jeudi 26 septembre 2019







HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901

Epilogue
Casque d’Or après Manda et Leca
La fin de l’histoire



Amélie Elie resta « Casque d’or »  et devint la vedette de la Belle Epoque.
On ne parlait que d’elle et son histoire fit l’objet de chansons et de pièces de théâtre.
Entraînée dans ce glorieux tourbillon, Casque d’or se mit à écrire ses mémoires.
« Mes jours et mes nuits » 
- Mémoires de Casque d’or racontés par elle-même –
publiés par  Henri Frémont[1].
Pendant cette période, tout lui sourit et elle eut de riches amants.

Puis, peu à peu, Casque d’or tomba dans l’oubli et comme elle devait subvenir à ses besoins, elle accepta de travailler dans un cirque, comme dompteuse.

Si, Casque d’or redevenait l’anonyme Amélie Elie pour les médias, un certain « apache » de la bande à Manda lui avait gardé une farouche rancœur.
Un soir, après une représentation, un homme guettait. Tapi dans l’ombre, une casquette rabattue sur les yeux, il attendait la traîtresse responsable de la condamnation de Manda, serrant dans sa main un couteau. Lorsqu’il aperçut la jeune femme, il se rua sur elle, la poignardant avec force, avant de s’enfuir.
Par ce geste, Le Rouget[2], ancien lieutenant de Manda, venait de venger son chef.
Grièvement blessée, Amélie Elie fut transportée à l’hôpital où elle fit un séjour prolongé suivi d’une longue convalescence.
Lorsqu’elle fut sortie d’affaire, elle avait sombré dans l’oubli. D’ailleurs, le monde avait bien d’autres préoccupations. Grondait, au loin, le son du canon !!

Elle rentra alors dans le rang en épousant, à l’âge de trente-neuf ans, le 27 janvier 1917, André Alexandre Nardin, cordonnier de son état, s’occupant de son ménage et vendant des étoffes et de la bonneterie sur les marchés.
Le couple n’eut pas d’enfants.
Amélie Elie décéda le 16 avril 1933 à Paris, en son domicile au 58 de la rue de la Réunion. Elle avait cinquante-cinq ans.

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Qui était André Alexandre Nardin ?

Sa fiche militaire nous apprend que :

André Alexandre Nardin était né le 6 mai 1894, à Paris, du mariage de Jules Albert Nardin et Julie Alexandre Laforce.
D’une taille moyenne d’un mètre soixante-et-un, il possédait des cheveux châtain-foncé et des yeux marrons.
Il exerçait le métier de chaussonnier et résidait à Bagnolet – 174, avenue du centenaire.

Il fut exempté, puis réformé du service armé, aussi ne participa-t-il pas au conflit de la Grande Guerre.
Raisons médicales, suite à maladie ou accident, car mentionné dans le document :
« Cicatrice d’opération sous le menton et le côté gauche de la figure. Enfoncement de la cage thoracique du côté gauche et perte partielle de trois côtes. »

En 1939, le sieur Nardin demeurait à Bagnolet au 43 de la rue Robespierre.
Le 30 avril 1960, il décédait, au Kremlin-Bicêtre.

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André Alexandre Nardin aurait été veuf et aurait eu quatre enfants de cette première union, enfants que Amélie aurait élevés.
Sur l’acte de mariage Nardin/Elie, en date du 27 février 1917, aucune mention de « veuvage » concernant le futur époux.

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André Alexandre Nardin ne laissa aucune trace derrière lui, ce qui ne fut pas le cas de son épouse dont les amours tumultueuses et sanglantes avaient fait la « une » des journaux pendant de nombreuses années.
Par quel hasard, le passé de Casque d’or ressurgit-il et intéressa-t-il, au point de réapparaitre sur la toile des cinémas de quartier ?

Ce fut en 1952 que sortit le film « Casque d’or », réalisé par Jacques Becker, inspiré de la vie d’Amélie Elie.
L’histoire ne colle pas tout à fait à la réalité, pour des commodités de tournage sans doute, mais que d’acteurs prodigieux !

·   Simone Signoret            :              Marie, dite « Casque d'or »
·   Serge Reggiani                :              Georges dit « Jo » Manda
·   Claude Dauphin             :              Félix Leca

Un film qui remporta un vif succès, car tous les ingrédients y étaient rassemblés pour qu’il soit excellent :
L’amour – les rixes – les mauvais coups ..... Et d’excellents acteurs.

André Alexandre Nardin, toutefois, n’apprécia pas l’étalage qui était fait de la vie de son épouse, aussi déposa-t-il une plainte pour « atteinte à la mémoire d’Amélie Elie ». Il perdit le procès le 5 mai 1952.

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Dans le 20ème arrondissement de Paris, au sud du cimetière du Père-Lachaise, un petit jardin porte le nom de « Jardin de Casque-d’or ». Un endroit calme fait de pelouses, terrasses et placettes créé à la mémoire d’Amélie Elie en 1972.

Que d’hommages pour cette femme modeste que rien n’attirait vers la lumière.



[1] Henri Gaston Frémont,  Journaliste, romancier, Fondateur du journal « le Républicain » et du « Bulletin Meusien ». Né le 29 avril 1869 à Paris 11ème – décédé le 26 juin 1944, sans doute à Verdun.
[2] Malgré des recherches actives, je n’ai pu retrouver dans les articles de journaux cette tentative de meurtre, d’autant plus que j’en ignorais la date.


Etre bouché à l’émeri !

  
Emeri : variété granulaire, très dure, du corindon.

 Petite parenthèse :
Qu’est-ce que c’est que le corindon ?
Le corindon, minéral formé de cristaux de couleur généralement grise, ou transparente. Il est très dur : c'est le deuxième minéral le plus dur connu sur Terre. Grâce à ces propriétés, on utilise le corindon dans l'industrie, notamment comme abrasif, pour polir et poncer les matériaux.

Ce mot, « émeri », est utilisé couramment depuis 1866 et notamment dans : « papier émeri et toile émeri » que nous connaissons et utilisons encore aujourd’hui.

Mais avant aussi, car en 1818, ne parlait-on pas de flacon « bouché à l’émeri » ?
Eh oui, pour adapter parfaitement un bouchon au goulot d’un flacon, il était utilisé de l’émeri, justement.
Ainsi, pas de « petites fuites »......

De là, vers 1897, l’expression, passant dans le langage familier, fut attribuée à un individu particulièrement hermétique du côté cérébral ou complètement borné.
Sympa !!
Sympa, mais très imagé, et  un peu (beaucoup !) réaliste.

Revenant à notre flacon et à son bouchon,
D’émeri découle :
·         Une émeriseuse qui effectue des travaux d’émerisage.
ou encore
·         Une émeriseuse émerise.




Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



mercredi 18 septembre 2019

Cafouillage et bafouillage ..... ne pas confondre.

J’espère ne pas cafouiller !!


« Cafouiller », un verbe d’origine picarde et wallonne, datant de 1740 et qui résulte du croisement de deux verbes : cacher et fouiller.

En se répandant dans le langage familier, « cafouiller » prit le sens de « agir dans le désordre », avec ce petit quelque chose d’inefficacité.
Puis aussi celui de « parler confusément », ce qui le rapprocha de « bafouiller » d’où la confusion entre ces deux mots : cafouillage et bafouillage. 

On peut aussi faire un exposé cafouilleux en bafouillant. Ce qui, à mon avis doit être délicat à suivre.

« Cafouillache », au début du XVIIIème siècle, devenu « Cafouliache », en 1834, désignait de menus objets sans importance.
Au cours du temps, l’évolution orthographique de ce mot prit des aspects surprenants :
Un cafouillis – une cafouillage – une cafouille, mots qui pouvaient être également employés en doublant la première syllabe, donnant ainsi : un cacafouillis – une cacafouillage – une cacaffouille.
Considérant les trois derniers mots, on comprend mieux la confusion avec le mot « bafouillage ».

Un cafouilleur et son amie la cafouilleuse, tous deux cafouilleux, cafouillent abondamment.

Ne me demandez pas de préciser plus avant le sens de cette phrase. Elle cacafouille au point d’en perdre complètement l’idée de base.......

Au fait ?
Je vous parlais de quoi ?

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901 - Après Manda et Leca





Casque d’Or après Manda et Leca


Casque d’Or n’avait pas fini de faire parler d’elle, loin s’en faut.
Elle arpentait toujours la voie publique. Elle fréquentait assidûment les lieux où il était possible de boire et danser et où les rencontres s’avéraient aisées après une ou deux danses, après un ou deux verres.

Le 20 janvier 1903[1], à l’heure où dormaient encore les braves gens, à l’heure où  se lèvaient les ouvriers pour aller gagner péniblement leur existence, Amélie Elie, en compagnie de la fille Schmitt, pénétrait dans le restaurant « l’Ange Gabriel »[2].
Malgré l’heure très matinale, un grand nombre de clients s’y trouvaient encore, depuis la veille au soir. L’alcool avait coulé à flots et quelques consommateurs avaient chaud aux oreilles. Parmi ceux-ci, un homme d’une vingtaine d’années, vêtu d’un costume en velours côtelé et une casquette vissée sur le crâne, aborda les deux femmes.
Visiblement, à sa démarche vacillante, il n’avait pas ingurgité que de l’eau.
D’une voix pâteuse, il lança, le regard rivé sur Amélie :
« C’est toi, Casque d’Or ? Eh bien, mon frère est en prison avec Manda et j’ suis chargé par ce dernier de t’ faire ton affaire. Je vais t’ couper l’ cou. »
Amélie qui ne se laissait pas impressionner facilement, toisa l’individu, haussa les épaules en signe d’indifférence, et acheva son verre en discutant comme si de rien n’était.


Vers les sept heures du matin, les deux femmes décidèrent d’aller voir plus loin. Et pourquoi pas au cabaret « La Belle de nuit » au 18 rue des Halles ? Les voyant sortir, l’homme qui les surveillait leur emboîta le pas jusqu’à leur nouvelle destination. Il semblait être revenu à de meilleures dispositions, car dans le nouvel établissement, il leur offrit une consommation.
Tous trois, la demoiselle Schmitt, Casque d’Or et l’inconnu, discutèrent calmement, comme de vieux amis. Ils firent même quelques pas de danse.
L’altercation semblait avoir été oubliée, jusqu’au moment où, cet homme fortement imbibé d’alcool, demanda à Casque d’Or de le suivre dehors. Seule, bien évidemment.
« Méfiance ! » pensa Casque d’Or, se remémorant les menaces de mort proférées.

Aussi, peu rassurée de se retrouver seule face à lui, refusa-t-elle de le suivre. Ce refus catégorique entraîna aussitôt de la part de l’homme, insultes de toute sorte, à ne pas laisser tomber dans des oreilles chastes. Puis, furieux, il quitta le cabaret, mais ne s’en éloigna pas, attendant la sortie d’Amélie en faisant les cent pas sur le trottoir.

L’esclandre avait interpellé certains clients, tout comme le sommelier du cabaret, le sieur Leroux, un grand gaillard très costaud qui proposa aux deux femmes de les raccompagner, précisant :
« Avec certains soûlards, il vaut mieux être prudent. »
Et en termes de soûlards, étant donné son métier, il devait s’y connaître, le sieur Leroux !

Lorsqu’elles sortirent, Amélie Elie et sa compagne s’engouffrèrent dans un fiacre, avec comme garde du corps, le sommelier.
L’individu, aux aguets, sauta alors dans la voiture juste au moment où celle-ci démarrait, puis sortant un revolver, le braqua sur Casque d’Or, tout en brandissant un poignard de la main gauche. Il vociférait :
«  J’ vais t’ faire la peau, garce ! Et ça, d’ la part à Manda ! »

Leroux saisit les poignets de l’agresseur, et sans trop de difficultés parvint à le maîtriser, juste au moment où le fiacre s’arrêtait devant le poste de police de la rue des Prouvaires.
Heureuse coïncidence ou perspicacité du conducteur du fiacre qui ne souhaitait pas qu’un meurtre se produisît dans le logement de son gagne-pain.    
Voiture arrêtée, la fille Elie ouvrit la portière en toute hâte et s’élança vers le porche de l’immeuble. Dans le petit matin, cinq coups de feu retentirent.
Devant le porche, le gardien en faction, Charles Arnoult[3], essaya d’intercepter le tireur qui fut désarmé. Ce fut alors un corps-à-corps au cours duquel le malfrat réussit à récupérer son poignard.
Malgré l’intervention de marchands se rendant aux halles et qui passaient à ce moment-là, le représentant de l’ordre fut atteint à trois reprises par l’arme blanche : deux coups à la cuisse droite et un coup au-dessus du genou gauche. Blessures non-mortelles, heureusement.

Le commissaire de police affairé dans son bureau au premier étage de l’immeuble, alerté par les cris,  dévala l’escalier et prit livraison de l’homme qui se démenait encore, cherchant à se libérer de l’emprise de ceux qui étaient venus à la rescousse de l’agent Arnoult, en jetant des  coups de pieds en tous sens et hurlant de rage.
Direction la cellule de dégrisement.
Après un temps à l’isolement, le Commissaire de police, procéda à un interrogatoire du violent personnage.
Qui était-il ?

Monsieur Bureau, le commissaire, n’apprit que peu de chose, car l’homme dessaoulé, ayant repris ses esprits, surpris de ce qui lui était reproché, affirma ne se souvenir absolument de rien.
La première question  avait porté sur son identité.
Théophile Léon Alexandre[4], mais on l’appelait Léon. Il demeurait au numéro 43 de la rue du Bagnolet. Il avait vu le jour à Sept-Fonds, le 16 novembre 1879.
« Sept-Fonds ? s’enquit le commissaire.
-          Oui, dans le Tarn-et-Garonne, répondit Léon Alexandre.
-          Vous dites vous appeler Alexandre et avoir un frère au bagne avec Manda ?
-          C’est que.......
-          Que quoi ?
-          Je n’ai ni frère, ni sœur. Mon père est décédé lorsque j’étais tout jeune, m’a mère m’a élevé seule.
-          Alors, pourquoi cette fable de vouloir venger Manda ? Vous connaissiez Manda ? C’était un de vos proches ? s’étonna le commissaire.
-          Non, j’ai jamais eu de contact avec lui. J’ai dit ça ?
-          Oui, vous l’avez dit. Alors ? Pourquoi ?
-          Si je l’ savais ! s’exclama Léon Alexandre. J’ me souviens de rien. J’ devais en tenir une bonne. J’ me souviens de rien ! A moins que......
-          A moins que quoi ? reprit, interrogatif, le sieur Bureau.
-          C’est que j’ suis imprimeur-relieur et que j’imprime certains faits divers, alors ce sont p’t-êt’ tous les articles qui m’ sont montés au cerveau, avec l’alcool !
-          Admettons ! lança le commissaire.
-          J’ me souviens de rien ! répéta plusieurs fois le sieur Alexandre, en dodelinant de la tête.

Facile cette stratégie de défense !

Le pistolet dont le dit Alexandre s’était servi était chargé de six cartouches. Une seule restait dans le barillet. Quant au poignard, il possédait une lame très affilée de dix centimètres.

Emprisonné, Théophile Léon Alexandre, comparut devant la Cour d’Assises de la Seine, le 30 avril 1903.
Lors du procès plusieurs personnes présentes lors des faits furent appelées à témoigner, comme  madame Angèle, la patronne du cabaret à l’enseigne de « La Belle de Nuit », monsieur Leroux, sommelier et une demoiselle Kuehm.
Casque d’Or, témoin principal, convoquée elle aussi, n’avait pas répondu à la lettre de convocation du magistrat. Les témoignages aux procès, c’en était fini pour elle, elle avait assez donné !

Théophile Léon Alexandre fut condamné à dix-huit mois de prison et seize francs d’amende, pour « violences et voies de fait à agent ».

...................A suivre ....................





[1] Faits découverts dans un article du « Petit Parisien », en date du 20 janvier 1903.
[2]  Au 9 rue de la Pirouette, ce cabaret était fréquenté à cette époque par beaucoup de malfrats.
[3] Charles Arnoult, après avoir reçu les premiers soins sur place, fut reconduit à son domicile rue Victor Hugo.  Quelques temps plus tard, pour acte de courage en service, il reçut la « médaille d’honneur ».
[4] Dispensé du service militaire obligatoire, en tant que « fils unique de veuve », Théophile Léon Alexandre fut condamné plusieurs fois à des amendes et peines de prison pour : « Port d’arme prohibé – violences et voies de fait à agents – outrages et violences à agents. Appelé le 4 août 1914, il fut blessé deux fois au cours de la Grande Guerre, par des éclats d’obus. Il fut cité à l’ordre de son régiment pour faits de bravoure, en juin 1915 et reçut la « Croix de Guerre ».

jeudi 12 septembre 2019

HISTOIRE VRAIE - PARIS DES ANNÉES 1900 - QUE SONT-ILS DEVENUS ?


HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901

Cour d’assises de la Seine – 21 octobre 1902
Leca devant ses juges – Après le verdict


Après ce procès que sont devenus les cinq accusés ?
En l’absence d’un compte-rendu du verdict des jurés, il m’a fallu ruser, prendre des chemins de traverse dans mes recherches, passer énormément de temps en consultations de diverses archives.
Alors, si vous le voulez bien, nous allons reprendre, un à un, les cinq individus qui comparaissaient en ce 21 octobre 1902.   

Dominique François Eugène Leca

Nous savons déjà qu’il était né le 25 septembre 1874 à Paris, dans le onzième arrondissement et qu’il était le fils de Alexis Leca et Augustine Richelet.
Surnommé « le Corse », en raison des origines paternelles, car, Alesion Leca (Alexis en français) avait vu le jour le 14 novembre 1840 à Evisa, en Corse. Il était venu sur le continent où le 27 janvier 1874, il avait, à Paris dans le onzième arrondissement, épousé la demoiselle Augustine Richelet.
Son métier ? Gardien de la paix !
Nous pouvons aisément imaginer la honte que lui procura les frasques et condamnations de son fils.
Alesio Leca décéda le 30 juin 1913.

Leca écopa, en octobre 1902, de huit années de travaux forcés et à la relégation. En clair, après sa peine écoulée, il n’avait pas le droit de revenir en France.
La fiche matricule du bagne de Guyane le concernant, mentionne :
Ecroué sous le numéro 2754 
Numéro matricule 32663
Suite au verdict du 21 octobre 1902, sa demande de pourvoi en cassation fut rejetée le 29 novembre 1902.
Incarcéré, Leca attendit le 12 juin 1903 pour embarquer sur le bâtiment « la Loire » en direction de la Guyane.

La fiche matricule révèle également les condamnations antérieures à 1902 de ce « mauvais garçon » dont la taille ne dépassait pas 1,62 mètres et qui avait les cheveux châtain-foncé, ainsi qu’une fine moustache.

Voici le palmarès judiciaire de Dominique François Eugène Leca :
11 février 1891              tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 2 mois de prison
14 novembre 1891       tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 8 mois de prison
10 juillet 1893               tribunal de la Seine                          condamné à 2 ans de prison et 5 ans d’interdiction
10 avril 1900                    tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 8 mois de prison

Faisons une petite parenthèse, en ajoutant, quelques mentions de la fiche militaire de ce jeune homme.
Condamné le 14 novembre 1891, il n’eut sans doute autre choix, à la fin de sa peine, que de s’engager dans l’armée.
Ce qu’il fit, sans doute de mauvaise grâce, le 12 décembre 1894, et pour une durée de trois années.
Il fut affecté au 2ème bataillon d’Afrique où il effectua plusieurs campagnes en Algérie et en région saharienne.
Tout ne fut pas simple non plus, rebelle dans l’âme, il ne se laissa pas mater et il passa à la section de discipline du corps le 8 octobre 1897. Maintenu pendant douze mois par mesure disciplinaire, il ne fut libéré que le 12 décembre 1898.
Seize mois plus tard, avril 1900, il écopait à nouveau d’une peine d’emprisonnement de huit mois.

Revenons à la fiche de Guyane sur laquelle il est noté également :
·         Sait lire et écrire
·         Métier appris au bagne : effilocheur
« De la bande des apaches – très mauvaise conduite – attitude arrogante en présence de Monsieur le Préfet. »
Tentative d’évasion le 22 novembre 1904.

Mais surtout :
·         Se dit marié.

Marié !!  Eh oui !
Dominique François Eugène Leca avait épousé, le 27 décembre 1902 à Fresnes, la demoiselle Louise Victorine Van Maele, née à Paris dans le vingtième arrondissement le 4 décembre 1875, sans profession et demeurant 95, rue de Montreuil. Leca avait demandé à son avocat, Juste François Edmond Gaston Rousset, avocat à la Cour d’Appel,  d’être son témoin.
Pourquoi ce mariage alors que le nouveau marié devait partir au bagne ?
Projetait-il déjà de « se faire la belle » pour retrouver sa belle ? 


Georges Erbs[1]

Né le 24 août 1876 à Saint-Nicolas-du-Port (Meurthe et Moselle) fils de Antoine Erbs et Catherine Rickling, il résidait à Bône, en mars 1901. En juillet 1901, il emménagea à Paris, au 176 boulevard Charonne.
Ce jeune homme, blond aux yeux gris,  s’engagea dans l’armée le 4 mai 1897, pour quatre années. Il fut affecté au 3ème bataillon d’Afrique.
Il s’engagea !
A vrai dire, on ne dut pas lui laisser le choix, afin de faire oublier les divers méfaits dont il était l’auteur, car, en effet, Georges Erbs avait passé quelques années à l’ombre.
30 avril 1892                                   condamné pour vol à 1 mois de prison
14 novembre 1892                      condamné pour vol à 2 années de prison
10 août 1894                                  condamné pour vol à 2 années de prison et 25 francs d’amende

Libéré des obligations militaires le 5 mai 1901, vous ne serez pas étonné d’apprendre que le « certificat de bonne conduite » attribué à la quasi-totalité des jeunes appelés ou engagés, fut refusé au soldat Erbs.

Le soleil de l’Algérie lui avait redonné des couleurs, mais ne lui avait pas remis les idées en place, car en ce 21 octobre 1902, il fut condamné à huit années de travaux forcés et à la relégation.

La fiche du bagnard Erbs précise un certain nombre d’informations et pas les moindres.         
Ecroué sous le numéro 2600
Matricule au bagne de Guyane : 32560
Il embarqua le même jour et sur le même bâtiment que Leca, soit le 12 juin 1903, en direction de la Guyane.    
Mesurant 1.69 mètres, Erbs savait lire et écrire et exerça le métier d’effilocheur au bagne.

Mais voici le plus important :
« De la bande des apaches – insubordination grave – insultes »

Et puis, ne supportant pas le bagne et sa rude discipline, ce qui se comprend aisément, il tenta quelques évasions.......

·         Le 31 août 1934                réintégré le 5 septembre 1904 
jugement le 22 novembre 1904 : 2 ans de travaux forcés
·         Le 24 décembre 1904    réintégré le 7 janvier 1905
jugement le 10 juin 1905 : 2 ans de travaux forcés
·         Le 18 août 1908                réintégré le 5 novembre 1908
jugement le 8 décembre 1908 : 5 ans de travaux forcés
·         Le  (aucune date)           réintégré le (aucune date)
jugement le 11 mai 1909 : 5 ans de travaux forcés
·         Le 20 décembre 1922  (rien de noté)

Où pouvait-il aller sur cette île inhospitalière ?
Dernière évasion décembre en décembre 1922 et aucune mention ensuite[2].


Louis Amédée Koch

Fils de Louis Koch et de Marie Louise Ritton, Louis Amédée Koch avait vu le jour le 16 février 1880 à Paris.
Brun aux yeux bleus, il avait une taille élevée pour l’époque puisque mesurant 1.73 mètres.
Tout comme ses amis et adversaires, il avait eu quelques condamnations, mais pas pour vols ou escroqueries, ni pour coups et blessures, mais uniquement pour « outrage à agent ».
·         Août 1898                          condamné à 3 mois de prison
·         Juin 1899                            condamné à 1 mois de prison
·         Novembre 1899              condamné à 15 mois de prison
Peu de choses en vérité, comparé aux autres « escogriffes ».

Concernant l’affaire jugée en octobre 1902, aucune information le concernant.
Sa fiche militaire, de la classe 1900, portant le matricule 3474, ne mentionne rien de plus que : « décédé à Paris sixième arrondissement, le 22 novembre 1905.


Félix Claude Magnin

Félix Claude Magnin pour lequel l’avocat général, Corentin Guyho, avait demandé l’indulgence des jurés, avait eu un parcours chaotique[3] également.

Né le 18 avril 1874 à Paris dans le dixième arrondissement, fils de Félix Edouard Edgard Magnin et Euphrasie Basset, il habitait, en 1896, chez ses parents au 10 rue Petion à Paris Xème.
A cette même époque, il avait comme signe particulier une « cicatrice au cou », sans plus de précision.
1,62 mètres, taille moyenne pour l’époque, il possédait des yeux gris clair.

Sa carrière de délinquant débuta bien tôt, par de petits larcins et des délits de braconnage.
·         20 mai 1890                        condamné pour vol à 3 jours de prison
·         28 mai 1891                        condamné pour délit de chasse à 50 francs d’amende
·         18 août 1892                     condamné pour délit de pêche et vagabondage à 1 mois de prison
·         24 août 1894                     condamné pour vol à 2 ans de prison et 2 ans d’interdiction

Alors, le juge lui mit le marché en main : engagement militaire pour atténuer l’ardoise judiciaire, en servant son pays.
Sorti de prison, le 27 juin 1896, Félix Claude Magnin s’engagea le jour même et fut affecté au 2ème bataillon d’infanterie légère d’Afrique dans les rangs duquel il fit les campagnes d’Algérie et des Régions Sahariennes.
Libéré des obligations militaires en août 1899, sans le « certificat de bonne conduite » qui lui avait été refusé, Magnin reprit sa carrière de « mauvais garçon » :
21 octobre 1902, mis en accusation pour coups et blessures volontaires, assis sur le même banc des accusés que Leca et tous les autres, il ne fut condamné qu’à deux ans de prison. Il ne s’en sortait pas trop mal, malgré tout.

Le 13 février 1907, il comparaissait encore devant la justice, mais cette fois pour un délit de pêche. Pas de peine d’emprisonnement, uniquement une amende d’un montant de cent francs.

Mobilisé le 3 août 1914, pour la Grande Guerre, il manqua à l’appel le 13 août 1917. Déclaré « déserteur » et arrêté le 17 septembre 1917, il fut emprisonné pour désertion, mais sa peine fut suspendue en raison du manque d’homme au front. Félix Claude Magnin fut envoyé en première ligne où il ne fut ménagé ni par ses supérieurs ni ses « poteaux de galère ».
Pas besoin de préciser les brimades imposées aux déserteurs lorsqu’ils étaient repris.

En mars 1905, Magnin demeurait au 81 de la rue Saint-Maux à Paris.
En avril 1909, il avait emménagé 11 rue de Villeneuve à Alfortville.
Après sa démobilisation en mars 1919, il revint à Paris, rue Saint-Maux, mais au numéro 121.


Et voilà le dernier,
« Yeux bleus », alias Victor Jules Voiry

Né le 9 janvier 1881 à Paris dans le douzième arrondissement et plus exactement au 67 rue de Reuilly, il était le fils de Victor Désiré Voiry et Marie Clément.

En ce 21 octobre 1902, le doute planant en effet sur sa culpabilité, les jurés ne le condamnèrent pas. Certainement aussi, parce qu’il n’avait aucun antécédent judiciaire.
Au moment des faits, il vivait au foyer parental, 125 rue de Montreuil à Paris.
Il fut appelé pour son service armé le 16 novembre 1902. Le règlement et la discipline militaires auraient dû le faire rentrer dans le rang. Mais faire subir à un réfractaire de l’ordre  la rigidité des commandements n’était-ce pas le meilleur moyen de le braquer définitivement ?

Le 16 novembre 1902, donc, « Yeux bleus » fut affecté au 8ème régiment d’artillerie, avec le grade de canonnier de seconde classe.
Le 27 août 1903, il manquait à l’appel. L’armée dans sa bienveillance lui laissa un délai pour qu’il se présente au corps, passé celui-ci, le canonnier Voiry fut déclaré déserteur.
Mais les déserteurs étaient activement recherchés, d’autant plus que les gendarmes qui les arrêtaient recevaient une prime non-négligeable. Repris le 24 octobre 1903, le conseil de guerre condamna  le canonnier, seconde classe, Voiry à deux mois de prison.
Libéré du service obligatoire le 24 décembre 1904, le « certificat de bonne conduite » lui fut refusé.
Ne demandez pas pourquoi !

Le 4 février 1908, Victor Jules Voiry demeurait au numéro 100 de la rue de Montreuil à Paris.
Un peu plus de six années plus tard, le 28 avril 1914, ses « yeux bleus » se fermaient pour l’éternité. Victor Jules Voiry n’avait que trente-trois ans.


Et Casque d’or dans tout cela ?
A votre place, je ne me ferais pas trop de soucis pour elle, mais il vous faudra attendre la semaine prochaine pour la retrouver arpentant les rues de Paris, sans Manda, sans Leca......
Qui sera à son bras ?







[1] Renseignements provenant de la fiche militaire de Georges Erbs – classe 1896 – matricule 2099.
[2] Aucune possibilité de trouver un acte de décès après 1910 dans les archives de Guyane.
[3] Informations recueillies à partir de la fiche militaire – classe 1895