mercredi 30 janvier 2019

HISTOIRE VRAIE - ROUEN A LA FIN DU XIXème SIECLE.




Chapitre 4

Retournons un peu en arrière, rue des Charrettes où les quatre voisins revinrent accompagnés des deux agents de sûreté.
Sur les lieux, devant  la macabre découverte, les deux agents trouvant la situation critique (ne l’était-elle pas d’ailleurs ?) allèrent en informer  leurs supérieurs qui, réveillés en plein sommeil, se déplacèrent au plus vite. L’affaire n’était-elle pas d’importance ?
Ce ne fut pas n’importe-qui qui arrivèrent en renfort rue des Charrettes, loin de là, mais :
·         Monsieur Masquin, commissaire central.
·         Monsieur Collignon, commissaire de police.
·         Monsieur Prost, chef de sûreté.
Ils établirent rapidement et efficacement  leurs premiers constats.
1.       Le sieur Dubuc, limonadier, était bien décédé.
2.       Il s’agissait bien là d’un meurtre.
3.       Il y avait eu vol également. Le mobile de cette agression mortelle bien évidemment.
4.       Sur le sol, un trousseau de clefs, celui rassemblant assurément toutes les clefs de l’établissement dont celle, sans doute, du coffre-fort.
5.       Un tire-bouchon très court, au manche de corne, près du cadavre, attira leur attention. Un tire-bouchon ? Quoi de plus naturel dans un débit de boissons ! Mais celui-ci, un tantinet tordu, maculé de sang coagulé et portant quelques cheveux, semblait être, après constatation, l’arme du crime. Mais prudence, il fallait s’en assurer !

Après ces cinq constats, il ne restait plus qu’à préciser quelques détails et découvrir ce qui s’était réellement passer entre 11 h 30 du soir et 0 h 30 du matin, dans cette nuit du 6 au 7 mai 1890.

Ce furent là qu’intervinrent les témoins, ceux qui les premiers avaient entendu les appels à l’aide et découvert le défunt, et les derniers à avoir vu le sieur limonadier vivant, la femme Molière et le garçon de café, Victor Hiaa.
On alla d’abord quérir Victor Hiaa qui demeurait dans la même rue, au numéro 39.
« Ça devait arriver ! s’exclama-t-il en apprenant l’horrible nouvelle. Et je sais qui a fait le coup ! »

Cette déclaration spontanée ne pouvait qu’intéresser fortement le chef de la sûreté.
Si ce témoin disait vrai, ce serait une affaire rondement menée, et l’assassin serait bientôt sous les verrous.
Oui mais, parole de justice : il faut toujours se méfier des témoignages trop hâtifs, ceux-ci se révélant souvent jalouses délations. Prudence !

Mais, Victor Hiaa ne fut pas le seul, beaucoup d’autres avancèrent les mêmes accusations, visant une seule et même personne : Constant Roy, cet individu qui depuis plusieurs jours guettait, surveillait, attendait son heure, tapi dans l’ombre d’un recoin.

-=-=-=-=-=-

Vers les trois heures du matin, Monsieur Prost, chef de sûreté, alla toquer à la porte de la chambre du dénommé Roy, présumé coupable, rue de Petit Salut.

Aux sommations, Constant Roy ouvrit sa porte immédiatement. Il ne portait pas de chemise et ne semblait pas très étonné de cette visite nocturne. Sans sourciller, il demanda :
« Qu’est-ce qu’il y a de cassé ? »
Monsieur Prost évoqua la rue Frigory[1], à ce nom, Constant Roy pâlit, mais garda un flegme implacable. Même attitude détachée pendant la perquisition de sa chambre, demandant simplement après un moment :
« Puis-je bientôt disposer de ma chambre ? »
Quel aplomb tout de même, vous en conviendrez !

Que donna la perquisition[2] ?
-          Dans une des poches de Roy, un carré de chemise, servant de mouchoir, taché de sang.
-          Un gilet portant des traces de sang.
-          Une chemise tachée de sang frottée aux deux poignets, aux manches et au col.
-          Cinq morceaux de toile ensanglantée.
-          Une serviette mouillée dans toute son étendue.
-          Dans un seau et le pot de chambre de l’eau roussâtre.
-          Une importante somme d’argent, cent-quarante-sept francs, étonnant pour quelqu’un qui n’avait pas le sou la veille, dont une petite pièce grecque.

Il n’en fallait pas plus pour faire de Constant Roy un suspect idéal.

Il fallait faire rapidement une confrontation.
Sur les lieux du crime, interrogé par Monsieur Masquin, commissaire central, Roy resta de marbre et nia être l’auteur de cet acte innommable, trouvant réponse à tout, que ce soit au sujet du sang sur ses vêtements, du sang sous ses ongles, des griffures sur ses avant-bras et de l’argent en sa possession. Même le tire-bouchon laissé sur le sol n’était pas le sien quoique lui ressemblant très fortement.
Conduit ensuite au commissariat central, Constant Roy fut auditionné vers 7 h 30 du matin, par Monsieur Demartial, procureur de la République. Il persista dans ses déclarations, niant toute implication dans le meurtre pour lequel il se voyait accusé.
Pendant ce temps, dans le débit de boissons de la rue des Charrettes, gens de justice et de médecine se succédaient, afin d’établir des constats et faire l’autopsie du cadavre :
·         Monsieur Leguerney, substitut du procureur de la République.
·         Un juge d’instruction et son greffier.
·         Monsieur le docteur Gerné, médecin du parquet.

Constant Roy fut alors écroué à la prison de Bonne Nouvelle, Rouen rive gauche, dans l’attente de  son jugement.

Dans les rues Frigory et des Charrettes, voisins et amis de Jules Adolphe Dubuc étaient consternés. Non seulement, il y avait eu un meurtre près de chez eux, mais la victime était un brave homme, quelqu’un de serviable et d’honnête que chacun apprécié.
Après l’autopsie, le corps du sieur Dubuc fut porté dans sa chambre.
Jules Adolphe Dubuc avait deux frères et une sœur qui habitaient Paris et une autre sœur, la veuve Auffray, qui demeurait à Bois-Guillaume, tous quatre avaient été prévenus.
On les attendait, à présent, pour procéder à l’inhumation.


[1] Plusieurs orthographes, dans les journaux, désignant cette rue. La bonne orthographe pourrait être « Frigory », petite rue n’existant plus aujourd’hui et dont les noms successifs furent au fil du temps : Cour des pigeons – rue Grigoire – rue Trigorie, rue du Cornet d’argent avant de prendre celui de Frigory.
[2] Inventaire du Journal de Rouen du 7 août 1890 relatant le procès.

ça, c'est ben vrai !!


La « Mère Denis », une sacrée vedette !

Ce fut le pur hasard qui la mit sur le devant de la scène pendant de nombreuses années.

Tout commença en 1972. Le publicitaire Pierre Baton qui connaissait cette femme depuis son enfance, car habitant une maison proche de celle de ses grands-parents lança une publicité vantant les performances d’une machine à laver de la marque « Vedette ».
Une idée farfelue montrant une femme d’un âge certain, alors que les marques de cette époque affichaient des jeunes femmes à la silhouette svelte et non dénuée de charmes.
Et pourtant ! La publicité a fait un tabac !

Partout « la Mère Denis », avec son « ça c’est ben vrai ! »

Mais qui était la « Mère Denis » ?
Née le 9 novembre 1893 dans le Calvados, Jeanne Marie Le Calvé a exercé vers la fin de sa vie le métier de lavandière, d’où le rapport quelques années plus tard avec la machine à laver.
Mais, tout d’abord, elle se maria à 17 ans avec Yves Marie Denis (voilà donc la raison de « Mère Denis ») qui était employé au chemin de fer. Pendant vingt-sept années, Jeanne Marie fut garde-barrière, un métier qui au début du XXème siècle n’était pas de tout repos !
Jour et nuit, à descendre et relever manuellement la barrière, sur l’avertissement sonore annonçant le passage d’un train.
Cinq enfants naquirent, deux moururent en bas âge.
Le couple divorça, voilà pourquoi de 1944 à 1963, afin de subvenir à ses besoins, Jeanne Marie Denis devint lavandière....... lavages et rinçages au lavoir à Barneville-sur-Mer. Hiver comme été ! Quel dur métier !

A cette époque, elle n’aurait jamais pu imaginer qu’elle deviendrait une vedette en vantant les machines à laver Vedette ! Pas moins de huit films publicitaires entre 1972 et 1980. La gloire !
Comme disait la Mère Denis, cette publicité ne lui rapporta pas la fortune, mais un peu d’aisance financière et c’était déjà pas mal. La marque Vedette (qui lui devait bien ça) lui versa, à partir de 1983, une rente viagère la mettant à l’abri des soucis matériels.
La « Mère Denis » finit ses jours dans une maison de retraite non loin de Pont-l’Evêque où elle décéda, le 17 janvier 1989 à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

Elle restera dans notre souvenir, du moins dans celui des plus âgés.... « Ça c’est bien vrai ! »

Si vous souhaitez en savoir plus sur la vie de cette femme courageuse, un livre biographique a été publié en 1976 : « La Mère Denis,  l’histoire vraie de la lavandière la plus célèbre de France » de Serge Grafteaux.

jeudi 24 janvier 2019

A vous faire dresser les cheveux sur la tête !



Espouventer !
Voilà le mot tel qu’il était en 1120 et  dont la racine n’est autre que « pavere »,  avec la signification de « avoir peur, être troublé ».

Devenu par la suite « épouvanter », il signifia tout d’abord « frapper d’horreur, frapper de terreur ».
Ce fut à partir du XVIIème siècle que son sens changea quelque peu, prenant le sens de « causer de vives appréhensions », puis vers 1613, « surprendre fortement ».
Après 1666, le verbe fut utilisé à la forme pronominale.

« Epouvanter », c’est faire peur, mais par contre, l’adjectif découlant de ce verbe, « épouvantable »,a une toute autre intensité, celle de l’excès extrême dans le genre.
D’ailleurs, il y a de quoi être épouvanté lorsque l’on se penche sur l’orthographe du mot en 1120 : « Espowentable ».
Ouah !

De ce mot, dérive l’adverbe « épouvantablement » et puis en 1611, le nom masculin « un épouvantement », mot qui nomme  l’action d’épouvanter.
Ce qui suit risque de vous effrayer, car saviez-vous qu’au XIIème siècle, on donnait de l’espoentement ?
A lui seul l’orthographe du  mot fait fuir de frayeur.

Je vais évoquer à présent, un personnage fort sympathique, sauf pour les oiseaux, celui qui trône au milieu des jardins ou des champs, je veux bien sûr évoquer, l’épouvantail.
Son rôle ? Epouvanter ! Mais, accomplit-il toujours sa mission ? Pas certain !
Mais, ce mot peut aussi être désobligeant lorsqu’on l’attribue à une personne à la mise ridicule. Et c’était le cas, au XIXème siècle.
J’utilise ce mot, oui je le confesse, lorsque je vois apparaître, au lever, mes petits-enfants, chevelure ébouriffée.
Je leur lance alors, en guise de bonjour : « T’as l’air d’un épouvantail ! »
Mais, n’en soyez pas épouvantés, ce n’est nullement méchant......
Je poursuis, ma confession. Enfant, lorsque j’étais trop remuante, ma mère disait de moi que j’étais épouvantable ! Quelle médisance !
Rien à voir, avec la petite fille adorable que j’étais. Turbulente, certes, toujours en mouvement, sans contestation possible, mais pas épouvantable, alors là, NON !

Epouvante, forme moderne de « espavente » - 1592. A cette époque, quelqu’un qui « prenait l’espavente », perdait son sang froid.

Quant aux films d’épouvante, il est plus prudent, sous peine de cauchemars, d’éviter de les regarder avant d’aller dormir.
Qu’en pensez-vous ?

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

HISTOIRE VRAIE - ROUEN A LA FIN DU XIXème SIECLE



ROUEN, DANS UNE NUIT DE MAI 1890


Chapitre 3


L’agresseur s’était fondu dans la nuit à l’approche des bruits de pas et des échanges à voix basses provenant de la cour intérieure.
Il n’avait pu emporter que peu d’argent. Pas assez ! Mais sa liberté était à ce maigre prix.
Il ne rencontra âme qui vive sur son chemin jusqu’à la rue du Petit Salut où il regagna sa chambre en catimini pour ne pas être surpris.
A cette heure de la nuit, personne n’avait dû s’apercevoir de son absence. Du moins, l’espérait-il.
Aussitôt, dans sa chambre, il fit un brin de toilette et surtout changea de chemise, celle qu’il portait était maculée de sang, du sang qu’il fallait absolument faire disparaître. Cette lessive achevée, il s’allongea sur sa paillasse, guettant les bruits dans l’escalier menant au palier où trois portes donnaient accès à trois chambres inconfortables mais relativement bon marchées. Les commodités, peu commodes d’ailleurs, se trouvaient dans la cour, pompe afin de s’approvisionner en eau et trou d’aisance malodorant.
Il guettait donc des bruits de pas, ceux de Edmond Henry, son voisin de palier revenant du café où il servait comme garçon.
Il lui fallait un témoin et  un alibi, aussi avait-il eu l’idée d’inviter ce camarade qui ainsi pouvait attester qu’il était bien chez lui à l’heure où quelques rues plus loin, un acte criminel venait de se produire.
Des pas un peu traînants se firent entendre. Lorsqu’ils s’arrêtèrent sur le palier, Constant Roy (car  il s’agissait bien de lui, pourquoi vous le cacher plus longtemps, vous l’aviez deviné) ouvrit sa porte et découvrit son voisin qui une clef en main s’apprêtait à entrer dans sa chambre. Il semblait harassé et visiblement n’avait qu’une envie, se mettre au lit.
« Salut ! J’ t’attendais !
-          Ah ! Et pourquoi donc ?
-          T’aurais pas d’ la bougie, j’en manque? Et puis, j’ voulais t’inviter à souper.
-          C’est qu’ j’en ai plein les pattes, pardi, et qu’ j’aimerais bien m’ coucher. Attends, j’ regarde pour la bougie.
-          Allez, viens donc ! C’est moi qu’invite !
-          Toi, j’ croyais qu’ t’étais fauché ?
-          J’viens d’ recevoir un peu d’ ma famille, pour m’aider, alors, ça s’ fête !

Il fallait que l’autre acceptât aussi Constant Roy se fit convainquant, voir suppliant, jusqu’au moment où l’autre accepta, sans grand enthousiasme, il faut bien le dire.
Alors, tous deux se rendirent par les rues rouennaises désertes jusqu’au café de la veuve Salles où ils s’attablèrent dans un coin à l’écart pour festoyer, oui, festoyer, car s’était bien là un festin qui coûta cinq francs, ce qui n’était pas rien. Etonnant pour quelqu’un qui se disait sans le sou
Au menu : Des œufs, du jambon et une tranche de veau. Le tout, bien arrosé, comme il se doit.

Au moment de régler l’addition, Edmond Henry fut terriblement étonné de voir son camarade sortir autant de pièces de monnaie de sa poche, que des pièces d’un franc, parmi lesquelles se trouvait une petite pièce grecque qui attira son attention. En homme de bon sens, il se demanda si Constant Roy avait réglé ses dettes avant de dépenser autant sans compter. Mais l’autre affichait une bonne humeur, non feinte, et une inconscience loin d’être en rapport avec sa situation précaire. Chômeur et criblé de dettes.

Le retour vers le logis de leur logeuse se fit joyeusement, en discutant de choses et d’autres, sans grandes importances.
Un caprice de Constant Roy leur fit faire un crochet par la rue des charrettes, alors qu’il fut plus court de prendre par les quais.
Pourquoi cette envie soudaine ?
La suite nous apportera sans doute la réponse.

........ A suivre .......

mercredi 16 janvier 2019

Un mot qui fait rêver ?


Un épaviste ?

En voilà un mot qui fait rêver de fonds marins sur lesquels reposent des galions éventrés par des boulets ennemis et naufragés, là, depuis des siècles, leurs cales béantes regorgeant de trésors.

Un mot qui nous renvoie aussi à la mésaventure du Titanic, paquebot « insubmersible » qui a suscité tant de curiosité, de convoitises et de phantasmes depuis son naufrage.
Epaviste ? L’espérance de la découverte d’une fortune engloutie.

Arrêtons de rêver !
Peu de chance d’en extraire un, de trésor, du fond de  sa cachette. Peu de trésors oubliés resurgissent.

Oui, arrêtons de rêver, car ce mot me semble un peu trompeur et bien plus terre-à-terre.

Une épave.......
1283 : une « espave » vient de l’adjectif « espavé » (qui est égaré – qui est effrayé) et qui qualifiait les animaux errants.
Ce sens, n’est plus en usage aujourd’hui.
1581 : le mot s’appliquait à des débris de navire ou objets quelconques rejetés sur le rivage.

L’évolution du mot fit qu’il fut attribué à tout ce qu’il reste d’après destruction et plus spécialement, au XXème siècle, à un véhicule accidenté et non réparable.
Donc, un épaviste, par extension, est, de nos jours, un casseur travaillant dans une casse-auto.

Une épave nomme aussi une personne désemparée qui ne trouve plus sa place dans la société, un être brisé qui a besoin de se reconstruire.


Voilà qui nous éloigne énormément des rêves de trésors et de fortune !


Mais une épave peut retrouver une place dans la société après avoir découvert une épave dont le gain lui a permis d’ouvrir une casse-autos.
Ça y est, je suis repartie dans mes élucubrations verbales !

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert





HISTOIRE VRAIE - ROUEN A LA FIN DU XIXème SIECLE


Chapitre 2

Comme chaque soir, en ce 6 mai 1890, Jules Adolphe Dubuc ferma son établissement vers les onze heures et demie, après le départ du dernier client.
Comme chaque soir, avec son garçon de café, Jean Hya[1] dit Victor, il compta la caisse et rangea la recette dans le coffre du petit cabinet, tout en longueur, derrière la salle principale.
Au départ de son employé, Jules Adolphe Dubuc éteignit les lumières des salles donnant sur la rue et s’en alla porter un bol de soupe à une de ses locataires, Madame Molière, occupant un petit appartement au premier étage de la maison.
Cette jeune femme, épouse d’un représentant de commerce en déplacements chaque semaine, venait d’accoucher. Un ménage pas vraiment fortuné, aussi le propriétaire apportait-il de bon cœur ce modeste repas, prenant aussi des nouvelles du nourrisson et de la maman.
Quelques minutes d’une conversation bien réconfortante pour cette jeune femme seule et isolée.
Ce fut donc une vingtaine de minutes plus tard que le sieur Dubuc revint au rez-de-chaussée, afin de faire un dernier tour dans les lieux, avant de monter se coucher dans la chambre qu’il occupait au premier étage.

Sa tournée nocturne s’acheva dans le petit cabinet, devant le coffre qu’il venait de ré ouvrir afin d’y ranger quelques documents.
Le coffre, en plus des gains du jour, soit cent quatre-vingt francs (ainsi qu’une petite pièce grecque de 1868), contenait entre deux et trois mille francs et quarante huit mille francs de titres.

Une légère angoisse étreignait le limonadier, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Il pensa que ce malaise venait de toutes les mises en garde qu’on lui faisait contre son ancien garçon de café qui, disait-on, rôdait depuis quelques jours dans la rue Frigori et la rue des Charrettes. Il essaya de balayer cette anxiété, se disant que l’individu n’oserait pas s’attaquer à lui.
« Une grande gueule, certes, mais qui n’irait pas jusqu’aux actes », se rassura-t-il.

Pourtant, à cet instant, il sentait comme une présence, là, derrière lui. Prémonitions ?
Tout à ses réflexions, quelques peu moroses, il ressentit une forte douleur à l’arrière du crâne. Se retournant brusquement, il se trouva face à l’individu qui occupait à l’instant même ses pensées.
L’attaque avait été violente, mais malgré la douleur qui lui enserrait la boite crânienne, il chercha à se défendre.
Suffoquant, il  essayait de s’extraire à l’emprise des mains qui lui serraient le cou. Il griffait, tapait, s’agitait en vain, car ses forces déclinaient peu à peu.
Malheureusement, l’agresseur, plus vigoureux, prit l’avantage. Un sursaut d’énergie,000 dû à l’instinct de survie, donna à la misérable victime la force de hurler : « Au voleur !  l’assassin ! ».
cet appel à l’aide,  cri désespéré jeté dans la nuit, résonna lugubrement.
Mais serait-il entendu, alors que tout semblait dormir alentour ?

Toutefois, ces cris de détresse sortirent quelques dormeurs de leur premier sommeil. Une lumière, puis une autre éclairèrent la façade de l’immeuble donnant sur la cour intérieure. Une tête, puis une autre sortirent de l’entrebâillement de fenêtres ouvertes à la hâte.

Ce fut la dame Molière qui, la première, entendit les appels mêlés à un bruit de lutte.
Ce fut elle qui alla prévenir sa voisine, la dame Lemercerre qui s’habilla à la hâte et s’en alla toquer à la porte voisine, celle de l’appartement des Volits, autres locataires du petit immeuble.
Ce fut donc, en force, que les Volits[2], suivis des  dames Lemercerre et Molière, descendirent l’escalier les menant à la cour intérieure. Où là, plus aucun bruit. Aucune lumière non plus.
Tous quatre cherchèrent le limonadier, car assurément, c’était bien sa voix qu’ils avaient entendue quelques instants auparavant. Ce silence pesant ne leur semblait pas de bon augure.
Dans le café, rien n’avait bougé, si ce n’était dans ......
Il n’y avait plus d’autre alternative que d’aller prévenir les autorités.
Au poste de police numéro deux, celui  de leur quartier, après avoir expliqué les raisons de leur venue,  ils regagnèrent la rue des Charrettes, accompagnés de deux agents de police.

Et ce fut avec ces deux agents de la force de l’ordre qu’ils pénétrèrent à nouveau dans le café, pour montrer leur macabre découverte : le cadavre de Jules Adolphe Dubuc gisant à plat dos sur le sol, les yeux grand ouverts, au milieu d’une mare de sang et le coffre, non loin de là, porte béante.

Ne restait plus, à présent, à découvrir l’auteur et le mobile de cet acte horrible.
Mais déjà, les soupçons se dirigeaient vers une personne en particulier.

A suivre .........


[1] Plusieurs orthographe concernant ce nom dans les divers articles : Hiaa – Hya – Hyaa......
[2] On trouve aussi « Vollet » comme orthographe – Tous les noms des personnes, actrices ou témoins, ont, selon les articles des orthographes différentes, ce qui rendu quasiment nulle toute recherche.

mercredi 9 janvier 2019

Avez-vous déjà « chocotté » ?




 « Avoir les chocottes », donc « chocotter » (j’ai noté « chocotter » et non « chocolater » ! nuance....), vient de l’argot militaire des soldats de la Grande Guerre.
Sa signification ?
Avoir peur !

Mais pourquoi ?
En 1878, ce mot était déjà en usage, mais son origine reste, malgré tout, bien obscure.
·         « Chocotte », de chicot, dent cassée et cariée ? (Voilà, peut-être là, le rapport direct avec le chocolat  et les dents cariées).
·         « Chocotte », de choc.
·         « Chocotte », peut-être tout simplement l’association de « choc et chicot » : « Claquer des dents de peur ».

Une expression que je trouve, pour ma part, très amusante et qui me renvoie au merveilleux roman, « La guerre des boutons » de Louis Pergaud.

Dans le même registre, il y a aussi, « avoir les foies ».
Voilà qui demande également une explication.

Le foie, cet organe dont la couleur fut longtemps observée afin de déterminer la bonne ou mauvaise santé.
Mais pas seulement, car sa couleur rouge vif était considéré comme un signe de courage.
Je préciserai, d’ailleurs, qu’à l’inverse, son manque de couleur révélait la peur et le manque de courage.
En effet, en 1840, un « foie blanc » était, tout bonnement, un traite.
A cette même époque, on employait l’expression  « avoir les foies blancs » !
Une simplification, au fil des ans, donna « Avoir les foies ».

Et quand on a « les foies », on a les jambes en « pâté de foie ».
Pour ceux qui n’auraient pas suivi .....
Lorsque vous avez peur, vous claquez des chicots, donc vous avez « les chocottes » ou encore vous avez « les foies » et, de ce fait, vos jambes sont molles donc, en « pâté de foie ».

Une seule chose me taraude tout de même, concernant la couleur du foie.
Comment en 1840, pouvait-on constater la couleur du foie d’un individu (vivant  évidemment), afin de se renseigner sur son courage ou sur sa peur ?
Si vous avez la réponse, n’hésitez pas à m’en faire part !

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

HISTOIRE VRAIE - DANS LA VILLE DE ROUEN AU XIXème SIECLE



Chapitre 1

Depuis quelque temps, déjà, un individu rôdait autour du café Dubuc. Certains l’avaient même surpris, caché dans l’encoignure d’une impasse, les yeux rivés sur le débit de boissons, observant les passages et mouvements dans celui-ci, jusqu’à fort tard dans la nuit.
Se voyant découvert, l’homme s’enfuyait, cachant son visage afin de ne pas être identifié, manœuvre bien inutile, car il était bien connu du quartier pour y avoir travaillé plusieurs mois à deux reprises, dans l’établissement Dubuc, justement, comme garçon de café. La première fois une année et la seconde fois trois mois. Ces deux périodes s’étaient soldées par un renvoi.

Pourquoi furetait-il ainsi ?
Que cherchait-il ?

Jules Alphonse Dubuc avait été averti par ses voisins de la présence régulière, inquiétante même, de son  ancien garçon de café. Certains l’avaient mis en garde. A cela, le propriétaire des lieux avait répondu :
« Un sombre individu qui finira en cour d’assises ...... »

Gibier de potence ! N’y allait-il pas un peu fort ce limonadier ?

L’homme dont il s’agissait se nommait Constant Roy. Il avait vu le jour dans le Canton de Vaux, en Suisse, le 20 avril 1865. Après le décès de ses parents, il était venu en France avec son frère, Auguste Constant, en 1883. Tous deux s’étaient fixés au Havre.
Ce frère, né dix-huit mois après lui, devait mourir au Havre d’une manière tragique, le 13 février 1888. En effet, il avait été retrouvé pendu dans la chambre meublée qu’il occupait rue de Chilou au numéro 15. « Chagrin d’amour » était la raison de ce geste que le jeune homme avait noté dans une lettre, juste avant son geste fatal.

Constant Roy, en sa qualité de garçon de café, exerça de nombreuses années sur la côte normande, effectuant des saisons l’été, notamment à Trouville, ne retournant au Havre qu’après les beaux jours. Dans ce port, il avait travaillé au « café Guillaume Tell » et à « l’hôtel Continental ».
Ce fut d’ailleurs sur une lettre de recommandation des dirigeants de ces deux établissements fort réputés que Constant Roy avait trouvé à se placer à Rouen au café Davoust, puis au café de la rue des Charrettes.





Chacun de ses employeurs se disait satisfait du travail de Constant Roy
« Un garçon de café très compétent, connaissant parfaitement son métier ».





Mais... Car, il y avait un « mais » et point des moindres :
·         Un voleur, qui ne rendait pas toujours la monnaie aux clients
·         Un voleur, qui pillait la caisse lorsque l’occasion s’en trouvait.
·         Une forte tête.
·         Un irrespectueux envers la clientèle. Hautain et dédaigneux avec certains, trop familiers avec d’autres.

Les clients se plaignaient.
Et les indélicatesses côté « caisse-enregistreuse » mécontentaient fortement les patrons.
Faut comprendre !

Voilà pourquoi, et vous le concevrez aisément, Constant Roy se trouvait depuis quelque temps sans emploi, accumulant les emprunts, ici et là, pour survivre.
Il passait son temps au café Tonon dans le quartier Saint-Sever, buvant consommation sur consommation que jamais il ne pouvait payer. Lorsque l’ardoise était trop lourde, Roy changeait de café.....
Il rentrait de plus en plus tard chez sa logeuse à qui il devait quelques loyers et qui l’avait menacé à plusieurs reprises de le mettre dehors.

Constant Roy était aux abois.....
Remâchant sans cesse ses rancœurs....
Et puis, l’oisiveté n’était-elle pas la mère de tous les vices ?


vendredi 4 janvier 2019

&&&&&&&&&&&&&&& - L'ESPERLUETTE



Il s’agit de l’esperluette (nom féminin) qui résulte de la ligature des lettres « e » et « t » de la conjonction de coordination « et », et possède la même signification.



À l’origine, cette graphie ligaturée était plus ou moins systématiquement utilisée par les copistes médiévaux qui utilisaient de nombreuses autres abréviations. Par exemple, nous trouvons fréquemment : etc. =   &c.

Dessin 1 :  Évolution de l’esperluette au cours de l’histoire de l'écriture.


Dessin 2 :  Certaines polices permettent de voir la ligature entre le « E » et le « t »

L’esperluette est l’un des rares caractères à avoir le même sens dans de nombreuses langues.
Les Anglais l’utilisent fréquemment, sous le nom de « ampersand ».
Ce qui n’est pas le cas en France, pays où l’esperluette est  rejetée dans la langue littéraire, mais par contre utilisée dans le domaine commercial et publicitaire.
Les enseignes, par exemple : « Dupont & fils » ou encore dans l’abréviation « M. & Mme » (Monsieur et Madame).

Aviez-vous remarqué que l’esperluette avait servi de logo à France Télécom ?
Dessin 3.  





jeudi 3 janvier 2019

Petite question....... pour débuter l'année.


En cette première semaine de 2019 et pour le premier mot de l’année, je vais me permettre un peu de paresse. Une fois n’est pas coutume et j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
Je vais vous soumettre un signe. Un signe que vous connaissez, je suppose, mais......... je vous lance le défi de me donner son nom !
Alors ? Prêts ?

Comment se nomme le signe typographique suivant ?   &
Réponse ce week-end.

mercredi 2 janvier 2019

HISTOIRE VRAIE - DANS LE ROUEN DE LA FIN DU XIXème SIÈCLE




INTRODUCTION

Ce que je m’apprête à vous conter s’est déroulé dans la ville de Rouen, non loin des quais de la Seine, dans un café situé à l’encoignure des rues des Charrettes et Frigoly.

Depuis une dizaine d’années, ce débit de boissons était tenu par Jules Adolphe Dubuc qui, au moment des faits, était âgé de 45 ans.
Un établissement très réputé, très fréquenté qui avait vu, tout de même sa clientèle chuter, lors de l’ouverture d’un nombre assez considérable de commerces du même genre, sur les quais.

Chacun avait en haute estime le sieur Dubuc, considéré comme un brave homme.
Propriétaire de l’immeuble, son commerce tenait tout le rez-de-chaussée, avec une grande salle pour les consommateurs, une salle de billard pour les joueurs, un office tenu par un garçon d’office qui y préparait les repas et un petit cabinet ou plus exactement un petit bureau. Au premier, quelques appartements loués et la chambre du propriétaire. Sous les combles des chambres de bonnes occupées principalement par le personnel de l’établissement.
Pour accéder à la petite cour intérieure, il fallait emprunter une petite impasse longeant le mur extérieur du café, impasse qui donnait directement sur la rue des Charrettes.

Pour en connaître un peu plus sur ce débit de boissons, sachez qu’avant d’être la propriété de Jules Adolphe Dubuc, il avait eu deux autres tenanciers et avait porté les noms de :
·         Café Thillard
·         Café Eudes

Jules Adolphe Dubuc avait vu le jour le 25 décembre 1844 à Saint-Martin-du-Vivier, à une lieue de Rouen où son père, Adolphe Dubuc exerçait en qualité de Maître cordonnier. Sa mère, Eulalie Rosine Togny, s’occupait de son ménage tout en élevant les enfants.
Le sieur Dubuc ne s’était jamais marié, et pour cause, il avait toujours exercé le métier de garçon de café, effectuant ici et là des saisons, et notamment en été, sur les côtes normandes.

Il faut avouer que les cafés étaient légions, pas un quartier, pas une rue même, sans que ne s’étalent les façades de ses commerces, souvent couplés d’une épicerie, aussi offraient-ils un grand nombre d’empois.

Tout était donc pour le mieux.
Tout aurait pu le rester.
Jusqu’à un certain jour ou plutôt une certaine nuit........