mercredi 29 mai 2019

HISTOIRE VRAIE - AU DEBUT DU XXème SIECLE - HISTOIRE TIREBOUCHONNEE !!



Rixe sanglante.........
Avec, dans le rôle principal,  « tire-bouchon » !


Je vais, avant de clore ce chapitre sanglant « d’agressions et meurtres au tire-bouchon », vous parler de ce sombre jour où.......


Le débit de boissons tenu par le sieur Coudières, au 151 boulevard de la Villette, ne désemplissait pas du moment de son ouverture, jusqu'à l’extinction des lumières de la grande salle.
Il faut préciser que la proximité des abattoirs[1] et celle du canal de l’Ourcq[2] amenaient grands nombres de clients, et notamment les jours d’arrivages des bestiaux par chemin de fer, et ceux des diverses foires.
Chacun s’y retrouvait pour le petit café arrosé du matin (vers les 4 heures du matin), le casse-croute de milieu de matinée accompagné du ballon de rouge, le repas du midi, et cela jusqu’au.... Enfin, un vrai rituel pour les habitués.
Sans oublier les divers employés arrivant de la province et les voyageurs de commerce. Pas besoin de montre ni de calendrier pour le patron du débit, la venue de ses clients le renseignait précisément sur l’heure et le jour de la semaine.

Le 31 mars 1901, c’était un dimanche, vers les 11 heures et demie du soir, la salle était encore pleine à craquer. Assis devant les tables ou debout devant le comptoir, les consommateurs discutaient. Discussions parfois animées et échauffées, les journées étant longues et le travail pénible.

Comment et pourquoi éclata une dispute entre deux hommes qui en vinrent rapidement aux mains.
Les chaises tombèrent et se fut rapidement une incroyable mêlée, d’autant plus que les plus costauds essayaient de séparer les adversaires qui bien connus du lieu, cherchaient à en découdre.
Il s’agissait, en effet de Gabriel Tête, voiturier, demeurant non loin de là au 4 rue Riguet et d’Octave Chanaud résidant encore plus près du débit de boissons, rue Decrétan.

Coudières, le patron, de derrière son comptoir, hurlait :
« Hé, les gars, si vous voulez vous châtaigner, sortez de là et allez dans la rue ! »

  
Certains plaisantins, trop heureux de l’aubaine, encourageaient avec chaleur l’un ou l’autre des combattants, ou, entendant le bruit des verres se brisant sur le sol lançaient :
« Faites chauffer la colle !! »

La bataille prit rapidement fin, car, malheureusement, le voiturier reçut des coups forts violents, assénés par Octave Chanaud. Ce dernier, en effet, s’était armé d’un tire-bouchon, arraché aux mains du garçon de café pour attaquer son adversaire. L’arme improvisée avait atteint Gabriel Tête au front et à la joue gauche. Sur le choc, le blessé s’affaissa, perdant abondamment son sang.
On s’inquiéta de l’état du pauvre homme dont le visage ruisselait de grosses larmes de sang.
Octave Chanaud, abasourdi, le tire-bouchon toujours à la main, semblait émerger d’un cauchemar profond, regardant tour à tour sa main munie de l’arme et les visages fermés des clients qui faisait cercle autour de la victime toujours allongée sur le carrelage du troquet.

Coudières fit le tout du comptoir, se fraya un passage jusqu’à son malheureux client et :
« Bon les gars, c’est fini. On ferme ! Et puis, celui-là, faut l’soigner. Faut l’porter chez l’pharmacien à côté. On n’ peut pas  l’ laisser s’vider d’son sang. Et puis, moi, c’est que j’ veux pas avoir d’ennuis ! »

Gabriel Tête, se tenant le crâne à deux mains, réussit à se redresser. Soutenu par quelques bras musclés, il fut accompagné chez le sieur pharmacien qui bien que son officine fût fermée, voulut bien donner les soins nécessaires, précisant toutefois qu’il était obligé de demander l’identité de chacun et de prévenir la police. Il acheva son petit discours par :
« C’est la loi quand il y a blessures après une rixe.

Une fois pansé, Gabriel Tête qui avait à présent une forte migraine, demanda à être raccompagné à son domicile. 


Le commissaire de police du quartier Saint-Vincent-de-Paul,  Maurice de son patronyme, interrogea les deux hommes et les témoins.
Le sieur Chanaud prétendit n’avoir agi qu’en « légitime défense ».


-=-=-=-=-=-=-


Comment ai-je eu vent de ce fait divers ?
Bah, tout simplement en lisant le journal. Juste un petit encadré de quelques lignes relatant l’évènement avec comme gros titre, « Rixe sanglante ».

Dans quel journal ?
Le Radical du 3 avril 1901.

Je suppose que vous aimeriez avoir un peu plus de renseignements ?
Eh bien, vous n’en aurez point !
Aucune suite dans la presse les jours suivants.

Gabriel Tête porta-t-il plainte ?
L’affaire fut-elle classée ?
Rien de rien !

Mais, si toutefois, vous avez quelques renseignements intéressants, vous pouvez me les communiquer.
Je me ferai un immense plaisir de poursuivre l’écriture de cette histoire......... VRAIE !


[1] Ce fut en 1865 que les abattoirs et marchés aux bestiaux de Paris  furent regroupés à la Villette sur 39 hectares.
La Villette, nommée la « cité du sang », car au début du XXème siècle 23 000 moutons et 5 000 bœufs étaient abattus chaque jour. L'établissement était desservi par deux gares :
·         La gare de Paris-Bestiaux, au sud du Canal de l’Ourcq.
·         La gare de Paris-Abattoirs, au nord du canal.
A la même époque, les abattoirs de Vaugirard étaient les autres grands abattoirs parisiens, mais toutefois bien moins importants que ceux de la Villette.
L’abattoir de la Villette ferma en mars 1974. Cinq années plus tard, l’ensemble fut converti en un parc unique au monde, de 55 hectares, associant nature, architecture, culture et loisirs.
[2] Le canal de l’Ourcq, construit au XIXe siècle pour alimenter Paris en eau potable, va de Mareuil-sur-Ourcq au Bassin de la Villette.

Avez-vous de la bedaine ?




Le mot « Bedaine » provient de l’ancien français « Boudine », utilisé à la fin du XIIème siècle pour désigner le nombril, puis le ventre.
« Boudine » devint « boudaine » (la panse),  vers 1400, avant d’acquérir la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, « bedaine ».

Un sacré parcours, ventre en avant, car avant.... bien avant...... le mot remontait au gallo-romain « buttina », venant lui-même du gaulois « butta » désignant, en ces temps anciens, la partie en saillie d’un bouclier.

Mais, ne le savez-vous pas déjà, il est possible de nommer de la même manière des objets bien différents.
·         Au XVème siècle, une bedaine était un vase à grande panse.
·         En 1552, une bedaine désignait un gros boulet d’artillerie.
·         Aujourd’hui, il semble que seule reste cette définition : ventre rebondi.

De « bedaine », il n’y a pas loin pour arriver à « bedon ».
·         Un bedon :  gros tambour.

Un bedon bedonne, bien sûr, sauf si sa peau est percée
·         Bedonner :  résonner ou encore jouer d’un instrument de musique (1525)

Mais en 1868, lorsque quelqu’un bedonnait, il ne jouait plus d’un instrument de musique, non loin de là.
·         Bedonner en 1868, avait comme définition : prendre du ventre.
Quelqu’un qui bedonnait, était bedonnant.
Bedonnant ? Ventru, replet.......

Ce qui n’empêche nullement de rencontrer, un homme bedonnant bedonner du bedon dans une fanfare, son bedon prolongeant bien avantageusement sa bedaine.


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

jeudi 23 mai 2019

HISTOIRE VRAIE - AU DEBUT DU XXème SIECLE


Œil pour œil !

Ou
Là où intervint ENCORE un tire-bouchon     



Chapitre 6 – le procès
 
Ce fut un homme brisé qui se présenta devant ses juges, en ce 7 décembre 1927.
Un homme qui regrettait  son geste désespéré, irraisonné, fait dans un moment de panique, presque de survie.
Dans la salle d’audience, régnait un silence pesant. Tous  les regards se posaient sur cet homme anéanti, aux épaules basses, au visage émincé qu’un bandeau noir barrait, cachant son œil gauche.
Près de lui, devant le box des accusés, maître César Campinchi,  son défenseur,  le rassurait. Maître Campinchi était assisté de maître Robert Loewel.
« On va se défendre lui avait-il dit la veille ! »
Se défendre ! Se défendre de quoi ? Du mauvais sort ? De la misère ? De la vie qui n’épargnait personne ?
Et puis, défendable, l’était-il vraiment ?
Et par-dessus tout cela, il allait lui falloir raconter sa vie, tous les épisodes de sa vie, sa guerre, ses blessures, sa vie conjugale avec tous ses déboires….. Il allait lui falloir se mettre à nu, attirer la pitié pour obtenir la peine la plus faible possible.
A bien réfléchir, quel que soit le verdict du jugement, il aurait toujours la vision horrible de son acte qui reviendrait hanter ses rêves, mêlée à celles des tranchées dans lesquelles grand nombre de ses camarades ont agonisé. La pire des peines.

Le Tribunal de la Seine était présidé par Monsieur le juge d’instruction Doreau.

L’accusé, Joseph Marius Chevalier-Joly, comparaissait pour avoir donné la mort à son épouse, le 30 avril 1927. Meurtre qu’il reconnaissait et pour lequel il plaidait « coupable ».

A la barre défilèrent exclusivement des témoins à décharge.
Il était considéré Joseph Marius Chevalier-Joly.
Un brave homme, mal marié à une femme qui lui en avait fait voir des « vertes et des pas mûres » comme le précisa une brave femme.
Un employé modèle qui ne rechignait pas à la tâche. Méticuleux, ne laissant rien passer dans les comptes, comme le certifia son employeur.
Oui, tous le disaient haut et fort, même les connaissances et amis de la défunte, il avait été plus que patient devant le caractère insupportable de son épouse, devant ses nombreuses infidélités, devant ses reproches incessants…..

Le jeune Raymond François, âgé de quinze ans, fut entendu. Bien évidemment, son témoignage n’était pas recevable en qualité de fils de l’accusé, mais pouvait apporter une vision claire de la vie au foyer.
« Ma mère commençait toujours. Ce n’était que reproches, puis des cris. Papa restait calme et faisait tout pour l’apaiser. Quand maman avait ses crises, qui étaient fréquentes, la vie était difficile. »

Joseph Marius Chevalier-Joly répondit aux questions du juge.
Décrivant son long calvaire, sa  vie impossible.
Le juge demanda alors :
« Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé le 30 avril 1927 ? »

L’accusé se leva, prit une grande inspiration et  entama son récit au commencement duquel les mots semblaient avoir du mal à sortir. Mais, peu à peu, le flux des paroles s’accéléra, se déversant comme l’eau d’un barrage venant de céder.

« Ce jour-là, tout a commencé comme d’habitude, pour un rien, une broutille. Elle se plaignait, encore et toujours, disant qu’elle allait mal. Je lui ai dit qu’il fallait qu’elle se fasse soigner. Ce fut une erreur, car cette observation la mit hors d’elle. Elle hurlait que les médecins étaient des incapables, d’ailleurs, la dernière fois, la piqûre qu’on lui avait faite n’était pas un remède, mais du poison. Elle le savait, en était persuadée comme à chaque fois. N’avait-elle pas toujours raison ? Je réussis à la calmer, mais elle revint à la charge et cette fois-ci, c’était à cause d’une lettre qu’elle avait reçue de sa mère et qu’elle avait mise dans son sac. Elle ne la trouvait plus. Elle m’accusa de lui avoir volé.
Une furie, Monsieur le Juge, une furie. Elle hurlait. Elle se démenait. Elle m’injuriait. Elle a saisi une bouteille qui était sur la table et voulut m’assommer avec. C’est alors qu’elle s’arrêta net, me regarda d’un air féroce.  C’est alors, qu’elle me lança :
« J’ va te l’crever ton œil, va. J’ va te l’crever ! »
Puis elle attrapa le tire-bouchon qui se trouvait sur la table et me menaçant avec, elle me poursuivit dans l’appartement.
Je fus pris de panique. En une fraction de seconde, je me suis revu dans les tranchées, dans le noir….. Ça cognait dans ma tête. Le noir !! Non, perdre mon second œil, ce n’était point possible ! Aveugle, moi ! Une peur panique, oui. Une envie de fuir ce danger, de fuir cette femme menaçante.
Alors, je me suis précipité dans la chambre et j'ai pris le pistolet qui se trouvait en haut de l’armoire. Quand je me suis retourné, elle était face à moi, la bouche déformée par la haine, la main munie du tire-bouchon à quelques centimètres de mon œil droit…….  J’ai tiré…..  Pourquoi ai-je acheté ce foutu pistolet ? Pour me donner la mort, mais pas pour tuer mon épouse ! Si j’avais su….. Oh ! Je le regrette, ça oui !! Malgré tout, je l’aimais…. »

Comme épuisé d’avoir tant parlé, il s’arrêta, tête baissée, perdu dans ses pensées, sans doute revoyait-il le jour de son mariage et les bons moments, trop rares malheureusement, de tendresse partagée.

Puis, il ajouta dans un souffle :
« Que vouliez-vous que je fasse avec cette femme ? Elle était terrible ! »


Quels plaidoyers !! Maitres César Campinchi et Robert Loewel redoublèrent d’éloquence.
Bien sûr, l’accusé était coupable.
 Mais n’avait-il pas donné la mort en « légitime défense », poussé à bout par quinze années d’une vie insupportable.
Un héros de la guerre, cité à de multiples reprises pour son courage face à l’ennemi.
Un homme qui avait surmonté le handicap de ses nombreuses blessures.
Un bon père,  un mari patient……….

Les jurés se retirèrent, mais ne mirent pas longtemps à délibérer.
Lorsque le juge prononça le verdict d’acquittement, tous dans la salle d’audience se levèrent et applaudirent et poussant des cris de joie.

Joseph Marius sortit libre du tribunal[1].

-=-=-=-=-=-=-

Le 5 juin 1928, Joseph Marius Chevalier-Joly refit sa vie avec Marie Françoise Marcelle Gonguet. Leur mariage fut célébré à Paris dans le dix-huitième arrondissement.

Joseph Marius décéda le 15 avril 1946 dans le douzième arrondissement de Paris.
Marie Françoise Marcelle Gonguet qui avait vu le jour le 20 mars 1896 à Lyon, quitta ce monde le 9 janvier 1981. Son décès fut enregistré à l’état civil de Bry-sur-Marne.


[1] Sources : les journaux : « Comedia » du 8 décembre 1927 – « La presse » du 8 décembre 1927 -  « le grand écho du nord de la France » du 9 décembre 1927 – « le petit parisien » du  8 décembre 1927 – « Journal des débats politiques et littéraires » du 98 décembre.

mercredi 22 mai 2019

EN TAPINOIS ??


En tapinois....

D’où vient ce mot et que veut-il dire ?
Il provient du verbe « tapir » ou « se tapir ».... lui-même issu, au milieu du XIIème siècle, de l’ancien français « tapjan » : fermer – enfermer – se ramasser sur soi-même, en parlant d’un animal.
A partir du XVIème siècle, seule resta la notion de « se cacher ».


Une personne tapie est donc une personne ramassée sur elle-même dans le but de se soustraire à la vue des autres.
Cet adjectif « tapi » de « tapin », employé vers 1170, a donné la locution : «avancer à tapin », d’où découla, à la fin du XIIème siècle, « tapinois ( e ) » :  Déguisé ( e )  pour ne pas être reconnu ( e ).

Alors, « en tapinois » ?
La réponse coule d’elle-même, sa signification est : « en se cachant, à la dérobée ».

Et  avant, le avant d’avant ?
·         En tapinette – 1120
·         En tapinage – 1120
·         En tapinement – 1148

Et bien sûr l’adverbe « tapineusement ».

Attendez ! Ce n’est pas fini !
Un tapinois ou une tapinoise nommait une personne sournoise...... en 1638......

·         Un tapinois tapi marche tapineusement en tapinois.
Une phrase bien alambiquée pour parler d’une personne tapie dans un renfoncement  de porte cochère, afin de voir et d’écouter sournoisement alentour....

En clair :
Un tapinois ancien et un espion moderne !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 15 mai 2019

Normand ?


Normand, mais pas seulement !


« Bonjou et à tantôt !  »

Voilà une expression familière qui marque également l’envie de se revoir.

« Tantost », devenu « tantôt », signifia d’abord « aussitôt », avant de prendre le sens de :
·         Prochainement
·         Dans la même journée -1580
·         Dans l’après-midi – 1638


Voilà un tout petit article !
Car voyez-vous, tantôt je suis inspirée et tantôt je suis un peu fainéante !!

Aujourd’hui, j’ai pris la seconde option......

HISTOIRE VRAIE - AU DEBUT DU XXEME SIECLE



Œil pour œil !
Ou
Là où intervint ENCORE un tire-bouchon    



Chapitre 5

La rééducation fut longue et pénible. Déséquilibré par une jambe plus faible, déstabilisé par une demi-vision, Joseph Marius possédait, à présent, une marche hésitante et traînante, cherchant sans cesse un appui, mains en avant.
Sans parlant de son visage qu’il avait bien du mal à reconnaître dans le miroir, et qui semblait porter, ainsi habillé d’un bandeau noir, le deuil des années d’avant cette foutue guerre.

Le moment arriva où il put, non sans appréhension regagner son domicile.
Reprendre une vie conjugale allait-il être possible ?

Contre toute attente, Marie-louise  se montra fort attentionnée.
Afin que son époux reprenne de la vitalité et de la joie de vivre, elle consulta de nombreux médecins. Elle s’investit même énormément... Trop au goût de Joseph Marius.
Mais, reconnaissant de ne pas avoir été rejeté en raison de son handicap, il était prêt à fermer les yeux (si je peux dire), sur les petites infidélités de son épouse.
Ce qu’il voulait, lui, le « miraculé des tranchées », c’était reprendre une vie dite normale, dans le calme et la sérénité et pouvoir retravailler afin de gagner dignement la vie de sa famille, ce qu’il fit rapidement, au service comptable chez son ancien employeur.

Mais, peu à peu, les reproches reprirent, cycliquement.
Marie-Louise se plaignait de la vie morne qu’elle menait. Et bien évidemment tous les maux dont elle souffrait provenaient de son époux.
Elle était bien mal récompensée des soins qu’elle lui prodiguait depuis le jour de son retour, des soucis que son état de santé lui causait, et des démarches auprès de divers médecins afin de trouver celui qui pourrait le soulager.
Elle se plaignait, Marie-Louise, à qui voulait l’entendre, et dans tout le quartier, chacune était au courant de ses malheurs, comme si, en cette période de guerre, elle était la seule à en avoir.
Certaines pensaient toutefois :
« Elle, au moins, elle n’est pas veuve, alors de quoi se plaint-elle ? » 

Instable, colérique, cherchant toujours à attirer l’attention sur soi, Marie Louise faisait la pluie et le beau temps au foyer conjugal où l’orage éclatait bien trop souvent.

En 1922, une nouvelle naissance[1] s’annonça. La grossesse n’arrangea pas le caractère ombrageux de la future maman. Joseph Marius essayait pourtant de calmer l’atmosphère volcanique, en se montrant attentionné.
Rien n’allait plus, le couple se sépara une première, puis une seconde fois, mais toujours se reformait sans jamais trouver un équilibre calme et tranquille.

En juillet 1926, Marie Louise qui affichait au grand jour la liaison qu’elle entretenait avec un médecin, avait quitté le foyer en juillet. Pour revenir trois mois plus tard.
Nouveau départ ? Le couple quitta alors son domicile  rue de Malte à Paris pour s’installer à Nogent-sur-Marne, rue Edmond Vitry.




Mais rien ne changea.
Joseph Marius acceptait cette vie de misère affective pour ses deux garçons qu’il chérissait, mais harcelé par les reproches et vexations incessants de la part de son épouse névrosée et infidèle, il n’en pouvait plus. Plusieurs fois, il envisagea de se donner la mort, allant même jusqu’à faire l’acquisition d’un pistolet, mais chaque fois qu’il prenait l’arme dans ses mains, il pensait à ses garçons, seuls liens qui le retenaient sur la terre.




[1] Aucune information sur cet enfant si ce n’est que c’était un petit garçon.

jeudi 9 mai 2019

A VOUS DE DEVINER !


Quelle origine ?

Bien souvent, les mots que l’on croit d’origine française, proviennent de la déformation d’un mot étranger.
Par exemple, une redingote, nom féminin, désignant une longue veste masculine descendant jusqu’aux genoux.
A votre avis, mot français ?

Ce mot est mentionné pour la première fois, sous cette forme, en 1725.
Il est la francisation d’un mot anglais : « riding coat » (« riding » : action de monter à cheval et « coat » : manteau). En clair un manteau pour monter à cheval.

Mais avant, bien avant...... le mot anglais « coat » avait été emprunté, au XVIème siècle, par nos voisins anglais à l’ancien français « cote » ou « cotte ».

La transformation orale  passa par différentes prononciations :
Reguincope  - Reguingote  ...... Redingote.

La mode a enlevé ce vêtement aux hommes et ce furent les femmes qui s’en vêtirent :
Manteau pour dame  (1786) évasé, appelé en anglais  « Fitted-coat » que l’on traduit par « manteau ajusté à la taille »
La robe redingote ( 1847) était une robe évasée, serrée à la taille.



Et le « Trench-coat » ?
Anglais me direz-vous ! Bien sûr, cela semble évident.
Mais regardons d’un peu plus près.
En effet, ce mot est formé de trench « tranché », venant de to trench « faire des sillons - retrancher ».
Mais .......to trench vient tout droit de l’ancien français « trenchier – trencher », qui n’est autre que le verbe moderne « trancher »

Nous retrouvons « coat », manteau,  qui vient bien de « chez nous », comme nous l’avons vu précédemment.
Un trench-coat, « manteau de tranchée », vêtement porté par les officiers anglais pendant la Première Guerre Mondiale.

A présent un « trench-coat français » désigne un imperméable à l’allure britannique.

That’s all right !


HISTOIRE VRAIE - DEBUT DU XXème SIECLE



ŒIL POUR ŒIL


Chapitre 4

Dans l’attente de la venue du médecin, dans le noir du bandage lui couvrant les yeux, Joseph Marius se palpait, à de nombreuses reprises, le visage. Le crâne, les oreilles, le nez, les joues, le menton, la bouche.
Tout lui semblait en ordre. Aucune marque de « Gueule Cassée ».
Son interrogation, sa frayeur à présent, ses yeux qui lui occasionnaient d’horribles céphalées.
Etait-il aveugle ?
Lui venait alors, la vision intérieure d’un avenir d’assisté à la canne blanche, éternellement dans la nuit profonde d’un monde de lumière.
A la charge de son épouse. Un lourd fardeau.
Il ne verrait plus non plus les visages aimés. Il ne pourrait plus prendre soin de son fils.
Cette dernière pensée lui étreignait le cœur.

A l’approche du médecin, ce matin-là, il se sentit défaillir.
Lui, qui voulait savoir en quoi son avenir serait fait, n’avait plus le courage d’affronter la vérité.
Sa bouche devenait sèche. Il avait du mal à déglutir.

« Bonjour soldat ! lança le médecin-chef. Je peux vous dire que vous vous en tirez fort bien. »

Quelle prise de contact ! Quelle optimiste !

« Avec un peu de rééducation et de la volonté, vous remarcherez. Avec une claudication, mais vous pourrez vous déplacer. Nous avons dû à votre jambe droite opérer à l’ablation du péroné. De ce fait votre jambe droite restera plus faible. »

L’infirmière avait prévenu le blessé que le médecin-chef était un homme au franc parlé, un peu brusque dans sa façon d’annoncer les diagnostiques qu’il avait fort justes. Il en avait tant vu des blessures atroces pour lesquelles son savoir et son expérience n’avaient rien pu faire. Combien de fois, il avait recouvert d’un drap maculé de sang de jeunes hommes foudroyés par la mort  depuis le début de cette satanée guerre. Alors, pour avancer, pour que les autres avancent avec lui, il ne s’attendrissait pas et ne faisait ressortir dans son jugement uniquement que le bon côté des choses.
Et pour Chevalier-Joly l’important pour ce médecin était qu’il fût vivant. Rafistolé, mais vivant. Il en avait sauvé un et c’était une victoire.

Le blessé entendait la voix de cet homme de science comme dans un léger brouillard. Les mots résonnaient sans réelle consistance.
Pendant ce temps, l’infirmière ôtait avec précaution le bandage recouvrant ses yeux.
Joseph Marius sentit alors la fraîcheur de la pièce sur son visage. La lumière du jour lui fit mal et il mit un certain temps à lever les paupières. Mais sa vision restait floue avec une grande gêne, surtout du côté gauche.
Son premier réflexe fut de porter la main à ses yeux. L’infirmière arrêta son bras avant qu’il n’atteignît son but et garda sa main dans la sienne, geste réconfortant en ce moment critique.
Qu’allait-on lui annoncer ?
Il sentait le regard du docteur posé sur son visage et le silence présent à ce moment ne le rassura pas.

« Bon ! lança enfin le médecin-chef en connaisseur, belle cicatrisation.
-          Je vois très mal, docteur. Est-ce que j’aurais perdu en partie la vue ? s’inquiéta le blessé d’une voix blanche.
-          En partie, oui, répliqua le médecin. Un éclat d’obus a endommagé votre œil gauche et nous avons été obligés d’en faire l’ablation. Votre œil droit, par contre n’a rien. Il faudra vous habituer, peu à peu, à ne vous servir que de l’œil droit. Vous avez aussi quelques petites cicatrices sur le visage, mais avec le temps elles s’atténueront.
-          Puis-je voir mon visage dans un miroir ?
-          Dans quelques jours seulement. Il faut d’abord que vous acceptiez l’idée de ce qu’est à présent votre visage sans votre œil avant de le voir réellement. Pour cacher votre orbite gauche, nous vous mettrons un bandeau.


Les minutes qui suivirent cette annonce furent tumultueuses dans la tête du pauvre soldat.
Il avait perdu un œil. Comment ferait-il ? Bien sûr, comme aurait pu dire le médecin, il en avait gardé un, ce qui était une chance !! Une chance .......  Quelle chance !.....
Une jambe et un œil, c’était cher payé pour un acte de bravoure.
Il pensa alors à ses hommes qui, là-bas dans la tranchée, y avaient laissé leur vie.
« Oui, j’ai eu plus de chance qu’eux », murmura-t-il
Mais malgré tout, il n’en était pas tout à fait convaincu.


................A SUIVRE ..................




lundi 6 mai 2019

METTREZ-VOUS UN AVIS ?


Sujet pour le BAC

Nous voilà presque à la fin de l’année scolaire et, avec elle,  se profile à l’horizon la période stressante (plus pour les parents que pour leurs progénitures) des examens.
Je propose donc comme sujet du BAC, à l’heure où chacun se replie dans son intérieur autour de leurs écrans (PC – Téléviseur et PC portable ou non…..), indispensables voire vitaux, édifiant ainsi autour d’eux une muraille virtuelle infranchissable, la question suivante à débattre :
Est-il encore possible de rassembler et de créer du lien social autour d’activités diverses (autres que par écrans interposés) dans les petits villages de campagne ?

Oui ? Non ?
J’avoue, pour ma part, avoir épuisé toute mon imagination dans l’invention d’interventions  de toute sorte, et je serais, forte de mon expérience, tentée de répondre par la négative.
Il est vrai que tout va trop vite et j’entends bien trop souvent : « je n’ai pas le temps ! »
Ne pas avoir le temps ou ne pas prendre le temps ?
Voilà une question, que je me pose de plus en plus souvent maintenant, sachant toutefois qu’il y a des priorités.
Faut-il un événement    hors de commun pour « prendre le temps » ?

Le lien social !

Dernièrement, j’ai fait une expérience, bien malgré moi, et qui bien que n’ayant qu’une relative importance, m’a « pourri » la vie et celle de ceux qui ont eu la gentillesse de me croire dans l’embarras et ont répondu à un mail frauduleux
Oui, ma boite mails a été piratée !

Voulez-vous connaître les répercussions de cet acte indélicat ?
J’ai passé deux jours à répondre à des messages et appels téléphoniques de personnes dont je n’avais plus de contact depuis belle lurette et qui jusqu’à présent « n’avaient pas le temps » afin de me prévenir et aussi pour prendre de mes nouvelles.

Faut-il ce genre de souci pour recréer du lien ?
Ce serait si simple de prendre le temps de faire juste un « coucou », à intervalles réguliers pour garder le lien.

Mais revenons à ces petits villages où chacun souhaite de l’animation, mais reste retranché derrière haies et murs d’enceinte, et où un grand nombre ne cause qu’à des  amis  via internet, confortablement installé sur leur canapé.

Notre société est-elle condamnée à ce monde virtuel ?
Y-a-t-il  encore un espoir de voir les habitants d’un même village se réunir pour échanger et discuter ?

Quelle est votre opinion ?
Que pourrait-on proposer pour voir faire tomber les frontières de ce modernisme qui isole de plus en plus les êtres humains ?
Seriez-vous prêts à échanger de vive voix sur ce problème ?
Oui, de vives voix, pas assis derrière un écran !

mercredi 1 mai 2019

HISTOIRE VRAIE - AU DEBUT DES ANNEES 1900


 ŒIL POUR ŒIL


Chapitre 3




Ce fut une explosion infernale, puis le trou noir, le néant.

Quand Joseph Marius reprit peu à peu conscience, sa première sensation fut celle de la soif. Les lèvres sèches, la gorges serrée, un goût de terre et de sang dans la bouche.
Puis ce fut les odeurs. Celle de l’éther d’abord  arriva jusqu’à ses narines, forte et entêtante mêlée de celles d’excréments, de sueur et celle, également, bien particulière et malheureusement trop souvent perçue de chairs en putréfaction.
Où se trouvait-il ? Dans un lit assurément. Dans le lit d’une salle d’hôpital, en raison de toutes les odeurs écœurantes qu’il venait d’identifier.
Mais pourquoi était-il dans le noir ?
Etait-ce la nuit ?

En même temps que la perception de son corps et de son environnement, lui revenait la mémoire.
Ce fut, à ce moment, qu’une forte angoisse l’étreignit. Ses compagnons ! Combien avait échappé à la mort ?
Autour de lui ce n’étaient que gémissements, cris de douleurs, bruits de chariots et d’ustensiles et de paroles réconfortantes murmurées.
Après avoir analysé tous les mouvements autour de lui, Joseph Marius commença à prendre conscience de son propre corps, essayant de bouger chaque membre l’un après l’autre, lentement avec précaution.
Avec satisfaction, il s’aperçut que ses mains et ses bras répondaient aux commandements de sa volonté.
Il contrôla ensuite les réflexes de ses orteils. Ceux du pied gauche répondirent sans problème, par contre ceux du pied droit, malgré des efforts soutenus, semblaient paralysés.
Meurtri de partout, chaque geste de cet examen lui occasionna des douleurs plus ou moins vives dans tout le corps.
« Normal, pensa-t-il, la secousse a été rude. Mais je suis vivant ! Vivant oui, mais dans quel état ? »
Cette dernière pensée le saisit d’effroi et défilèrent en sa mémoire les visages affreusement mutilés de certains soldats.

Non, ce n’était pas la nuit. Son visage était entouré de bandages.
Cette pensée lui arracha un hurlement qu’il ne put refréner

.
Aussitôt, des pas précipités se rapprochèrent de sa couche et il perçut une caresse rassurante sur une de ses mains.
« Vous êtes réveillé ? J’en suis heureuse. Vous avez été blessé, mais nous allons prendre soin de vous maintenant. Je préviens le docteur, il va venir tout à l’heure pour vous ausculter. »
La voix claire et douce rassura le blessé. Il essaya de parler, mais aucun son ne sortit de sa gorge.
« Je vais vous donner un peu d’eau, reprit la voix. »
Un bruit de liquide que l’on transverse, une main qui lui souleva légèrement la tête, le contact d’un verre sur ses lèvres, un peu d’eau dans sa bouche qu’il ne put avaler que difficilement et cette douleur qui lui vrilla le cerveau avant de se localiser au niveau du nez et des yeux.

Gueule cassée ! Gueule cassée !......
Ces deux mots se mirent à résonner en lui comme une litanie morbide et obsédante  et avec cette pensée, la perspective d’une vie future anéantie.
Il s’imagina un trou béant à la place du nez et des yeux, ce qui expliquait les pansements et le noir complet dans lequel il était plongé.

Son épouse, Marie-Louise, accepterait-elle de poursuivre sa vie avec lui, le voyant défiguré.
Et son petit Raymond François hurlerait-il de terreur en le voyant ?

Gueule cassée ? Mieux aurait valu qu’il meurt dans sa tranchée.