mercredi 31 juillet 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901



1902 – un début d’année terriblement chaud !

Deuxième partie
 
La voiture fit demi-tour, direction en urgence à l’hôpital Tenon.
Ce fut ensuite une succession d’arrestations opérées par les agents de la sûreté.
C’en était trop, il fallait remettre un peu d’ordre dans cette escalade de violence !


18 janvier 1902 - 11 heures du matin – au 15 rue de Belleville dans une chambre meublée.
Interpellation de Maurice Ponsard, dit le Rouquin, âgé de dix-neuf ans, membre de la bande de la Courtille (celle à Manda).
Dans cette misérable chambre sans confort, se trouvait, avec lui, Henriette Minouflet, dite la Môme de la Courtille, sa maîtresse, âgée de vingt-cinq ans.
Le Rouquin, gisant sur la misérable paillasse du lit, semblait bien mal en point. Il avait, lors de l’attaque de la rue du Bagnolet, reçu deux balles dans un bras. La plaie s’était infectée. Pas beau à voir !

Ce même jour, 18 janvier 1902, à la même adresse, dans une chambre contiguë, Louis Lechopier, « le Grand Louis ». Sans cette arrestation, cet homme serait mort des suites de l’horrible blessure qu’il avait reçue, un coup de poignard dans le dos. Atteint aux poumons, il souffrait d’une pleurésie.


Les deux individus furent dirigés vers l’hôpital Tenon qui devint pendant un temps l’annexe d’un grand nombre des membres des deux bandes ennemies, unis dans la souffrance, qui malgré leurs blessures nourrissaient toujours une forte haine réciproque et attendaient, avec impatience, leur guérison pour reprendre les hostilités.

A l’hôpital, alors qu’il était au plus mal, Leca eut la visite de son père. Malgré son grand affaiblissement, bien qu’il fût entre la vie et la mort, il n’eut que des paroles de vengeance :
« C’est Manda qui m’a tué............... c’est lui qui le 5 janvier m’avait tiré deux coups de revolver....................  c’est également lui qui m’a poignardé.........père, venge-moi. »


9 février 1902. Sur un mandat d’amener, signé par Monsieur Le Poittevin, deux inspecteurs de l’équipe de Monsieur Cochefert se sont rendus au domicile d’Amélie Elie, afin de l’arrêter. Ce ne fut pas sans cri que la jeune femme fut embarquée.
Pourquoi l’arrêtait-on ?
Quels motifs ?
Elle criait, hurlait même, son innocence.
Le juge souhaitait, tout simplement l’entendre, rien de plus.
Elle avait été témoin de la quasi-totalité des heurts entre les bandes adverses, et de plus, tout ce raffut, tout ce sang qui coulait, n’était-ce pas elle qui en été la raison ?
Bien évidemment, elle ne pouvait être accusée de tentative de meurtre sur les personnes de Erst et Leca. Chacun pouvait témoigner qu’elle était aux petits soins de ce dernier, son amant en titre, fort éprise qu’elle était de lui.
Mais n’avait-elle pas eu une existence commune avec Joseph Pleigneur dit Manda, à une époque où celui-ci trempait dans des affaires plus que douteuses ?
« J’ suis pas au courant d’ tout ça, moi ! vociféra la jeune femme, j’ suis innocente ! Et pis les affaires à Manda, ça me r’gardait pas ! »
Certes, mais la demoiselle Elie n’était pas irréprochable, même en ne prenant pas en compte son métier de gagneuse, elle avait tout de même écopée, par la 9ème chambre correctionnelle de la Seine, d’une condamnation de quinze jours de prison pour vol.
« C’était y a longtemps ! protesta-t-elle, depuis je m’ tiens à carreau ! »
Il était vrai que cette peine remontait à février 1899, époque où elle vivait avec le nommé Manda.
Alors ?!?!

Après cet entretien, le juge Le Poittevin transforma le mandat d’amener en mandat de dépôt. Il préférait, ce juge d’instruction, voir la fille Elie sous les verrous, au cas où elle se mettrait à séduire d’autres individus du même acabit que Manda et Leca.
Il ne faudrait pas qu’elle aille allumer le feu dans d’autres quartiers de Paris et de sa couronne.

Après deux jours au dépôt, n’ayant aucun motif pour la retenir plus longtemps, la justice dut remettre Amélie Elie en liberté, aussi sortit-elle de la prison de Saint-Lazare, libre comme l’air.
Louis Lechapier fut également relâché. En ce qui le concernait, aucun témoignage probant.

Les membres des deux bandes rivales s’assassinaient entre eux, mais se tenaient les coudes face à l’ordre public.

 ...........................  à suivre  ........................




Souillard ?


Le souillard et la souillarde dans le souillard semblent bien souillés !!!


Quèsaco !!??
Bah, c’est l’énigme de la semaine.......


Le souillard, au féminin « souillarde » s’écrivait, en 1350, « soilhart ». Il désignait le laveur de vaisselle ». Oui, oui en 1350, on lavait déjà la vaisselle, sans gants Mappa et sans lave-vaisselle.
Mais ce terme fut très vite utilisé avec mépris, devenant même une injure, prenant par la même occasion une autre orthographe, « soillars », à la fin du XIVème siècle
Dans le courant du XVème siècle, un mendiant était nommé « souillart », ensuite ce fut le menteur que l’on appela ainsi vers 1464, puis revenant vers sa première signification, une personne malpropre occupée aux gros travaux ou travaux ingrats, et cela, vers  1530.

Oui, mais je vous l’ai déjà dit maintes fois, les mots ça va et ça vient, ça s’en va et ça revient, au fil des interprétations ou parfois d’une erreur de diction..... Voilà pourquoi les langues parlées sont « vivantes » et j’ajouterai bien souvent coquines et espiègles, essentiellement en ce qui concerne l’interprétation...

Voilà pourquoi :
La désignation d’une personne s’applique souvent à l’endroit où elle vit, au métier qu’elle pratique, à son aspect, à sa condition sociale.....

La souillarde, servante qui lave la vaisselle (1534), n’est pas n’importe quelle servante, elle est malpropre (1557). Elle se trouve à longueur de temps dans la souillarde (1834), l’arrière-cuisine. Pour laver la vaisselle,  cette souillarde la mettait dans une souillarde, grand baquet de lavage (1836).
La souillarde, ustensile ménager par excellence, après avoir permis le lavage de la vaisselle, devint un grand baquet de lessive.

La souillarde est donc une souillon qui se souille de souillures. Heureusement, dans la souillarde, la souillarde permet de laver le linge !


Attendez ! Ce n’est point fini !

Un souillard désigne jusqu’à la fin du XVIIème siècle un endroit boueux.
Une souillarde est également une pierre percée d’un trou permettant l’écoulement des eaux pluviales ou des eaux usées (1842), avant de donner ce nom, uniquement, au trou de la pierre (1872). L’eau s’écoulait donc par la souillarde.

Je pourrais donc ajouter que l’eau usée de la vaisselle lavée par la souillarde dans la souillarde s’écoulait par une souillarde.

Vous avez suivi ?
Non !
Alors, je recommence ......................

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert




jeudi 25 juillet 2019

UN PETIT COUCOU !!


Coucou !

Ce matin, un message de ma fille !
Pour une fois que je ne vous parle pas de ma grand-mère, c’est à noter !
« Sais-tu pourquoi on dit « coucou » pour dire « bonjour » ?
-          Non ! je lui réponds, mais tu vas sans doute me le dire ?
Petit « emoji souriant »  .................
-          Non, justement, je te pose la question !
Ah ! Je n’avais pas prévu cette interrogation.
-          Attends, je lui réponds (encore une fois), je regarde.
Et bien sûr, j’ai regardé.

Alors ? « Coucou »........
Nom masculin et interjection, employé depuis 1660 dans notre langage.
Ce n’est décidément pas d’hier que l’on se salue avec ce mot.

Avant 1660 aussi d’ailleurs, mais sous différentes autres orthographes.
ü  1538 : couquou – modification de « cucu » écrit ainsi vers 1100, le « u » étant prononcé « ou » dans certains mots.
ü  1557 : Coquu
ü  1660 : coucou (nous venons de le voir)
ü  1667 : cocou

Un mot provenant du latin « cuculus », imitant le cri de l’oiseau, celui nommé « coucou », vous l’aviez compris.

Je vais, avant de poursuivre, ouvrir une petite parenthèse.
Du XIIème au XVIIème siècle, on utilisait « cocu », comme injure envers un amant adultère, en relation avec l’habitude qu’a cet oiseau (le coucou) d’aller pondre ses œufs dans le nid des autres.
Notre cocu (nom ou adjectif), variante de « coucou » possédait également le sens figuré de : imbécile ou galant niais.
Pas très flatteur tout cela, mais c’était au milieu du XIVème siècle.
Aujourd’hui, ce mot désigne celui ou celle dont le conjoint a l’indélicatesse d’être infidèle.
« Etre cocu », c’est être dupé, être berné, être trompé........ comme l’oiseau qui trouve un énorme œuf dans son nid (l’œuf d’un coucou) et qui le couve croyant que c’est le sien.......

Fermons la parenthèse et revenons à notre « coucou ».

Un coucou, n’est pas seulement un oiseau. Un coucou désigne aussi la primevère sauvage ou le narcisse des bois, car l’une et l’autre fleurissent à l’époque où le coucou (l’oiseau) commence à pousser son chant de séduction.

Il y a aussi la petite pendule (1636)  laissant apparaitre un oiseau sortant par une petite porte à chaque sonnerie. L’oiseau mécanique coucouant imperturbablement,  bien entendu, pour marquer le temps qui passe.

Mais ce n’est pas tout......
« Coucou » était le nom donné aux petites voitures publiques qui, au début du XIXème siècle, transportaient les voyageurs de Paris à sa proche banlieue.
Par extension, ce mot fut attribué à divers véhicules de transport en mauvais état :
Avion (1914) – petit train (1916)

Mais « coucou » vient aussi du jeu de cache-cache, pratiqué déjà en 1660. Devenu alors onomatopée, « coucou » indiquait qu’un des joueurs avait été découvert.
De fil en aiguille, « coucou » fut un cri de bienvenue lors d’une visite inattendue ou simplement un petit bonjour en passant.
« Coucou ! C’est nous ! » - « Coucou, je suis là ! » .....
« Coucou ! Surprise !..... »
Dans ce dernier cas, la surprise inattendue peut ne pas toujours être appréciée.


Vous pouvez imiter le coucou, si cela vous chante. Dans ce cas, vous coucouez ou encore coucoulez.
Ne pas confondre avec « roucouler », car là, il s’agit d’un tout autre oiseau !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901


   


1902 – un début d’année terriblement chaud !

Première partie

Affrontement après affrontement, l’atmosphère entre les deux bandes devint torride.
Une escalade de plus en plus barbare, de plus en plus sanglante.
Après l’agression, de la rue Popincourt, il ne fallut pas attendre bien longtemps avant de voir les noms des deux groupes rivaux s’étaler dans les journaux.

Le 5 janvier 1902, était-ce le hasard qui fit se rencontrer les adversaires à l’angle des rues des Haies et d’Avron ?
Hasard ou non, difficile de le savoir, comme toujours, mais hasard bizarre tout de même, car les hommes étaient armés de haches, poignards, couteaux et revolvers.
Les armes parlèrent haut et fort comme à leur habitude.
 
Leca fut le point de mir de ce combat et il ne dut son salut qu’à l’intervention de quelques amis venus à son secours. Il reçut, malgré cette aide, deux balles, une dans un bras et l’autre dans une cuisse. En raison de l’hémorragie provoquée par ces blessures, il fut conduit rapidement à l’hôpital Tenon.
Un séjour pendant lequel Monsieur Le Poittevin, juge d’instruction, mit au courant de la fusillade de la rue d’Avron vint interroger Leca,  blessé dans cette échauffourée.

Mais, pendant l’hospitalisation de Leca ou peut-être justement en raison de celle-ci, provoquant son absence sur le terrain, un autre fait se produisit.
Le nommé Lillois de la « bande à Leca » s’aventura, au cours d’une promenade avec sa maîtresse, dans le secteur de la « bande à Manda ». Bien mal lui en pris d’ailleurs, car le couple fut capturé et conduit, non sans violences, dans un sordide réduit de la rue Rébeval.

Prise d’otages pour faire céder Leca qui, cloué au lit, ne pouvait intervenir. Le message qui lui fut transmis, rédigé par Polly dit le Dénicheur, un lieutenant des plus fidèles de Manda, et dont le blessé prit connaissance, le mettait en demeure en  ces termes :
« Si tu ne nous rends pas Casque d’Or[1], nous tuerons Lillois et sa maîtresse. »
La réponse de l’amant en titre de la belle fut la suivante :
«  Vous êtes tous des lâches.  Je suis faible. Attendez ma sortie de l’hôpital. »

Des lâches ? Assurément !
Pendant leur captivité, les deux amants ne reçurent ni eau, ni nourriture.
Le Lillois subit de nombreux sévices, amusements cruels de la part de ses ravisseurs qui effectuèrent de nombreux dessins sur son corps mis à nu, avec la pointe de divers objets tranchants. Du sadisme à l’état pur !
Quant à la maîtresse du Lillois, je n’ose relater ce qu’elle a dû endurer.
Tous deux furent libérés plus de vingt-quatre heures après leur rapt.  


 
Le 9 janvier 1902, Amélie se rendit à l’hôpital, faire une visite à son amant.
« J’ veux sortir de là ! lui demanda le blessé.
-          Mais, t’es pas en état ! répliqua la jeune femme.
-          Vous m’ conduirez chez l’ père[2] ! Ici, je m’ sens pas en sécurité. Et puis, la police rode.

Devant l’insistance du blessé, Amélie se plia à sa volonté et commanda une voiture pour le début de l’après-midi. Ne pouvant soutenir, seule, son  homme, elle demanda à Erbs, Doumergue et Delbord de l’accompagner.

Dans la voiture, assis entre Erbs et Doumergue, Leca somnolé. Les secousses du véhicule ravivaient la douleur de ses blessures. Sur le siège, face à lui, Amélie, à côté de Delbord, anxieuse, regardait alternativement par la fenêtre sur sa gauche, puis sur sa droite. Elle n’avait pas l’esprit tranquille. Arrivant dans la rue du Bagnolet, elle aperçut Ponsart[3] sur le bas côté gauche de la chaussée faisant des signes à quelqu’un. Quelques secondes plus tard, Manda sauta sur le marchepied de la voiture et armé d’un poignard, frappa violemment Leca en pleine poitrine. Erbs[4] voulant arrêter le bras vengeur fut également blessé.
Son méfait accompli, Manda, l’agresseur, prit la poudre d’escampette, sans demander son reste, pendant que dans la voiture, c’était l’affolement.
Leca, blême à faire peur, une main sur sa poitrine, peinant à respirer, articula dans un faible souffle avant de perdre conscience :
« C’ coup-là, j’ crois qu’ j’ai mon compte ! » 

La voiture fit demi-tour, direction en urgence à l’hôpital Tenon.
Ce fut ensuite une succession d’arrestations opérées par les agents de la sûreté.
C’en était trop, il fallait remettre un peu d’ordre dans cette escalade de violence !


[1] « Casque d’or » - C’est la première fois qu’apparaît ce surnom attribué à Amélie Elie. Ce sobriquet ne lui vient nullement de ses proches ou ennemis qui ne l’appelaient jamais ainsi. Il lui a été donné par les journalistes dans un article parlant de la rivalité entre Leca et manda pour cette femme à la chevelure abondante et blonde.
Voilà pourquoi, je suis étonnée que cette appellation figure dans le courrier du dénicheur.
« Casque d’or » vous avez s’en aucun doute entendu parler d’elle, ne serait-ce que par le biais du  film réalisé en mars 1952, par Jacques Becker, avec Simone Signoret dans le rôle titre, Serge Reggiani et Claude Dauphin. Mais, nous en reparlerons.
[2] Alesio Leca – père – est né et décédé en Corse du Sud dans la ville de Evisa - il s’est marié à Paris avec Augustine Richelet en janvier 1874. Aucune infirmation sur son lieu de résidence en 1902.
[3] Ponsart ou Donsart, selon les divers journaux, de son prénom Maurice était surnommé « le Petit Rouquin » ou « le Rouquin ».
[4] On trouve aussi Herbs dans les divers articles de journaux, mais l’orthographe exacte est Erbs -  prénommé Georges.

lundi 22 juillet 2019

CATASTROPHE NATURELLE - ELBEUF 1908






Des intempéries et catastrophes naturelles, 
il y en eut de tout temps.....







Ce furent des trombes d’eau qui déferlèrent sur la ville d’Elbeuf-sur-Seine et ses alentours. Des trombes d’eau d’une violence inouïe.
La journée s’annonçait belle, pourtant. Une agréable journée de début d’été.
Mais, vers les quatre heures après-midi, le temps changea.
D’abord, quelques éclairs fendirent le ciel assombri tout à coup, puis la déflagration du tonnerre.
« Un simple orage, pensa-t-on, rien de plus. »

Mais ce n’était que les prémices d’une suite presque irréelle.
En effet, une pluie mêlée de grêlons d’une grosseur incroyable s’abattit soudain, transformant les rues et places en véritables torrents. Du jamais-vu de mémoire d’anciens.
Vers les 6 heures, le temps sembla s’éclaircir.
Le danger s’était-il éloigné ?
Cette pensée faisait preuve d’un optimiste exagéré, car de forts coups de vent ramenèrent l’orage dont l’intensité s’était décuplée, sur la ville.
Un vrai déluge !
L’eau déversée du ciel dévala en avalanche des plateaux du Neubourg et de Bourgtheroulde, empruntant les rues, dévastant les rues. Les premières touchées, les rues de Bourtheroulde et du Thuit-Anger, la rue de l’hospice également et celles de la République, de la Nation..... Partout !


Un mur d’eau, mais aussi de boue, d’environ un mètre de haut, avec une puissance inimaginable entrainant tout sur son passage, pénétrant les maisons, noyant les caves.
Tout l’ouest de la ville donnait un spectacle effrayant.
Dans les quartiers, les habitants, impuissants, s’étaient réfugiés au premier étage des maisons, et par les fenêtres ouvertes, regardaient, incrédules, ce désastre apocalyptique qui dura plus de deux heures.
Deux heures pendant lesquelles chacun se demandait quand cela s’arrêtera. Oui, quand ?

L’ouest de la ville ravagé, mais il en fut de même à l’autre extrémité d’Elbeuf-sur-Seine. L’eau, provenant de la vallée de la Saussaye envahit le chemin de la Saussaye et la rue Victor Hugo.
La force du courant emporta le mur d’enceinte de la ferme Benoit. La brèche ouverte, l’étable fut submergée, une des vaches périe, emportée par le flot.  


Cette masse mouvante de boue et de gravats envahit la voie de chemin de fer jusqu’à la gare d’Elbeuf-ville. Les trains venant de Louviers furent bloqués. Il fallut l’aide de soixante soldats pour déblayer la voie qui ne fut opérationnelle qu’à minuit passé.
Pendant ce temps, six pompes de la compagnie de Sapeurs Pompiers, mises en action, commençaient leur travail de nettoyages des maisons, caves, sous-sol..... Certains immeubles ébranlés par ce monstrueux torrent menaçant ruine, il était urgent de mettre en sécurité les quartiers les plus sinistrés.

Pas de paresseux. Chacun remontait ses manches. L’entraide était de mise. La vie de la ville dépendait de la bonne volonté de tous.

Pour comble de malheur, pendant ce terrible épisode, la foudre tomba sur la filature Alloend-Bessand, rue Victor Hugo à Caudebec-les-Elbeuf, provoquant un incendie.

 Il fallut plusieurs jours pour un retour à la normal. Pendant ce temps, Elbeuf-sur-Seine resta coupé du monde extérieur, sans communication télégraphique ni téléphonique, sans aucune voie d’accès.....
Un bilan fut établi afin de déterminer le montant des dégâts. Le chiffre de deux millions de francs fut annoncé, mais il s’avéra par la suite que cette somme avait été sous-estimée.




Texte écrit à partir d’un article découvert dans « le journal de Rouen »,   en date du 1er juillet 1908.
Illustrations : « Mémoire en Images » - Elbeuf- Des évènements et des hommes – tome 2 de Pierre Largesse – Editions Alan Sutton – septembre 2006

jeudi 18 juillet 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901


   

 Première agression – 30 décembre 1901


Pour les beaux yeux d’Amélie.
Pour la chevelure blonde d’Amélie.
Unies derrière leur chef et dans l’intérêt de celui-ci, les deux bandes s’affrontèrent de plus en plus souvent et ce ne furent qu’escarmouches, batailles rangées, règlement de compte au couteau.
Le ton monta progressivement jusqu’à ce 30 décembre 1901.

Dix heures du soir, dans le 11ème arrondissement de Paris, rue Popincourt, par une nuit sans lune dans le froid hivernal, Leca, col  relevé et mains dans les poches, avançait d’un bon pas. A ses côtés, Amélie, enveloppée dans un châle, se plaignait :

«  J’ai froid ! Et puis pourquoi tu marches si vite ?
-          Justement, en marchant vite t’auras moins froid !

A cette réponse, la jeune femme haussa les épaules et se mit à bouder.
Leca pressait le pas, oui. Un mauvais pressentiment l’habitait, aussi était-il sur ses gardes.
Il se retournait souvent, scrutant l’obscurité, à la recherche de quelque silhouette suspecte, tapie dans l’encoignure d’une porte cochère.
Rien ! Pourtant, il en aurait donné sa main à couper. Il sentait une présence. C’était certain, ils étaient épiés.
Ces pas qui résonnaient dans le silence de la nuit sur le sol gelé, donnant écho à leurs propres pas et qu’il percevait derrière lui, n’étaient pas le fruit de son imagination.
Et puis, cette intuition tenace qui le mettait si mal à l’aise. Leca n’était pourtant pas homme à se laisser dominer par la peur, mais il savait Manda à sa recherche, prêt à tout pour reprendre Amélie. Il connaissait son rival pour sa rancœur et sa cruauté et, de ce fait, il ne se sentait nullement rassuré.
Il pressa encore son allure. Les pas, derrière lui, prirent le même tempo.
Seule Amélie, qui s’était accrochée au bras de son homme, ronchonnait de plus belle.
« Mais, ralentis donc ! Je m’ suis tordue la cheville.
-          Vas-tu te taire ! lui lança-t-il d’un ton impérieux.
-          Ah ! Quel caractère !

Leca refusait de se retourner trop souvent, ne voulant pas donner, à ses poursuivants, l’impression qu’il craignait pour sa vie. Mais, au moindre bruit, il jetait un furtif regard en arrière.

« Mais, qu’est-ce c’ que t’as, à la fin ? T’as l’air bien nerveux ? lança Amélie agacée.
-          Vas-tu te taire !
-          Oh là là ! Quel carac..............

La jeune femme acheva sa phrase dans un hurlement. Devant eux, venaient de surgir deux hommes dont la caquette rabattue sur le haut du visage et le col de la veste remonté jusqu’aux oreilles préservaient l’anonymat.
Précautions bien vaines, car les deux assaillants furent rapidement identifiés par Leca et sa compagne, comme étant Manda et l’un de ses lieutenants, un nommé Heil.
Une attaque fugace, juste le temps pour Manda de frapper son rival derrière la tête avec une arme tranchante et de détaler avec son acolyte comme un lapin poursuivi par un chasseur.
Ni vus, ni connus !
Difficile de prouver la culpabilité de qui que ce soit.

Abasourdi, Leca porta la main à la base de son crâne. Il saignait abondamment. Même si la blessure ne semblait être que superficielle, son cuir chevelu présentait une belle entaille de plusieurs centimètres. Amélie, remise de ses émotions, aida son homme en appliquant son mouchoir sur la plaie afin d’arrêter rapidement l’hémorragie.

Toutefois, les cris d’Amélie avaient alerté deux agents de la sécurité qui patrouillaient non loin de là. Apercevant les deux fuyards, ces représentants de l’ordre se mirent en devoir de les intercepter et de les conduire manu militari au poste le plus proche.

Leca ne voulut pas porter plainte. Leurs problèmes, leurs règlements de comptes ne regardaient personne et surtout pas la maréchaussée !
Manda et son lieutenant furent donc remis en liberté après une nuit en cellule.
Affaire classée, en attendant la suite qui ne tarda pas à venir.


................  à suivre ................


Un setier ? Quesaco ?



Un setier était, du XIème au XVIIIème siècle, une mesure de capacité pour le grain pouvant aller de 150 à 300 litres.
Un setier était également une mesure de  capacité  pour les liquides.
Ecrit « sestier »  à la fin du XIème siècle, il correspondait à huit pintes.  Ce mot était surtout employé pour le vin et notamment avec le terme « demy-sestier » (1530), nom attribué à un quart de vin.
Le setier, tout comme le demi-setier disparurent lors de l’instauration du système décimal en 1795.
Quel bouleversement cela a dû être ?
Mais surement pas plus difficile que de faire du commerce avec une autre région, car chacune avait ses propres mesures.
Mais après la Révolution et tous les bouleversements administratifs de toute part, j’image bien la panique dans les esprits.
Marchands et clients devenus bien méfiants devant ces changements. La peur d’être volés leur imposait des calculs abracadabrantesques, à donner la migraine. Et même lorsque le compte était juste, la suspicion demeurait, tenace.
Dans le langage courant, déviant vers l’argot, ce demi-setier se transforma d’abord en « demi-stroc » puis en « ma-stroc » de là, ce quart de vin devint un mastroc et celui qui le vendait fut appelé le mastroquet.
De là le marchand de vin ou cafetier ainsi que sa boutique prirent le même nom de « mastroquet ».
Le mot fut raccourci….. et voilà pourquoi encore aujourd’hui nous allons au troquet, mais plus seulement pour boire du vin.

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


jeudi 11 juillet 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901




Tromperies et conséquences


Amélie Elie ne tarda pas à retrouver un amoureux. Fréquentant les guinguettes, chaque dimanche, lieux  où on guinchait et buvait, tout rapprochement s’avérait bien aisé. Aussi trouvait-on facilement chaussure à son pied.
Amélie arborant une chevelure blond-roux, une démarche souple et déhanchée, un rire cristallin, ne passait pas inaperçue.  Elle attirait le regard aguicheur de tous les hommes, mais aussi celui, assassin, des femmes les accompagnant.

Les amours ? Ça va ! Ça vient !
Les changements de partenaires étaient fréquents.

Voilà dans quel lieu et dans quelle circonstance, Amélie rencontra les deux hommes qui allaient marquer un tournant dans sa vie.
Deux hommes dont l’un était déjà en ménage.
Deux hommes, amis de longues dates et très intimes.
Dominique François Eugène Leca[1], dit Le Corse, 27 ans,  travaillant comme  découpeur sur bois, vivant à la colle avec Victorine van Maël.
Joseph Pleigneur[2], dit Manda, 25 ans, vivotant de tout et de rien. On disait même, mais ne faut-il pas se méfier des mauvaises langues, qu’il m‘était avec grande facilité ses maîtresses au turbin.
On chuchotait aussi, mais n’était-ce pas pure médisance, que tous deux et quelques acolytes de leur espèce, s’emparaient avec aisance du bien d’autrui, n’hésitant pas pour cela à jouer du surin.
Une époque où se promener, seul, la nuit était fortement déconseillé dans certains quartiers et notamment ceux des XIXème et XXème arrondissements de Paris. Les mauvaises rencontres n’étaient pas exclues et les mauvais coups encore moins et cela, confirmé par de nombreux articles de presse. Alors, c’était bien vrai !


Pleigneur, dit Manda tomba immédiatement sous le charme de la belle Amélie qui répondit favorablement aux avances de « l’homme », autre surnom par lequel Manda était connu.

Tout allait donc très bien, dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où........

Manda se présenta un après-midi chez son ami Leca. Préparait-il un autre mauvais coup et voulait-il mettre son ami dans la combine ?
Qu’importe !
Il se présenta donc au domicile de son ami, mais celui-ci s’était absenté. Ce fut Victorine qui l’en informa après lui avoir ouvert la porte et invité à boire un verre.
L’après-midi passa bien vite. Pourquoi se quitter ainsi alors que Leca ne devait rentrer que bien plus tard ?
« J’ t’invite à diner ! » lança Manda à la jeune femme qui, ravie de l’invitation, pensa qu’une soirée en galante compagnie serait bien plus agréable que de rester seule.
Une soirée qui s’éternisa un peu, beaucoup même, et bien au-delà de la convenance !
La belle ne rentra au domicile de Leca que tard dans la matinée du lendemain.
En ce lieu, Leca, l’amant délaissé, ayant un tantinet abusé de la bouteille en attendant le retour de sa belle, tournait en rond dans son logement. Lorsqu’il entendit s’ouvrir la porte, il se rua sur sa maîtresse, vociférant des menaces, les poings levés prêts à frapper.
Ce fut alors des explications orageuses, mêlés de coups et de hurlements.
Victorine se défendit. Elle n’était pas d’un caractère à encaisser sans rien dire. Ne l’appelait-on pas la « Panthère de Charonne », et ce n’était nullement une renommée surfaite ?

Tout ce tintouin se termina par le fracas d’une porte claquée à toute volée. Victorine venait de quitter Leca et sans allait d »’un pas ferme et rapide se réfugier chez son nouvel amant. Une irruption dans la vie de Manda qui ne fut pas du tout, mais alors pas du tout, du goût de la maîtresse en titre, ma dite Amélie.
Qu’à cela ne tienne, Amélie décida de se venger.

Toute guillerette, cette jeune femme alla rendre, bien innocemment, une petite visite à Leca. Une visite du genre :
« Tiens, j’ passais par là, alors, je m’ suis dit et si j’allais voir Victorine ? Mais, je vois qu’elle n’est pas là ! »
Tiens donc ! Où va se cacher la perfidie tout de même !
Le brave Leca, pas encore tout à fait remis de l’esclandre orageuse de la veille avec sa Victorine, trouva là, l’aubaine de se faire consoler. N’était-ce pas le souhait, non avoué, de la gentille Amélie ?
Gentille, gentille ? Pas tout à fait !
Et voilà Leca et Amélie, bras-dessus bras-dessous, partis en promenade. Promenade qui dériva en plaisirs amoureux.
Leca dans les bras d’Amélie se trouva revigoré. Amélie sous les étreintes de Leca se sentit vengée.
Chacun y trouva donc son compte !

Mais ne pensez pas que les choses en restèrent là.
Oh que non !
Si cela avait été le cas, la vie aurait été bien trop simple et une vie ne doit-elle pas avoir du piquant ? Enfin, modérément tout de même.

Manda, lorsqu’il apprit la double trahison de sa maîtresse et de son ami, ne le vit pas d’un bon œil.
Furieux, Manda !
Que lui se permette de tromper sa femme, c’était dans l’ordre des choses, celles des mâles.
Mais qu’Amélie, sa chose, son gagne-pain (surtout) aille dans les bras d’un autre qui allait recevoir tous les bénéfices, entendez par là, la gagneuse et ses revenus, non. Non ! Non !

Et voilà comment se gâta l’amitié qui soudait Manda et Leca, entraînant par ce fait, la division d’une bande unie en deux groupes ennemis.
Ennemis à mort !!


[1] Dominique François Eugène Leca né le 25 septembre 1874 à Paris
[2] Joseph Pleigneur né à Paris le 19 avril 1876 à Paris.

Etes-vous loquace ?




Avant 1765, on ne l’était sans doute pas, loquace, car ce ne fut qu’après cette année-là que le mot apparut.
Il vient, comme c’est étrange, du latin. Et pour vous en apprendre plus, des mots latins « loquax et loquacis », traduits par « bavard – verbeux – babillard ».
« Loquax et Loquacis », eux-mêmes dérivés d’un autre mot, latin également, « loqui », signifiant « parler ».

« Loquace » est donc un synonyme de bavard, avec une petite nuance d’éloquence volubile, tout dans l’art de manier la rhétorique.
Quelqu’un de loquace doit avoir de la loquacité, manier le verbe loquacement. Pas un simple bavard bafouilleur, ne sachant aligner deux mots, ni un baveux répandant des baveries, propos n’ayant ni queue, ni tête.
Non ! Quelqu’un de loquace est pourvu de verve, d’esprit, d’inspiration, de noblesse dans le phrasé !

Par contre, lorsque quelqu’un fait la remarque suivante :
« T’es pas bien loquace ! Y a-t-il quelque chose qui te turlupine ? »
Cela veut dire que la personne à qui s’adresse cette question, n’est pas très communicative. Ne prononce pas une parole. N’est pas bavarde.


Tiens, tiens !
En voilà encore un drôle de mot que ce verbe « turlupiner » que je viens d’employer !

« Turlupin », nom masculin venant tout droit du XIVème siècle. Pas tout jeune !
Par contre, rien en ce qui concerne ses origines.
A cette époque, le mot désignait un faux dévot, une personne ne prenant pas au sérieux les choses de la religion, ce qui était inconcevable, avouez-le.
Le mot dériva, comme tous les mots, emportés par le flux des paroles.
Rabelais l’utilisa pour nommer un « coquin ».
Début du XVIIème siècle, par ce mot, était désignée une personne fainéante, un parasite.

Un peu plus tard, c’était quelqu’un d’hypocrite.
C’est là que le sens varia.
Un des personnages, créé par le comédien Henri Legrand, se nommait « Turlupin » et dans la pièce, il possédait un caractère hypocrite, justement.
Un passage sur les planches qui ne passa pas inaperçu, puisque le nom « turlupin » fut attribué aux comédiens de foires, débitant des plaisanteries de mauvais, de très mauvais, goût.
Et par extension, vers 1660, ce turlupin devint un mauvais, un très mauvais, plaisant.

Déclinons maintenant toute la suite :

Turlupiner :
Au début, c’était se moquer – faire des plaisanteries sur quelqu’un.
Plaisanteries plus ou moins lourdes, plus ou moins offensantes, alors le sens chemina vers, « tourmenter quelqu’un ».

Une turlupinade
Mais oui, ce mot existe ! Et vous êtes priés de l’employer à partir d’aujourd’hui.
Plaisanterie de mauvais goût. Mais, tout comme le verbe turlupiner, à force d’excès, il désigna un tourment, une inquiétude (début du XIXème siècle).

Attention !
Si un turlupin turlupine avec ses turlupinades, il peut, à son tour, être turlupiner !!!


  Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert