mercredi 27 novembre 2019

HISTOIRE VRAIE - DES SIECLES D'EMPOISONNEUSE



L'AFFAIRE LAFARGE


Chapitre 7


La première audience[1], pour « vol », devait se dérouler au Tribunal Correctionnel de Brives-la-Gaillarde, le 9 juillet 1840.
L’audience avait été annoncée pour onze heures.

Déjà depuis la veille, voire l’avant-veille, tous les hôtels affichaient complet, et le matin même, dès trois heures, de nombreux curieux s’étaient déjà amassés devant le nouveau palais de justice.
A dix heures, la salle était déjà comble.
Pour accéder aux places des trois premiers rangs, il fallait posséder un carton de réservation, comme au théâtre. N’avaient eu droit à ce privilège que les « femmes du monde ». Elles étaient là toilettées comme aux grands jours, venues pour voir, mais aussi pour être vues.

Les plaignants, également présents, se trouvaient auprès de leurs défenseurs.
Tous les regards étaient tournés vers eux. Il y avait, drapés dans leur dignité et leur bon droit :
·         Madame Marie Leautaud, née de Nicolaï, constituée partie civile représentée par Maître Coralli, avocat, assisté de Maître Miallet, avoué. Elle était accompagnée de son mari. Une jeune femme belle et distinguée, habillée avec élégance. Elle paraissait souffrante, mais n’était-ce pas en raison de son état de grossesse arrivant à son terme ?
·         Monsieur et madame de Leautaud – père et mère.
·         La famille Nicolaï.
·         Madame Lafarge-mère, le visage sévère, l’œil noir.

A onze heures et dix minutes, Marie Lafarge, apparaissait entre deux gendarmes. Elle s’installa sur le banc des accusés juste au-dessus du banc des avocats où déjà, Maître Théodore Bac et Maître Lachaud, ses deux avocats, assistés de Maître Peyredieu, avoué, avaient pris place.

Puis, arrivèrent les magistrats.
·         M. Lavialle de Masmorel, Président.
·         M. Dumont de Saint-Priest, du ministère public.
·         M. Rivet, procureur du roi.

Ce jour-là, rien.
Les débats et plaidoiries tournèrent autour d’une seule question :
« L’accusation pour vol, ne devait-elle pas être jugée, après l’accusation pour empoisonnement ?

A la fin des débats, Maître Peyredieu déposa une demande de sursis qui fut rejetée, après une courte délibération d’une demi-heure.
Les raisons étant que le vol était antérieur à l’empoisonnement et que les deux affaires ne dépendaient pas de la même juridiction.
M. le Président déclara que le prononcé du jugement était renvoyé au samedi 11 juillet.
Fin de l’audience.

Madame Lafarge, par la voix de son avocat, fit appel.



Audience du 11 juillet 1840

Un peu moins de monde que l’avant-veille, un tout petit peu moins....
Sauf du côté des « dames du grand monde » qui, endimanchées de plus belle, affichaient toilettes aux teintes roses et blanches et chapeaux volumineux.
L’atmosphère était palpable dans l’enceinte de la salle d’audience. Une bagarre s’engagea, une dame se trouva mal et il fallut l’intervention des forces de l’ordre pour que le calme revînt......

Onze heures, quarante-cinq minutes, l’audience commença.

Il fut question de la demande d’appel effectué lors de la précédente audience.
L’appel fut rejeté pour les mêmes raisons.

L’audience fut renvoyée au surlendemain.


Audience du 13 juillet 1840

Une journée qui s’annonçait lourde, car vingt-deux témoins devaient être appelés à déposer sous la foi du serment dont, entre autres :
·         M. Lecointe, bijoutier à Paris
·         M. Fauveau Commis de M. Lecointe
·         Mme la vicomtesse de Leautaud
·         M. le vicomte de Leautaud
·         Mme la baronne de Montbreton, sœur de Mme la vicomtesse de Leautaud
·         Mme la marquise de Nicolaï
·         M. le marquis de Nicolaï
·         Melle Delvaux, gouvernante de Mme Leautaud
·         M. Allard, chef de police à Paris
·         Mme la comtesse de Nieuwerkerke
·         M. le comte de Nieuwerkerke
·         M. de Lapeyriere, ami de M Clavé
·         M. Coulboeuf
·         M. Manceaux
·         Mme Lafarge-mère
·         Mme Buffières, fille de Mme Lafarge-mère
·         M. Buffières
·         M. Denis, commis des Forges au Glandier
·         M. Sigisbert Mariot Thiery, ancien domestique de M. de Nicolaï

Maître Bac demanda dès le début de l’audience la possibilité que, sa cliente, Marie Lafarge, se retire. En effet, d’une pâleur extrême, elle ne paraissait pas en bonne forme, déjà l’avant-veille elle avait une toux persistante et sèche.
La partie adverse, ainsi que les magistrats, n’opposèrent aucun refus et Marie Lafarge se retira.

Ce fut donc en l’absence de l’accusée que M. le substitut du procureur du Roi exposa les faits. L’auditoire buvait ses paroles.

Puis ce fut au tour de maître Coralli de prendre la parole remontant son exposé au mois de janvier 1836, date du début des relations de la famille de Nicolaï avec Marie Capelle. C’était Madame de Montbreton, sœur de Marie de Nicolaï qui, à cette époque,  n’était pas encore la vicomtesse de Léautaud qui avait présenté la jeune Marie à ses parents comme une jeune orpheline, d’une éducation distinguée, d’une famille honorable. Très vite, Marie Capelle et Marie de Nicolaï était devenu inséparable......
Bien évidemment, il en vint à la rencontre des deux jeunes filles avec le jeune Félix Clavé qui entretint, par la suite, par l’intermédiaire de Marie Capelle, une correspondance avec Marie de Nicolaï dont il était amoureux. Mais Marie Capelle échangeait également des courriers avec le jeune homme, échanges plus amicaux.
Maître Coralli précisa que ces lettres étaient bien innocentes et qu’il apparaissait à leur lecture que M. Clavé ne recevait pas en retour l’amour qu’il portait à la demoiselle de Nicolaï. Malgré tout, Marie de Nicolaï prit peur, cette peur que ressentaient les jeunes filles de bonne éducation, celle d’être compromise. Aussi cessa-t-elle toute relation.
Quant à Marie Capelle, elle poursuivit avec insistance sa correspondance au point que Félix Clavé pensa que cette jeune femme était amoureuse de lui. Il s’en ouvrit d’ailleurs à un ami.
Maître Coralli passa un long moment à lire les courriers échangés, à les analyser, puis conclut :
« Selon Marie Capelle, son amie, Marie de Nicolaï avait peur que Félix Clavé révèle leurs échanges épistolaires, bien innocents cependant, et voulut le faire taire en achetant son silence. Les diamants de la parure devaient servir de monnaie d’échange ! Nous verrons à l’audition des témoins que la vérité était bien autre ....... »


Audience du 15 juillet 1840

Dehors, une pluie battante avait rebuté un grand nombre de personnes à se déplacer.
Juste avant que l’audience ne commence, le garçon de salle fit une petite annonce, après avoir salué le public rassemblé.
«  .......vous savez sans doute que notre Palais de Justice n’étant pas fini, nous n’avons pas encore un meublier assorti pour les besoins du public. Or donc, les chaises que vous occupez ne sont pas à nous. Elles ont des droits à payer à la paroisse, comme de juste. Vous êtes donc priés de laisser un souvenir pour la récompensation de celles qui auraient été abîmées. »

En clair, faites attention ou payez !!!!

Puis la séance commença avec l’appel des témoins[2].
Madame veuve Garat ne se présenta pas. Son absence fut excusée par un certificat médical.

Puis ce fut M. Joseph Moronet qui se présenta à la barre.
« Quel est votre état, demanda le Président.
-          Commissaire exploitateur à Paris.
-          Faites votre déclaration.
-          Je suis en relation d’affaires avec M. Zalayetta du Mexique qui est un homme de bonne réputation. Il partit en février dernier pour ce pays avec femme et enfants, ses beaux-parents une tante et son beau-frère Félix Clavé. Je connais très peu M. Clavé, mais je sais qu’il est instruit et très distingué. J’ai toujours ouï dire que c’était un homme honorable, un cœur noble et généreux et avec des principes.
-          Avait-il des moyens d’existence ?
-          Oui, il s’en faisait de très avantageux avec sa plume, ses travaux littéraires. D’ailleurs, ses parents pouvaient subvenir sans problème à ses besoins.
-          Menait-il une conduite régulière ?
-          Jamais on n’a rien eu à lui reprocher. C’était un jeune homme comme il faut.
-          Vous ne savez rien de relatif au procès ?
-          Non, absolument rien, Monsieur le Président.

Lui succéda, M. Eloi Joachim Lecointe, bijoutier – 12, rue Castiglione
« Les diamants saisis au Glandier, commença M. Lecointe, m’ont été présentés à Paris par M. le juge d’instruction. Parmi ces diamants, il s’en trouvait qui avaient été fournis par moi. Je n’ai pu reconnaître que quelques fragments qui étaient restés montés, et une pierre d’une couleur et d’une forme très particulières. Une partie de la monture était restée dans le double-fond de l’écrin. Dans l’écrin, il y avait aussi sept à huit perles.
-          Tous les diamants saisis représentaient-ils la quantité des diamants fournis par vous-même ? s’enquit le Président.
-          Ils représentaient à peu près le même poids. La facture est aux pièces, il y en a environ 25 carats.
-          Comment fait-on pour démonter des diamants ?
-          On les pousse avec un outil pointu en arrière de la monture.
-          Avec un canif ?
-          Non, monsieur, c’est un instrument trop faible.
-          Avec des ciseaux ?
-          Oui, monsieur.
-          Avez-vous fourni quelque chose à Mme Lafarge ?
-          Oui, monsieur, à l’époque de son mariage, je lui ai fourni, du moins, j’ai fourni à Mme Garat, pour elle, des parures entièrement neuves.

Un écrin fut alors présenté à M. Lecointe. Dedans des perles et des diamants. Certaines pierres furent reconnues par le bijoutier comme appartenant à la parure de Marie de Nicolaï.

Puis ce fut à M. Pierre Allard de venir déposer à la barre. Agé de 49 ans, il était chef du service de sûreté à Paris.
« J’ai été, Monsieur le Président, appelé par la justice à donner dans cette affaire les renseignements qui sont parvenus à  la police.
-          Parlez-nous d’abords des vols faits au préjudice de Mme veuve Garat, demanda le Président.
-          Je fus averti de plusieurs vols commis dans la maison de cette dame, et notamment, récemment on lui avait pris un billet de 500 fr. Je me suis rendu chez cette dame et examiné attentivement le logement. Je fis une attention particulière aux meubles, surtout celui où le billet pris avait été renfermé. Aucune trace d’effraction, ce qui aurait été le cas si ce fut un voleur de profession. J’en conclus que le vol avait été commis par quelqu’un de la maison. Une surveillance fut effectuée, sans résultat. Mme Garat m’apprit alors que ce n’était pas la première fois que des sommes d’argent disparaissaient. Ce fut 40 fr, puis une autre fois 80 fr, et puis d’autres sommes plus petites, 5 fr par-ci, 5 fr par-là. Un an plus tard, M. le préfet de police me fit savoir qu’un vol de diamants avait été fait au préjudice de M. de Leautaud. Ce dernier vint me voir accompagné de M. de Nicolaï. Selon eux, le vol n’avait pu être commis que par quelqu’un qui se trouvait au château. Après plusieurs entrevues, il me dit que ce ne pouvait être un des domestiques qui avaient tous sa confiance, mais qu’il y avait bien une personne sur laquelle des propos avaient été tenus ; mais qu’il n’osait pas se prononcer affirmativement. La personne en question devait se marier et partir bien loin de Paris, difficile de poursuivre, dans ces conditions, une surveillance rapprochée. Lorsque M. de Leautaud me révéla le nom et l’adresse de la jeune personne, je fis tout de suite le rapprochement avec la disparition des 500 fr. Voilà pourquoi après l’empoisonnement du mari de la personne en question, M. de Leautaud est revenu me voir pour demander une perquisition au domicile de cette dame.

Le Président posa d’autres questions, toutes concernant d’autres vols chez Mme Garat : une boîte à portrait, un jonc à pomme d’or, trois pièces d’or. Monsieur Allard n’avait pas été informé de ces autres vols.

Maitre Coralli demanda à interroger le témoin :
« M. Allard, lorsque vous vous êtes rendu chez Mme Garat pour le vol du billet de 500 fr, Mlle Capelle demeurait-elle chez sa tante ?
-          Je ne sais pas. Il y avait avec Mme Garat deux jeunes femmes. L’une d’elle était très brune, avec un visage fort pâle.
-          A votre avis, était-ce Marie Capelle.
-          Je le pense, mais ne peux l’affirmer.

Antoine Nicolas Fauveau, commis chez M. Fossin, bijoutier à Paris, rue Richelieu, au n° 62.
« Mme Lafarge m’a apporté plusieurs perles dans un panier pour les faire monter. J’en ai fait pour elle deux petites épingles réunies entre elles par une petite chaîne, une bague chevalière et deux bracelets. Ce n’était pas des perles de grande qualité.
-          Avez-vous eu plusieurs perles à monter ?
-          Sept, huit ou neuf.
-          Est-elle venue seule ?
-          Elle était accompagnée d’une femme qui est restée dehors.
-          Avez-vous reconnu Mme veuve Garat ?
-          Non. J’ai demandé à Mlle Capelle si elle avait des diamants pour mettre à la place des perles, elle m’a répondu qu’elle n’avait pas de diamants.

Laissons le tribunal prendre une petite pause avant de poursuivre l’audition des témoins........




[1] Sources :  « Les poisons » de Arthur Mangin – Le journal de Rouen, juillet 1840.
[2] En italique, uniquement les grandes lignes des questions et réponses ont été recopiées..... et parfois légèrement modifiées, tout en gardant le ton, le sens et la véracité des propos.

Que de bruit !!!



Klaxon !

Le « Code de la Route » interdit de klaxonner, sauf en cas d’urgence, dans les agglomérations.

Mais pourquoi utilise-t-on un klaxon, si ce n’est pour faire du bruit, avertir d’un danger ou encore pour certains, très pressés, pour montrer mécontentement et impatience.

Pourquoi, ce mot, « klaxon » ?


Tout comme Kleenex, Frigidaire, Massicot, Bottin, Mansarde.........., Klaxon est la marque déposée du nom de la firme ayant mis au point et commercialisé cet avertisseur sonore en 1910.
Ce mot longtemps critiqué par les défenseurs acharnés de notre langue, car mot étranger, celui-ci se généralisa et s’implanta définitivement dans notre langage courant.

Il faut bien l’avouer, « klaxon », plus bref, sonne beaucoup mieux que « avertisseur sonore » !

De là, est apparu le verbe « klaxonner » qui supplanta rapidement le verbe français « corner ».

Klaxonner ou corner ?
Le premier verbe raisonne plus clairement, plus brillamment, un peu comme « claironner ».

 
Claironner ? Pourquoi pas !
Mais « claironner » pour une voiture, bien que celle-ci ait des chevaux sous son capot, évoque plus la cavalerie légère.

Alors, gardons notre « klaxon », à défaut du clairon, car ce mot a bien mérité le droit de rester. Utilisé depuis un siècle, à présent, je m’octroie donc le droit de le naturaliser Français.


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert





jeudi 21 novembre 2019

ATTENTION, VÉRIFIEZ VOS SOURCES AVANT DE PARLER !


Il ne fait pas m’en raconter !!

Bob !
Onomatopée exprimant, en raison du mouvement des lèvres, la bêtise.
Essayez !
Bob !
Vous avez remarqué ?

A ce « bob », ajoutons le suffixe « an ».
Cela donne « Boban », un mot qui au XIIème siècle nommait, la bêtise, justement !
Un siècle plus tard, avec la terminaison « er », marque de l’infinitif des verbes du premier groupe, cela donnait « bober », mot employé pour « tromper ».
Et, un bobert n’était qu’un sot et un présomptueux, ou encore un sot prétentieux, deux siècles plus tard, au XVIème siècle, donc.

On racontait des « bobeaux », des mensonges, puis, devenu « bobard », ce nom masculin désigna un propos niais, une action sotte, une bêtise.
Attention, ne pas confondre avec « bobo », mot d’enfant pour nommer une petite blessure.

Entendant cette phrase :
« Ne raconte pas de bobeaux, tu n’as pas de bobo !! »
Comment voulez-vous vous y retrouver !

« Bobard », aujourd’hui, relève du langage familier et est employé pour nommer un mensonge, une fausse nouvelle.

Un bobardier ou une bobardière, apparu vers 1922, était celui ou celle, qui faisait courir une fausse nouvelle, un faux bruit.

Un bobardier bombarde de bobards tout son entourage. Ce bobardier est un vrai bombardier de fausses nouvelles !!

Alors, pas de bobard aujourd’hui !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



mercredi 20 novembre 2019

HISTOIRE VRAIES - LES EMPOISONNEUSES


Des siècles d’empoisonneuses....................



L'AFFAIRE LAFARGE



Chapitre 6

Depuis la mort de Charles Lafarge, une mauvaise presse avait été copieusement faite à la veuve par sa belle-famille, les amis de cette dernière et la domesticité du Glandier, aussi les conversations, toutes les conversations, que ce soit dans les foyers, dans les cafés, sur les marchés, enfin dans tous les lieux possibles, n’étaient alimentées que par des commentaires concernant « l’affaire Lafarge ».
La presse étalait également grand nombre d’articles à la une de leurs journaux.

Et bien évidemment, chacun savait, avait vu, et intarissables, les uns et les autres ajoutaient des précisions de leur cru.
Et les souvenirs rejaillissaient en même temps que les vieilles rancunes, ce qui ne faisait d’ailleurs pas bon ménage !

Voilà pourquoi, après mûres réflexions, Monsieur de Leautaud s’était dit : « Empoisonneuse rime avec voleuse ! ».
Et le voilà parti, voir le préfet de police de Paris, exposant à ce dernier le vol d’une parure de diamants appartenant à Marie Clémence Alexandrine de Nicolaï, son épouse, lors d’un séjour à Busagny chez la famille de Nicolaï où se trouvait également la veuve Lafarge qui à cette époque, avait attiré tous les soupçons.
Ce vol remontait au mois de juin 1839.

« Je suis certain que c’est elle ! avait affirmé Monsieur de Leautaud. Je vous demande de bien vouloir opérer une perquisition dans les affaires de cette femme, dans sa demeure du Glandier. »

Le 10 février 1840, eut lieu, au Glandier, la perquisition demandée.
Dans un tiroir du secrétaire de Marie Capelle, fut retrouvée, en effet, une boite ronde, en carton de couleur rose, contenant des diamants et des perles qui avaient été démontés. Le couvercle de la boite affichée le nom d’un bijoutier de Paris, Monsieur Lecointe.
Le précieux contenu fut soumis à l’examen du bijoutier.
« Diamants et perles appartiennent bien à un collier que j’ai vendu à Monsieur de Nicolaï », affirma-t-il sans hésitation.

Interrogée à ce sujet, Marie Lafarge indiqua d’abord qu’il s’agissait là d’un cadeau de mariage d’une vieille tante, décédée, qu’elle n’avait jamais connue.
Avant de dire, que c’était un pieux mensonge pour masquer une vérité qu’elle ne pouvait révéler, afin de ne pas trahir une amie fidèle, Marie de Nicolaï devenue l’épouse de Adalbert Louis Raoul de Léautaud.

Voilà encore une fois un revirement qui ne fut pas en faveur de la jeune femme qui fut traduit devant la justice en juillet 1840.

-=-=-=-=-=-=-

Les deux « Marie »
Marie Fortunée Capelle, devenue orpheline de père et de mère, fut adoptée par sa tante maternelle Louise Madeleine Félicie Collard, épouse du baron Paul Garat, gouverneur de la Banque de France.
Par sa naissance, elle reçut une éducation digne des filles des « grands de ce monde » et fréquenta les familles de haut rang.
Une jeunesse insouciante !

Ce fut ainsi qu’elle fit de fréquents séjours dans la famille de Nicolaï que ce soit dans leur château de  Busagny, près de Pontoise ou dans leur hôtel particulier de Paris.
Scipion Cyprien Jules Louis de Nicolaï et Jenny Jeanne Baptiste Louis de Lameth, avait deux filles, Clémence et Marie.
Clémence Caroline Félicité Octavie Marie était née le 26 mai 1804.
Marie Clémence Alexandrine avait vu le jour, le 24 octobre 1815.

Les deux « Marie » ayant 8 mois d’écart, Marie Capelle étant née en janvier 1816, devinrent très vite des amies inséparables, passant beaucoup de temps l’une avec l’autre, d’autant plus qu’elles avaient beaucoup de passions en commun.
Elles jouaient du piano. Que de partitions à « quatre mains » ponctuées d’éclats de rire !
Elles parlaient anglais, allemand, Italien. De quoi alimenter les conversations en un mélange incompréhensible pour les autres. Assurément un code secret pour leurs confidences.
Elles montaient à cheval. Que de chevauchées en pleine campagne !
Elles aimaient se plonger dans des lectures romantiques et romanesques qui les faisaient, l’une et l’autre rêver comme savent, si bien, le faire les jeunes filles, surtout en ce début de XIXème siècle.

Plus encore que Marie de Nicolaï, Marie Capelle rêvait au « Prince charmant », cet homme idéal, beau, fort, instruit, amoureux, mais aussi très riche afin de satisfaire à tous les caprices........ L’homme, celui des contes de fée !!

Marie Capelle, plus délurée, entraînait souvent Marie de Nicolaï, plus timide et réservée, dans des aventures qu’une jeune fille de bonne famille ne devait pas se permettre.
Notamment, regarder les jeunes hommes, inconnus, attirer leur attention.

Ce fut ainsi que les « deux Marie », rencontrèrent un après-midi, à l’église Saint-Philippe-du-Roule un jeune homme.
Des échanges à mi-voix, des regards dirigés sur le « beau jeune homme », des rires étouffés également, et voilà le jeune homme pris à l’hameçon par le cœur. Et bien sûr, séduit et intrigué, il suivit les deux jeunes filles....
Et il tomba sous le charme de Marie. Marie ? Laquelle ? Non de Marie Capelle, mais de Marie de Nicolaï qui timide n’osait enfreindre les interdits.
De petits billets innocents, donnant rendez-vous, furent tout d’abord échangés.
Des rencontres innocentes, pour se connaitre. Ce fut ainsi que les « deux Marie » connurent l’identité de jeune inconnu.  Il se nommait Félix Clavet. Il était maître de littérature. 
Puis, une lettre aux mots poétiques et enflammés fut remise à Marie de Nicolaï. Les sentiments de Félix s’étalaient sur la feuille ne laissant aucun doute quant à son attirance, son amour.
Enfin quelque chose de palpitant dans la vie des « deux Marie » !
Une aubaine pour Marie Capelle qui encouragea son amie à poursuivre l’intrique. Elle se proposa de devenir la messagère de Cupidon en transmettant les courriers.
Jusqu’au jour où le pot aux roses fut découvert par Mme de Nicolaï-mère qui enferma sa fille dans sa chambre, ponctuant sa punition par :
« Il est grand temps de marier cette enfant !! »

Adalbert Louis Raoul de Leautaud étant le prétendant idéal, les noces furent annoncées pour le 8 février 1838.
Les « deux Marie » continuèrent à se fréquenter, un peu moins tout de même. Il leur arrivait de parler de ce beau Félix Clavet.
« Et si mon époux avait vent de cette petite intrigue ? » confia Marie de Nicolaï, épouse de Leautaud à son amie de toujours.
Juste après cette discussion, la parure de diamants et de perles changea de mains.
On la dit volée.
Etait-ce le cas ?

C’est ce que le procès allait tenter de déterminer.


jeudi 14 novembre 2019

LE PREMIER QUI ABOIE AURA UN GAGE !!



Etre cabot !!

Inutile de vous mettre à aboyer.
Etre cabot ne veut nullement dire « imiter le chien ».

Un cabot désigne un mauvais comédien et au sens figuré un charlatan.
On trouve ce mot familier en 1847.
Cabot est également l’abréviation de « cabotin ».

Cabotin ?

Cabotin, possède son féminin, « cabotine » et également son verbe, « cabotiner ».
Tous ces mots sont apparus au début du XIXème siècle.
Cabotiner
Exercer le métier de comédien ambulant. Un comédien peu doué.
Le cabotinage
Jeu, comportement cérémonieux à l’excès.

Mais pourquoi « cabotin » ?

 
Cabotin aurait été un célèbre comédien ambulant, sous le règne de Louis XIII.
Ce monsieur Cabotin n’aurait été, de toute manière, qu’un médiocre acteur à en croire la définition du mot qu’il a laissé...
Oui, je note tout cela au conditionnel, car aucune trace dans l’histoire du théâtre d’un nommé Cabotin.

D’ailleurs, le mot est apparu bien après vers 1800, n’est-ce pas une preuve irréfutable de la non-existence de ce personnage ?
Il y a des légendes, comme cela, qui ne sont que des farces.
Pas de Monsieur Cabotin !

Mais alors, pourquoi cabotin ?

Bah ! En fait cela viendrait du picard « cabotin », désignant un homme de petite taille.
« Se caboter » étant le verbe pour « rester petit ».

Ou encore.....

Du provençal « far cabot », qui veut dire « faire la révérence, saluer ».

En réalité, tout cela reste un peu obscur.
Le côté provençal, toutefois, me semble plus crédible.

De nos jours, le sens de comédien ambulant a bien évidemment disparu pour laisser place à « mauvais acteur ».
En élargissant l’horizon et quittant les planches, ce mot désigne en général « une personne manquant de naturel, ayant des manières théâtrales », quelqu’un de précieux dans ses manières.

Le comble étant :
Le cabotin cabotine dans un cabotinage excessif. Quel cabotisme exagéré !

Mais soyez bon public, applaudissons !!


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



mercredi 13 novembre 2019

HISTOIRE VRAIE - LES EMPOISONNEUSES


Des siècles d’empoisonneuses....................

L'AFFAIRE LAFARGE




Chapitre 5


Le 14 janvier 1840, Charles Lafarge mourait dans d’horribles douleurs.
Madame Lafarge-mère accusa de suite l’épouse de son fils d’être la main assassine.
Il était vrai aussi, sans être mauvaise langue, que cette bru qui avait été dépouillée de sa dot et de ses biens, devenait indésirable.
La vie au Glandier, était devenue insupportable à la jeune veuve qui se voyait continuellement épiée et mise à l’écart.
Devant l’insistance des accusations proférées par la mère du défunt, le procureur du Roi ouvrit une instruction.
Très rapidement les diverses procédures et vérifications s’enchaînèrent.

Première étape :
L’autopsie du cadavre fut pratiquée le 16 janvier 1840. Elle ne révéla rien. Pour plus de certitude, quelques organes furent prélevés afin de subir une expertise, ultérieurement.
Ultérieurement, en effet, ce ne fut pas moins de quinze analyses toxicologiques qui furent effectuées.

Seconde étape :
Une perquisition fut menée, au domicile de la victime, par la gendarmerie. Là, bonne pêche ! Il y avait des traces d’arsenic un peu partout dans la demeure.
Mais n’y avait-il pas des rats ?
N’avait-il pas été acheté, chez le pharmacien Eyssartier, de l’arsenic, justement, pour éliminer ces rongeurs ?

Troisième étape :
Marie Fortunée Capelle, veuve Lafarge, fut arrêtée, le 23 janvier au matin, par le brigadier Magne et le gendarme Déon[1], à son domicile du Glandier. Marie Fortunée qui criait son innocence fut conduite, manu militari, à la maison d’arrêt de Brive, sans avoir été préalablement entendue par un juge ou un officier de la gendarmerie.

Quatrième étape :
La chambre qu’occupait Charles Lafarge à l’hôtel de l’Univers,  rue Sainte-Anne à Paris, fut passée au peigne fin, par le commissaire de police de la ville de Paris, le nommé Jacques Antoine Desrote. Le but de cette action étant de retrouver des fragments de gâteaux. Rien n’a été découvert.

Ce ne fut que huit mois plus tard que Marie Fortunée Lafarge, du fond de sa cellule, apprit qu’elle était inculpée de meurtre, sur la personne de son mari et qu’elle devait comparaître devant la Cour d’assises de Tulle.

Le procès débuta le 3 septembre 1840.



[1] Déon ou Léon.