mardi 31 janvier 2017

DE L'ANGE..... AU DEMON - La condamnation.



Journal « L’Abeille de Lorient »
30  novembre 1851

Les assises de l’Ille-et-Vilaine vont voir s’ouvrir le procès de la nouvelle Brinvilliers, Hélène Jegado, simple domestique, accusée de plus de soixante empoisonnements.
Dans toutes les maisons où elle a servi, elle a empoisonné quelqu’un, non pas pour voler, mais pour empoisonner. On assure qu’elle affectait une dévotion outrée, et que dans les maisons où elle venait servir, elle disait crûment à ses maîtres : Prenez garde, la camarade la mort me suit.... Plus de quinze témoins de Lorient sont assignés ; on cite entr’ autres l’honorable M. Dupuy de Lôme, capitaine de frégate en retraite, et toute sa famille qui a, comme lui, bu dans le temps le bouillon de la Brinvillers..........

Par ce début d’article, le décor était planté !


Les accusations ne concernaient pas seulement des crimes, il y avait aussi des vols.
La plupart des objets dérobés furent retrouvés dans le bagage d’Hélène Jegado.

Je vous soumets un petit aperçu des témoignages grappillés au fil des séances du procès dans « La gazette des tribunaux de Paris ».

Virginie Leblanc.
« Quand Hélène était au service de Monsieur Duperrou, mon parent qui demeure à Port-Louis, elle a volé des draps. »

Marguerite Moguero,
« Chez Monsieur le Curé de Plouerin, pendant son séjour, Hélène a forcé les tiroirs de ma commode. Elle m’a volé de l’argent. »

Laurent Perron.
Il confirma les dires de Marguerite Moguero. Hélène furettait partout, comme à l’affût.

Rose de Gouvelle, dame de Bavallon, propriétaire à Vannes.
« Hélène n’est pas restée longtemps. Elle avait pour habitude de voler. A part cela, je n’avais pas à me plaindre de son service. C’était une fille travailleuse. Elle avait toutefois un penchant pour le mensonge, surtout quand il s’agissait de faire accuser les autres domestiques de ma maison. »
Chez cette dame, Hélène vola : sept torchons – deux taies d’oreiller – deux mouchoirs – deux serviettes – une nappe – un couvre pieds – deux draps de lit.   

Emilie Roullié, dame Lejoubriou à Vannes.
« C’est Monsieur le Curé qui m’a prévenu qu’Hélène était une voleuse. D’ailleurs, elle m’a volé quatre torchons et un mouchoir. »

Madame Gaultier.
« Hélène a servi chez moi. Cela devenait insupportable avec les autres domestiques. Elle leur cherchait toujours querelles. Quel caractère hargneux elle avait !
J’ai découvert aussi qu’elle m’avait volé du linge. »

Monsieur Gauthier, rue Chateaurenault à Rennes.
« Hélène descendait souvent à la cave.... et pour cause.... le niveau des barriques baissait vite ! Elle me vola une serviette. »

Madame Charlet.
« L’accusée est restée à mon service quatre mois. Lorsque je l’ai embauchée elle m’avait dit avoir servi vingt-huit ans dans la même maison. Au début, son service était impeccable, puis elle devint rustre et grossière. Elle tomba malade et malgré mon insistance refusa de voir un médecin. Je crois bien qu’elle buvait derrière mon dos. Elle m’a également volé du linge. »

Monsieur Leclerc, menuisier à Rennes.
« J’ai connu Hélène en 1847. Elle m’avait prêté trois-cents francs. Elle a même été la marraine d’un de mes p’tits. En 1848, elle est revenu à Rennes et a vécu avec nous. En raison de son caractère détestable je lui ai demandé de partir. Avec la femme, c’était plus possible. Elle a volé, en partant, une hache et deux tasses. »

Dame Fleury et Dame Legendre.
Hélène avait servi dans la maison de ces deux dames. Peu de temps d’ailleurs !
Elles durent s’en séparer en raison de son caractère insupportable.

Madame Carrère.
« Hélène déroba dans ma maison une pièce de cordonnet de soie rouge d’une valeur de cinq francs et une cuillère en argent. »

Madame Charlet.
« C’est bien beau tout ça, mais c’est qui, qui me rendra les deux serviettes qu’elle m’a prise ? »

Monsieur Ozanne.
Précisa également qu’Hélène lui avait volé de l’eau de vie en assez grande quantité.

Monsieur Pitois, médecin.
« J’ai toujours vu dans cette femme un caractère bizarre. »

Monsieur Julien Guimart, recteur à Seglien.
«  J’ai connu Hélène lorsqu’elle était domestique Chez Monsieur Ozanne. Elle était violente et en discussion perpétuelle avec son maitre, homme faible et facile à intimider. Elle se disputait avec sa propre tante. Concernant l’arsenic, tous les domestiques avaient accès à ce poison, en raison des rats. »

La veuve Cadic.
« C’est le 28 décembre 1834 que j’ai appris que la veuve Torcy, ma tante était fort mal. Je suis allée la voir à Locminé. Deux jours après mon arrivée, elle était morte. C’est là que la fille Hélène est venue me voir et m’a dit : « Que je suis malheureuse ! Partout où je vais, le monde meurt. » Elle me fit pitié, et je la consolai, alors que la mort, c’était elle ! Ma tante avait été malade après avoir mangé une soupe. Hélène l’avait veillée et soignée. Dans la ville, on disait qu’Hélène avait le foie blanc et que son haleine faisait mourir. »


De l’avis de tous les témoins, dans ses différentes places allant de 1833 à 1841, Hélène se montra tour à tour méchante, immorale, hypocrite, affichant des sentiments religieux et d’affection pour ses maîtres ainsi que différents vices dont l’alcool.
Vices auxquels je peux ajouter le vol et ........ le meurtre !
Ouah ! Quel palmarès !



Quelques preuves sur la détention par Hélène d’herbes et de poudres ?

La femme Gouillas.
« J’ai eu connaissance des divers décès qui avaient eu lieu chez Monsieur le curé de Bubry. Quelle pitié ! On dit à l’époque qu’Hélène avait été renvoyée de cette maison pour vol et qu’on avait trouvé sous son lit des herbes vénéneuses. »

Marie Le Rouzic, débitante à Seglien.
« J’ai vu l’accusée mettre des graines de chanvre dans la soupe. »

Adèle Kerfeunten, cuisinière à Bubry, nièce du curé.
« Quand Hélène a quitté sa place, on a retrouvé sans son matelas des herbes et un petit pot contenant une sorte de souffre. »

Madame Carrere.
« J’étais pas très bien quand j’ai engagé Hélène. Elle m’assura connaitre des remèdes qui me remettraient sur pied. Elle m’en donna, en effet, en tisanes et dans du lait. Je suis restée malade plus de dix-huit mois après avoir bu ceux-ci. Et puis, elle faisait un emploi considérable de tabac. J’aimais pas ce vice. »

Marie Perel.
« Dans la malle d’Hélène on a retrouvé des clefs de différentes grandeurs. Pas besoin de dire à quoi pouvez servir tout cela ! Et puis, on a trouvé aussi trois sachets un contenant du safran, l’autre une poudre brunâtre et le dernier de la poudre blanche. Un matériel de sorcière. D’ailleurs on l’appelait « foie blanc », son haleine tuait ! »


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Il y eu d’autres témoins, ceux qu’on nommera les experts. Je les ai découverts dans « l’abeille de Lorient », en  date du 20 décembre 1851.

Témoin : Monsieur Bruté, père, médecin, a constaté que l’accusée a une tumeur squirreuse au sein gauche.
Maitre Dorange, avocat d’Hélène Jegado, au témoin :
Est-ce une maladie mortelle ?
Le témoin :
Elle peut être guérie.
Maitre Dorange, avocat d’Hélène Jegado, au témoin :
Savez-vous si l’accusée avait une affection d’estomac ?
Le président :
Bien des gens ont mal à l’estomac et ne sont pas des criminels.

Cette répartie de Monsieur le Président, déclencha des éclats de rire dans la salle.


Témoins : Monsieur le docteur Guepin de Nantes.
Maitre Dorange, avocat d’Hélène Jegado, au témoin :
Que pensez-vous de l’accusée ?
Le témoin :
Ce qui me semble ressortir des faits qui me sont connus, c’est une grande preuve d’intelligence, avec l’absence complète de cette moralité qui sert de contre-poids dans la vie. Les êtres ainsi conformés vont directement à leur but, sans s’inquiéter des obstackes. Ils ne sont susceptibles ni de remords, ni de repentir. Ils n’ont que des regrets et surtout celui de ne s’être pas débarrassés à temps des personnes qui les ont fait paraître devant les tribunaux.

Pour Monsieur le docteur Guepin, Hélène Jegado, était, bel et bien, responsable de ses actes.

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Devant ses juges, Hélène dut répondre de dix-sept chefs accusation, allant du vol, de la tentative d’empoisonnement, au crime d’empoisonnement ; les autres crimes, antérieurs, étant proscrits.

Monsieur Dubodan, procureur général, fit un réquisitoire de plus de deux heures dont voici quelques secondes, très édifiantes :
« Laissez-nous en terminer, Messieurs, rassembler tous les traits de ce caractère étonnant, exceptionnel, horrible que vous avez devant vous. Hélène est de ces êtres qui, dédaignant les secours de Dieu et des hommes, sont parvenus à se faire dans le crime une tranquille paix.
Elle fut de bonne heure abandonnée à ses méchants instincts ; elle n’a pas voulu les réprimer !......
Hélène fut de bonne heure méchante, emportée, ingrate, dissimulée, voleuse. Elle allait au pied des autels, chargée de ses crimes de la veille et de ses crimes du lendemain ; car elle en nourrissait la pensée, et ses crimes étaient des assassinats........ »

L’avocat d’Hélène, Maître Magloire Dorange, plaida la folie. Il mit tout son cœur à défendre sa cliente, il fut même brillant. Mais que pouvait-il devant toutes ses accusations et toutes ces preuves ?
Il finit sa plaidoirie par ces mots :
« Hélène Jegado est un phénomène, un fléau de Dieu que la société doit écarter de son sein, mais n’ayant pas eu la conscience des crimes qu’elle commettait, ne doit pas porter sa tête sur l’échafaud ».

Les jurés se penchèrent sur le « cas Jegado », pesant sa culpabilité et sur la peine à lui infliger.

Le 14 décembre 1851, la sentence tomba : « condamnation à mort ».
A la lecture de ce verdict, Hélène Jegado qui avait toujours proclamé son innocence, lança :
« J’aime mieux mourir innocente que vivre coupable. Ah ! Monsieur Bidard en répondra devant Dieu ! Il souffrira là-haut, et moi j’y serai heureuse..... Je suis innocente ! Je suis innocente ! »

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Laissons la parole au journaliste du :
« Journal des débats politiques et littéraires »
Dimanche 29 février 1852

Le 25 février dans la soirée, à Rennes, le procureur général transmit l’ordre de préparer l’exécution d’Hélène Jegado, condamnée à mort pour de nombreux empoisonnements. Cette femme depuis son entrée à la prison, avait joui d’une assez bonne santé, et n’avait point été alitée ; mais hier elle avait été très souffrante et avait dû garder le lit. On redoutait qu’en apprenant cette nouvelle, Hélène ne refusa de se lever, et qu’il ne faillit employer la violence pour la faire obéir ; on eut donc recours à un expédient. Hélène avait demandé à la sœur hospitalière un bain de pied pour le lendemain matin, on vint l’engager à le prendre de suite ; elle y consentit et se leva. Au sortir du bain, on lui offrit de prendre un peu de nourriture, et Hélène, qui aimait beaucoup la moutarde, consentit à manger des œufs durs à condition qu’on lui donnerait cet assaisonnement.
Ce petit repas venait de finir, quand M. Michel, gardien en chef, entra dans la chambre où était Hélène et lui donna communication de la lettre par laquelle le procureur général lui annonçait que le pourvoi et la demande de grâce étaient également rejetés. « Eh bien ! dit-elle, qu’est-ce que cela signifie donc ? Que veut-on maintenant ? »  - « Mon Dieu, Hélène, cela signifie qu’il faut vous préparer à la mort, car en pareil cas, la sentence est toujours exécutée dans les vingt-quatre heures ! ».
Hélène alors pleura abondamment et consentit à voir l’excellent abbé M. Tiercelin qui attendait dans une chambre voisine. La condamnée se confessa avec calme. Alors, l’honorable M. Tiercelin lui ayant demandé si elle ne voudrait pas, en dehors de la confession, faire des aveux complets, Hélène y consentit et avoua tous les crimes qui lui ont été reprochés.
A six heures quarante minutes, les exécuteurs de Rennes, de Vannes et de Saint-Brieuc se présentèrent pour faire la fatale toilette.
Quand il fallut lier les bras de la condamnées derrière le dos, elle eut un mouvement de très vive douleur, occasionné par le cancer qu’elle avait au sein gauche ; elle pleura, mais déjà elle ne semblait plus avoir qu’une vague conscience de ce qui l’entourait, et il fallut l’aider à monter dans la voiture qui attendait à la porte de la prison.
A peine y fut-elle, qu’elle laissa aller sa tête sur l’épaule de M. Tiercelin, qui approchait le crucifix de ses lèvres ; mais elle la releva à plusieurs reprises et adressa deux fois la parole à son confesseur.
Bientôt le cortège est arrivé aux pieds de l’échafaud ; on a aidé Hélène à mettre pied à terre, et elle s’est agenouillée sur la première marche, à côté de M. Tiercelin, qui a prononcé la dernière prière. On l’a relevée, et son confesseur l’a aidée à franchir les marches, accomplissant jusqu’au bout son pieux et admirable ministère. Quelques minutes après, la justice humaine était accomplie, et la foule s’écoulait en silence, tout émue de ce terrible spectacle.


Acte de décès – 26 février 1852 - Hélène Jégado.
Le vingt six fevrier mil huit cent cinquante deux a midi devant nous... ont comparu Mr Jean Jacob auguste Gognet, commis Greffier à la cour d’appel de Rennes âgé de quarante deux ans demeurant quai d’Ille et Rance ; et Mr Simeon mathurin Pointeau, conservateur du Palais de justice de Rennes y demeurant âgé de soixante deux ans ; lesquels nous ont déclaré que helene Jegado cuisinière âgé de quarante huit ans celibataire née à Plouhinec (Morbihan) fille de feu jean Jegado et de feu anne Lenoust** est decedée à Rennes ce jour à sept heures du matin.......
** il s’agit d’une erreur : le nom de la mère d’Hélène était Lescoët.


Le corps d’Hélène fut autopsié afin de découvrir la « marque du crime » qui devait se trouver en elle, bien visible. Rien, bien évidemment !
Son masque mortuaire se trouve au « musée de Bretagne », à Rennes.
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En réalité, il est très difficile de savoir combien de personnes Hélène fit passer de vie à trépas.
Ce fut bien après que les soupçons devinrent une réalité, que chacun se souvint qu’il y avait eu beaucoup de décès dans les maisons où Hélène avait servi.
Au moment des faits, la servante passait pour une miraculée en raison de son dévouement auprès des malades et des mourants.
On a avancé le chiffre de trente-six crimes en dix-huit ans.

La confession qu’Hélène fit à l’abbé Tiercelin, parut dans le Journal « L’Abeille de Lorient », le 7 mars 1852. La voici :

Lettre de l’abbé Tiercelin.

Mercredi soir à neuf heures et demie, Hélène Jegado fut avertie par le concierge de la prison que son pourvoi en grâce ayant été rejeté, elle devait subi sa peine le lendemain.
En recevant cette fatale nouvelle, Hélène Jegado répandit des larmes abondantes. Après quelques temps, elle devint plus calme et retrouva toute l’énergie de son caractère, cette fois pour manifester les plus touchants sentiments de repentir.
Elle demanda a être confessé, et permit que cette confession soit rendue publique après sa mort.
Elle déclara se reconnaitre coupable des empoisonnements, mais pas à sa sœur ni a deux autres personnes du presbytère de Guern.
C’est une méchante femme celle qui m’a donné le poison dont je me suis servie au début de ma « carrière criminelle ». C’est elle qui m’encouragea au crime et m’enseigna comment le faire en toute sécurité.
Après cette confession que je pris par écrit et que je lui ai lu devant quatre témoins, Héléne Jegado passa la nuit avant son exécution en prière.
A quatre heures et demie elle demanda à assister à la messe. A six heures et demie, elle a dû subir la fatale toilette, puis nous nous sommes acheminés vers le lieu de l’exécution.
Si il y avait foule, celle-ci resta silencieuse.
Arrivée au pied de l’échafaud, Hélène s’est agenouillée et a prié une dernière fois et reçu les suprêmes bénédictions de la religion.
Nous avons franchi ensemble les degrés de l’escalier, puis Hélène Jegado a cessé d’exister.
La jeunesse d’Hélène avait été honnête et vertueuse. Elle était née de parents probes et religieux.
A vingt neuf ans, elle rencontre une femme profondément perverse qui lui apprend qu’elle a un remède qui guérit toutes les maladies.
Voici le nom des quatre témoins :
·         Michel, gardien chef.
·         Emilie Michel, née Libert, surveillante des femmes.
·         Garçon, gardien.
·         Emilie Garçon, née Michel.

Il y eut aussi deux sœurs de la Charité :
·         Thérèse et Clémentine qui ont entendu la confession, mais pas signé le document.

Hélène ne dévoila pas le nom de cette étrange et machiavélique femme, celle par qui elle apprit la « pouvoir de faire mourir ».


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Pour écrire ce qui précède, j’ai consulté un grand nombre d’écrits, bien entendu.
N’ayant, malgré mon grand âge, pas vécu à cette époque.

J’ai donc lu que :
« Hélène empoisonna sa mère alors qu’elle n’avait que huit ans. Que son père ruiné dut vendre sa propriété et, de ce fait, placer Hélène pour qu’elle puisse au moins avoir un toit et de quoi manger. J’ai aussi lu qu’Hélène avait empoisonné son père et ses tantes et même sa soeur....... »

J’ai donc vérifié les dates des décès du couple Jegado.

Anne Lescoët, la mère d’Hélène, décéda le 22 décembre 1835, alors qu’Hélène avait trente deux ans et non huit ans.
Acte de décès – décembre 1835 – Riantec.
L’an mil huit cent trente cinq le vingt trois du mois de décembre à onze heures du matin.... sont comparu Jean Jegado journalier au village de Kervihan en cette commune veuf à la decedée et les temoins ci après philippe Nicol et Mathurin Lescoët agé de vingt huit ans neveu à la décédée les deux laboureurs au même lieu Lesquels ont déclaré que le jour d’hier à cinq heures du matin anne Lescoët agee de quatre vingt ans née en la commune de plouhinec fille de feus jean et d’anne porch et epouse du dit jean jegado est decedée en sa maison au dit kervihan ainsi que nous nous sommes assuré.......

Jean Jegado ne survécut que peu de jours au décès de son épouse. Il quitta ce monde, le 1er janvier 1836.
Acte de décès – janvier 1836 – Riantec.
L’an mil huit cent trente six le deux janvier à trois heures du soir, par devant nous .... sont comparus joseph Jegado journalier au port de Lorient demeurant au village de Loamiquelier en cette commune fils au décédé et les temoins ci après philippe Nicol age de cinquante ans et jean jacques Pasco age de trente neuf ans Les deux laboureurs au même lieu voisin au décédé Lesquels nous ont déclaré que le jour d’hier à deux heures du soir jean jegado age de quatre vingt ans veuf d’Anne Lescoët est decedé en sa maison au village de Kervihan en cette commune ainsi que nous nous sommes assurés.....

Ont-ils succombé tous deux sous le poison de leur fille Hélène ? Rien pour le dire... Mais, les divers ouvrages que j’ai consultés l’affirment.
Concernant les autres personnes de sa famille et notamment ses tantes, Hélène fut bien la main criminelle.
Pour contre, Hélène nia avoir tué sa sœur aînée, Anne.

D’Hélène reste une complainte...... en Breton !
Il reste aussi un gâteau, portant son nom, « Gâteau d’Hélène Jegado », dans lequel l’arsenic est remplacé par de l’angélique pour lui donner la couleur verte, celle du poisson.
Angélique et arsenic !
Vie et mort !
Ange et démon !

En voici la recette :


Ingrédients :

§  250 g de farine
§  100 g de beurre
§  100 g de sucre en poudre
§  75 g de fruits confits en morceaux
§  1 cuillère à soupe de raisins secs
§  50 gr d'amandes hachées
§  2 œufs entiers
§  1 jaune d'œuf (dorure)
§  5 g de bicarbonate de soude
§  1 pincée de cannelle en poudre

Comment procéder :

·         Dans un saladier, mettre le sucre, la cannelle, le bicarbonate et les œufs.
·         Ajouter le beurre en petits morceaux.
·         Mélanger le tout sans oublier d'écraser le beurre afin qu'il se mélange facilement aux autres éléments.
·         Ajouter petit à petit la farine.
·         Pétrir le tout pour obtenir une pâte lisse.
·         Ajouter les raisins secs, les fruits et les amandes hachées.
·         Pétrir une nouvelle fois. Votre boule doit être lisse mais pas trop ferme.
·         Fariner un moule et y mettre la pâte.
·         La tasser avec la main et la dorer avec un jaune d'œuf.
·         Décorer avec une fourchette.
·         Mettre à four vif


Avant de déguster ce gâteau.... Méfiez-vous tout de même !!



Sources
·         Gazette des tribunaux de Paris (Décembre 1851)
·         Journal « L’abeille de Lorient »
·         Fleur de Tonnerre de Jean Teulé que je vous recommande chaudement.

Le premier télé-film que j’ai regardé concernant cette affaire fut :
·         « Le cas Hélène Jegado » dans le casre d’une émission très prisée à l’épopque, en noir et blanc, « En votre âme et consciense ».


Le 18 janvier 2017,
à ne pas manquer, le film dans toutes les bonnes salles de cinéma
« Fleur de Tonnerre »
Un film de Stéphane Pillonca-Kervern
avec dans les principaux rôles :

Déborah François – Benjamin Biolay – Jonatha, Zaccaï......

lundi 30 janvier 2017

CANNELLE, LA PETITE COCCINELLE.



Ce matin-là, lorsque Cannelle, la petite coccinelle rouge à points noirs, s’éveilla, le ciel bleu et le soleil radieux lui donnèrent envie de découvrir le monde.
« Quoi de plus simple, pensa-t-elle, je n’ai qu’à aller droit devant ! »

En effet, c’était bien là une possibilité.

Cannelle ouvrit ses ailes et prit son envol en lançant à tue-tête :
« En avant pour l’aventure ! »

Elle n’avait  encore parcouru que quelques mètres qu’elle se sentit fatiguée et se posa sur le sol.
« Aïe, ça pique ! » dit elle  en secouant l’une après l’autre ses petites pattes.

En effet, elle avait atterri sur une allée de graviers fins et piquants.


Souhaitant un endroit plus confortable, elle redoubla d’énergie et dirigea ses ailes vers un arbre tout près de là.
« Que c’est haut, pensait-elle, en soufflant sous l’effort.

Sur une branche ombragée, se cachait un nid tapissé de plumes qui attendait que « maman-oiseau » y dépose ses œufs.
« Hum ! dit Cannelle, que c’est doux, que c’est agréable, je vais faire une petite sieste. »

Blottie dans ce nid douillet, la petite coccinelle ne tarda pas à sombrer dans le sommeil.
Heureusement, elle se réveilla juste avant le retour des parents-oiseaux mécontents de voir leur maison  occupée par une inconnue. Frrrt ! Son départ précipité lui évita de se faire croquer.


De beaux nénuphars étalaient les pétales de ses fleurs sur l’eau tranquille de la mare.  Soudain, l’eau frissonna et d’un bond agile une grenouille vint se poser sur la feuille accueillante. Sa gorge se gonflait à chacun de ses croassements : « Croa ! Croa ! » criait la petite grenouille, ce qui voulait dire en langage batracien « Je vais bien ! Je vais bien ! »

Cannelle voulut connaître ce drôle d’animal, mais lorsqu’elle arriva à la mare, elle n’aperçut que des ronds sur la surface de l’eau. Plouf ! Petite grenouille avait disparu !



Non loin de là, des enfants jouaient dans un pré. Sur l’herbe tendre de ce début de printemps, ils avaient étalé une couverture. Cannelle s’y posa, sans bruit, trouvant l’endroit agréable pour y prendre un bain de soleil. Mais, le lieu n’était pas si sûr que cela, les enfants remuant un peu trop à son goût.
Elle faillit même être écrasée par un ballon !

« Dommage !  pensa la petite-bête-à-Bon-Dieu, en faisant vibrer ses petites ailes, mais c’est trop risqué ! »


Toute à ses pensées, elle franchit une fenêtre restée entrouverte  et se trouva dans une grande pièce. Face à elle, se trouvait une autre coccinelle  approchant dans sa direction.
« Tiens, je vais aller la saluer ! se dit-elle, il faut toujours être polie en toute circonstance. »

Bizarrement, l’autre coccinelle faisait les mêmes gestes qu’elle, ce qui l’intrigua quelque peu. D’autre part, malgré les mouvements de sa bouche, aucun son n’en sortait.
Comprenant soudain la situation, Cannelle éclata de rire :
« Que je suis bête ! Je pense que ce doit être un miroir. Pas de coccinelle, non, mais uniquement mon reflet comme lorsque je me  regarde dans l’eau du ruisseau. »

Cannelle en profita pour remettre un peu d’ordre dans ses antennes légèrement tombantes. Se trouvant fort convenable et particulièrement jolie, elle sourit à son image et voulut sortir de la maison.


Oui, mais là, il y eut un problème. Pendant que la petite coccinelle s’admirer, quelqu’un avait fermé la fenêtre et elle se retrouva prisonnière.

Que faire ?

Elle voleta un long moment autour de la pièce, cherchant une issue, mais elle ne trouva aucun passage vers l’extérieur.

Epuisée, elle se posa sur un des gros coussins qui ornaient un divan, se blottit dans le moelleux de celui-ci, et s’endormit paisiblement.

Dans son rêve, elle volait haut, très haut dans un ciel azuré et le monde, en dessous d’elle, paraissait petit, si petit !
Elle se sentait légère comme une plume et les virevoltes qu’elle effectuait lui tournaient un peu la tête.

Quand elle s’éveilla, la fenêtre de nouveau ouverte lui donna le champ libre vers le monde, ce monde qu’elle ne cesse depuis lors de découvrir avec émerveillement.


mercredi 25 janvier 2017

DE L'ANGE...... AU DEMON - Chapitre 3



Ville de Pontivy

Hélène traça la route jusqu’à Pontivy. Dans cette ville, elle obtint un emploi de cuisinière chez le maire de la commune, Monsieur François Pierre Jouanno.
Quelques jours plus tard, le fils du maire, le jeune Emile, fut pris de vomissements après avoir bu une soupe au lait. Cinq jours de souffrances au cours desquels Hélène fut très dévouée, au chevet de l’enfant, jour et nuit.

Acte de décès – 8 mars 1836 – Emile Jouanno, âgé de quatorze ans.
L’an mil huit cent trente six neuf heures du matin....... commune de Pontivy.... sont comparus jean françois Langlais perruquier agé de soixante quatre ans et jean Baptiste Rondeau secrétaire de mairie agé de soixante ans tous deux domiciliés de cette commune et non parents du décédé lesquels nous ont déclaré qu’hier a quatre heures du soir est decedé chez ses parents demeurant rue Royale de cette ville Emile jouanno age de quatorze ans natif de cette commune fils de françois Pierre et de Ursule augustine Feutu son épouse........

Il fut procédé à une autopsie qui révéla une vive inflammation de la paroi stomacale.  Celle-ci fut attribuée au vinaigre et à la moutarde que le jeune garçon avait l’habitude d’absorber en grande quantité.
Les parents n’eurent aucun soupçon vis-à-vis de leur employée, pourtant, Hélène fut congédiée le lendemain de l’enterrement. 

Du banc des accusés, Hélène se justifia : « Le gamin avait été battu au collège car c’était un enfant méchant. Il battait son frère. Voilà de quoi il est mort. Il avait pris des coups ! »


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Ville de Hennebont

Ce fut dans la ville d’Hennebont qu’Hélène  tua de nouveau.
Monsieur Keraly (on trouvera dans les journaux et divers documents M. Kerallic et autres orthographes, mais, il s’agit, en réalité, de M.Lalau Keraly) reprenait peu à peu des forces après une longue maladie. Il avait besoin d’une bonne convalescence avec beaucoup de repos. Une tasse de thé, servie aimablement par Hélène, procura, à ce monsieur, le repos réparateur dont il avait grand besoin, avec cette seule nuance que ce repos fut éternel.
En effet, il poussa son ultime soupir, le 24 juin 1836.

Acte de décès -  juin 1836 – Jacques Jean Baptiste Lalau Keraly.
L’an mil huit cent trente six le vingt quatre juin à cinq heures du soir par devant nous..... sont comparus messieurs clement françois marie le Millach agé de soixante deux ans juge de paix du canton d’hennebont chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, point parent du decedé et Eugene Dezautee agé de trente deux ans notaire, neveu du decedé, les deux domiciliés de cette commune lesquels nous ont déclaré que ce jour à deux heures de l’après midi monsieur Jacques Jean Baptiste Lalau Keraly proprietaire agé de soixante quatre ans natif de Quimperlé domicilié de cette commune fils de feu monsieur jean René Lalau Dezautée et de feu Dame jacquette angelique Madiere veuf de dame Claire Thomase Huo de Kermovan est decedé en sa maison sise sur le quai numero soixante quatorze.......

La femme de chambre de la maison Kerallic, Anna Martin, vint témoigner. « Hélène Jégado avait été embauchée par Mademoiselle, la fille du  maitre. Elle s’occupait de la cuisine. Elle avait accompagné Monsieur à la campagne car il souffrait d’une fièvre bilieuse. Quand il est revenu, il allait bien mal le pauvre. Pire qu’à son départ ! Il est mort trois jours après son retour. Hélène se disait aussi souffrir du même mal »
J B Kerallic, fils du défunt, précisa : « Hélène soignait mon père à la campagne, mais depuis son retour, elle ne l’approchait plus. »

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Ville de Plouhinec - Morbihan


Plouhinec, où elle entra au service de Mathieu Véron. Hélène tomba amoureuse de son patron.
Si elle refusa d’empoisonner celui-ci, elle ne se priva pas d’assaisonner copieusement la soupe de sa patronne qui décéda en décembre 1839.
Je n’ai rien à vous apprendre sur le couple Véron. Uniquement ce que j’ai lu dans divers documents, à savoir, que Mathieu Véron n’eut aucun doute sur l’innocence de sa domestique, qu’il témoigna en sa faveur lors du procès et qu’il fit mettre une couronne sur sa tombe.

Au cas où je trouverais des informations, je vous en ferais part.

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Ville de Ploemeur et Lorient

Ce fut au cours de son service auprès de la famille Dupuy de l’Aune (on trouvera aussi Dupuis de Lôme) et de la famille Breger qu’Hélène poursuivit son terrible dessein.
Mademoiselle Emilie Marie Henriette Dupuy de L’Aune, fille de Claude Henri Dupuy de l’Aune, Capitaine de Frégate à la retraite, avait épousé en octobre 1837, Gustave Evariste Bréger, avocat à Lorient.

Quand Hélène arriva, au printemps 1841, dans cette nouvelle maison, la petite Marie Henriette Emilie Breger, poupinette de deux ans et demi, se remettait difficilement d’une rougeole. Hélène déploya tout son savoir auprès de l’enfant, lui préparant des soupes au lait et des tasses de chocolat dont elle seule avait le secret. Et quel secret !

Le Docteur Victor Diberder, appelé en consultation au chevet de la petite Breger, malgré ses soins, ne put rien faire.
L’enfant décéda le 31 mai 1841 à Ploemeur, au château familial de Soye.

Acte de décès -  mai 1841 -  Marie  Henriette Emilie Breger.
L’an mil huit cent quarante un le premier juin à dix heures du matin par devant nous..... sont comparus messieurs joseph Marie Serec age de soixante un ans Capitaine de Vaisseaux en retraite demeurant à sa terre du Bourg neuf en cette commune, Jean Marie Galabert agé de soixante un ans aussi capitaine de Vaisseau en retraite demeurant à Lorient, non parent a l’enfant lesquels nous ont declaré que Marie Henriette Emilie Brégé agee de deux ans et huit mois née à Lorient le vingt six septembre mil huit cent trente huit fille de Monsieur Gustave evariste Brege et de Madame Emilie Marie Henriette Dupuy de Lôme son epouse est decedée hier à trois heures du matin au château de Soye en cette commune ........

Monsieur Breger avait précisé lors du procès :
« Deux jours après le décès de mon enfant, ma femme fut prise de vomissements, ainsi que ma belle-sœur. J’ai pensé que des casseroles mal lavées pouvaient être la cause de cette intoxication, d’autant plus que je fus pris, moi-même, des mêmes malaises. Il fallut que nous apprenions les évènements de Rennes pour réaliser. »

En effet, toute la famille fut très fortement incommodée. Douleurs stomacales et intestinales et d’horribles douleurs dans les membres.
Après dix ans, la famille subit encore quelques désagréments suite à cet empoisonnement.

Le docteur pensa à une acrodynie. Maladie due au mercure qui était utilisée au XIXème siècle dans certains traitements.
Mais avec le recul des années et tous les évènements qui s’étaient produits avant et après dans chaque famille où avait travaillé Hélène Jegado, sans conteste, un empoisonnement à l’arsenic pouvait être la cause de tous les symptômes ressentis par la famille Dupuy/Breger.

Le petit frère de Marie  Henriette Emilie Breger,  Eugène Laurent Gustave, mourut également, le 21 janvier 1842, à Lorient. Ce petit garçon était né le 9 décembre 1840.

Acte de décès – janvier 1842 – Eugène Laurent Gustave Breger.
L’an mil huit cent quarante deux le vingt deux janvier à onze heures du matin par devant nous..... sont comparus Messieurs Jacques marie Dufilhol agé de quarante cinq ans Courtier maritime et Victor mathurin Le Diborver agé de trente un ans docteur medecin les deux domicilies dans cette ville et amis de la famille du décédé lesquels nous ont declaré que le jour d’hier à cinq heures du soir Eugene Laurent gustave Breger né en cette commune le neuf decembre mil huit cent quarante y domicilié fils de Monsieur Gustave Evariste Breger et Dame Emilie  marie Henriette Dupuy de Lome est decede rue de l’union numero trois........

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Ville de Port-Louis -  Hélène dans une maison close !

Une maison close, du nom de « la sirène », tenue par un prêtre défroqué, le sieur  François Aupsy. Voilà où Hélène échoua.
Elle exerçait le métier de cuisinière, mais aussi celui de « prostituée ».

Cinq marins moururent dans ses bras, dans sa chambre....... pas d’amour, non ! Empoisonnés !
Cinq hommes, parait-il, le même jour !
J’ai pris les registres de Port-Louis, pour essayer de trouver cinq actes de décès transcrits le même jour..... mais RIEN !

J’ai lu que l’on aurait cru à une épidémie de « fièvre exotique » et que tous les équipages furent mis en quarantaine.
Ouah ! La classe la Jegago. Paralyser à elle seule tous les équipages !


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Ville de Vannes –

A Vannes, Hélène trouva une place dans le commerce de Marguerite Moguero. A de nombreuses reprises de l’argent manqua dans un tiroir, pourtant fermé à clef.
Cette dame se souvint longtemps de son employée..... Elle fut ruinée par elle.
Toutefois, elle put se réjouir d’être toujours en vie !

Hélène fut renvoyée, et alla de place en place, toujours en raison des vols et de son comportement grossier....

Rennes, chez Madame Gauthier, Madame Carrère et Madame Charlier. Puis, toujours dans cette ville, chez Madame de Ravalan et pour finir, au service de madame Legoubioux.


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Ville de Rennes

Hélène Jegado prit son service le 6 novembre 1849 dans la famille Rabot, habitant Maison Barré à Rennes où elle était la seule domestique.
Pas de concurrence. Le rêve !

Il y avait là, un enfant de neuf ans, convalescent. Il rechuta après avoir absorbé une soupe.
Les personnes qui avaient consommé également ce breuvage furent prises de vomissements.
Une seule personne s’occupait de la préparation des repas, la cuisinière, et celle-ci n’était autre qu’Hélène Jegado. Mais aucun soupçon concernant le décès !
Le petit mourut le 29 décembre 1849.

Acte de décès – décembre 1849 – Louis Joseph Albert Rabot.
Le trente decembre mil huit cent quarante neuf dix heures du matin devant nous ..... ont comparu Mr Cesar auguste françois gautier Rougeville controleur des contributions indirectes en retraite âgé de soixante quatre ans demeurant rue Leverdit cousin par alliance du decede et Mr aimé Marie Legeard de la Deriyas avocat, âgé de trente sept ans demeurant rue Royale lesquels nous ont déclaré que Louis Joseph albert Rabot agé de sept ans huit mois, née à Autin (Saone et Loire) fils de Mr Victor Marie Joseph Rabot verificateur de l’enregistrement et de Dame Charlotte Louise Denise Brierre de Montvault est décédé chez ses père et mère quai Saint Georges ce matin à minuit un quart.......


Les seuls reproches contre Hélène, les vols ! Et Monsieur Rabot allait renvoyer sa domestique car il s’était aperçu que le niveau de la barrique qu’il avait mise en perce fin novembre avait très fortement diminué. Cela expliquait l’état continuel d’ivresse de sa domestique. Mais, au moment où Hélène préparait son bagage, Charlotte Louise Denise Briere de Montvault, épouse du sieur Rabot, ainsi que sa belle-mère, Madame Adèle (ou Adélaïde) Brière, née Chopin, tombèrent malades.
Le pauvre homme demanda alors à Hélène de rester un peu plus longtemps.
Madame Rabot, enceinte de huit mois, accoucha prématurément d’un enfant sans vie.
(Aucun acte de décès pour ce petit, mais étant donné qu’il était prématuré, l’Etat Civil ne prit, peut être, pas ce décès en compte).

Hélène quitta son service le 23 février 1850.
Elle nia jusqu’au dernier moment avoir bu, en douce et dans la cave, le vin de la dite barrique.


Ville de Rennes

25 février 1850. Hélène entra en fonction dans sa nouvelle place, chez les époux Ozanne.

Peu de temps après, le 14 avril, leur fils, le petit Joseph, âgé de cinq ans décéda. Le médecin affirma que l’enfant était décédé du croup.

Acte de décès – avril  1850 – Joseph Ozanne.
Le quinze avril mil huit cent cinquante à dix heures du matin par devant nous...... ont comparu Mr Louis Poignan, marchand, agé de trente huit ans demeurant rue de Coëlguen et Mr Henry Masencal, marchand, agé de quarante et un ans demeurant même rue, lesquels nous ont déclaré que Clodomir Armand Ozanne agé de cinq ans et quatre mois, né à Paris (7e mairie) fils de Mr Joseph augustin Ozanne et de Dame Rose Ursule Payen est décédé chez ses père et mere rue de Laguerche hier au soir à onze heures et demi......

Dans les divers documents que j’ai lus, le petit garçon était prénommé « Joseph ». L’acte de naissance mentionne « Clodimir Armand – fils de Joseph ».Y-a-t-il eu confusion avec le prénom du père de l’enfant ?


Ville de Rennes

Monsieur Louis Roussel, tenancier de l’Hôtel « Du bout du monde », place Saint Michel  à Rennes, embaucha Hélène Jégado


Dans cet établissement, Hélène vola un parapluie à une des autres domestiques.
Elle fut réprimandée fermement par Mme Roussel qui non seulement lui reprocha ce vol, mais aussi sa malpropreté. Madame Roussel la menaça de renvoi.
Quelques jours plus tard, vers le 15 juin 1850, Madame Roussel fut prise de vomissements et de douleurs, mais, de forte constitution, elle ne succomba pas. Toutefois, elle perdit l’usage de ses membres.
Perotte (ou encore Perrine) Macé, servante dans le lieu depuis cinq années décéda dans d’affreuses convulsions, le 1er septembre 1850. Avant son décès, elle avait confié ses soupçons à une amie. Trop tard !
Il paraitrait qu’un jeune garçon d’écurie, prénommé André, sur lequel Hélène avait jeté son dévolu, regardait trop cette jeune femme. Une manière comme une autre de se débarrasser d’une rivale !

Acte de décès – septembre 1850 – Perrine Macé.
Le premier septembre mil huit cent cinquante à onze heures du matin devant nous ..... ont comparu Mr Louis Marie Roussel maitre d’hôtel agé de quarante deux ans demeurant place Saint Michel et Mr Hyppolyte Louis Marie Roussel, commissaire priseur agé de quarante ans demeurant place de la Trinité lesquels nous ont déclaré que Perrine Macé agée d’environ trente et un ans née à Treffendel (Ille et vilaine) fille de Julien macé et de feu marie Bequinel est decedée chez le premier temoin où elle était domestique ce matin à quatre heures trois quarts.....

Diagnostic médical : « empoisonnement à l’arsenic ».
Mais la famille refusa qu’une autopsie soit pastiquée sur le corps de la défunte.
Hélène ne fut donc pas inquiétée.

Le 4 octobre, le patron de l’hôtel, Louis Roussel, surprit son employée en train de voler des bouteilles d’alcool dans le garde-manger. Il renvoya Hélène sans délais, avec perte et fracas !



Ville de Rennes

Nous arrivons, enfin, au terme de ce parcours criminel.
Dernière étape pour Hélène, son entrée au service de Monsieur Bidard de la Noé, professeur à la faculté de droit de Rennes, le 18 octobre 1850, comme cuisinière.

En ce lieu tout se précipita.
Le 3 novembre 1850, la gouvernante de la maison, Rose Alexandre Tessier, très appréciée de ses patrons fut la victime suivante. Hélène en était terriblement jalouse.......
Il advint que Rose Alexandrine fit une chute.
Hélène lui prodigua des soins. Attentive, elle lui apportait de bonnes tasses de thé.
La pauvre jeune femme, âgée  de vingt-neuf ans, décéda en très peu de jours, le 7 novembre 1850, dans d’atroces douleurs.

Acte de décès – novembre 1850 – Rose Alexandrine Tessier.
Le huit novembre mil huit cent cinquante à dix heures et demies du matin devant nous.... ont comparu M. Leopold marie Bidard Docteur en droit agé de quarante sept ans demeurant rue d’Estrées et M. Paul alfred Michel avocat agé de vingt deux ans demeurant même rue lesquels nous ont déclaré que Delle Rose alexandrine Tessier agée de vingt neuf ans et demi née a Valence (Drome) fille de feu M. Pierre Tessier et de Dame Marie Poete est decedée Quai St georges chez M. Bidard professeur en droit, hier au soir à cinq heures......

Lors de l’autopsie, dans les viscères de la demoiselle Tessier, il fut découvert une grande quantité d’arsenic.

Monsieur Bidard recruta une nouvelle gouvernante, du nom de Françoise Huriau (ou heuriaux dans les divers documents). Hélène qui pensait se voir attribuer le poste de gouvernante, en remplacement de Rose, devint enragée et se mit à haïr la nouvelle venue.
Peu de temps après son arrivée, Françoise se trouva incommodée et ses mains, tout comme ses jambes et ses pieds, se mirent à enfler.
Françoise se méfiait d’Hélène. Elle la trouvait fourbe et hypocrite.
Françoise Huriaux préféra démissionner. Grâce à cette sage décision, elle retrouva la santé. Elle avait, ainsi, échappé de peu à une mort atroce.

Rosalie Sarrazin, dix-neuf ans,  arriva le 10 juin au soir.
Hélène ne mit pas longtemps à s’acharner sur la nouvelle venue. Il ne  fallut, à Hélène, que d’une assiettée de petits pois et d’une soupe aux herbes pour faire passer la jeune fille de vie à trépas. Le 1er juillet 1951, la nouvelle « rivale » avait quitté ce monde.


Dans les vomissures et viscères de la défunte Rosalie Sarrazin, de fortes doses d’arsenic. Encore !
Mais une épidémie d’arsenic, est-ce que cela existe ?

Acte de décès – juillet 1851 – Rosalie Sarrazin.
Le premier juillet mil huit cent cinquante et un a dix heures trois quarts du matin devant nous ont comparu M. Leopold marie Bidard , avocat à la cour d’appel agé de quarante huit ans demeurant rue d’Estrées et M. Paul alfred Michel avocat agé de vingt deux ans demeurant même rue lesquels nous ont déclaré que Dlle Rosalie Sarrazin agée de dix neuf ans née à Paimpont (Ille et Vilaine) domestique fille de feu Julien Pierre Sarrazin et d’aimée mathurine Rallon est décédée chez M. Bidard quai chateaubriand ce matin à six heures un quart.......

Les médecins Pinault et Guyot furent formels : « Empoisonnement » !
Monsieur Bidard, suite à cette affirmation, se rendit auprès du Procureur géréral Dubidan, pour lui faire part de ce qui deviendra « l’affaire Jegado ».

Hélène fut arrêtée le 1er juillet 1851.