jeudi 8 mars 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - l'âne Rusrtic


L’âne Rustic - Saint-Aubin-d'Ecrosville


Tout le monde connait, plus ou moins, l’âne Cadichon dont les mémoires nous ont été rapportées par la Comtesse de Ségur ainsi que  l’âne-culotte, vivant avec son maître, un vieil homme, dans un mas isolé de Provence et dont vous pouvez retrouver les aventures dans le roman d’Henri Bosco......
Mais qui connait l’âne Rustic ?
Personne ?

Et pourtant, il eut son heure de gloire, comme me le rapporta Michel Kotelnikoff qui a bien connu l’animal, qui tout comme le Petit Cheval de Jacques Prévert, « allait par le mauvais temps, tous derrière et lui devant » !

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Après la Seconde Guerre Mondiale, l’heure était à la reconstruction. Chacun retroussait ses manches pour effacer les stigmates des nombreux bombardements, ceux visibles de la désolation de certaines villes, ceux invisibles de l’âme marquée à jamais par des visions d’horreur et la perte d’êtres chers.
Mais, comme je viens de le dire, on retroussait ses manches, car pour ceux qui avaient déjà vécu la Première Guerre, La Grande, celle de 14, il n’y avait rien d’autre à faire.
A Quoi bon se plaindre !

Les campagnes, l’été, se voyaient « envahies » de vacanciers, venant des grandes villes, afin de profiter du bon air, loin de la pollution (déjà !). Pour la plupart d’entre eux, le seul moyen de transport était le chemin de fer, car l’achat d’une voiture-automobile n’était pas encore à la portée de toutes les bourses et le « crédit à la consommation », si il était possible, n’était utilisé que très rarement. On préférait économiser et payer « comptant ».

Le train !
Les voyageurs, chargés de bagages, se ruaient dans les gares. Dans les wagons-voyageurs, on cherchait  une place assise, déposait valises et paquets dans les filets au-dessus des banquettes. Lorsque les compartiments étaient bondés, on restait debout dans le couloir.
Il existait trois classes de voitures, de la plus confortable, la Première, à la plus incommode, la troisième, au siège en bois. Ouille ! Dur, dur pour les fesses !!

Les plus anciens pourraient en dire sur la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest.
Parler des grandes gares fourmillantes et grouillantes, des voies sillonnant la campagne, des petites gares que les trains-omnibus desservaient, contrairement aux trains-express qui passaient leur chemin.... de fer !
Raconter les garde-barrières, attendant patiemment, le passage des trains, nuit et jour, afin d’effectuer leur besogne sécuritaire, ainsi que les aiguilleurs manœuvrant manuellement le levier, déviant les rails pour diriger les convois dans la bonne direction.
Oui, manuellement !........ A la force des bras !

Quelle épopée ces voyages où il fallait, portant valises et sacs, effectuer divers changements, trouver le bon quai, en un temps record.
Les trains n’attendaient pas, sauf le coup de sifflet du chef de gare, pour démarrer.
En ce temps-là, ils étaient rarement en retard.
Pas de panne d’électricité, et pour cause, tout au charbon que le « chauffeur » balançait par pelletées dans le foyer de la machine à vapeur.


Et l’âne Rustic dans tout cela, allez-vous dire ?
J’y viens, j’y viens......


Quand les passagers avaient quitté le réseau principal, ils empruntaient le réseau secondaire vers les villes et villages de moindre importance où ils arriveraient, enfin, à destination. Ouf !!!
Ce dernier trajet s’effectuait souvent dans une « micheline », de couleur crème et rouge,  et à l’avertisseur sonore bien caractéristique : « Pin-pon-pin » !

Pourquoi micheline et non pascaline ou albertine ?
Etait-ce le nom de la petite amie du constructeur ?
Que nenni !
Tout simplement parce que ces autorails, apparus dans les années 1930 et d’une construction légère, étaient équipés de pneus particuliers mis au point par la société Michelin.


Revenons à présent, sur le quai de la gare de destination, fourbus, éreintés, après être descendus de cette « micheline ».
Un nouveau problème se posait aux voyageurs qui n’étaient pas au bout de leurs peines....
Comment rejoindre leur villégiature, souvent dans un village voisin ?

A pied ?
Certains le faisaient. Mais avec les lourdes valises !
A bicyclette ?
Pour les coutumiers qui venaient avec ce moyen de transport jusqu’à la gare, il y avait possibilité de le laisser dans un local et de le reprendre au retour.
Pour ceux qui faisaient de longs séjours dans une région, il était possible, aussi,  de faire « envoyer » son vélo par chemin de fer. Mais, ce n’était pas toujours le cas !
En taxi ?
Très peu dans les campagnes !
En voiture-automobile ?
Si les voyageurs étaient attendus et que leurs hôtes en possédaient une, oui, bien évidemment. Mais, ce n’était que très rarement !

Alors ?
Vous avez deviné ?
Oui !!!!
C’était là qu’intervenait l’âne Rustic........

Quand des voyageurs arrivaient à Quittebeuf et souhaitaient se rendre à Saint-Aubin-d’Ecrosville ou dans une commune proche, Alexis Tardivel ne rechignait pas à atteler son âne à la carriole dans laquelle prenaient place voyageurs et bagages pour les ultimes kilomètres et ....... pas les moindres.
Oui, pas les moindres, en effet, car le trajet prenait un temps infini, au gré du bon vouloir de Rustic qui poète à ses heures humait l’air, flairait ici et là, mâchouillait un brin d’herbe, puis un autre. Vous l’avez bien compris, Rustic  n’en faisait qu’à sa tête. Une tête d’âne têtu qu’il ne fallait pas contrarier au risque de le voir stopper sa marche et refuser catégoriquement de repartir.
Alors, il fallait prendre son mal en patience. Mal de dos, ballotés dans l’inconfortable carriole, sur une route défoncée par des nids de poules, ce qui rendait encore plus pénible la fin de l’expédition.

Lorsqu’une légère remarque fusait, prudemment pour ne pas vexer Alexis Tardivel, sur la lenteur extrême de son bourricot, celui-ci répondait à l’impatient :
« Oh ! Il va ! Il va ! Et à force d’aller, il finit par arriver à bon port. »

Oui, mais quand !
Alors..... laissons-le aller l’âne Rustic, à son rythme.... Au début des années 1950, on laissait encore le temps au temps........



Merci à Michel Kotelnikoff  de m’avoir présenté ce « bourricot »,
qui le transportait nonchalemment, très souvent de Quiittebeuf
à Saint-Aubin, lorsqu’il y venait séjourner....
J’espère que mon texte est proche de ses souvenirs.


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