mercredi 28 novembre 2018

Avez-vous déjà participé à un safari ?




A l’origine, un safari désignait une expédition de chasse en Afrique Noire. Une chasse dont le trophée était la tête ou la peau d’un animal.
Des safaris plus pacifiques existent maintenant et consistent en une excursion dans la brousse  et à prendre en photo  les animaux sauvages et leur environnement de vie.
Je suppose que, comme moi, vous ne savez pas que ce mot provient du swahili, cette langue bantoue écrite depuis le XVIème siècle, d’abord en caractères arabes, puis en latin. Je peux vous apprendre aussi que le swahili est la langue officielle de Tanzanie et qu’elle est parlées aussi aux abords de la côte africaine de l’océan indien (Kenya – Zaïre....).
Et quelle est la traduction de ce mot ?
Safari se traduit tout simplement par, « Bon voyage ! ».
J’imagine les premiers « voyageurs blancs » souhaitant se faire une frayeur en chassant le lion dans la savane, accompagnés de porteurs indigènes, se croyant braves avec leur fusil à l’épaule, revenir dans leur pays d’origine, fiers de leurs exploits, lançant comme cela, à qui voulait les entendre qu’ils avaient fait un « safari », expliquant qu’il s’agissait du mot local pour désigner une « chasse » !
Alors qu’en fait ce n’était qu’une formule de politesse, peut-être ironique, pour leur souhaiter « la bonne chance de ne pas être la proie de leurs proies ».

Alors, pour finir, une petite phrase alambiquée ?
Le safariste (1) safarise (2) un safari (3)  safarien (4) et l’organisateur lui souhaite : « Safari ! » (5)
1                    celui qui effectue un safari
2                    du verbe safariser : faire un safari
3                    Chasse en Afrique Noire
4                    Non ! pas « ça fait rien » ! « Safarien », l’adjectif qualifiant ce qui a un rapport avec le  safari.
5                    « Bon voyage ! »

Mais les petites notes n’étaient sûrement pas nécessaires, car vous aviez tout à fait compris !
Je réfléchis au prochain mot....... Trouver des mots, un réel souci !!!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mardi 27 novembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - IL EST NE A MARBEUF




Marbeuf a connu un homme de renom. Eh oui !
Vous ne le saviez pas ?

Arnould  Galopin  naquit le 9 février 1863 à Marbeuf.
Fils de monsieur l’instituteur, Louis augustin Galopin, et de Henriette Chedeville.
Monsieur l’instituteur qui après la classe aux enfants du village, enseignait aux adultes dont la plupart travaillait à la « manufacture Auzoux » à Saint-Aubin-d’Escrosville.
En effet, le Docteur Louis Thomas Jérôme Auzoux n’embauchait que les ouvriers sachant lire, écrire et compter et, en plus, étant en capacité de connaître et situer tous les organes du corps humains.
Pour effectuer son travail correctement, l’ouvrier anatomiste devait savoir à quoi correspondait sa tâche. Essentiel !
Ce qui faisait du Docteur Auzoux, un chef d’entreprise en avance sur son temps.
Les deux hommes Louis Thomas Jérôme Auzoux et Louis Augustin Galopin sympathisèrent au cours de leurs différents échanges, qui au début devaient se concentrer sur les progrès des « ouvriers-écoliers ».

Et savez-vous ce qu’il advint ?
Non ! Le docteur Auzoux ne devint pas instituteur !
Ce fut l’instituteur, Louis Augustin Galopin, qui retourna en classe, plus exactement à la faculté de médecine de Paris.
Marbeuf perdit donc son maître d’école !
Mais, le docteur Auzoux gagna un conférencier précieux, vantant ses travaux, des modèles anatomiques, déjà réputés en France et en Europe, construits dans les locaux de Saint-Aubin-d’Ecrosville.

Ce fut dans se contexte intellectuel et scientifique que grandit le jeune Arnould Galopin qui ne prit nullement la voie médicale de son père, mais s’orienta vers les Lettres.
Ce fut après son service militaire, qu’il effectua à Orléans, qu’il décida de se diriger dans cette voie.
Arnould Galopin devint écrivain et pas des moindres, j’ai lu plusieurs de ses ouvrages, des ouvrages surtout pour la jeunesse, un créneau tout nouveau, car jusqu’à présent, peu d’ouvrages étaient consacrés aux lecteurs de l’âge de l’adolescence. Il créa de nombreux jeunes héros aventuriers. Tout d’abord, comme beaucoup, il publia ses récits d’aventure dans les journaux – quotidiens ou hebdomadaires – en feuilletons. Puis, ensuite en livre, dans les premières collections, tout nouvellement créées.

Lorsque la guerre éclata, en août 1914, il devint reporter de guerre.
Ayant acquis une maison sur les hauts du Havre, il publia également un ouvrage sur la marine marchande en temps de guerre : « Sur le front de mer »

Quelques autres écrits sur la guerre 14/18 :
·         Les Poilus de la 9ème
·         Sur la ligne de feu (reportages)

Puis, naquit sous sa plume, un nouveau héros, Poilu de 12 ans, jeune espion s’impliquant dans la Grande Guerre, manière d’expliquer les évènements aux plus jeunes!


Arnould Galopin, un baroudeur, un aventurier..... Un homme qui ne sut jamais réellement se fixer, si ce n’était dans ses écrits.

Arnould Galopin décéda le 9 décembre 1934 à Paris.

Il fut surnommé « Le Jules Verne Moderne ».
Arnould Galopin fut nommé Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur, le 30 septembre 1920.

Je ne le connaissais pas jusqu’à ces dernières années. Puis je l’ai découvert.
Ce que je peux regretter, aujourd’hui, c’est qu’il ne figure pas parmi les grands.......
Il le mériterait pourtant.
Pour vous en rendre compte par vous-même, lisez-le, vous ne serez pas déçus.

Pour faire plus ample connaissance avec Arnould Galopin, un livre, celui de Pierre Chevalier : « Arnould Galopin – Homme de lettres – Romancier populaire 1883 – 1934 »

mercredi 21 novembre 2018

Un heur portant chance ou malchance


Heur !!! ???

Il y a le « bon-heur » et aussi le « mal-heur »...
Si je devais choisir, je prendrais, comme vous, je suppose, le « bon ».

Mais quel est donc cet « heur », sans « E » ?
Ce nom masculin « heur », vient de très loin dans le temps puisque qu’il apparaît vers 1121, sous la forme de « oür – aür »,                 avant de devenir « Heur », vers 1306.

Oui, c’est bien intéressant tout cela, mais ça veut dire quoi ?
Ah ! Ah ! ! Nous y voilà......
Vous voulez vraiment le savoir ?
Bon, je ne vous fais plus languir.

Vers 1121, lorsque l’on souhaitait à quelqu’un un « bon oür », on lui souhaitait une fatalité heureuse, un bon augure.
Aujourd’hui est encore utilisé la locution suivante : « Avoir l’heur de plaire à quelqu’un ».
Enfin, ce n’est pas le cas en ce qui me concerne, mais à présent, peut-être à l’occasion, j’essaierai de la placer dans une conversation.

Nous retrouvons donc « heur » dans :
·         Malheur – malheureux – malheureusement
·         Bonheur – heureux  - heureusement
·         Bienheureux
·         Une heureuseté (Etat d’être heureux)
·         ..........................

Je vous laisse le loisir d’en trouver d’autres.

Un mot à ne pas confondre avec « une heure », unité de temps ou encore avec « un heurt » qui a un lien direct avec « hûrt », entrer rudement en contact avec, lui-même provenant du scandinave « hrûrt » qui se traduit en français par  « bélier ».

Nous reviendrons sur ces deux derniers mots plus amplement, si vous le voulez bien ?????

En attendant, je vous souhaite à tous un « bon oür ».
A bientôt, pour d’autres mots.......

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


mardi 20 novembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - ECQUETOT AU TEMPS DES POILUS

UNE BELLE HISTOIRE


Il y a des rencontres, même posthumes, pleines de surprises .....

 Ce fut le cas, dernièrement, lors de  la recherche d’une fiche militaire  que je n’ai malheureusement pu trouver.

Le Poilu concerné ? Un nommé Buhot  Joseph Saturnin.
Bien sûr, cela ne vous donne pas grand-chose, j’en conviens.
Je poursuis donc ma recherche. Joseph Saturnin Buhot naquit à Quatremare, le 29 novembre 1895, et plus précisément,  au Hameau du Hazet.
Déclaré sur son acte de naissance, fils naturel de Gabrielle Sidonie Letellier, il fut légitimé cinq ans plus tard, lors du mariage de sa mère avec  Augustave Clodomir Buhot.
Ce jour-là, Joseph Saturnin Letellier devint Joseph Saturnin Buhot.

Le jeune Buhot grandit dans une famille nombreuse. A cela rien d’étonnant. Sa mère native de Quatremare – elle y avait vu le jour le 31 mars 1874 - avait six frères, donc six oncles pour le garçonnet. Un de ses oncles, Alexandre Letellier, pharmacien de son état,  travaillait à Elbeuf à la pharmacie Louvel. Voilà pourquoi à l’âge de quinze ans Joseph Saturnin fut embauché dans cette officine comme commis, puis devint par la suite préparateur en pharmacie.
Joseph Saturnin avait deux passions. Le sport et la magie.
Le sport, course à pied et l’athlétisme, mais aussi la boxe. Il fit d’ailleurs  partie du « Boxing club d’Elbeuf ».
 La magie. Il passait son temps le nez dans les livres afin d’en connaître toutes les astuces.

Puis ce fut le temps de l’armée. De la classe 1915, il effectua son temps dans les tranchées.
Bien que n’ayant pas retrouvé sa fiche militaire, j’ai appris qu’il aurait été brancardier, une tâche difficile en ces temps-là, car au contact des grands blessés, au contact de la mort violente.
Il aurait était, également, décoré pour fait de bravoure.
De retour dans ses foyers, il reprit sa place à la pharmacie Louvel. Ses journées étaient bien remplies, le jour dans l’officine, afférer à la préparation des remèdes, le soir dans les clubs sportifs et la nuit le nez dans les livres de magie.
Une vraie passion la magie !
Une passion qui l’amena à donner des représentations privées, d’abord, puis publiques.
Il donna sa première représentation à La-Haye-Malherbe, le 2 avril 1923.

Un dilemme se posa alors à lui. Préparer les médications lui prenait toutes ses journées, du lundi au samedi. La magie lui demandait beaucoup de temps de préparation, le soir et tous les dimanches en spectacles.
Il lui fallut choisir et  Joseph Saturnin Buhot choisit, pour le grand bonheur de son public, la magie.

La grande aventure allait commercer !
Un avenir fabuleux s’ouvrait devant lui.

Ce fut alors qu’il prit un nom de scène. Buhot n’étant pas très attractive, il opta pour Carrington. Dorénavant, il serait le MAGE CARRINGTION.
Un nom qui sonne bien, n’est-ce pas ?

Il créa alors une troupe et sillonna la France, commençant par les petites villes de province et notamment en Bretagne où sa caravane était annoncée par des haut-parleurs, en des termes ne pouvant qu’attirer les curieux :  « Ce soir, dans votre ville, en vedette, The Great Carrington, le Maître de l’illusion. Venez nombreux,  vous serez  étonnés, stupéfiés, émerveillés, intrigués, charmés, déconcertés, par un spectacle sans pareil ..... » 
Les spectateurs en avaient pour leur argent, car le spectacle en question, dans des décors surprenants et exotiques, durait trois heures.

Sa première partenaire sur scène fut Maud Farrer. Partenaire ? Pas seulement  sur scène, car au cours de leur relation qui ne dura que dix-huit mois, elle lui donna une fille, Josette.

Si  Joseph Saturnin Buhot-Carrington enchaînait les succès professionnels, il les enchaînait aussi amoureusement parlant. Le succès a du bon de ce côté-là aussi !

Le 24 avril 1924, il épousait, à Louviers Suzanne Andrée Thérèse Lemonnier, née dans cette ville, le 16  mars 1901 et qui était artiste de théâtre.
Leur mariage ne dura pas quatre ans, car ils  divorcèrent, le 29 décembre 1927.

Puis un seconde  mariage avec Louise Henriette Guay qu’il rencontra lors d’une de ses tournées et avec qui il vécut dix ans, jusqu’au moment de leur divorce. Une fille, prénommée Joëlle,  naquit de leur union.
Sur scène, Louise Henriette prit le pseudonyme de Juanita, puis Manita.

1936, le couple sillonnait la France, à la tête de leur propre chapiteau, « l’Empire Circus ».
Hélas, une tempête en ce 25 juillet 1936, anéanti tous les espoirs en même temps que le chapiteau et tout le matériel.

Après cette seconde séparation, the Great Mage passa de cirque en cirque, Amar, Médrano, Beautour, Bouglione ..... et le Cirque d’Hiver.

« Jamais deux sans trois » dit le proverbe.
ET ce fut justement dans le Cirque d’Hiver, qu’il rencontra celle qui devint sa  troisième et dernière épouse Line Saban.
Line Saban dont la mère était de nationalité autrichienne et le père, médecin de nationalité turque, n’avait que vingt ans.
Carrington lui donna le surnom de Manolita, en souvenir de son ancienne épouse, puis de Manolita, la jeune femme devint Manita.
Ce fut, accompagné de toute la grande famille du cirque, que le couple se maria le 16 janvier 1951 à Louviers. Pour la circonstance, les futurs époux étaient habillés en fakir !
Pour une publicité  s’en fut une, et une bonne !

Un mariage qui légalisait le petit James, né en avril 1950, à Louviers.

Pourquoi le mariage fut-il célébré à Louviers ?
Parce que le couple y résidait, tout simplement, rue Saint-Germain, au numéro 127. Cette demeure à Louviers, Joseph Casimir la possédait déjà depuis plusieurs années, car en 1933, il avait créé, dans cette ville,  un cross qui existe toujours en 2018 et qui porte son nom « le Challenge Carrington ».

Toutes les vies, même exceptionnelle ont une fin, celle de Joseph Casimir, tout GRAND MAGE qu’il fut, vit la sienne s’achever  le 16 mai 1971, à l’hôpital d’Evreux.
Son corps repose dans le caveau familial à Quatremare.


Manita vécut bien des années après lui, à Louviers justement, toujours rue Saint-Germain.
Douée de voyance, elle y avait son cabinet de consultation. Elle donnait annuellement, en janvier,  ses prévoyances qui passaient dans le « Courrier de l’Eure ».
Ce fut cet hebdomadaire qui annonça  le décès de Manita, survenu le 29 avril 2016.


Alors ?
Après tout cela, ne me dites pas que le nom de « Carrington » ne vous dit rien ?
Alors, si « Carrington » ne vous est pas inconnu, vous connaissez Joseph Casimir Buhot !

Le « cross Carrington », parcours de neuf kilomètres en plaine, fait toujours le plein de participants chaque année.
Les plus grands noms de la course à pied  y ont participé, et notamment, Jazy  et Mimoun.
La classe !

Quant à James, il créa, en 1970, son propre cirque sous le nom de « Cirque Carrington » qui devint le cirque « Rancy-Carrington ».


Une belle histoire, non ?


Vous a-t-on déjà rabroués ?




En quelque sorte, vous a-t-on envoyés, un jour ou l’autre ou souvent, « envoyés paître » ?

Rabrouer ?
Ce verbe vient  de « brouer » qui, vers 1488, signifiait « gronder – être furieux », agrémenté du préfixe « Ra »(re).
« Brouer », issu lui-même, de l’ancien français « bro, breu » désignant un bouillon, au sens d’écume, dans la région normande.

Donc, « rabrouer », c’est être furieux envers  quelqu’un, le repousser, mais, avec le temps, ce mot prit un peu de rudesse........

Un rabroueur peut rabrouer une rabroueuse, rabrouement.
Ce qui finit alors en baston générale, avec quelques mots d’oiseaux, fusant ici et là, notamment celui de « raca » ou « racca ». (Le doublement du « c » ne changeant rien à l’affaire).
Mot injurieux, vous vous en doutez, comme le révèle sa traduction en : « Pauvre type » !

En terme plus général, « crier raca sur quelqu’un » peut s’exprimer par ce simple verbe : INSULTER.

Je ne vous crierai donc pas  raca, il n’y a aucune raison d’ailleurs, et je ne vous rabrouerai pas non plus.

Zen ! Restons zen !!



Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert




mercredi 14 novembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 ........ la fin



1792  - Villettes

Fin possible numéro 3


C’était jugé ! Jean Jacques Philippe Signol allait donc voir sa vie prendre fin à Louviers.
Quand ?
Le temps à l’administration de faire imprimer et placarder l’annonce de son exécution et de faire venir l’exécuteur des hautes-œuvres et son outil de travail, la guillotine.
Il savait, lui, le condamné, que beaucoup allaient se déplacer des villages alentours pour assister à son ultime supplice. Un spectacle moralisateur, sorte de mise en garde par son aspect horrible et définitif, envers ceux qui s’égareraient du droit chemin de Dieu et des Hommes.
Voilà pourquoi, on venait en famille.
Voilà pourquoi, les mères, surtout, criaient leur haine, approuvant que l’on tuât celui qui avait tué.

Dans la grande salle commune de la prison de Louviers, Jean Jacques Philippe Signol songeait à sa fin prochaine, se résignant parfois, se révoltant le plus souvent. Son envie de vivre grossissait au fil des heures.
Non ! Il fallait qu’il s’évade de ce lieu, s’éloigne de cette ville, parte loin, très loin, dans un lieu où personne ne le connaîtrait.
Un seul et unique problème à ce projet. Il n’avait pas un sou vaillant, afin de soudoyer un des gardiens.
Comment faire ?
D’abord, observer les lieux, les horaires des gardiens, ceux des repas aussi, et des promenades, souvent mal surveillées, dans la petite cour de la prison.
Il y avait aussi les visites des familles. Qui venait ? Connaissait-il quelqu’un qui aurait pu prévenir sa femme ?
Une entreprise pour laquelle il fallait être prudent. Prudent, mais aussi rapide, car le temps pressait. Prudence et rapidité ne font pas toujours bon ménage !


Ce matin-là, un seul gardien dans la cour pour surveiller les prisonniers. Des groupes s’étaient formés. Jean Jacques Philippe Signol était resté à l’écart. Appuyé contre un des murs d’enceinte, il tirait sur sa pipe qu’il venait de bourrer de tabac. Aucune fumée ne sortait du fourneau, les allumettes étant interdites dans le lieu.
Le gardien s’approcha de lui :
« Un peu de feu, citoyen ? Allez, une p’tite exception, mais faudra l’éteindre après la promenade. J’ risque gros, si tu mets l’ feu ?

Jean Jacques Philippe Signol acquiesça de la tête. La première bouffée lui procura un plaisir immense. Il se sentit revivre.

« Ça fait point longtemps qu’t’ es là, toi ? poursuivit le gardien tout en jetant un regard sur les autres prisonniers.
-          Non, pis j’resterai point longtemps ! répliqua Jean Jacques Philippe.
-          Oui, j’ sais. Moi, j’ suis nouveau ici. La nation m’a donné c’ poste parce que j’ai été blessé pendant une bataille. J’ suis pas mal, ici, c’est pas trop dur ! Et pis, j’suis nourri-logé.


Le silence s’installa, puis le gardien, qui semblait avoir envie de parler reprit :
«  Y parait qu’ t’as tué ton père parce qu’il voulait pas aider la nation. C’est point mon affaire, pas vrai, et j’ai pas à juger, mais moi, citoyen, j’ t’aurais pas condamné, car t’as bin fait. »

Jean Jacques Philippe Signol hocha la tête sans rien dire. Il écoutait. Voilà un bavard qui pourrait bien l’aider. Mais prudence, il fallait y aller doucement. N’était-il pas employé afin de tirer les vers du nez des prisonniers ? Personne n’était à l’abri d’un espion.
Mais réfléchissant, il se dit qu’il avait sûrement tord. N’était-il pas jugé ? Alors, ce qu’il dirait à présent, ne changerait rien à sa situation.
Il fallait simplement qu’il sonde le personnage, mine de rien. Il semblait heureux de son sort et de se contenter de ce qu’il avait. Alors ? Si l’occasion se présentait, serait-il de ceux qui se laisseraient acheter ?

De discussions en discussions, une sympathie s’installa entre les deux hommes.
Le geôlier avait des idées très républicaines.
Jean Jacques Philippe Signol, se positionnait également comme fervent républicain. Mais ses idées avaient été fortement ébranlées, en raison de tous les évènements. Mais, il garda ses doutes et réticences face à son interlocuteur d’autant plus que celui-ci semblait persuadé que le crime pour lequel avait été condamné son prisonnier était bien fondé. N’avait-il pas éliminé un ennemi de la République ?
Jean Jacques Philippe Signol ne l’en dissuada absolument pas. Mais ne l’affirma pas non plus, d’ailleurs. Il laissa à l’autre la liberté de son interprétation, pensant qu’il y avait là, les clefs de son évasion.

Vint alors, trop tôt, l’annonce du jour de l’installation de la guillotine.
Il était évident que le temps allait manquer.
Tout espoir s’effritait.
Mais, parfois, le hasard fait bien les choses.

La veille de l’exécution, vers les vingt-trois heures, le geôlier vint chercher le condamné dans la pièce commune afin de l’isoler dans une cellule individuelle.
Dans le couloir, le gardien murmura :
« Le chef, c’est qu’il est malade. Au lit. Assez mal en point, avec ça. C’est p’t-être une chance pour toi, citoyen. »
Que devait penser Jean Jacques Philippe Signol ? Lui proposait-on de l’aider à s’évader ?
Si oui, quelles en seraient les contreparties ?
Réfléchissant, il regarda le gardien d’un air abasourdi.
« Eh ! S’coue-toi ! Faut point traîner ! j’va ouvrir la porte de cette cellule, mais au lieu d’entrer, faut qu’ tu m’ donnes un coup sur la tête. T’inquiètes, elle est dure ! I’ t’ reste pus qu’à prendre les clefs. »
Puis désignant une des clefs, il ajouta :
« C’est c’ te clef-là. Fais vite ! »

Jean Jacques Philippe Signol n’avait pas dit un mot. Médusé, il semblait cloué sur place.
Se ressaisissant soudain, il asséna un coup-de-poing magistral dans la figure de l’autre qui ne s’y attendant pas alla valdinguer contre le mur de la petite cellule.
Se penchant un instant sur sa victime volontaire, le futur évadé murmura :
« Ça va citoyen ? J’ai pas tapé trop fort ? »
L’autre, étalé de tout son long sur le sol, ne pipa mot. Sonné, qu’il était ! Presque aussi mal en point que son chef !

Alors, arrachant des mains de son sauveur l’anneau où se trouvaient les clefs, et qu’il serrait très fort, Jean Jacques Philippe Signol s’élança vers la porte de sortie.
Personne en vue, en effet, pour l’arrêter.
Puis, s’élançant dans la rue, il s’évanouit dans la nuit noire.

-=-=-=-=-=-


Maintenant à vous de choisir « votre fin » ou éventuellement en inventer une......
Dans ce dernier cas, merci de m’en faire part......
A bientôt pour une autre « Histoire de Village ».


samedi 10 novembre 2018

EN VOILA UNE QUESTION !!!!!


Question idiote ?...


Dernièrement, l’on m’a posé la question suivante :
Quelle est la plus grande voie, l’avenue ou le boulevard ?
J’ai répondu : « l’avenue ».....
Pourquoi ? Parce qu’il me semblait que les avenues, droites et larges, faites pour la promenade étaient plus spacieuses, contrairement aux boulevards, édifiés sur l’emplacement des remparts après la démolition de ceux-ci, encerclant la ville et possédant un aspect fonctionnel, me donnaient l’impression d’être plus étriqués....

Mais depuis ma réponse, je me demande si mon explication était juste, car de nos jours, avenue et boulevard désignent une même grande voie routière, embouteillée aux heures de pointe.

Au secours, Monsieur Robert ! (le monsieur du dictionnaire, bien sûr !)

Une avenue.
Vers 1160, ce mot désignait, et cela jusqu’au XVIème siècle, une approche, une venue.... Mais, en parlant d’envahisseurs, d’ennemis, donc une « avenue malvenue », en quelque sorte !
Puis, ce fut un lieu, par lequel « on advient », en clair,  la porte d’une ville fortifiée ou un passage.
1611, une avenue devint une allée bordée d’arbres, créée pour la promenade, à pied essentiellement ou en calèche avec les chevaux marchant au pas. Le sens s’élargit en même temps que l’avenue pour nommer une « large voie urbaine ».

Un boulevard, à présent.
Alors là, accrochez-vous bien.
Ce mot retranscrit du néerlandais prit différentes orthographes, en français,  selon les siècles.
·         1365 – Bolevers
·         1425 – Bollewerc
·         1509 – Bolvert
Puis encore :
·         Bollevart
·         Boulevars
Pour trouver enfin sa forme finale et définitive, vers 1559, Boulevard.
         
Ce mot désigna tout d’abord un ouvrage de défense, tel le rempart, fait de terre et de madriers.
Ce qui fit, qu’un temps, ce nom prit aussi le sens de « ce qui protège et sauvegarde ».
Les remparts, avec le temps, n’ayant plus lieu d’exister, ce mot désigna (1803) une promenade plantée d’arbres, autour d’une ville sur l’emplacement des anciens remparts.

Le verbe « boulevarder », utilisé au XVIème siècle, sous la forme « boullewerquer » était un terme militaire ayant le sens de « défendre » et « protéger ».

-=-=-=-=-=-=-=-

Mon analyse n’était pas tout à fait mauvaise. Il y a bien une différence entre avenue et boulevard, l’une et l’autre peuvent avoir la même largeur, sauf que l’avenue a un plus haut standing que le boulevard.

Vous en voulez une preuve ?
Au XIXème siècle, dans la capitale ou les grandes villes, les théâtres chics se situaient sur les avenues des beaux quartiers du centre et ne donnaient que des pièces de théâtre d’un « haut-niveau ».
Les petits théâtres, eux, excentrés sur les boulevards, ne produisaient que des comédies frivoles, qui furent, par la suite désignées par l’expression « théâtre de boulevard ». Les écrits n’étaient pas médiocres pour autant, simplement un peu trop léger pour la « bonne société ».


Alors ? Etait-elle idiote, la question ?


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



samedi 3 novembre 2018

JUCHE !


Etre juché comme les poules !

Il faut remonter au XIIème siècle pour retrouver l’origine du verbe « jucher » qui s’orthographiait, à cette époque, « Joschier » pour devenir, un peu plus tard, « jochier ». Ce mot vient de « joc », désignant le perchoir.

Tout s’éclaire donc, et un lien se crée entre la poule et le joc !
La poule de 1100, ne faisait pas comme aujourd’hui : « cotcotcot », mais s’écriait : «  J’ veux un joc pour m’ joschier ».
Voilà pourquoi, « se jucher » apparut avec le sens de « se percher en un lieu élevé pour dormir ».
Quant à la forme transitive telle « jucher quelqu’un », il faut comprendre : « placer cette personne à un poste très élevé ».
En  1342, quand quelqu’un « se juchait », cela indiquait qu’il venait de prendre une fonction très importante.

De jucher découle :
·         Le juchoir (1538) : longue perche destinée à faire jucher des oiseaux de basse-cour.
·         Une juchée (1873) : endroit où juchent les faisans.
·         Déjucher (desjoschier vers 1190) : cesser d’être juché.

J’avoue que le verbe « joschier » possède un certain panache que l’on ne retrouve pas dans jucher.
Comme quoi, les « mots de l’ancien françois » possédaient un caractère qui fleurait bon le terroir......

       
Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


HiSTOIRE DE VILLAGE - 1792 Villettes



Chapitre 9 – Fin possible numéro 2


L’engagement – seconde partie

La porte de la cellule s’ouvrit. Jean Jacques Philippe Signol leva la tête nonchalamment.
Pourquoi se presser, il avait tout son temps à présent, enfin, presque ?
Deux hommes entrèrent. Ils n’avaient pas vraiment l’air d’être des juges, mais des soldats plutôt, aux chapeaux emplumés qu’ils enlevèrent en entrant.
« Citoyen ! lança le premier, un homme petit et râblé. Nous venons de voir tes juges et nous avons une proposition à te faire. »

Jean Jacques Philippe Signol ne daigna pas se lever. Pourtant, ces deux hommes semblaient être très importants.
Importants !
En cette période où les têtes tombaient comme feuilles en automne qui pouvait se prétendre important ?
Lui-même, Jean Jacques Philippe Signol, avait cru en cette république, en l’égalité et la fraternité des hommes .... Foutaise, tout cela !
Le voilà bien avancé, à présent. Et ces deux-là, tout emplumés comme des paons qui venaient lui faire une proposition.
« Citoyen ! reprit l’homme petit et râblé, au nom de la patrie, nous sommes venus te proposer de sauver ta vie.
-          Encore ! Mais on ne peut donc point me laisser en paix. Et puis, sauver ma vie, à présent, alors qu’il y a à peine une heure, il était question de me l’ôter, pensa le condamné.
-          Voilà, poursuivit le second, un être filiforme, très grand et aux yeux creux cernés de noir, tout le contraire de son compagnon. Sauver ta vie est un bien grand mot, je dirai plutôt, de donner ta vie volontairement et bravement, les armes à la main. La patrie a besoin d’hommes pour défendre ses frontières et repousser l’ennemi.

Le plus petit des deux hommes déroula alors le parchemin qu’il tenait dans ses mains, en ajoutant :
« Il te suffit de signer cet engagement dans les rangs de l’armée et ta condamnation sera annulée. Si tu es sauf, la paix revenue, tu auras, par tes actes de bravoure, gagné ta liberté. »

Qu’avait-il à perdre à signer ce document ?
Mourir pour mourir, en effet, autant que ce soit l’arme au poing, plutôt que les mains liées derrière le dos.

Jean Jacques Philippe Signol signa donc pour aller affronter la mort d’une autre manière.

A cette époque, il fallait des soldats, alors, lorsqu’un homme jeune ou dans la force de l’âge se trouvait condamné à mort, il avait deux possibilités, la larme tranchante de la guillotine ou les balles et boulets ennemis.

Cette société nouvelle qui prônait, haut et fort, la fraternité entre les êtres humains enrôlait des hommes pour aller en tuer d’autres !!

L’histoire depuis la nuit des temps n’est faite que de conflits et de morts violentes !