jeudi 27 décembre 2018

Bagnoles d’hier et d’aujourd’hui. Bagnoles mobiles ou immobiles.



Saviez-vous que déjà en 1840, des bagnoles parcouraient les chemins du nord-ouest de la France ?
Ailleurs, sans doute aussi, mais elles ne portaient pas ce nom-là.

Formé à partir du mot, « banne » (tombereau – voiture) auquel fut ajoutée la terminaison « iole » sur le modèle de « carriole », ce nom désignait, dans les régions citées ci-dessus, une mauvaise voiture...... voiture tirée par des chevaux, évidemment, étant donné l’époque.
Plus de cinquante ans plus tard, en 1907, une bagnole était un véhicule simple et grossier, au confort rudimentaire.

Aujourd’hui, une bagnole est une voiture qui ne passerait par le contrôle technique sans souci.
Le terme « caisse » est plus souvent employé. Pour cette caisse, d’ailleurs, le contrôle technique serait une épreuve à redouter.

Mais vous savez, tout comme moi, qu’un mot peut désignait des objets bien différents.
Voilà pourquoi, en 1845, dans la région de Reims et en Picardie, une cabane ou maisonnette pauvre portée le nom de bagnole et plus particulièrement lorsqu’elle était construite en jonc tressé, comme l’étaient les premiers tombereaux.

Je pense qu’à présent, vous aurez une vision tout à fait autre en parlant de « bagnoles ».

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 26 décembre 2018

EN ATTENDANT L'AN PROCHAIN !


Tire-bouchonnons !


En ces moments festifs de Noël et Jour de l’An, beaucoup d’entre vous se serviront d’un objet bien utile pour déboucher les bouteilles, je veux parler –mais vous l’aviez bien évidemment deviné – d’un tire-bouchon.

Un ustensile employé depuis des siècles, mais là, largement incompétente en ce domaine, je laisse aux spécialistes le soin de vous en dire plus.

J’ai, par contre, toujours dans ma quête de cancans, découvert que ce tire-bouchon incitant par sa fonction première à faire la fête en dégustant (avec modération, ça va sans dire) de très bons crus, a servi à d’autres usages, moins joyeux.
Il est vrai que tout objet peut être détourné de l’utilisation à laquelle il a été destiné, mais je trouve que ce j’ai  lu  dernièrement est un peu incongru.  

Alors, afin de vous mettre en condition pour 2019, après vous avoir proposé le livre de Marc Ouvrard, « L’énigme du noyé au tirbouchon », je vous propose une plongée en apnée dans le « crime au tire-bouchon ».
Oui, oui ! Il y a eu des crimes dans lesquels cet objet, armant la main du tueur, tint le rôle principal..... Hémoglobine garantie.

Mais avant, je vous souhaite, après le réveillon de Noël, déjà presque lointain, un bon réveillon de Nouvel An et .... Une bonne année 2019, emplie de petits et grands bonheurs, une bonne santé et à foison, de merveilleux moments de lecture.

Françoise  v


samedi 22 décembre 2018

Tout excès étant à prohiber, il semble raisonnable de ne pas bâfrer !




Bâfrer ! En voilà un mot. 
Répétez-le plusieurs fois pour bien vous le mettre en bouche.
Ne trouvez-vous pas qu’il prend toute la place, et même plus, débordant même de la cavité buccale ?


« Bâfrer » remplaça « baufrer », verbe utilisé de 1507 à 1718 et construit à partir d’une onomatopée « baf ou baff » évoquant « ce qui est épais, gonflé, boursouflé ».

Imaginez des joues rebondies, très rebondies, car pleines de nourriture.
Et voilà, pourquoi, le verbe « bâfrer » prit le sens de « manger gloutonnement ».
On peut rapprocher2 ce mot de : bouffer.

Un bâfreur ou une bâfreuse se bâfre bâfrement dans une bâfrerie.
Cette phrase est l’exemple même de la « grosse bouffe ».
Pas tout à fait dans le raffinement.

Bientôt, les réveillons de fin d’année, alors, ne vous bâfrez pas...... Prenez le temps de déguster tous les mets qui vous seront présentés.

Tout dans la modération !
Bonnes fêtes de fins d’année.......


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


mercredi 19 décembre 2018

EN CE TEMPS-LA LES HIVERS ETAIENT TRES FROIDS



Quelques nouvelles fraîches, voire glaciales, trouvées en parcourant le "Journal de Rouen".

On ne parlait pas encore de "réchauffement climatique", mais les temps devaient être difficiles.
Vivre dans des maisons sans feu, sans avoir de quand faire chauffer un peu de soupe.
Les engelures et les crevasses aux doigts des mains et des pieds !
Et puis, ensuite le dégèle entraînant les inondations...

La Seine, alors au ras des berges, prenait facilement ses aises.

Et puis, il y avait, déjà aussi, en ce XVIIIème siècle des tornades détruisant tout sur leur passage et des orages dévastateurs de récoltes.....



Solidarité et entraide !

5 mars 1784

Une partie de l’Europe a ressenti vivement la rigueur du froid ; nous avions partagé ce fléau terrible avec une peine extrême : la plupart des travaux & la navigation arrêtée, la Seine couverte de glaces, la rareté du bois, occasionnée par l’impossibilité du transport ; les routes fermées par une quantité immense de neige : tout concouroit à rendre le sort du peuple vraiment désagréable.
Il ne falloit pas moins pour le sauver, que l’humanité d’un grand nombre de personnes aisées, qui sont venues à son secours ; la charité, le zele (sic) admirable des Pasteurs, sur-tout (sic) des paroisses surchargées de peuple, a surpassé, pour ainsi dire, les forces humaines : chaque jour on a distribué, pain, lait, féves (sic), charbon, couvertures, &c. &c. rien n’a été oublié. Ce fléau passé, un autre nous afflige ; la riviere (sic) sortie de son lit, inonde toute la partie basse de la Ville, où l’on va en bâteau (sic), remplit les maisons, & retient les habitants chez eux : de nouveaux secours leur sont distribués abondamment ; & on ne peut voir, sans attendrissements, des bâteaux (sic) ou des charrettes remplis de Pasteurs, qui leur portent tout ce qui leur est nécessaire.
Messieurs les Officiers municipaux paient le (sic) Bateliers & Charretiers, dans les rues & sur la riviere (sic) : en un mot, on voit par-tout (sic) l’humanité venir au secours du besoin, & peut-être n’en vit-on jamais de preuves si nombreuses.

Neige, glace, dégel et inondations.....
La Seine déborde et ses eaux envahissent la ville basse.
Un scénario bien trop souvent répété !


Intempéries

 26 mars 1784

Arrêt de la Cour du Parlement de Rouen, du 18 Février 1784, qui enjoint à tous Laboureurs, Fermiers & autres ayant charrettes, résidants près les Ports de Pitre, Pont-de-l’Arche, Bonport & Martot, de se transporter sur lesdits Ports aux jours & heures qui leur seront indiqués, aux fins par lesdits Habitants, Laboureurs & Fermiers de se charger des Bois de chauffage & le transporter sur les Chantiers de la Ville de Rouen, à peine de telle amende & autres punitions qu’il appartiendra, suivant l’exigence des cas ; enjoint également à tous Voituriers, Rouliers & autres passant à vuide (sic) au Pont-de-l’Arche pour se rendre à Rouen, de se charger de Bois de Chauffage pour ladite Ville de Rouen, &c.

Des mesures sont prises par « Arrêt Royal ».
En cas de malheur, il faut éviter que certains n’abusent de la situation.
L’entraide est demandée.....

lundi 17 décembre 2018

« L’énigme du noyé au tirebouchon »




Si vous aimez les énigmes, celles qui se sont réellement passées dans le passé.
Si vous aimez les enquêtes policières, celles refaites dans les traces d’un évènement lointain.
L’ouvrage de Marc Ouvrard, « L’énigme du noyé au tirebouchon », ne peut que vous plaire.

Le titre, en lui-même, vous apporte quelques précisions et notamment qu’il y a dans l’histoire :
Un noyé.
Accident ? Suicide ? Meurtre ?
Un tirebouchon.
Objet retrouvé dans la poche du malheureux homme.
Objet insolite, en ce pays normand réputé pour son cidre de pommes, et où le vin en « bouteille bouchée » ne se buvait que dans les familles les plus aisées.

A présent, je vais vous dévoiler que ce décès eut lieu à Luc-sur-Mer, dans le Calvados, la ville où habitent les Lutins et Lutines, au cours de l’automne 1768.

Alors, que va nous dévoiler Marc Ouvrard ?
Son enquête, sur les lieux, plus de deux siècles plus tard, sera-t-elle fructueuse en découvertes ?
Oui, une enquête en bonne et due forme puisqu’il refit le parcours du défunt, avant son trépas, et alla à la rencontre de la famille Le Marchant de Caligny, celle du Chevalier Hubert François Guillaume Le Marchant de Caligny, Mousquetaire du Roi, né le 19 novembre 1748, celui qui s’est jeté dans les flots afin de ramener l’inconnu au tirebouchon sur le rivage.

Entre passé et présent,               un périple afin d’en savoir plus sur l’évènement lui-même, le contexte historique   et sur l’homme qui finit sa vie en se noyant après être tombé de la falaise.
Qui était-il ?
Pourquoi était-il en possession d’un chapelet et d’un tirebouchon ?.......

Si ce qui précède a attisé votre curiosité, vous pouvez obtenir ce livre par le biais de :
Marc Ouvrard :  extraculum1@gmail.com


dimanche 16 décembre 2018

Escogriffe !!


Il y avait déjà des escogriffes en 1611... Eh oui !

Mais qu’est un escogriffe ?
Ce que je pourrais vous apprendre n’est que supputation, car l’origine de ce mot reste obscure.
Composé de « esco », sans doute « escroc » et de griffe donnant le verbe « griffer » qui signifiait au XVIIème siècle « ravir – voler », il y a tout à penser que cet escogriffe était, tout bonnement à cette époque, un « escroc-voleur ».

Comme la plupart des mots, son sens changea au fil du temps, pour désigner au XIXème siècle, dans le langage familier, un homme de grande taille et d’allure dégingandée.

Un mot en entrainant un autre, nous voilà avec cet adjectif, « dégingandé ».
Dégingandé ?
Ce qualificatif est une altération de l’ancien verbe « déhingander » ayant le sens de « disloquer », vers 1552.
« Dégingandé » qualifia, tout d’abord, un objet en mauvais état donc disloqué, avant d’être attribué à une personne, vers 1690.

Aujourd’hui, ce mot implique une idée physique de grandeur et maigreur, effaçant toute notion de dislocation.

Quelques mots dérivés :
·         Un dégingandage (1887)
·         Un dégingandement (1867)
Deux mots peu employés dont la sonorité et les accents toniques marquent un réel disloquement !


Le dégingandement de ce grand escogriffe dégingandé, sous les rayons de la lune blafarde, envoyait des ombres griffant les murs par leur déhanchement......
Minuit venait de sonner, l’heure où les escrocs sortaient pour effectuer leurs méfaits.....

Avec un peu d’imagination, vous pourrez facilement écrire une histoire avec les mots que je vous soumets chaque semaine......

Chiche ?
Chiche !
J’attends vos écrits.......


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 12 décembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - VILLETTES


L’eau, élément indispensable à la vie.


Villettes, un petit village, certes, mais au passé historique d’une grande richesse.
Nous y reviendrons un peu plus tard, si vous le voulez bien.... Juste le temps, pour moi, de rassembler et d’approfondir les informations nécessaires que j’ai déjà récoltées.

Présentement, nous allons parler de l’époque de la Grande Guerre et justement, en ces années-là, Villettes peut s’enorgueillir d’avoir eu, parmi ses habitants, un homme qui a fait son chemin, et plus encore ......

Pourtant, ce ne fut pas à Villettes qu’il vit le jour, le 30 mai 1875, mais au Neubourg – hameau de Ressault, ville où ses parents Alexandre Thomas Duval (propriétaire cultivateur) et Ludivine Félicie Leprêtre, résidaient à ce moment-là.
Alexandre Henry Duval, entreprit des études de Droit.
Devenu clerc, il exerça dans diverses Etudes notariales. Au Neubourg d’abord, puis à Rouen, à Lisieux aussi où il fut premier clerc, avant de revenir dans sa ville natale afin d’y exercer comme Notaire.

Il quitta cette fonction pour s’occuper des terres qu’il possédait à Villettes.
A Villettes, rencontrant les mêmes problèmes que les autres propriétaires concernant les cultures, il fut tenté par la politique locale. Il fallait faire « bouger les choses », défendre ses intérêts, et ceux des autres !

Mobilisation générale ..... La Grande Guerre.......
Alexandre Henri Duval y participa comme sous-officier, dans les « Chasseurs à pied », puis ensuite comme officier, dans les chars d’assaut.

Démobilisé, il revint à Villettes.
Il se présenta aux élections municipales.
Le 19 décembre 1919, il fut élu maire. Les habitants de Villettes lui renouvelèrent leur confiance jusqu’en juin 1943. (Alexandre Henry y décéda le 13 juin 1943).

Il visa également la députation. Brillamment d’ailleurs, car il fut élu Député de l’Eure de 1919 à 1932 et de 1934 à 1943.
Battu en 1932 par Pierre Mendès France, il se présenta en 1934 à une élection partielle dans une autre circonscription de l'Eure.

Infatigable et d'une activité débordante, Alexandre Duval, de 1919 à 1940, déposa plus d'une centaine de propositions de loi et de résolutions, une soixantaine de rapports et monta près de trois cents fois à la tribune.

Cette activité cependant sera presque exclusivement axée sur les questions agricoles et sur celles qui relevaient de la compétence de l'ancien notaire.
Que fit-il à Villettes ?

La grande réalisation de Alexandre Henry Duval fut incontestablement le creusement d’un puits et l’installation d’une pompe-éolienne, ainsi qu’un réservoir d’eau.
Ce projet fut évoqué pour la première fois au cours d’une séance de conseil municipal, le 4 juillet 1921.
Ce jour-là, en effet, le maire exposa que :
« .... en raison de la sécheresse persistante, du manque absolu d’eau à Villettes. Pour fournir à la population l’eau qui est nécessaire, il a été obtenu de Monsieur André Bertin, propriétaire demeurant à Paris 12 avenue Marceau, une promesse verbale de location d’un puits dit « puits Mouffled », sis sur la commune de Villettes dans un bois cadastré au lieu-dit « le Gambout » sous le n° 443..... »

Ce puits n’était qu’un trou creusé, à charge à la commune d’installer, à ses frais pour une utilisation plus aisée : une pompe, un système élévateur, un manège à cheval et autres.

Le bail d’utilisation de ce « puits Mouffled » ayant une date de fin, le conseil municipal considéra qu’il y avait lieu de prévoir, d’extrême urgence, la création d’un puits communal destiné aux usages agricoles.
Pour ce faire, il fallait d’abord rechercher l’endroit le plus favorable au percement d’un puits et se rapprocher de personnes qualifiées afin de faire une étude chiffrée. Le côté financier n’étant pas négligeable, il fallait également présenter un dossier de demande de subvention à monsieur le Préfet.

22 mai 1922
La demande de subvention comprenait les renseignements suivants :
·         Creusement d’un puits de 65 mètres de profondeur
·         Construction d’un réservoir de 50 m3
·         Installation d’une pompe éolienne
Construction permettant d’entretenir en bon état un troupeau de 218  têtes de gros bétail et 185 têtes de petit.
Coût estimé : 47 000 francs.

Ce fut monsieur Thouvenin, ingénieur, 19 rue de la chaine à Rouen, spécialiste en génie rural qui fut chargé de mener le chantier.
Sur un terrain dans les limites de la commune au lieu « la grande banque » - cadastré n° 285  - section C – appartenant à Monsieur Duval.

En septembre 1926, l’ouvrage n’avait guère avancé en raison de difficultés de poursuivre le forage du puits et aussi en raison de la nature du sol.
Changement de méthode, il fallait procéder par forage par tubes métalliques, descendant jusqu’à une profondeur de 115 mètres du sol.
Monsieur Thouvenin démissionne et la tâche revient à Monsieur Cordier, agent voyer, au Neubourg.
Le coût de l’opération ne fut pas tout à fait le même !!

27 – 28 et 29 septembre 1927
Les premiers essais de débit ont donné par journée de dix heures, sans interruption, 3 500 litres à l’heure.
16 juin 1930
Démarrage de la construction d’un réservoir en ciment               armé de 143 m3.

Le grand jour de l’inauguration eut lieu le 9 juillet 1933.
1500 personnes étaient présentes.
28 tableaux relatent cette journée mémorable.
20 sont exposés dans la mairie.

Alexandre Henry Duval décéda à Villettes, pendant son mandat de maire, le 19 juin 1943.
Il était l’époux de Jeanne Marguerite Marie Lebret.

Et puis, après le confort des animaux qui passait avant celui des humains, il fallait bien penser à ces derniers. Voilà pourquoi,  Monsieur Duval et le conseil municipal décidèrent de construire une salle des fêtes, en planches bien sûr, pas le grand luxe, mais un espace dédié aux réunions publique, mais aussi pour danser, boire et s’amuser.
Aujourd’hui, cet endroit n’existe plus, à sa place un bâtiment moderne, pratique, lumineux et aménagé.

samedi 8 décembre 2018

Que de soucis !




Non, je ne suis pas dans un jardin où fleurissent à profusion cette fleur jaune vif ou orange.

Soucis ! Ecrit « soucy » vers 1530 et quelques années plus tard « soulci » prit sa forme orthographique définitive, celle que nous commençons aujourd’hui,  au XVIIème siècle.
Et des soucis, il y en a énormément !
Il y a des soucis des champs.
Il y a des soucis de jardin.
Il y a des soucis d’eau (eh oui !) nommés aussi lysimaques.

Un souci est également le nom donné à un papillon de jour aux ailes orangées, bordées de noir.

Si l’on vous dit : «  Oh ! Mais tu as un « teint de soucis » ! ».
Alors là, ne vous méprenez pas, car c’est tout le contraire du « teint de rose ».
Vous devez arborer un teint jaunâtre, tel un coing. 
Pas glamour du tout et peut-être même les prémices d’une maladie.

Mais tous les soucis, ci-dessus cités, sont bien le moindre de mes soucis, car il en existe d’autres, hélas, moins colorés, qui ne fleurissent pas uniquement dans les jardins.

Le verbe « Soucier » qui s’écrivait « soussier » vers 1220 signifiait :
Remuer totalement - Agiter fortement – Troubler – Inquiéter – Tourmenter – Provoquer – Soulever -
Solliciter.....

Donc, résumons.
« Soucier » : causer de l’inquiétude.
Au XIIème siècle, « se soucier », c’était prendre de l’intérêt pour quelqu’un, ce qui, en fait, revient au même puisque lorsque l’on prend de l’intérêt pour quelqu’un, on s’inquiète aussi de lui.

« S’insoucier » est donc l’antonyme de « se soucier » et dans ce cas précis cela revient à être :
·         Le moindre des soucis.
·         Le cadet des soucis.
·         Le dernier des soucis.

Impasse des sans-soucis, un insouci insouciant ne se soucie pas des soucis des autres. Il passe tout son temps (en père peinard) à regarder insouciement les soucis croissant dans les plates-bandes de son jardin.

Faites comme lui, ne serait-ce que quelques minutes....... ça fait du bien.

A bientôt pour un nouveau mot, insouciant et joyeux.

mercredi 5 décembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - SAINT-AUBIN-D'ECROSVILLE



Un poilu parmi tant d'autres 



Pas de chance !.......
C’est la seule phrase qui me vient à l’esprit en pensant à l’existence du pauvre «  Monnier ».

Cela a commencé le jour de sa naissance, le 12 juillet 1896 à Gisors, où sa mère vint accoucher dans l’hôpital de  cette ville et repartit, une fois rétablie, les bras vides, laissant le bébé auquel elle venait de donner les prénoms de Joseph Mari, aux bons soins des sœurs hospitalières.

Un peu de bonheur pourtant, lorsqu’il fut recueilli par une famille demeurant à Saint-Aubin-d’Ecrosville.
En effet, Léonie Naudeix, femme Dupuis, nourrice de l’Assistance Publique, accueillait plusieurs enfants, en même temps, dans son foyer.

Le recensement de 1906  de la ville de Saint-Aubin-d’Ecrosville indique :
Quartier du Bout du Val
·         Dupuis Joseph                                 né 1833 à St Aubin
·         Maudeix Léontine                         née 1846 Le Neubourg
Et comme nourrissons :
·         Monnier Joseph                             né 1896 Hospice
·         Guilbert Lucienne                          1896 Hospice
·         Chedeville Augustin                      1905 Quittebeuf
·         Varin Madeleine                             1905 Bohain


Joseph  Monnier figure toujours sur les listes de recensements, en 1901.
Saint-Aubin-d’Ecrosville – Quartier du Bout du Val
·         Dupuis Joseph – 67 ans
·         Naudeix Léontine – 55 ans
·         Monnier Joseph – 4 ans – nourrisson
·         Guilbert Lucienne – 4 ans - nourrisson

Août 1914. La mobilisation.
Né en 1896, Joseph Monnier,  fut appelé fin 1915 afin de défendre la  France.
Des années difficiles pendant lesquelles  il servit dans l’infanterie, avant de rejoindre en 1917, un bataillon de chasseurs à pied.
Il eut la « chance » de revenir vivant.
La chance !
Pas tout à fait, car le 2 juin 1918 à Romescamps ....



Fiche militaire de Joseph Mari Monnier


MONNIER
Joseph Mari


Evreux 157  - 1917

Né le 12 juillet 1896 à Gisors
Fils de Marie Victoire Monnier
                               Pupille de l’assistance publique
Ouvrier de culture
Domicilié à La Madeleine de Nonancourt


Taille
Couleur des cheveux
Couleur des yeux
1 m 72
Châtain
Bleu clair


Classe 1916

Omis excusé de la classe 1916
Appelé
5 octobre 1915
Soldat 2ème classe
36ème régiment d’infanterie

25 avril 1916

111ème régiment d’infanterie

28 juillet 1916

370ème régiment d’infanterie

1er novembre 1917

50ème bataillon  de chasseur







Romescamps, situé  dans le département de l’Oise, centre stratégique, puisque c’était de cette  gare que partait, en direction de la partie nord du front,  l’approvisionnement en paille et en foin.

Aucun renseignement concernant les circonstances de l’accident.
Un ballot de paille trop lourd, déséquilibra-t-il le soldat Monnier qui chuta en arrière, pied sur le rail ?
Le train démarrant, le soldat Monnier sauta-t-il  précipitamment du wagon ?
Chahut ou bousculade entre les soldats ?

Tout ce que je peux affirmer, c’est que le pied de Joseph Mari fut broyé de telle sorte qu’il fallut l’amputer.

Que de souffrances avant de pouvoir à nouveau marcher.
Sa convalescence fut longue. Il eut tout de même la chance d’être « appareillé » d’un pilon. Mais est-ce que cela remplaçait un pied ?


Avant la « Grande Guerre », Joseph Marie Monnier,  journalier agricole, trouvait de l’embauche, de ferme en ferme, pour quelques jours, quelques semaines ou  pour une saison.
Lorsqu’il fut renvoyé dans ses foyers,  avec une maigre pension de  3ème  classe[1], il chercha, afin de  vivre un peu plus décemment, à travailler comme commis agricole.
Il ne connaissait aucun autre métier.

Mais, un commis agricole ne pouvant plus réellement arpenter les champs, à quoi cela pouvait-il servir !
Alors, il se contenta de petits boulots ici et là, sans plus.
Il était devenu un infirme. Il était devenu un gagne-misère.
Il avait une pension ! La belle affaire ! Une pension bien mince au regard des préjudices.
Une pension ? Non, une aumône !
Et lui, Joseph Mari, ce qu’il voulait, ce n’était pas une aumône, mais gagner sa vie avec son travail, dignement.


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En 1911, Joseph Mari Monnier demeurait à Saint-Aubin-d’Ecrosville (recensement).
Au moment de sa mobilisation, Joseph Mari Monnier est noté, sur sa fiche militaire, comme résidant à La-Madeleine de Nonancourt,
  

Lorsqu’il sortit de l’hôpital, où alla-t-il ?
Peut-être, quelque temps,  chez sa tante, Augustine Opportune Monnier, demi-sœur de sa mère qui vivait à Bazincourt.
Bazincourt, n’était-ce pas aussi  dans cette ville que vivait sa mère ?
Resta-t-il tout simplement dans un hôpital militaire ?
Tout cela restera un mystère, car rien pour l’affirmer.
 

Mais il revint à Saint-Aubin-d’Ecrosville, la ville de son enfance où sa mère-nourricière vivait toujours, veuve depuis peu, Joseph Eusèbe Dupuis ayant quitté ce monde le 28 juillet 1913, à trois heures du matin, en son domicile de Saint-Aubin-d’Ecrosville.
Etait-ce d’ailleurs en raison de ce décès qu’il revint afin d’aider celle qui avait été là pour lui, dans son enfance ?

Il s’installa chez elle, s’occupant à divers travaux d’entretien, élevant des poules et quelques lapins, cultivant un potager  et donnant, ponctuellement, des coups de main dans  certaines exploitations contre un maigre salaire qui, malgré tout, améliorait l’ordinaire.


Léonie Naudeix  décéda le 11 septembre 1932  à Saint-Aubin-d’Ecrosville.  Elle était née au Neubourg, le 6 août 1846.  Joseph Marie resta dans la maison où il vécut, désormais, seul.


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Dans Saint-Aubin-d’Ecrosville, l’ancien Poilu était bien connu, surtout pour son caractère bourru, son allure pas très soignée, son visage renfrogné, et surtout le tac-tac-tac-tac-tac de son pilon lorsqu’il marchait, bruit  qu’il accentuait à loisir lorsqu’il apercevait des enfants.
Les enfants ! Ils s’envolaient tels des moineaux apercevant un chat  lorsqu’ils le voyaient et surtout l’entendaient arriver, et  certains, pris d’une telle frayeur  grimpaient dans les arbres les plus proches.
Joseph Mari Monnier s’en amusait-il ? Certainement. Enfin, je suppose.

C’était « LE PERSONNAGE » de la commune et bien qu’il ne fréquentât  personne, vivant en reclus dans son antre, chacun s’inquiétait de lui, sans le montrer.
L’homme ne voulait pas de la pitié des autres !


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J’ai eu vent de quelques petites anecdotes le concernant, car, encore aujourd’hui, cent ans après le jour de l’armistice de 1918, son souvenir est toujours présent dans cette commune.

Je vous en livre une, pas pour se moquer de lui, loin de là, simplement pour cerner cet homme qui a, sans aucun doute, souffert comme beaucoup d’autres, des conséquences de la guerre.



Joseph Mari Monnier habitait chemin du Calvaire à Saint-Aubin-d’Ecrosville. Il s’approvisionnait à l’épicerie Padéric, non loin de chez lui.
Ce jour-là, il se rendit dans l’épicerie-café pour acheter un kilo de sucre en morceaux.
« C’est que j’en ai plus, lui répondit l’épicière, navrée.
-          C’est qu’ j’en ai besoin moi !
-          Attendez, j’en ai bien un qui me reste, mais il est tombé et est un peu éventré !
L’épicière revint avec le kilo de sucre. Apercevant, le paquet qui n’avait plus vraiment de forme, notre Monnier s’écria :
« J’en veux point, non ! C’est pas vraiment présentable ! »

Pas présentable ! Ce n’est pas parce qu’on vit chichement que l’on doit tout accepter. Pas vrai ?

  
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Un brave gars, pour certains.
Un pauvre type pour d’autres.

Mais un  homme, un jeune homme, plein d’espoir au début des années 1910, pour lequel la vie a tourné court.
Il a vécu avec, quoi faire d’autre ?

Et comme disaient les anciens :
« Mets tout ça dans ta poche avec ton mouchoir par-dessus, et avance ! »


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Joseph Marie Monnier décéda le 15 septembre 1972, à l’hôpital du Neubourg, 25, rue du Général de Gaulle.

Quelles furent ses dernières pensées ?
L’horreur de la guerre ?
La souffrance physique et morale de l’amputation de son pied gauche ?
La plaie douloureuse de l’abandon de sa mère ?
Le visage bienveillant de sa mère nourricière, Léonie Naudeix ?

Nous ne le saurons jamais...... Ce qui est certain, du moins, en ce qui me concerne, c’est qu’un lien s’est créé après l’avoir découvert, et pris connaissance de sa vie et de ses malheurs, et, de ce fait, il y aura toujours dans mes pensées une petite place pour lui.





[1] Pension 3ème classe attribuée par la commission spéciale d’Evreux le 1er mai 1919