour le 9 août 1767 à Thoisy-la-Berchère.
Clement pierre fils de legitime mariage des jean Dediot marchand à Thoisy et de Louise Maillard ses père et mere ne du neuf. Le dix aoust 1767 a eu pour par parrein Mr pierre Clement delamartiniere marchand demeurant au meaupas et pour marreine Demoiselle pierrette poncerot femme de Mr grausan marchand Demeurant à Goliouse ( ?) soussignez.
Je ne suis pas du tout sure du nom des lieux. Désolée !

Il épousa en première noces Thérèse Antoinette Girardin.
Bulgneville – acte de mariage – fructidor an III.
Ce jourd’huy vingt et un fructidor an troisieme de la Republique..... Clemen Dédiot fils majeur agé de vingt huit ans natif de toisy la Berchére du district de Saumure département de Cote d’Or negotiant demeurant audit toisy fils de feu jean Dédiot et de Louise Maillard agée de soixante douze ans d’une part et marie thérése antoinette girardin fille mineur agée de dix neuf ans fille de nicolas Etienne girardin president du tribunal du district de neufchateau et de catherine thérése perrin ledit girardin agé de soixante huit ans et laditte perrin de cinquante deux ans demeurant audit Bulgneville.... en presence de quatre temoins Claude Dediot agé de trente cinq ans negotiant a thil la ville... Michel Picard agé de vingt et un marchand demeurant audit Thil-la-Ville Charles Dediot frere du futur epoux charle Beugnon agé de vingt six gendarme de la Brigade de Bulgneville y demeurant Beaufrere de la future epouse Nicolas philbert gendarme de la même Brigade age de trente et un ans demeurant audit Bulgneville.....

J’ai découvert dans le registre des tables décennales que la couple Dediot/Girardin avait demandé le divorce le  14 germinal an V et que celui-ci avait été rendu à Bulgneville le          14 vendemiaire an XI. Je n’ai pas trouvé les documents.

Il épousa en secondes noces Marie Hébert à Avallon dans l’Yonne, le 20 février 1806.
L’an mil huit cent six le vingtieme jour du mois de fevrier à quatre heures du soir..... sont comparus en la maison commune le sieur clement pierre DeDiot divorcé de therese antoinette Girardin à Thoisy-en-Bergere departement de la côte d’Or âgé de trente huit ans, profession gendarme demeurant à Avallon département de Lyonne fils de feu Jean DeDiot profession marchand à Thoisy Cote d’or et feue Louise Maillard son epouse demeurant Thoisy-la-Berchère côte d’or d’une part et  Marie Hebert veuve de Jean Nicolas Ju.... ( ?) née à Seriers departement de la manche agee de trente trois ans profession marchande demeurant à Avallon fille de feu jean hebert marchand à Seriers et feue Letresor..... en presence de Sieur Isidor Lacroix ami du comparant trente ans marechal des logis de la gendarmerie imperiale demeurant à Avallon Sébastien Ladoucette ami du comparant cinquante deux ans gendarme a Avallon Jean Lechien ami de la comparante trente deux ans gendarme a Avallon Barthelemi Madelenet trente deux ans marchand à Avallon ami de la comparante


Je ne sais pas quand et où Clément Dediot décéda,  mais gageons qu’il a vécu pendant de nombreuses années après l’exécution des Arnould.

Ce qui est étonnant dans cette affaire, c’est que ce dernier frère était gendarme.... Il aurait donc  été facile de retrouver sa trace.
Bien sûr, il eût fallu avoir la volonté de faire rechercher cet homme.

Il est donc prouvé avec ce qui précède que nous sommes en présence d’une flagrante erreur judicaire.
Une terrible erreur qui entraina la mort de cinq personnes innocentes et de la condamnation  d’une sixième à vingt ans de prison.
Je n’ose imaginer l’état d’esprit des membres de la famille Arnould se débattant face à leurs juges, criant leur innocence, ne comprenant pas l’acharnement de leurs voisins et peut-être de certains de leurs amis.

Quelques témoins à décharge cependant. Mais devant la masse hurlante des accusateurs, ils ne furent pas entendus.

lundi 26 septembre 2016

A L'ECOLE



Dans la cour de récréation d’une école, les enfants s’ébattent en poussant de grands cris. Le bruit est intense.
Dans une salle de classe, silencieuse, un professeur des écoles note sur le tableau les informations d’une leçon qu’il s’apprête à donner lorsque la récréation sera terminée. Il est un peu inquiet. C’est la première fois qu’il va affronter une classe. Sa première classe. Aujourd’hui, en ce début de septembre, c’est le jour de la rentrée.

La sonnerie retentit impérative. Les élèves pénètrent dans la salle de classe et découvrent leur instituteur qui leur fait face avec un large sourire. Il attend que les enfants s’assoient avant de prendre la parole.
« Bon.... Bon..... Bon.... Bonjour les en... en.... enfants.... »

Les mots se bousculent dans la gorge du pauvre enseignant. Les élèves, eux, se regardent d’un air amusé. Certains, même, étouffent un rire.
Sans se démonter, le maître poursuit :
« Je... Je.... suis.... mon... mon.... monsieur Ki... Ki... Ki......
Il n’a pas le temps d’achever sa phrase qu’entre Louanne qui, bien évidemment, est en retard. Elle s’assoit, sans un « bonjour », sans un mot d’excuse et pose ses pieds sur la table, tout en mâchant, très bruyamment, un chewing-gum.
Le silence dans la classe est pesant. Chacun attend les réactions de l’instituteur. Celui-ci, d’ailleurs, prend la parole d’un ton réprobateur.
« Vous... vous.. ...vous ê.... ê... êtes.... en... en... re... re.......
-          En retard ! Oui ! Et alors ? rétorque Louanne. Mais, vu comment vous parlez, j’ai pas loupé grand-chose !

La classe exulte. Louanne, en sa qualité de cancre, a toujours un large auditoire prêt à se dissiper afin d’éviter de travailler. Tous les élèves rient, à l’exception de Suzie qui, bonne élève, est là pour passer une année laborieuse lui permettant de ravir la première place dans toutes les matières. Pour elle, seul le vingt sur vingt est acceptable. Aussi, ose-t-elle un « Chut ! », sensé rétablir le silence.
Le maître, lui, chercher toujours ses mots :
« Si... Si.....Si....
-          Silence ! hurle Suzy.

Le silence se fait aussitôt. Le maître entame un début de remerciement, en regardant cette élève modèle :
« Mer... Mer.... Mer......
-          De rien ! coupe Suzy.

L’instituteur reprend la parole, enfin, il  essaie :
« Pre... Pre... Pre... Prenez vos... vos....
-          Cahiers ? interroge Lucie.
-          Non, fait le maître d’un mouvement de tête.
-          Livres ? demande Chloé.
Nouveau mouvement négatif de l’instituteur.
Louanne se lève et, sur la musique d’une chanson inventée, fredonne :
« Stylos, règles, crayons et pourquoi pas la porte pour aller faire une petite promenade. On s’ennuie, ici .....

Chloé dont la chaise se trouve juste devant le bureau de Louanne lève le bras et lance, énervée :
« M’sieur, elle donne des coups de pied dans ma chaise. Et puis, elle m’embête. »
En effet, cette Louanne, mauvaise élève perturbatrice, lance en tout sens, et notamment dans la chevelure de Chloé, des boules de papier fabriquées avec les pages déchirées de son cahier d’exercices.
Suzie est hors d’elle. Elle est venue pour apprendre et non pour assister à un pareil charivari.
« Bon ! hurle-t-elle, on pourrait peut-être travailler, non ?
Le silence s’étant rétabli, pour quelques instants, l’enseignant en profite pour préciser :
« Bonn’... Bonn’.....
A cela, Louanne déclare en se dressant pour se faire admirer :
« Bonne idée ! Peut-être pour vous, mais moi, j’trouve pas !
-          Si... Si... Si.... articule désespérément le maître, un tantinet épuisé de ne pouvoir se faire entendre.
-          Silence, hurle de nouveau Suzie qui, comprenant le problème de l’instituteur, dû au stress, essaies de lui venir en aide. Celui-ci, d’ailleurs, reconnaissant, lui adresse un triste petit sourire.
L’enseignant dont le nom n’est autre que Monsieur Kiratetou, un nom un peu prédestiné, circule alors entre les tables et distribue des feuilles d’exercices. Le nez sur les copies, les élèves lisent en silence. Lucie regarde sur la feuille de sa voisine, déclarant :
« C’est quoi l’exercice ? J’comprends rien !
-          T’es pas la seule, confirme Louanne.
Peu à peu, un brouhaha envahit la pièce, ce qui exaspère Suzie qui ose :
« Vous êtes fatigantes. Vous pourriez pas la fermer et travailler ?

Louanne, elle, toujours affairée à faire des boules de papier, vise à présent le maître qui en reçoit une sur la tête. Ayant atteint son but, elle lance avec aplomb, en regardant le maître d’un air supérieur :
« Travailler ? Pourquoi faire ? »

L’instituteur est au bord de la crise de nerf, ce qui accentue terriblement son bégaiement.
« Ça... ça.... ça.... essaie-t-il d’articuler, sans succès.
-          Oui, ça suffit, en effet, déclare Louanne. Moi, je m’en vais.
Suzie se lève précipitamment, et prend la place du maître  qui semble au bord du malaise. Puis, s’adressant à Louanne :
« Toi, tu restes assise ! Et au boulot ! Et je ne veux plus rien entendre !

L’instituteur, tout penaud, prend la place de Suzie.  Il a en mains, l’exercice qu’il vient de distribuer et qu’il essaie de faire comme un élève attentif.
«  Eh Lucie, tu peux copier sur le maître, souffle Chloé à sa camarade.
-          Tu crois que je peux, chuchote Lucie, incrédule.

L’instituteur, soulagé de ne plus avoir à affronter ses élèves, informe, mais à voix basse pour ne pas être entendu de toute la classe :
« Elle peut toujours copier sur moi, mais je ne sais pas faire l’exercice, aussi, elle aura un beau zéro ! »

La phrase vient de sortir sans difficulté.
Monsieur Kiratetou pense alors :
« Demain sera un autre jour ! J’essaierai de faire mieux ! »


jeudi 22 septembre 2016

L'AFFAIRE DES "CARDINAUX"

L’affaire des « Cardinaux »

Ce que je vais vous conter pourrait résonner comme un polard, mais ce fut, hélas, un fait réel  dont la fin fut tragique.
Cherchant des histoires étranges, quelque peu glauques toutefois, j’ai découvert cette affaire judiciaire qui s’est passée à Vittel en l’an 1804. N’ayant que peu de renseignements la concernant, j’ai fouillé et découvert que Louis Sadoul en avait fait le récit complet, édité chez Albin Michel, en 1926.
Je n’ai pas voulu recopier intégralement cet écrit que vous pouvez lire via le site « Gallica », ce qui aurait été tout à fait inintéressant en ce qui me concerne.
J’ai donc décidé d’en reprendre les grandes lignes en y ajoutant plus de précisions sur les protagonistes de l’affaire, en retraçant leur vie, en vous soumettant, notamment, les actes paroissiaux et d’Etat Civil.
Voilà......

-=-=-=-=-=-=-=-

Samedi 19 ventôse an XII.
Deux ouvriers, Alexis Rat et Joseph Bigot, travaillent dans une carrière dans la commune de Vittel dans les Vosges. Pioches et pelles en mains, ils creusent. Tout à coup, ils remontent quelques ossements, puis d’autres......et enfin des crânes humains. Macabre découverte qui se poursuit les 21 et 22 ventôse suivant.
Les autorités sont, tout de suite, averties et se transportent sur les lieux.
Il y a là :
·         Jean Balthazard Thouvenel, juge de paix.
·         M. Martin, maire.
·         M. Barjonnet, receveur d’enregistrement.
·         Mrs Leonard et Saussard, membres  du conseil électoral.
Et bien entendu, presque tous les habitants du village que la rumeur a très vite avertis.

Une première enquête détermine que les corps ont été enfouis à cet endroit depuis dix années au plus. Mais ce qui est le plus étrange, c’est qu’il n’y a que des crânes, des mâchoires et des os longs. Aucune portion de côtes.
Et les bavardages toujours hâtifs, dans ces cas-là, avancent, avec certitude, que les meurtriers avaient jeté aux chiens les troncs de leurs victimes. Il fallait bien trouver une explication.

Les six crânes et les ossements sont confiés à l’examen de Jean Nicolas Rambaud, ancien chirurgien de la marine, qui se borne à dire qu’il ne peut avec certitude déterminer l’époque à laquelle les corps ont été enfouis, et pourquoi pas, en effet, huit ou neuf ans
Si la médecine légiste n’a pas encore cours en ce tout début du XIXème siècle, la machine infernale des racontars, elle, est bien ancrée et se met alors en route.
Chacun a son idée.
Chacun sait.
Chacun se rappelle.
Et tout cela enfle ! Et tout cela prend des proportions incroyables !

Des cadavres enterrés ? Mais n’y avait-il pas eu des marchands de bœufs qui venaient régulièrement à Vittel, tous les ans ?
Etrange ! Ils n’avaient jamais reparu depuis .... Combien de temps déjà ? Huit ans ? Neuf ans ?
Assurément, ce sont eux, là !
Le citoyen Moitessier confirme, en effet cette étrange disparition.
Et puis, le citoyen Saussard affirme, à son tour, que ces dix dernières années, en effet, un grand nombre de personnes ont, mystérieusement, disparu.
Le citoyen Barjonnet avait été consulté par un de ces marchands porteur d’un titre de cent louis contre le citoyen François Arnould de Vittel qui faisait commerce de bétail, justement. Il avait deux frères qui venaient avec lui. L’un était de Senonges et l’autre de Lignéville. Tous trois avaient été vus dans les diverses auberges des environs où ils conduisaient leurs affaires.
Les victimes ne peuvent donc être que ces marchands de bœufs venus à Vittel en provenance du Morvan.

Un nom vient d’être lâché : François Arnould.

Et ce ne pouvait être que lui et sa famille dont la maison se situe, fait étrange,  juste en bordure de la carrière et qui, malgré l’effervescence dans la carrière, n’étaient pas parus. Preuves flagrantes de leur culpabilité !


Le 28 ventôse an XII arrivent à Mirecourt, petite ville connue pour ses dentellières et sa lutherie dont elle faisait un commerce prospère :
·         Charles François Delpierre, magistrat de sûreté, administrateur du département, depuis le 7 septembre 1791.
·         Jean Baptiste Pommier, faisant fonction de juge d’instruction.

Et le même jour, au greffe de la justice de paix de Vittel, à deux heures de relevé, Jean Baptiste Pommier ouvre son instruction.
Les trois frères Arnould, leur mère et leur sœur sont inculpés d’assassinats, sans aucune enquête préalable.

Qui étaient les membres de cette famille qui jouissait d’une très mauvaise réputation et que l’on nommait « les Cardinaux » ?

Agnès Chassard, la mère serait née en 1738, à la Chapelle-aux-Bois, mais je n’ai trouvé aucun acte de baptême la concernant. 

Elle épousa, le 27 juin 1762, à Valfroicourt, François Arnould, dit le jeune, qui était né à Vittel, le 8 septembre 1742.

Acte de baptême – Vittel – septembre 1742.
François fils legitime de françois arnould et d’anne Brun son epouse est né le huit et a été baptisé le neuf septembre mil sept cent quarante deux a eu pour parein françois hattier et pour mareine anne Pierrot qui ont signe avec nous.

Mariage – Valfroicourt  - juin 1762
L’an mil sept cens soixante deux le vingt septieme jour du mois de juin après avoir devant public au prone de la messe paroissiale trois bans du futur mariage entre françois arnoud fils de françois arnould tailleur d’habits et d’anne brun de la paroisse de grand ban de Vittel d’une part et agnès chassard fille de feu jean chassard et d’anne martin de cette paroisse d’autre part....... en presence de françois arnoud père du marié françois Ete vigneron jean nicolas françois vigneron michel perrin tonnelier ces trois derniers de Valfroicourt temoins......

Le couple s’installa à  Vittel où naquirent leurs enfants.

·         François Arnould naquit le 7 octobre 1763 à Vittel
Acte de baptême – octobre 1763 – Vittel.
François fils legitime de françois arnoult le jeune et d’agnes chassard son epouse de cette paroisse est né le sept octobre de l’annee mil sept cens soixante trois et a été baptisé le lendemain il a eu pour parrain françois Estre de Valfroicourt et pour marraine agnez arnoult de cette paroisse qui a declaré ne scavoir ecrire ny signer. Le parrain a signe avec moy.

Il se fiança, le 15 janvier 1785, à Elisabeth Chrétien, en la paroisse Saint Privat de Vittel.
L’an mil sept cens quatre vingt cinq le quinze janvier françois arnould verrier fils mineur et legitime de feu françois arnould manoeuvre et d’agnés chassart ses père et mere de la paroisse du Grand ban et Elizabeth chretien d’Enteliere de cette paroisse fille majeure et legitime de feu claude chretien laboureur  et de catherine marchand  demeurante a totinville ont été fiancés et ont promis mutuellement de se marier ensemble le plutôt que faire se pourra lesquelles promesses ont été tenues et bénies par moi curé en presence et du consentement d’agnes chassart mere du fiancé et de jean Bastien laboureur demeurant à totainville Beaupere et tuteur de la fiancée et en presence d’andré Thouvenin vigneron de cette paroisse et d’antoine Bauque mercier du Grand Ban de Vitel et de claude françois anatte regent d’ecole de cette paroisse qui ont signé avec nous.

Le mariage eut lieu le 1er février 1875 à Vittel, paroisse Saint Privat.
L’an mil sept cent quatre vingt cinq le premier fevrier après avoir cy devant publié trois bans.... Mariage entre françois arnould verrier fils mineur et legitime de feu françois arnould manœuvre et d’agnes chassard ses père et mere de la paroisse du grand Ban de Vitel et Elizabeth chretien d’enteliere fille majeure et legitime de feu claude chretien laboureur et de catherine marchand de cette paroisse.....en presence et du consentement  d’agnes Chassart mere du marié et avec le consentement de Jean Bastien laboureur demeurant à totinville Beau père et curateur de la mariée et en presence de françois arnould manoeuvrier du Grand Ban de Vitel grand père du marié d’antoine lattraits jeune garçon du grand Ban de Vitel cousin issu de germain du marié, d’andré Thouvenin vigneron de cette paroisse et de claude françois anatte Regent d’ecole de cette paroisse qui ont signé avec nous.


Puis, veuf, il s’unit en secondes noces à Thérèse Hatier, le 22 janvier 1788, à Vittel également.
L’an mil sept cens quatre vingt huit le vingt deuxieme de janvier après avoir publié...... mariage entre françois arnoult marchand fils mineur de defunt françois arnoult manœuvre  et d’agnés chassard son epouse de cette paroisse et veuf en premieres noces de defunte Elisabeth chretien d’une part et therese hatier fille majeure des defunts françois hatier manœuvre et de marie anne Maire aussy de cette paroisse d’autre part.... En presence de la mere du marié de Anthoine latraye son cousin issu de germain de sebastien arnoux son oncle de frain de Nicolas Brion beau frere de la mariée et de joseph Dupont tous temoins de Vitel qui ont signé.......

Au moment de l’affaire, François, l’aîné, qui fait commerce de bêtes à cornes, a une réputation de mauvais sujet.

·         Joseph Arnould vit le jour le 19 mars 1767 à Vittel
Acte de baptême – mars 1767 – Vittel
Joseph fils legitime de françois arnould et d’agnes Chassard son epouse de cette paroisse est né le dix neuvieme jour de mars de l’an mil sept cens soixante sept au matin et a été baptizé le même jour a eu pour parrain joseph Vautard fils et pour maraine françoise Joel de cette paroisse la maraine a déclaré ne scavoir signer.

Il épousa le 19 janvier 1790, Catherine Rippart à Lignéville.
L’an mil sept cent quatre vingt dix  le dix neuf janvier après avoir cy devant publié au prône de la messe paroissiale....... mariage entre joseph arnould mineur de vingt deux ans fils legitime de deffunt françois arnould tailleur d’habits et d’agnés chassart ses père et mere de la paroisse de grand ban de Vitel d’une part et de cathetine Rippart majeure de trente deux ans fille legitime de deffunt françois Rippart manœuvrier et d’anne Luotet ses père et mere de cette paroisse d’autre part..... en presence de sieur joseph Vautard parrain laboureur de Vitel de Nicolas françois aussi laboureur audit lieu comme ami et en presence de françois senet filleur de laine oncle maternel de la mariee d’antoine Potier laboureur comme ami et de joseph Courtier greffier aussi comme ami....

Au moment des faits, Joseph travaille comme manœuvre. Il est venu s’installer à Vittel depuis deux ans. Avant il demeurait à Lignéville.


·         Sébastien arriva le 27 janvier 1769 à Vittel.
Acte de baptême – janvier 1769 – Vittel.
Sébastien fils legitime de françois arnoult tailleur et d’Agnés Chassard son epouse de cette paroisse est né le vingt sept janvier mil sept cens soixante neuf et a été baptisé le lendemain il a eu pour parrain françois arnoult son grand père et pour marraine Agnès perrin sa cousine germaine de Valfroicourt qui ont signé avec moy.

Il épousa le 25 janvier 1791, Agnès Grandgérard à Senonges.
L’an mil sept cent quatre vingt onze le vingt cinq janvier après avoir publié trois bans de mariage ..... entre Sebastien arnould fils mineur agé de vingt deux ans de defunt françois arnould originaire de Vitel décédé à Vitel manœuvre et d’agnés chassard originaire de Valfroicourt sa mere et tutrice demeurant à Vittel absente ayant donné son consentement dument legalise ses père et mere de la paroisse de grand ban de Vitel d’une part et agnés grandgerard fille mineure agee de vingt trois ans de joseph grandgerard originaire de cette paroisse manœuvre et résidant à Morny et de defunte therese fontaine originaire de cette paroisse y décédée, de la paroisse de Morny de droit et de celle de senonges de fait  à cause de sa résidence d’autre part.... en presence et du consentement dudit joseph grandgerard père de la mariee, de Nicolas grandgerard oncle de la mariée manoeuvre de ce lieu, de françois Vely manœuvre de ce lieu, de silvestre Grue marchand à Vitel oncle du marie....

Au moment des faits, Sébastien habite Sénonges. Il fait commerce de bêtes à cornes, avec son frère François.

·         Dominique Arnould arriva le 14 février 1771 et quitta ce monde le 4 avril 1772.
Acte de baptême – février 1771 – Vittel.
Dominique fils legitime de françois arnout et de agnès chassar son epouse de cette paroisse est né et a été baptisé le quatorzieme de fevrier de l’année mil sept cent soixante et onze il a eu pour parein dominique moiteseur et pour marraine theresse marlier qui a declaré ne scavoir signer.

Acte d’inhumation – avril 1772 – Vittel.
L’an mil sept cens soixante et douze le quattrieme d’Avril est décédé en cette paroisse dominique fils de françois arnoult le jeune manœuvrier et d’agnes Chassard son epouse de cette paroisse agé d’environ un an, son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetière de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’eglise......

·         Puis, ce fut Thérèse Arnould, née le 19 mars 1773.
Acte de baptême – mars 1773 – Vittel.
Therese fille legitime de françois arnoult manœuvre et d’agnés chassard son epouse de cette paroisse est née et a été Baptisée le dix neuvieme de mars mil sept cens soixante treize elle a eu pour parrain Anthoine Michel et pour Marraine therese majot tous deux de Vitel la marraine a declare ne scavoir signer, le parrain a signe.

Elle convola en justes noces, le 7 février 1804, avec Jean Joseph Duvaux.
Acte de mariage de Joseph Duvau age de vingt quatre ans deux mois natif de Valfroicourt departement des Vosges le vingt trois decembre mil sept cent septante neuf laboureur demeurant Valfroicourt fils de jean Duvau demeurant à Valfroicourt et de marguerite jacquot son epouse et de therese arnould age de trente ans onze mois né à Vittel le dix neuf mars mil sept cent soixante et treize dentelliere residante à Vittel fille de feu françois arnould de son vivant residant au dit Vittel et de agnés Chassard son epouse..... en presence de Jean Duvau laboureur residant à Valfroicourt age de soixante ans père de l’epoux de Nicolas florentin maçon à Valfroicourt age de quarante quatre ans françois arnould marchand vivant à Vittel age de quarante ans frere de l’epoux joseph arnould age trente cinq ans frere de l’epoux......

Au moment des faits, Thérèse qui vient d’épouser Joseph Duvaux, vit avec son époux chez sa mère, deux fois veuve.


·         Un autre petit garçon, nommé Dominique Arnould, naquit le 18 novembre 1774. Il ne vécut que 5 jours.
Acte de baptême – novembre 1774 – Vittel.
Dominique fils legitime de françois arnout le jeune Manœuvre et d’Agnés chassard son epouse de cette paroisse est né et a été Baptisé le dix huitieme de Novembre mil sept cens soixante quatorze il a eu pour parrain Jean Dominique thomas et pour marraine françois Noël tous deux de cette paroisse qui ont signé avec moy.

Acte d’inhumation – novembre 1774 – Vittel.
L’an mil sept cens soixante quatorze le vingt troisieme de Novembre est decedé en cette paroisse Dominique arnoult fils de françois arnoult le jeune manœuvre et d’agnés chassard son epouse de cette paroisse age de six jours, son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de leglise en presence .....


·         Reine Arnould fut la suivante, née le 28 mars 1776.
Acte de baptême – mars 1776 – Vittel.
Reine fille legitime de françois arnoult manœuvre et d’agnes chassard son epouse de cette paroisse est nee à huit heures du matin et a été Batisee le meme jour vingt huitieme de mars mil sept cens soixante seize elle a eu pour parrain alexis Bruez et pour marraine reine haillot tous deux de Vitel le parrain a declare ne scavoir signer.

Elle décéda deux ans et demi plus tard, le 13 octobre 1778.
Acte d’inhumation – octobre 1778 – Vittel.
L’an mil sept cens soixante dix huit treizieme d’octobre est decedée en cette paroisse Reine arnout fille de deffunt françois arnout manœuvre et d’agnes chassard son epouse de cette paroisse agée d’environ trois ans. Son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’eglise en presence ......


·         La petite dernière reçut le nom de Anne Arnould, le 14 mai 1778.
Acte de baptême – mai 1778 – Vittel.
Anne fille posthume de deffunt françois arnoult manœuvre et d’agnes chassard son epouse de cette paroisse est née à six heures du soir le quatorzieme de may mil sept cens soixante dix huit et a été baptisee le lendemain elle a eu pour parein clement Bruyer et pour mareine anne arnoud sa tante tous deux de Vitel qui on declaré ne scavoir signer.

Elle devait décéder le 8 août 1779.
Acte d’inhumation – août 1778 – Vittel.
L’an mil sept cens soixante dix neuf le huitieme d’Août est decedé en cette paroisse anne arnout fille de defunt françois arnoult manœuvre et d’agnés chassard son epouse de cette paroisse agee de quinze mois son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’église en presence des parens et temoins......

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François Arnould, le père, dit le jeune, décéda à l’âge de trente-cinq ans, le 27 novembre 1777, à Vittel.
L’an mil sept cens soixante dix sept le vingt septieme de Novembre est décédé en cette paroisse françois arnoult lejeune manœuvre marié en premieres noces à agnés chassart de cette paroisse age d’environ de quarante  ans après avoir été confessé son corps a été inhumé dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’eglise ......


Agnès Chassard, veuve Arnould, se remaria le 13 février 1781, avec Gabriel Hocquard qui avait vu le jour le 25 mai 1744 à Vittel.

Naissance – Vittel –  paroisse Saint Remy - mai 1744.
Gabriel fils legitime de Blaise hocquard et de Marie David est ne le vingt cinq et a été baptise le vingt sept may mil sept cent quarante quattre a eu pour parein antoine hocquard qui a signe et pour mareine marguerite David qui a fait sa marque.

Mariage - Vittel – février 1781.
L’an mil sept cens quatre vingt un le treize de février après avoir publié aux prones de ma messe paroissiale... trois bans de mariage entre Gabriel hocquard manœuvre age de trente cinq ans veuf de defunte marie Chailly de cette paroisse et agnès chassard dentelliere veuve de defunt françois arnoult manœuvre de cette paroisse ......... en presence de jean Baptiste Thouvenin oncle maternel du mari de Dominique hocquard son frere de françois arnoult et françois fourquin tous de Vitel qui ont signé.................

Un enfant naquit de leur union, le 17 juillet 1782.
Alexis fils legitime de Gabriel hocquart manœuvre et d’agnès chassard son epouse de cette paroisse est né a quatre heures du soir le dix sept juillet mil sept cens quatre vingt deux et a été baptisé le même jour et a eu pour parein françois arnould son frere et pour maraine Jeanne Thouvenin sa cousine tous deux de cette paroisse qui ont déclaré ne savoir écrire ni signer.

Le petit Alexis ne vécut que quatre mois à peine, il décéda le 6 novembre 1782.
Acte d’inhumation – 7 novembre 1782 – Vittel.
L’an mil sept cens quattre vingt deux le sixieme de novembre est decedé en cette paroisse alexis fils de Gabriel hocquard manœuvre et d’agnés chassard son épouse de cette paroisse agé d’environ quattre mois son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’Eglise en presence de Luc et Joseph lallement de Vitel qui ont signé avec moi.

Gabriel Hocquard le suivit de près dans le petit cimetière de Vittel. Il décéda à l’âge de quarante ans, le 28 octobre 1784.
Acte d’inhumation – 29 octobre 1784 – Vittel
L’an mil sept cens quattre vingt quattre le vingt huitieme d’octobre a onze heures et demy du soir est decedé en cette paroisse Gabriel hocquard manœuvre marié en secondes noces a agnés chassard de cette paroisse agé d’environ quarante ans après avoir été confessé, reçu le St Viatique et l’extrême oction son corps a été inhumé le lendemain dans le cimetiere de cette paroisse avec les ceremonies ordinaires de l’eglise en presence de jean Baptiste Thouvenin son oncle et de Gabriel thouvenin son cousin germain de Vitel qui ont signé avec moy.

Agnés Chassard, veuve Arnould, veuve Hocquard, se retrouva seule avec ses quatre ainés :
François, Joseph, Sébastien et Thérèse et bien sûr leurs conjoints et leurs enfants.
Reprenons le cours de l’affaire......

Suite à la macabre découverte d’ossements dans la carrière de Vittel, les témoignages affluent et les accusations se portent sur la famille Arnould vivant juste à côté, d’autant plus que cette famille a mauvaise réputation.
Ne sont-ils pas que des ivrognes, ayant toujours les menaces aux lèvres et un bâton en main, prêts à frapper. On les accuse de violences et de vols.
Des faits ? En veux-tu ? En voilà !
François Arnould a renversé d’un coup de poing Nicolas Vauqué.
Il a lancé une bouteille à la tête de Claude Jacquot.
Il a volé douze francs à Nicolas Audinot.
Et puis, ce serait bien lui qui a volé, jadis, le Claude Phelisse à Vittel, la veille de la foire, il y a quelques temps !
Et avec son frère Sébastien, François a frappé très fort Nicolas Biet. Le pauvre homme en est mort un an après.
Joseph, il n’est guère mieux celui-là ! Il a volé une montre chez Huot, l’aubergiste.

Et puis, il y avait eu cette affaire, déjà, le 17 mai 1792. François Arnould avait donné un coup de couteau dans le ventre du garde-forestier, François Floriot. François Arnould fut arrêté l’année suivante, le 21 mars 1793 et fut condamné à un an d’emprisonnement, peine qu’il effectua à la prison de Mirecourt. Il en sortit, le 27 germinal an II (1er avril 1794). Ce fut à cette date là qu’il s’installa chez sa mère à Vittel.
Ce fut également à cette époque que Blaise Pierrot, un voisin avait ouvert une carrière, en face de la maison des Arnould. Il referma cette carrière deux semaines plus tard. Nul ne sait pourquoi.
Pendant les auditions des témoignages, Nicolas Humbert, ancien juge de paix affirme que sa sœur, la dame Remy Moitessier, décédée depuis, lui avait raconté que dans les lieux où furent découverts les ossements, elle avait remarqué une fosse fraîchement creusée, puis comblée.

Mais surtout, plusieurs personnes ont disparu et les ossements retrouvés sont assurément les leurs. Il y a là :
Les trois frères Didiot de la Côte-d’or ou de la Nièvre, un certain Philippe de Westhoffen près de Strasbourg,  et un autre, Compagnon, de Brion près de Chatillon en Bourgogne et le Pierre habitant Monthureux-les-Gray, la maison en bas de la côte.

Voilà une bien étrange affaire ! Et elle va prendre des proportions incommensurables, grossie par la rumeur et la haine de toute une ville contre une seule famille.
Le 29 ventose an XII  (20 mars 1804) sont arrêtés :
·         François Arnould, 41 ans, marchand de Bétail à Vittel.
·         Agnès Arnould, née Chassard, 68 ans, dentelière, mère de François.

Le 1er germinal an XII (22 mars 1804), c’est au tour de :
·         Sébastien Arnould, 34 ans, marchand de bétail, habitant Senonges, depuis quatorze ans.
·         Joseph Arnould. 38 ans, manœuvre, depuis deux ans à Vittel, avant, il demeurait à Lignéville.

Les prévenus sont entendus, mais bien qu’ils nient tout ce qui leur est reproché, ils sont pressentis comme les coupables idéals.

Du 28 ventose au 5 germinal an XII, le juge Pommier entend quatre-vingt-trois témoins.

Jacques Colin – 32 ans – sans état :
Il y a huit ans, il était conducteur de bœufs chez François Arnould. Un soir, un homme dans la quarantaine, fluet, 5 pieds deux pouces, arriva sur un cheval blanc. Il venait du Morvan ou de la Nièvre. Ce jour-là, on lui a demandé d’aller manger à l’auberge, ce qui l’étonna beaucoup.
Le lendemain François Arnould partait à la foire de Vrécourt sur le cheval qu’il dit avoir acheté à l’étranger qu’il s’apprêtait à rejoindre. Mais c’est  assurément, ce même jour que François Dupont étant entré dans la cuisine des Arnould avait remarqué des taches de sang sur le sol.

François Dupont interrogé à son tour, confirme les dires de Jacques Colin et précise que François Arnould l’avait également volé sur le prix de deux voitures de paille.

Charles Richard a acheté, il y a environ quatre ans, une maison dans laquelle avait vécu François Arnould. Il avait creusé pour faire une cave à environ trois pieds de profondeur et il avait trouvé des ossements humains. « Les Arnoud, dit-il, sont des fripons, des voleurs, des gens dangereux. »

Suite à ce témoignage, le jardin de cette maison est fouillé. Des ossements sont mis au jour que le Docteur Rambaud identifia comme étant des os de femmes.

La femme Gérardin, née Anne Trompette, tient un café à Remoncourt. C’est dans ce commerce que François Arnould vient souvent avec ses créanciers. Elle a constaté la mauvaise foi et la brutalité de celui-ci. « On l’appelle voleur, coquin et ça le fait rire ! conclut-elle »

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Les prévenus sont entendus par le juge,  les 7 et 8 germinal an XII.

Agnés Chassard
Non, elle ne connait pas les frères Didiot.
On lui reproche de ne jamais ouvrir les volets de sa maison ? C’est faux ! Ceux-ci sont fermés uniquement lorsqu’elle s’absente pour chercher de l’ouvrage.
Il y a de mauvaises odeurs dans la carrière ? Elles proviennent, en temps de grosses chaleurs, de chez le rifleur (tanneur) non loin de chez elle. Ce tanneur entrepose des peaux de bêtes. Ce n’est pas dû aux cadavres en putréfaction comme on le dit !
Elle a essayé d’étrangler son gendre, Joseph Duvaux, avec sa fille ? Non, c’est le contraire, elle essayait de prévenir celle-ci des coups de son mari. Ce n’était qu’une banale querelle de ménage !

Thérèse Arnauld, femme de Joseph Duvaux, auditionnée à son tour, nie toutes les accusations. Elle avoue que son mari est brutal et que sa mère vient souvent à son secours quand il la frappe.

Pommier interroge alors Joseph Arnould qui est un jeune homme fade et effacé. Il nie aussi tout ce qui est reproché à sa famille.

Sébastien Arnoud, entendu à son tour, ne comprend pas les accusations. Il n’a assassiné personnes.
Les ossements, il ne sait pas pourquoi ils se trouvent dans la carrière.
Par contre, il connait bien les frères Didiot qu’il a rencontrés sur les foires. Ils ne sont pas trois, mais quatre. Un s’est marié à Bulgnéville et a habité Neufchateau. Un autre résidait à Saulieu près du Morvan. Le troisième demeurait à Thoisy-la-Berchère à quinze milles du dit Saulieu. Le quatrième, lui, était d’un village près de Thoisy. Il ne les a pas revus depuis sept ans.

Le juge fait venir François Arnould. Il pense que c’est lui le chef de la bande, lui qui organise tout. C’est un homme sans scrupule, sans pitié. Son opinion est faite. Il est sûr de lui.
François fait les mêmes réponses que son frère Sébastien, aux mêmes questions du juge.

Car, en effet, les interrogatoires sont tous identiques et chacune des auditions, portant questions/réponses, tient sur une seule page.
Tout cela ne mène à rien. Rien de précis, en fait, pour accuser ouvertement cette famille. Uniquement des racontars, même les réponses des inculpés sonnent « vraies ».
Alors ?

Qui est le magistrat Pommier ?
Agé de 52 ans, il a une longue carrière, ayant assumé d’importantes fonctions, et notamment pendant les évènements de la Révolution. Cette affaire lui fait passer des nuits blanches et quand le sommeil vient enfin, il est peuplé  des membres de la famille Arnould assassinant sauvagement et découpant les cadavres.
Pourquoi ?
Comment ?
Qui ?

Mais jamais ce juge ne cherchera à savoir à qui appartiennent les ossements.
Jamais il ne fera rechercher les frères Didiot, Philippe, Compagnon et Pierre ou interroger les proches ou les familles de ceux-ci.
Son enquête ne tourne qu’autour des Arnould, et pourtant les diverses perquisitions au domicile de ceux-ci se révèlent infructueuses.
·         Pas de traces de sang.
·         Pas de cadavre.
·         Pas d’argent.
·         Pas de cachette.
·         Rien de suspect.

Mais ces gens-là, se sachant découverts, n’avaient-ils pas pris toutes les précautions nécessaires ?
On en est là, quand le 12 floréal an XII (3 mai 1804), le juge reprend l’instruction dans son cabinet  de Mirecourt.
Entre temps, les langues se sont déliées. Les gens se sont concertés et les souvenirs ont ressurgi.
Pour une fois qu’il y a des faits intéressants dans la commune, cela permet de parler entre voisins et surtout de médire sur une seule famille, les Arnould !
N’ont-ils pas une réputation de gens de rien, de coquins, de voleurs. Et puis les volets fermés, ne le sont-ils pas, justement, pour cacher leurs méfaits ?

Et, les nouveaux témoignages affluent.

François Carcher de Senonges a reçu des coups de bâton et de sabot de François Arnould et de sa femme.

Nicolas Vincent, trois ans auparavant, a été arrêté par un des frères Arnould qui lui a offert une bouteille de vin blanc. Il a jugé prudent de ne pas l’accepter. Ne voulait-on pas le saouler pour le dévaliser ?

Mathieu Poirot, cordonnier à Domjulien, a fait un jour une mauvaise rencontre. Il en ressent encore les effets des coups. Assurément, c’étaient les frères Arnould ! Qui d’autres, d’ailleurs ?

Joseph Joux, 41 ans, marchand à Godoncourt. Il se souvient. C’était le 25 floréal an II, le jour de la foire de Vittel. Il s’était rendu le soir, avec le Nicolas Voirin de Lignéville, traiter une affaire chez François Arnould. Il y avait aussi son frère, Sébastien. Comme il était tard, François leur a offert l’hospitalité pour la nuit. A peine couchés, la femme de François était venue en cachette les prévenir de ne pas s’endormir trop tôt. Ils furent très inquiets d’autant plus qu’ils avaient six mille francs sur eux. Pourtant, il ne se produit rien, sauf un cauchemar. Ils étaient attaqués par des voleurs et se débattaient violemment.
Interrogée sur ce fait, la femme de François ne nia pas la recommandation, expliquant que les hommes ayant beaucoup trop bu, elle craignait quelque querelle. Rien de plus.
Cette réponse fut-elle crue ?


En prairial, le juge Claude François Perrin, est commis à l’instruction.
Qui est-il ?
Il a une réputation de « magistrat à poigne », mais n’a pas laissé de trace dans l’histoire.
Ce magistrat donc, reprend un dossier quasi vide, sans aucun argument, sans aucune preuve flagrante. Rien pouvant aboutir à une quelconque accusation.
Pendant tout le mois de prairial an XII (mai juin 1804), il étudie le dossier.

Puis, le 7 messidor an XII, tout s’éclaire !
Des témoignages dévoilent des faits nouveaux, précis ceux-là.

Michel Huraux, garçon meunier, chez Jean Thomas meunier à Parey-Saint-Ouen, âgé de dix-neuf ans a vu, a été témoin. Il peut le jurer.
Il y a environ sept à huit ans (il avait donc 11 ans environ), c’était en hiver, un peu avant la Noël, il couchait au domicile des Arnould, dans la maison occupée aujourd’hui par Charles Richard de Vittel. A six heures du soir la femme de François lui dit d’aller se coucher. Il alla donc dans l’écurie, séparée de la cuisine par la grange.
Vers minuit, il entendit des cris, des appels « au secours ! ». Il sortit par une des fenêtres de l’écurie et alla regarder par la fenêtre de la cuisine. Il vit plusieurs hommes et une femme, dont François, entourant un cadavre à terre. Le lendemain matin, il constata du sang sur le sol. Des cendres avaient été répandues dessus.
Le 14 thermidor, Michel Huraux vient modifier sa déposition.
Il n’est plus sûr de la date.
C’était il y a six ans. Ce n’était pas François qu’il avait vu, mais le fils de François.
Et il se souvient d’un autre fait. Trois semaines après cet évènement dans la maison des Arnould, sur les dix heures du soir, cherchant un abri en parcourant les rues, il avait vu François Arnould avec une femme qu’il ne connaissait pas, sortant de sa maison  avec un cadavre qu’ils déposèrent à l’angle septentrional de la maison.
Il ne sait pas alors ce qu’était devenu le cadavre, car il s’était sauvé. Il avait eu très peur.

Ce qu’il faut préciser toutefois c’est que Michel Huraux est plus connu sous le nom de « Diodiche ». C’est « un chétif bancal et pieds bot » et qui, de surcroit, est bègue et quasi sourd muet. Ce pauvre idiot, enfant infirme, abandonné par sa famille et vivants d’expédients (il est noté « mendiant » dans les procès verbaux), devient alors la « lumière » de la justice.

Et pourtant, malgré cela, Perrin ne pose pas plus de questions et ne s’étonne même pas pourquoi ce jeune homme n’a pas évoqué cette scène, capitale, trois semaines auparavant.
Et puis, ce crime, effectué alors que quelqu’un dort dans l’écurie, tous volets ouverts, alors que chacun atteste qu’ils sont toujours fermés !

Puis arrive un autre témoin, en la personne de Jeanne Rose Emonet, fille majeure, 36 ans, dentellière à Vittel.
Et elle raconte que..... Il y a sept ou huit ans, elle a rencontré le dit Huraux qui lui avait raconté.... et mot à mot, comme une leçon bien apprise, elle rapporte la même version des évènements, que précédemment, Michel Huraux. Copiée ! Calquée !
Pourquoi le juge ne s’en est-il pas étonné ?
Ne lui a-t-il pas, même, soufflé les termes du témoignage ?
Mais, du transport du cadavre, rien !
Elle dit aussi que c’était elle qui avait conseillé à Huraux de n’en rien dire.
Mais elle précise qu’elle n’a pas seulement recueilli des confidences, elle a vu aussi des choses et ces choses les voilà :
Il y a huit ans, au mois de thermidor, pendant la veillée mortuaire du défunt Lafleur de Vittel, vers une heure ou deux après minuit, elle avait entendu des cris lugubres. Elle était sortie pour voir, avait allumé une lanterne et s’était dirigée vers le lieu d’où provenaient les cris. Près du ruisseau, elle avait trouvé un « cadavre qui respirait encore ». C’était un homme. Il avait « la figure ensanglantée ». Il était « sans habit, le collet de sa chemise déchiré, sans col, ayant sur les reins une ceinture en cuir débouclée, les culottes déboutonnées en partie. »
Elle était retournée dans la maison du défunt Lafleur. Dix minutes plus tard, elle était retournée sur le lieu et avait vu, à deux ou trois toises devant elle, deux hommes de stature identique, assez forte, dont l’un portait le cadavre sur son épaule. Elle s’était cachée et avait vu les hommes pénétrer dans la maison qu’occupait François Arnould et qui est celle de Charles Richard aujourd’hui.
Suite à ce récit, elle confirme ses dires et paye la taxe requise portée à quatorze francs. Puis, elle déclare ne pouvoir signer car ne sachant le faire.

Jeanne Rose Emonet est de nouveau entendu, le 15 thermidor an XII, mais son récit se trouve légèrement modifié.
Si elle confirme avoir vu un homme sur le point d’expirer, la seconde fois qu’elle s’était rendue près de la rivière, elle ne l’avait pas revu. Elle avait bien vu deux hommes emportant ce qu’elle croit être un cadavre, mais elle n’en est plus certaine. Ils s’étaient sauvés et étaient entrés dans le jardin d’Alexandre Phélisse. Elle précise également qu’au moment des faits, François Arnould n’habitait pas dans la maison de Charles Richard, mais dans la maison de la cure du grand ban.

Mais le juge Perrin est convaincu que Michel Huraux a dit la vérité, qu’il a bien vu un cadavre au milieu de la cuisine des Arnould. La femme de François était présente, aussi celle-ci est inculpée et conduite à Mirecourt.
Thérèse Hatier décline son identité. Elle a 43 ans, a épousé le 22 janvier 1788 François Arnould, veuf d’Elisabeth Chrétien.  Malgré ses dénis, elle est emprisonnée sur le champ.

Thermidor an XII.
Cela fait cinq mois que les ossements ont  été découverts.
Cela fait cinq mois que ces événements animent les conversations des uns et des autres.
Cela fait cinq mois que les souvenirs précis ou flous resurgissent.
Nouveaux témoins... les interrogatoires reprennent.

Jean Claude Briot – 24 ans- marchand de  bétail à Vittel.
« Les prévenus ont une très mauvaise réputation, affirme-t-il ».
En cela rien de nouveau !
Mais il raconte ce que son père, prénommé Jean Claude, comme lui, décédé depuis sept ans, avait raconté que.....
Son père, donc, avait entendu des cris de détresse. Il s’était alors précipité chez les Arnould, car les cris provenaient de là. En entrant dans la cuisine, il avait vu des morceaux de cadavres, des mains et des pieds notamment. François Arnould lui avait expliqué qu’il venait de tuer une chèvre et que c’était sa femme qui avait crié, car elle n’était pas d’accord.
Son père ne lui avait jamais parlé de cet horrible événement. On lui avait rapporté, après le décès de celui-ci.
Par contre, la veuve Briot, sa mère, interrogée à son tour a affirmé n’avoir jamais entendu parler de cela. Son mari ne lui avait jamais rien confié.

Le juge Perrin trouve un témoin qui avait assisté à cette même scène morbide. Il s’agit d’un certain Nicolas Moitessier, 62 ans, officier en retraite à Vittel. Cet homme est très précis dans ses déclarations.
C’était le 23 juillet 1795, à la tombée de la nuit. Il buvait un verre chez la veuve Thiébault avec Jean Claude Briot. Ils avaient entendus des cris et s’étaient précipités dehors. C’était François Arnould qui battait sa femme. Briot était entré dans la cuisine et avait vu quelque chose d’ensanglanté dans une hotte. Et François Arnould avait dit qu’il venait de tuer une chèvre. Mais, ils n’avaient vu ni mains ni de pieds coupés.

Etienne Villemin, cultivateur de Mandres-sur-Vair raconte lui que le troisième dimanche de carême 1787, il avait vu sortir de la maison de la veuve Arnould, un homme en chemise, visiblement affolé, qui se sauvait en criant.

En vendémiaire an XIII, le juge rouvre le dossier.
Il réinterroge, le 14 vendémiaire (6 octobre 1804), les six inculpés.

François Arnould :
Avez-vous au cours de l’hiver de l’an VI logé pendant plusieurs jours, un nommé Michel Huraux ?
« Non, mais ma femme lui a donné l’hospitalité, il y a une douzaine d’années, alors que j’étais absent. »
Le juge lui parle de l’affaire rapportée par le père Briot et le sieur Nicolas Moitessier. François répond :
« Non, je n’ai jamais déposé de pieds et de mains dans une hotte. »
Le juge rapporte les faits décrits par Jeanne Rose Emonet :
« Je n’ai pas assassiné un étranger près du ruisseau. »
Et le vol chez Phelisse, en 1785 ?
« Une banale querelle avec un certain Jean Gilbert, de Grainvilliers. »


L’épouse de François Arnould, Thérèse Hatier, n’est interrogée que sur l’hospitalité donnée à Michel Huraux.
« Oui, j’ai hébergé le Michel, mais il n’a pas été commis d’assassinat dans ma maison. »

A Sébastien Arnould, une seule question :
Avez-vous commis deux assassinats, un près du ruisseau de Vittel et l’autre au domicile de votre frère ?
La réponse fut brève : « Non ».

Puis c’est au tour de Joseph Arnould, de la veuve Arnould, Agnès Chassard, et de Thérèse Arnould.
Même question que précédemment.
Même réponse également : « Non ».

Et c’est tout !
Pas de confrontation avec les accusateurs.
Aucune enquête complémentaire.
Que peut-on faire contre une réputation établie de longue date et que chacun colporte ?

Que peut-on faire contre des rumeurs ancrées depuis des années ?


...............................  A suivre .............................