vendredi 30 août 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901 - RETOUR EN ARRIERE...








Petit retour en arrière....
Avril 1902 – une histoire parallèle .... Leca et ses lieutenants dans une autre affaire.

Pendant le procès de Manda, nous avons appris que Leca s’était réfugié en Belgique.
Mais pourquoi cette fuite hors des frontières de France ?
Pour échapper à la police ?
Assurément, mais pour le savoir, il nous faut remonter au mois d’avril 1902.

En cette fin de soirée du 15 avril 1902, Leca et deux de ses lieutenants, Magnin et Erbs, passaient paisiblement, mais toujours sur leur garde ou en quête d’un mauvais coup, dans la rue des Ormeaux. Il devait être sur les dix heures du soir.
Soudain, le hasard étant curieux parfois, à l’angle de la rue d’Avron et des Ormeaux, ils aperçurent, Rose Jager, une ancienne maîtresse de Erbs, en grande conversation avec un homme qu’ils ne connaissaient pas.

Erbs pensa de suite qu’il ne pouvait s’agir que d’un homme appartenant à la bande adverse, celle de Manda. Il s’approcha alors du couple et, sans demander d’explication, sermonna la Rose Jager assez violemment, avant de s’en prendre à l’homme, sortant son revolver et faisant feu sur celui-ci qui détala comme un lièvre. Erbs s’élança à sa poursuite, mais ne parvenant à le rejoindre, il fit demi-tour et vint, de fort méchante humeur, rejoindre ses deux compères qui se tenaient devant la porte du débit de vin du sieur Guedeney, au 24 rue d’Avron, dans lequel Koch, de la bande à Manda, se trouvait, attablé au fond de la salle.


Les trois amis, Leca et ses deux acolytes, négociaient avec le propriétaire des lieux, l’entrée dans le commerce, mais le limonadier qui connaissait bien les lascars, craignant une bagarre qui lui aurait coûté bien cher en casse, s’y refusait avec obstination.
Le ton monta, s’envenima, pour s’achever en insultes et bousculades. Une belle pagaille !

Erbs, notamment, énervé de n’avoir pu assouvir sa colère sur l’inconnu entrevu quelques instants auparavant avec la Rose, menaça de mort le sieur Guedeney et mettant immédiatement sa menace à exécution, sortit son arme, la pointa sur le  mastroquet et fit feu.


Par chance, la balle s’égara quelque part dans un mur. Mais lequel ?   
Koch, sentant le vent tourner en sa défaveur, préféra jouer les filles de l’air en s’éclipsant par une porte dérobée donnant dans la cour, derrière le débit de vin. Mieux valait être prudent !
Refoulés définitivement  du commerce et voyant que Koch avait profité de l’altercation pour s’enfuir, les trois hommes, de plus en plus belliqueux, se mirent, en vain, à la recherche de celui-ci, une bonne partie de la nuit, ce qui renforça leur rogne.

La nuit porte conseil, dit-on, mais le dicton ne précise pas s’il s’agit de bons ou mauvais conseils. En l’occurrence, concernant nos trois voyous, ils se révélèrent plutôt néfastes, car dès leur réveil, ils reprirent leur chasse à l’homme.
Mais Koch, la veille au soir, avait porté plainte au commissariat du quartier et s’était, dès le lever du jour,  mis en quête de la planque de ses adversaires, accompagné de Voiry et Guedenay.
Ce furent donc deux groupes de trois hommes, deux trios infernaux, qui ratissèrent le pavé.
Ce qui devait arriver arriva, une rencontre inévitable en début d’après-midi, au détour de la rue de Montreuil et du boulevard Voltaire.
Que se passa-t-il alors ?
Chacun, arme au poing, tira.....
Quelle fusillade et les balles ne furent pas perdues pour tout de monde !
Si les passants, fuyant en hurlant de terreur, furent miraculeusement indemnes,  il n’en fut pas de même pour les vitrines des magasins, les vitres des tramways et celles des réverbères.

Peruignot, le marchand de vin, au 74 de la rue de Montreuil, eut juste le temps de s’aplatir sous le comptoir, au moment où la vitrine de son commerce volait en éclats.
La boulangerie Gournet, ayant pignon sur rue au 249 boulevard Voltaire, échappa au pire. Une balle passa entre la bonne  du boulanger et la porteuse de pain. Il s’en était fallu d’un centimètre.
La vitrine du débit de vin du sieur Crognet, fut brisée également.



Du côté des malfrats, il y eut beaucoup plus de dégâts.
Koch reçut deux balles. La première l’atteignit à l’oreille gauche et la seconde au bas-ventre. Leca fut touché à la poitrine d’une balle provenant de l’arme de Voiry.
Devant ce déferlement de violence, la police arriva en grand renfort pour mettre fin à ce carnage. Tout ce beau monde fut arrêté et conduit au poste le plus proche.
Tous ! Pas vraiment. Erbs et Leca avaient réussi, grâce à la pagaille générée par l’échauffourée, à prendre la fuite. Direction la Belgique.

Sur le chemin du commissariat, Koch qui avait gardé son couteau, trompant la vigilance des agents de la sûreté,  en profita pour planter son arme entre les deux omoplates de Magnin, lui perforant un poumon. Le blessé fut, immédiatement, dirigé vers l’hôpital Saint-Antoine, tout proche.

Les premiers interrogatoires commencèrent......

...................A suivre.......................



jeudi 29 août 2019

HISTOIRE VRAIE - ELBEUF SUR SEINE - 1911






Incendie en pleine nuit.
Février 1911



En rentrant chez lui à une heure avancée, dans la nuit du dimanche 26 au lundi 27 février, Jules Veret[1]  perçut, en passant sur la place du Coq, une lueur qui attira son attention.
Instinctivement, il leva les yeux vers le haut de la façade du magasin « A Sainte Marie », là où lui semblait provenir cette clarté. Son cœur se glaça et il mit quelques secondes à réaliser qu’elle provenait d’un début d’incendie dans les combes du magasin où étaient entreposées les réserves.
Malgré la fatigue de sa longue journée, il se précipita vers la caserne des pompiers située dans la cour de la poste.
Tout alla alors très vite. D’ailleurs il n’y avait pas de temps à perdre, car déjà à l’arrivée d’une première équipe de pompiers, dirigée par le capitaine Martin, la toiture de l’immeuble était déjà embrasée.      
Pour faire face à ce sinistre, un  matériel conséquent fut déployé. Non seulement, il fallait circonscrire le foyer incendiaire, mais également préserver les commerces et habitations mitoyens.   
Quelle batterie !  
Quatre lances à incendie, rue du Coq.
Le même nombre à l’angle de la rue de la République et du Centre.
Trois autres à l’angle des rues de la Nation et Jacquard.

Pendant que les hommes du service d’incendie menaient une bataille acharnée, le receveur principal des postes, Monsieur Delacour, appelait la caserne de Caudebec-lès-Elbeuf, afin de demander du renfort.     

Déjà un attroupement de curieux que les agents de la sécurité de la ville avaient bien du mal à maîtriser grossissait aux abords du sinistre.
Malgré les recommandations de prudence, souhaitant voir avant les autres, certains s’approchaient dangereusement, poussés par une curiosité quelque peu déplacée.
« N’approchez-pas ! L’endroit est dangereux !
-          Reculez ! Vous gênez les secours !   

Rien n’y faisait.  Les yeux rivés sur les flammes, tous ces badauds réveillés en plein sommeil voulaient être là, aux premières loges, comme au spectacle. Les commentaires allaient bon train.


Le lieu de départ du feu, le magasin « A Sainte Marie », appartenait à monsieur Fayette. Ce grand magasin prospère employait trente personnes qui allaient, en raison de cette catastrophe, se retrouver sans emploi.
Faisant partie d’un bloc commercial, à ses côtés, se situaient d’autres magasins, comme la pâtisserie Rouen que les flammes dévoraient avec appétit, mais bien moins goulûment que le magasin de vannerie de Mademoiselle Vivien contigu à la pâtisserie. Il était vrai que ce second endroit comptait matière à embrasement.

Le débit de Madame Lebret ne fut pas épargné non plus.
Plus le brasier s’étalait, plus il montait en intensité.
Les flammes, pourtant, furent maîtrisées avant de s’étendre au magasin de mode de mademoiselle Lemoine.

Les sapeurs-pompiers se démenaient. Il fallait faire la part du feu, aussi percèrent-ils des trous dans le mur d’un immeuble mitoyen, appartenant à Madame Houiller, pour stopper l’avancée du feu de ce côté.

Vers une heure du matin, l’équipe de Caudebec-lès-Elbeuf, sous le commandement du capitaine Albert Vaas[2], installa trois lances dans la cour du bureau de bienfaisance.

C’était devenu une vision apocalyptique. Des flammes et bouquets d’étincelles engendrés par la chute des étages et de pans de mur auréolaient le spectre des maisons torturées. Un bruit infernal produit par le crépitement et les explosions des divers matériaux, par l’éclatement des vitres, auxquels s’ajoutaient les cris, pleurs et lamentations de la foule et surtout des habitants des lieux qui, au fur et à mesure de l’amplitude que prenait le sinistre, avaient émergé de leur sidération et réalisaient l’étendue de leur malheur.

Sur place, plus que jamais pour maintenir l’ordre et la sécurité :
·         Les gendarmes sous le commandement du Lieutenant Garnier.
·         Les troupes, sous les ordres du commandant Guery.
·         Les agents de sécurité, avec à leur tête Monsieur Léon, commissaire de Police.

« Mais je ne vois pas monsieur le Maire ? dit une femme en chemise de nuit, en scrutant alentour les officiels présents.
-          C’est vrai ça ! rétorqua une autre, où c’est qu’il est !
-          Y parait qu’on est parti le chercher chez lui, mais qu’il n’a pas répondu, ajouta une troisième qui semblait bien renseignée.

En effet, dès le début de ce désastre, quelqu’un était allé quérir le premier magistrat d’Elbeuf, comme il se devait. Il avait carillonné à la porte, mais personne n’avait répondu. Dans son premier sommeil, Monsieur Charles Mouchel[3], n’avait rien entendu.
Il en fut d’ailleurs bien désolé et alla présenter ses excuses aux sinistrés, dès le lendemain matin.
Cette absence fut remarquée et largement critiquée par l’opposition, bien évidemment.


Un peu après une heure du matin, un hurlement mit la foule en émoi :
« Sauve qui peut ! »
La fin de cet avertissement se noya dans le fracas de la chute d’une grande partie de la façade bordant la rue de la République.
Dans sa chute, le mur renversa un lourd pylône électrique en fonte. Crépitements, étincelles, puis tout le nord et l’ouest de la ville d’Elbeuf plongèrent dans le noir. Une terrible déflagration, ensuite, due à l’explosion d’un compteur à gaz.
Un enchaînement dramatique qui se poursuivit par l’affaissement de murs dont les pierres avaient été chauffées ardemment, créant un mouvement de panique dans la foule dont les yeux rivés sur cette incroyable catastrophe,  observaient la façade de l’immeuble osciller dangereusement, comme prise de convulsions sous la morsure du feu.
Un tableau aux nombreux rebondissements sorti tout droit de l’enfer et qui était loin de s’achever, comme purent le constater les personnes présentes, car ....
Un pompier, Albert Auvrard, n’écoutant que son courage et faisant fi de tout danger, sauta sur l’appui d’une fenêtre du rez-de-chaussée armé d’une hache avec laquelle il se mit à défoncer volets et cloisons afin d’opérer une ouverture permettant de noyer les décombres pour étouffer le feu à sa base. Voyant les pierres du mur se désolidariser, il sauta à l’intérieur de l’immeuble avant que la façade ne s’abatte sur la chaussée de la rue de la République.
Hurlements !
Frissons de terreur !
Silence pesant dans la foule !
Albert Auvrard ne pouvait qu’avoir péri écrasé sous l’amas des blocs de pierre incandescents. Son corps serait retrouvé noirci et méconnaissable dans les ruines encore fumantes.
Hourras de victoire !
Applaudissements de soulagement !
Le héros du feu venait de réapparaître dans le vide et l’absence totale du mur, indemne bien qu’un peu sonné par le fracas de l’effondrement.

Vers les trois heures du matin, le feu sembla perdre de son intensité. Bref répit. Des flammes jaillirent avec violence par la toiture du débit de Madame Lebret. Par chance, elles furent maîtrisées rapidement.

Une heure plus tard, le spectacle s’achevait enfin ! Les curieux s’en allèrent se remettre au lit, en commentant ce qui venait de se produire.
Quant aux pompiers, après leur combat démentiel, commençaient, pour eux à présent, de longues heures de surveillance. Il fallait éviter que quelques braises couvant sournoisement ne reprennent de l’ampleur.

Une surveillance qui ne fut pas de tout repos en raison de fortes bourrasques de vent provoquant de   nombreuses reprises de feu, comme notamment vers les cinq heures du matin, au premier étage du 81 rue de la Nation, dans l’appartement de Madame Lebret, ainsi qu’au premier étage de la maison de Mademoiselle Vivien.
Attention extrême et précieuse aussi, lorsque le grand mur du bâtiment incendié, d’une hauteur de quatre étages, donnant sur la cour de Monsieur Rouen, qui, en s’affaissant, endommagea le mur mitoyen de la propriété de Madame Veuve Houlier.
Et encore, lorsque qu’il fallut intervenir sur cette conduite de gaz en plomb d’un diamètre de quarante millimètres, qu’un sapeur dut aller écraser sous un mètre d’eau dans le sous-sol de l’immeuble.
Et puis aussi, une grande vigilance, en raison des va-et-vient des badauds, venant constater le résultat du sinistre.

 
Un lourd bilan.
Huit cents mètres-carrés de surface complètement anéantis, laissant un amoncellement de poutres noircies, barres métalliques, pierres calcinées, objets informes....
Des dégâts dont la première estimation s’élevait à sept-cent-mille francs, mais qui pourraient se révéler être bien au-delà de cette somme.



Mais par chance, aucune victime !
Un vrai miracle !
Deux pompiers, toutefois, Messieurs Vassout et Albert Auvrard eurent quelques contusions, mais l’examen du docteur Grosclaude[4] ne décela rien de grave. Ils furent soignés par monsieur Neveu, pharmacien à Elbeuf.
A déplorer le malaise de monsieur Fayette, propriétaire du magasin « A Sainte-Marie », qui fut ramené chez lui où il garda le lit plusieurs jours.

Un constat
Cet épisode dramatique fut l’occasion de voir l’utilité de la grande échelle acquise en juillet 1910 et affirma  la nécessité de doter cette ville industrielle d’une pompe à vapeur.

A déplorer.....
Le mauvais état du matériel des pompiers dont beaucoup de tuyaux, percés, laissaient échapper l’eau, privant les lances d’une pression indispensable.
La suppression de la sonnerie de clairon avertissant la population en cas de danger. Avec cette sonnerie Mademoiselle Vivien, chez son neveu à deux cents mètres de son domicile, alertée, aurait pu sauver quelques papiers utiles avant que son logement ne parte en fumée et monsieur le Maire aurait été efficacement réveillé.

Mais avec des « SI », ne referions-nous pas le monde !!










Texte écrit à partir d’un article découvert dans
« le journal de Rouen »,   
en date des 27 et 28 février et 1er mars 1911.
Illustrations : « Mémoire en Images » - Elbeuf - Des évènements et des hommes – tome 2 de Pierre Largesse – Editions Alan Sutton – septembre 2006


[1] Jules Raymond Veret – mécanicien – né le 14 juillet 1878 à Elbeuf – habitait 10 rue des Moulins à Elbeuf.
[2] Louis Albert Vaas – né le 30 juin 1872 à Caudebec-lès-Elbeuf.
[3] Charles Mouchel né le 4 février 1855 à Elbeuf. Après être entré dans l'industrie avec son père, il se consacre à l'enseignement (professeur de mathématiques à la Société industrielle et au Petit Lycée). Élu conseiller municipal en 1892, il est nommé maire d'Elbeuf le 17 octobre 1894. Aux élections législatives de 1910, il est élu député au second tour, inscrit au groupe des Républicains socialistes. Il se suicide dans sa mairie d'Elbeuf le 22 octobre 1911.
 [4]  Victor Alphonse Grosclaude né le 24 août 1845 (Besançon) - Décédé le 8 février 1917 –(Elbeuf).


mercredi 28 août 2019

Brimbaler... Bringuebaler... Brinquebaler....




Ce fut d’abord « brinbaler », vers 1440-1442, un verbe formé avec le croisement du latin « ballare », sauter (donnant « baller », danser) et de « brimber », en français, « mendier », avec une idée de vagabonder, s’agiter.
L’orthographe du mot évolua, vous vous en doutez :
·         Bringuebaler : 1835
·         Brinquebaler : 1853

Avant d’en arriver là, ce verbe subit l’influence d’un autre verbe : « trinqueballer », action de balancer les cloches (1534) à cette époque où il fallait, au sonneur, tirer sur une longue corde pour actionner le battant d’une cloche ; et l’altération de « triballer » qui en 1532, se disait pour « aller ça-et-là » (« aller ça-et-là », un rapport certain avec le « va-et-vient des cloches » ) et qui aboutit à « trimballer ».

Vers 1450, un « triqueballe » désignait un chariot, mais également un instrument de torture.
Quel lien entre ce véhicule de transport et l’instrument en question ? Je ne pourrais le dire n’ayant aucune information sur le supplice qu’il infligeait.

Le mot « brimbaler », par extension, signifia « s’agiter », en 1544, décrivant surtout le mouvement des cloches. Le langage moderne attribue aujourd’hui le sens de « se balancer – osciller – secouer ».

Nous retrouvons, bien évidemment, tout une déclinaison d’autres mots :
·         Un brimbalement, action de brimbaler (1564). Nom qui n’est plus usité, mais remplacé par un bringuebalement, et cela depuis 1948.
·         Une brimbale, en usage avant 1593, nommant un objet qui s’agite, tels les grelots ou les clochettes. Un siècle plus tard, ce nom fut attribué à un levier servant à actionner le piston d’une pompe à eau.
·         Brimbant, participe présent, fut remplacé, au XXème siècle, par « bringuebant ».
·         Quant à l’adjectif « brinquebalante (e) », il qualifie tout ce qui oscille ou s’agite.


La prochaine fois, je choisirai un mot moins remuant..... celui-ci m’a réellement donné le tournis !

jeudi 22 août 2019

J'AI DEUX MOTS A VOUS DIRE ....


Faites-vous de temps à autre du barouf ?

Il était fait du « barouf » ou « baroufle », depuis 1861.

Ce barouf, en ces temps lointains (enfin, pas si lointains que cela), déambulait dans les ports méditerranéens, sous la forme de « baroufa ». Il s’agissait d’une dispute, d’une querelle, puis ensuite l’action de se disputer, de se quereller.
Vous ne serez pas étonnés, si je vous précise que ce « barouf » vient du terme italien « baruffa » (XIVème siècle)  qui se traduisait par « procès -  querelle confuse ».

Le mot quitta les prétoires et passa dans le langage courant, voire argotique, endossant la notion de « tapage – bruit intense », notamment dans la locution : « Faire du barouf ».

Attention, surtout pas après 22 heures !


-=-=-=-=-=-


Allez, aujourd’hui, je suis généreuse........

Voici un autre mot, proche phonétiquement de « Barouf », puisque je vais vous parler d’un baroud.

Ce nom est très récent, puisqu’il est apparu en 1924 dans notre langage, mais avant.......
Ce mot fut emprunté au dialecte berbère du sud marocain, sous la forme de « barud ».
Barud : la poudre explosive.
Petite parenthèse :
On pourrait d’ailleurs dire que le « barud », faisait un sacré barouf, lorsqu’on l’allumait!

Mais, revenons à notre « Barud ».
Ce mot nous arriva via la légion étrangère et les légionnaires l’employaient pour désigner « un combat – une bagarre ».

Un baroud donne le verbe « barouder » et le nom « baroudeur ».
Si dans la légion étrangère, il a peut-être gardé ce sens, il a légèrement changé en ce qui nous concerne.
Un baroudeur n’est pas spécialement un combattant, un bagarreur, mais plus un aventurier, ne refusant pas, toutefois, quelques rencontres musclées au passage.



Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert
'A

mercredi 21 août 2019

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901 - CASQUE D'OR A LA BARRE



30 mai 1902 – Cour d’Assises de la Seine – le procès
Et voilà qu’apparait..... Casque d’or !


Et la voilà qui arriva, encadrée par deux gendarmes[1], pâle et très émue, vêtue d’un costume vert avec des revers gris et dont la chevelure était surmontée d’un chapeau noir qui ne manquait pas de cachet.
Le silence s’était fait dans la salle d’audience et tous les regards étaient rivés sur la jeune femme. Ceux des hommes, mais surtout ceux des femmes qui cherchaient ce qui, en cette Amélie qui leur semblait bien ordinaire, pouvait attirer la convoitise des hommes au point de les inciter au meurtre.
En effet, ce n’était pas une beauté. Des lèvres très rouges, des yeux immenses que l’on pouvait qualifier de « Boopis », qu’elle peignait outrageusement. Et puis, elle n’avait pas tant de cheveux qu’on le prétendait. Elle les ébouriffait et les faisait bouffer, les ramenant très bas sur son front. Mais elle avait ce petit air canaille qui faisait dire d’elle, qu’elle avait « du chien ».
Elle s’avança et se tint devant la Cour, mince, déhanchée, visiblement sans corset, puis s’appuya à la barre, non sans fierté d’être ainsi le point de mire de toute l’assemblée, pensant : « Si je reviens demain, je me mettrai sur mon trente et un et les épaterai. »
Elle déclina son identité, avec un fort accent du bas-faubourg de Belleville.
Elle se nommait Amélie Elie, née le 3 juillet 1875 à Orléans, fille de Gustave Jean Elie et Marie Louise Delacourtie. Agée de vingt-deux ans, elle exerçait le métier de fleuriste.
«  On vous désigne aussi sous le surnom de Casque d’or, précisa le président.
-          J’ai jamais été appelée ainsi, c’est une invention de Dieu sait qui ! démentit la jeune femme.

Elle expliqua qu’elle avait vécu presque quatre années avec Joseph Pleigneur, mais se défendit de lui avoir donné de l’argent pour vivre, indiquant toutefois :
«  J’ai donné de l’argent à Manda que quand il était en prison, pour son tabac. C’est tout ! »

Concernant sa rupture avec le dit Manda, ce n’était que pure vengeance :
« L’an dernier, mon homme m’a trompée avec la fille Van Maël, la femme à Leca. Alors, j’ lui ai rendu la monnaie d’ sa pièce. Voilà tout !
-          Vous n’aviez pas de sentiment pour le dénommé Leca,  s’enquit le Président.
-          Bah ! Les sentiments, vous savez, ça va, ça vient.....
-          Bon poursuivons, enchaîna le président, et passons aux évènements. Lors de vos différentes dépositions, vous avez affirmé que votre ancien amant, Joseph Pleigneur, était l’auteur de toutes les agressions et qu’il avait toujours attaqué le premier.
-          C’est qu’ c’est pas tout à fait ça. C’est Leca qui le 30 décembre avait tiré le premier....
-          Vous revenez donc sur votre déposition ? Précédemment, vous affirmiez le contraire. Pourquoi ce changement de version ?
-          J’ai menti devant l’ juge. Aujourd’hui, je dis la vérité parce que j’ai prêté serment.
-          Vous ne l’aviez donc pas fait lors des interrogatoires devant le juge d’instruction ?
-          Non, fit la fille Casque d’or, portant un regard plein de douceur sur Manda.
-          Le jury appréciera, conclut le président.

A ce moment personne, ici présent, n’était dupe. La fille Elie jouait double-jeu, sans doute par peur des représailles.
Dans ce milieu valait mieux se trouver du côté du plus fort.

Rien d’extraordinaire ne sortit de ce témoignage. Le public se vit fortement déçu, pensant assister à un vaudeville de qualité.
En fait, ce n’était qu’une histoire bien banale............ Pas de quoi fouetter un chat.

Le verdict fut rapidement rendu et Joseph Pleigneur dit Manda  fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Cette peine prenait en compte les deux tentatives de meurtre commises le 20 décembre 1901 et le 9 janvier 1902.
Manda fit appel, mais celui-ci fut rejeté,   le 28 juin 1902.
Une année plus tard, le 12 juin 1903, il embarquait sur la « Loire » à destination de la Guyane où il reçut le numéro matricule 32776.
Son dossier fait état de nombreuses condamnations au sein du bagne. Sa conduite fut qualifiée de « médiocre » et lui, Manda[2], signalé comme « très dangereux ».
Les conditions de vie dans ces lieux n’étaient pas faites pour adoucir le caractère. Pour survivre, il fallait « se montrer » face aux autres détenus, tout comme dans les bandes des banlieues.

Laissons Manda voguer vers la Guyane et revenons à Paris pour y retrouver Dominique François Eugène Leca et Casque d’or.





[1] Amélie Hélie, incarcérée depuis quelques jours à la prison de Saint-Lazare pour vol.
[2] Joseph Pleigneur, fils de Louis Philipe Pleigneur et Jeanne Hugen, décéda à Saint-Laurent-du Maroni, le 20 février 1936.

jeudi 15 août 2019

le chambardement !


Voulez-vous voir un grand chambardement ?


Le verbe « chambarder » connut, comme beaucoup d’autres mots, une évolution orthographique au cours du XIXème siècle, avant de connaître sa forme définitive, enfin celle que nous utilisons aujourd’hui...
Ce fut d’abord « Chamberder », puis « Chamberter ».

D’où vient ce mot ?
Difficile à dire, car son origine reste obscure.

Il se serait introduit par l’argot des marins avec le sens de « briser – renverser – abattre..... ».
Les marins mettant parfois pied à terre, le mot colporté hors des navires, fut employé dans le langage familier pour : « mettre sens dessus-dessous » (1881).

Un chambardement était utilisé  dans :
·         L’argot militaire depuis 1855
·         Dans l’argot politique depuis 1881

Un chambardeur chambardeur chambarde. Une chambardeuse chambardeuse, également !!
Non, je ne bégaie pas, le mot « chambardeur et son féminin, chambardeuse » peuvent être nom et adjectif.
Cette phrase, « Un chambardeur chambardeur chambarde. Une chambardeuse chambardeuse, également !! », décrit donc un immense chambardement tapageur et excessif!

« Chambardement » possède de nombreux synonymes, tel « un chambard » - diminutif du mot chambardement d’ailleurs – que les élèves de l’école Polytechnique utilisaient pour désigner le « chahut ».
Le chahut des autres, il va sans dire, pas le leur bien évidemment......

De chahut, en chambard, en passant par la bataille de polochon dans les dortoirs, ou encore quelques fêtes arrosées (oui, oui, il y en avait !!), tout ce monde estudiantin chamboulait !

Chambouler ?
Ce verbe avait, à l’origine (1807), la signification de « chanceler – tituber comme un homme ivre » (c’est peut-être là, la conséquence les soirées arrosées). Ce ne fut qu’au début  du siècle suivant, le XIXème siècle donc, que le mot prit le sens de « bouleverser – mettre sens dessus-dessous ». De là.... lorsqu’on chamboule, en découle un chamboulement.
Quel bazar !!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901 - le procès de Manda



30 mai 1902 – Cour d’Assises de la Seine – le procès
A chacun sa vérité... je vous laisse juge !


La salle d’audience bien que bondée, on se bousculait encore pour entrer. Les forces de l’ordre repoussaient le flux  des personnes tenant absolument à entrer. On voulait entendre. On voulait voir.
Cette frénésie s’expliquait par les nombreux articles de presse étalés dans les divers journaux depuis plusieurs mois, décrivant avec force détails les accrochages, les rixes, les tentatives de meurtres et le sang qui coulait, entre deux bandes rivales.
Une vraie publicité journalistique qui avait fait de ces délinquants de petites zones, de ces petites frappes ne payant pourtant pas de mine, des héros aux exploits fabuleux et tout cela pour « l’amour d’une belle blonde », qu’un journaliste inspiré avait baptisée « Casque d’or », tout comme il avait nommé  ces mauvais garçons, les « Apaches », en raison de leurs ruses rappelant celle de ces Indiens d’Amérique du Nord.
Un véritable « roman à l’eau de rose », mais qui lors du procès ne se révéla, malheureusement, pas à la hauteur de cette publicité, surtout pour les jeunes femmes qui rêvaient, en douce, se voir être l’enjeu de tant d’amour !
Egalement dans le public, des dames de la « haute bourgeoisie », en toilettes printanières se pressaient, bataillaient même, pour être assises à la meilleure place, pour voir, savoir. Une manière de s’encanailler en toute légalité, sans doute.
Tous les regards se tournaient vers le box des accusés, dans lequel trois hommes comparaissaient sous l’accusation de tentative d’homicide.

Il y avait donc là :
Joseph Pleigneur dit Manda, vingt-six ans, la terreur de Belleville dénommé ainsi dans le 20ème arrondissement de Paris, mais qui n’avait rien pour faire frémir.
Trapu, d’une grande laideur, il possédait une tête volumineuse bombée par derrière, un nez écrasé, une mâchoire inférieure proéminente, des yeux petits et ronds.
Pour l’occasion il s’était correctement vêtu d’un complet veston gris-clair et d’une chemise à col blanc cassé aux angles.
Il avait connu la maison de correction jusqu’à sa majorité, ce qui ne l’avait pas raisonné pour autant puisqu’il avait effectué, depuis, de nombreux mois de prison.
Louis Heil, âgé de vingt-et-un ans, avait le même passé que Joseph Pleigneur, ayant, lui aussi, séjourné dans « une école pénitentiaire » jusqu’à sa majorité.
C’était un gros gaillard, court, rond, imberbe, avec un air plutôt doux.
Maurice Ponsart, dit le Petit Rouquin. Agé de vingt ans, il n’avait aucun antécédent judiciaire et comparaissait pour la première fois devant un tribunal.
Un garçon très pâle, imberbe, des cheveux roux-fauve qui lui avaient valu son sobriquet de Petit-Rouquin. On lui aurait donné le « Bon Dieu sans confession », mais certains ne se privaient pas d’affirmer qu’il aurait fait mourir sa mère de chagrin.

L’audience débuta à midi, présidée par Monsieur le Conseiller Chérot. Le Ministère Public était représenté par l’avocat général Trouant-Riolle.
Les avocats de la défense, au nombre de trois, se nommaient Maîtres Belley, Salmon et Lavigerie.

Le Président Chérot demanda aux accusés de décliner leur identité, puis énonça les faits avant de procéder aux interrogatoires.
Le premier mis sur la sellette, fut Joseph Pleigneur et la première question concernait ses moyens d’existence et notamment certains, voire la totalité, de ses revenus qui lui viendraient de la fille  Elie.
Joseph Pleigneur s’insurgea aux insinuations du président.
Non, il n’était pas un souteneur, il avait un métier, polisseur sur métaux, même si il se trouvait de temps à autre au chômage.
« l’Amélie  me donnait parfois vingt sous, pour mon tabac. Rien de plus. C’est  pourtant pas défendu de vivre avec une fille ! »
A cela le président rétorqua, non sans humour :
« Non, ce qui est défendu, c’est de recevoir son argent. Si il fallait poursuivre tous ceux qui vivent avec des filles, ce ne serait pas possible, il y en aurait trop ! »
Après cette remarque qui souleva quelques rires dans la salle, le président Chérot poursuivit :
« Sur les quatre années pendant lesquelles vous viviez, vous et mademoiselle Elie, en couple, vous n’avez travaillé que deux ans. Ne niez pas ! Votre maîtresse payait votre loyer et vous donnait de l’argent.
-          Oh, par exemple ! s’exclama Manda, elle aura pas le toupet de le dire devant moi ! j’ai resté quatre ans avec elle. J’ lui ai seulement jamais porté une seule fois la main d’ssus. C’est des racontars de Leca qui m’en veut.
-          C’est plutôt vous qui lui en voulez d’avoir pris votre maîtresse.
-          J’ai jamais eu de jalousie pour la fille Elie.
-          Oh, je ne parle pas de jalousie ! Mais en vous enlevant votre maîtresse, il vous enlevait votre soutien.
-          Je travaillais. Elle m’a peut-être prêté quelquefois vingt sous, quarante sous, pour acheter du tabac, mais pas pour m’ nourrir.

L’interrogatoire porta ensuite sur l’agression du 30 décembre, rue Popincourt.
Joseph Pleigneur démentit avoir commencé le premier, comme il l’avait déjà raconté le 13 février dernier, au juge d’instruction Le Poittevin.
Il ne varia pas d’un mot. Leca avait tiré un coup de revolver qui ne l’atteint pas, précisant :
« C’est alors que je lui ai porté un coup à la tête, sans lui faire grand mal d’ailleurs.
-          Des témoins affirment le contraire. Ils vous accusent formellement bien que Leca soit revenu sur ses accusations. Pourquoi ? Par crainte ? Nous l’ignorons !

Le président prit une feuille sur son bureau et s’adressant à l’accusé :
«  J’ai là le rapport du docteur Socquet qui a examiné la blessure de ..... Leca après l’agression. Ce rapport affirme que le coup porté à la nuque était un coup de couteau.
-          Un coup de couteau ! s’exclama Manda. Ça c’est la meilleure ! C’est avec une clef que j’ l’ai frappé.
-          A la suite de cette agression, Leca a déménagé, rue Godefroy Cavaignac où vous êtes venu le relancer. Vous avez d’ailleurs fait usage de votre arme à feu.
-          Si j’y suis allé, c’est que l’ Leca m’avait écrit. Il voulait m’ parler. Alors j’y suis allé. Mais pas d’ coup de revolver. C’est c’ jour-là que l’ Leca m’a dit : « C’est maintenant entre nous un duel à mort », j’ lui ai répondu : « C’est accepté. Comme tu voudras ! »

Puis, le président en vint à la tentative de meurtre du 9 janvier 1902.
Manda précisa :
« Leca est un homme qui attaque tout le temps, un être malfaisant. Il a le vice du revolver dans l’ sang. »
A cela, il lui fut répondu par le président :
« Enfin, à toutes les bagarres où Leca a été blessé[1], vous étiez présent. Vous le reconnaissez ?
-          Oh, j’ sais bien. J’ai tout contre moi. L’opinion publique est contre moi. Les circonstances sont contre moi. Leca m’a pris une femme que j’avais eu quatre ans et j’étais là quand on l’a poignardé, seulement, c’est pas moi ! Je n’ai jamais eu de haine contre Leca. Certes les apparences sont contre moi, mais je suis innocent. Telle est la vérité.
-          Leca se croyant alors mourant a tout de même révélé à son père que c’était vous qui l’aviez frappé. Un mourant ne peut mentir.
A la dernière réplique du Président, manda répondit, sans sourciller :
« Leca avait menti plusieurs fois, alors pourquoi pas aussi cette fois-ci. D’ailleurs, Leca, il a été arrêté en Belgique pour tentative de meurtre[2]. C’est donc un individu malfaisant. Rien d’étonnant à ce qu’il ait voulu se venger de moi en m’accusant.

Le président procéda ensuite à l’interrogatoire des deux autres prévenus, Heil et Ponsart.
Les réponses qu’il obtint n’apportèrent rien de précis pouvant éclairer les circonstances des faits.
Heil eut le même système de défense que son chef. Ce n’était pas lui. Il n’était au courant de rien.
Ponsart non plus ne savait rien et n’avait rien fait d’ailleurs. N’avait-il pas, lui-même été blessé d’une balle dans le dos :
« Oui, moi qui ne ferais pas de mal à qui que ce soit, qui n’a rien à se reprocher. Je suis blessé et par-dessus le marché, arrêté ! C’est à n’y rien comprendre ! déclara-t-il d’un ton indigné.

Il ne restait plus qu’une seule personne à faire venir à la barre.
Elle était très attendue d’ailleurs.
N’était-ce pas pour elle qu’autant de monde s’était déplacé ?


.........................  à suivre  ...................



[1] Evocation de l’attaque de la rue d’Avron : Leca blessé de deux balles de  et transporté à l’hôpital Tenon – Tentative d’assassinat de la rue de Bagnolet, pour laquelle les trois hommes comparaissaient.
[2] Leca s’était réfugié en Belgique. Voilà pourquoi il n’avait pas plus être entendu comme témoin lors du procès de Manda. Nous verrons pourquoi il était recherché par la police un peu plus avant dans le récit.