jeudi 31 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE – DANS CETTE PREMIERE MOITIE DE XIXème SIECLE - CHAPITRE 6

 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 6

 

Dans le box des accusés de la Cour s’assises des Deux-Sèvres, en ce 9 décembre 1857[1], comparaissait devant ses juges, Louis Vergnault, pour répondre du meurtre de sa femme, Suzanne Vergnault, née Sadran.

L’accusation était soutenue par Monsieur Gelineau, procureur impérial, la défense assurée par maître Ricard, avocat.

 

Malgré les recommandations de Maître Ricard, son défenseur, de faire profils bas et montrer repentir, Louis Vergnault, tête haute se montrait provocateur et arrogant.

Il n’avait rien à perdre, se complaisait-il à répéter.

A cela, son avocat lui répondait :

« Oui, votre vie !

-          Pour ce qu’elle vaut ! avait rétorqué ironiquement le coupable, car aucun doute, il l’était ayant lui-même avoué son crime.

 

Aujourd’hui, dans cette enceinte de justice, il n’y avait donc pas à prouver la culpabilité, mais uniquement à établir un verdict et statuer sur la condamnation.

 

 Un procès devant, malgré tout, préciser l’identité de l’inculpé et de la victime, rappeler les actes et les circonstances des faits, quelques témoins furent appelés à la barre.

Aucun témoignage de fut en faveur de Louis Vergnault, qualifié de violent et de boit-sans-soif.

L’alcool ! Assurément déclencheur du drame, car, ivre du matin au soir, Louis répondait agressivement aux remarques de son épouse.

L’alcool ! Il menait le ménage à la ruine. Au moment du meurtre, il n’y avait pas un sou dans la demeure du couple.

 

Le chirurgien, le docteur Fontaut, ayant prodigué les premiers soins à Suzanne Sadran, vint également déposer.

Il expliqua, preuve à l’appui, car comme pièce à conviction, il avait apporté, avec lui, le crâne de la victime, comment les coups avaient été portés et le détail des blessures ayant entraîné la mort.

Si, à la vue de la tête de son épouse, Louis ne réagit pas, absorbé par l’exposé du chirurgien, quelques exclamations étouffées parcoururent la salle d’audience.

 

 

Les jurés ne mirent pas longtemps à délibérer.

La sentence tomba, moins lourde que prévue.

Alors que l’assemblée, venue assister au procès, attendait la peine capitale, pour meurtre avec préméditation, le coupable obtint « les circonstances atténuantes ».

 

Pourquoi ?

Peut-être en raison de ses nombreuses années au service de la France.

Peut-être parce qu’il était sous l’emprise continuelle de l’alcool.

 

Peu importait, mais il restait en vie, condamné  seulement à :

Une peine aux travaux forcés à perpétuité.

 

Etait-ce réellement mieux ?

 

Louis Vergnault passa quelques mois dans une geôle jusqu’à son embarcation sur le bateau « la Seine », voguant vers Cayenne où il débarqua avec d’autres bagnards, le 11 juin 1858.

 

  

A suivre....

 

 



[1] Informations trouvées dans : Le Pays, journal des volontés de France du 7 janvier 1858.

mercredi 30 décembre 2020

Blablabla......

 




Surtout, si vous participez à une veillée au moment des réveillons, n’oubliez pas votre « potine », car même devant la cheminée, il risque de faire frisquet.

 

Une potine !!!

En voilà un mot !!!

Qu’est-ce que c’est ?

 

Une « potine » était une chaufferette utilisée par les femmes pour avoir chaud aux pieds lorsqu’elles se réunissaient pour....... bavarder et parfois (souvent) médire de leurs voisins.

Et voilà.

 

De cette potine du XVIIème siècle est apparu le verbe « potiner » qui n’a pris nullement le sens de « se chauffer », mais celui de « bavarder, « faire des commérages », tout en évitant de prendre froid.

 

Bien évidemment, d’autres mots se forgèrent, des phrases aussi.....

·         Potin (1811)

·         Faire des potins (1884) : faire des ragots.

·         Faire du potin : faire du bruit, faire du vacarme.

·         Potiner : faire des cancans (j’adore !!! On commente des faits amusants arrivés à des personnes de connaissance, pas pour dire du mal, non, mais pour rire ! Et puis, pourquoi se gêner, les autres en font allégrement autant (voire plus) sur notre dos !!!).

·         Un potinage (1861) :  un commérage.

·         Un potinier ou une potinière (1871) : celui ou celle qui fait des cancans.

·         Potinier ou potinière (1881) : adjectif qualifiant un homme ou une femme faisant des potins.

·         Un potineur ou une potineuse : idem potinier ou potinière.

·         Une potinière (1890) : endroit où se réunissaient les potineuses (avec leurs potines) – mot employé par Guy de Maupassant.

 

Imaginez.....

Les potineuses, installées les pieds sur leur potine, potinent allégrement dans une potinière. Leurs potinages font grand potin. « Blablablabla......... »

 

Le froid en cette fin décembre leur impose de ne pas oublier leur potine emplie de braises et au cas où il leur serait difficile de rejoindre, sans prendre mal, la petite cabane au fond du jardin, il leur serait utile de ne pas oublier leur bourdaloue....

Prudence, prudence !!!!

 

Bonne fin d’année 2020.

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 23 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE – DANS CETTE PREMIERE MOITIE DE XIXème SIECLE

 


 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 5

 

Toute la journée, du 17 septembre 1857, Louis Vergnault avait pensé à la manière d’en finir avec son épouse. Il fit et refit, en pensée, le scénario de son triste dessein.

« Ce soir. Ce sera ce soir !! »

Il était déterminé.

Rien ni personne ne pourrait, à présent, mettre obstacle à cette décision qu’il mûrissait depuis des mois.

 

Vers 18 heures, après avoir été prendre une hache dans le hangar, il entra en catimini dans la chambre où son épouse, Suzanne Sadran, s’appliquait à coudre un gant. Penchée sur son ouvrage, elle tournait le dos à la porte de la pièce.

Suzanne n’entendit ni ne vit son mari approcher.

 

Soudain, elle sentit une forte douleur sur la nuque. Elle eut malgré tout la force de se lever et de se retourner.

La bouche ouverte, les yeux exorbités, en apercevant son agresseur, la pauvre gantière  vacilla et tomba sur le sol, au moment où  Louis Vergnault lui assénait un nouveau coup de hache sur le crâne en hurlant :

«  C’est aujourd’hui qu’il faut mourir !! »

 

Le sang avait giclé partout, mais Louis Vergnault ne semblait pas s’en apercevoir. Son acte achevé, il s’en alla tout guilleret.

 

Ce fut un voisin qui voyant la porte du logis du couple ouverte entra, prudemment, et découvrit le corps inanimé de la pauvre femme.

Un médecin fut appelé d’urgence. Le garde-champêtre vint constater les faits.

 

Pendant que l’on donnait les premiers soins à la victime, le mari-assassin s’en était allé, faire la tournée de tous les bistroquets du coin, et même au-delà.

De cabaret et cabaret, de plus en plus sous l’emprise de l’alcool, il contait, avec emphase, son acte et la mort de son épouse.

Ses pas le menèrent au village de Surimeau[1] où, affamé, il se sustenta  dans une auberge où il avait ses habitudes.

Le patron qui le connaissait bien lui demanda :

« Et ta femme, comment elle va ? »

A cela, Louis Vergnault, dans un éclat de rire, lança comme une bonne farce :

« Elle est morte, Dieu merci ! »

 

Réalité ? Réponse d’ivrogne n’ayant plus sa raison ?

Le patron, dubitatif et mal à l’aise, n’osa répliquer.

 

Le garde-champêtre de Sainte-Pezenne n’eut aucune difficulté à retrouver le meurtrier en fuite. Il lui suffit de le suivre à la trace de débit de boissons en débit de boissons.

Lors de son arrestation, Louis Vergnault ne démentit pas les accusations portées contre lui, il confessa son crime, admettant qu’il y pensait depuis bien longtemps.

 

Au domicile du couple Vergnault, rue d’Echéré à Niort, Suzanne reprit brièvement connaissance,  juste le temps de préciser le nom de son agresseur, avant de tomber dans un coma profond.

Elle décéda le 22 septembre 1857 à deux heures du soir.

 

Louis Vergnault, sous les verrous attendait de passer en jugement, disant à qui voulait l’entendre :

« Je sais bien le sort qui m’attend, mais j’ai le cou gras, il faudra un fameux couteau pour me le couper. »

 

Quel genre d’homme était-il donc ?

 

 

A suivre....

 

 

 



[1] Village à trois ou quatre kilomètres de Niort.

Arrête de rabâcher !

 

 


Vers 1611, on disait d’ailleurs « rabascher ».

Normal, le « S » fut comme dans beaucoup de mots, remplacé par un accent circonflexe posé au- dessus de la voyelle le précédant.

 

« Rabâcher », ce verbe provient donc de l’ancien français « rabaster »,  employé pour : faire du vacarme.

L’ancien provençal utilisait « rabastar » pour « se quereller » qui donna le mot « rabastas »- (querelle).

 

On ne se querelle jamais, ou alors très peu souvent, sans faire du vacarme. Tout dépend, évidemment, du degré de la querelle.

 

Depuis 1735, ce verbe prit sa forme orthographique actuelle de « rabâcher ».

 

Tout en gardant le sens de querelle, en 1876, l’usage du mot passa dans le vocabulaire de la vénerie désignant les cris continuels en arrière de la meute.

 

Peu à peu, le mot s’employa au quotidien pour : redire constamment la même chose de manière lassante (comme les cris répétitifs lors des chasses), et, par extension, à partir de 1913 environ, il prit le sens de : répéter, refaire, sans conviction la même chose.

 

Voyons maintenant les dérivés de ce verbe, à travers les siècles :

·         1611 – un rabâchement : tapage.

·         1735 – un rabâchage : propos rabâché.

·         1740 - un rabâcheur (euse) : nom ou adjectif – celui qui rabâche.

·         1760 – une rabâcherie : mot vieilli ayant laissé place à rabâchage.

 

Alors …..

Un rabâcheur rabâche sans cesse des rabâcheries, à longueur de temps. Ce rabâcheur va finir par faire un tel rabâchement qu’il va y avoir « rabastas » dans le voisinage.

 

Bon. Cette phrase va me faire passer pour une rabâcheuse.

Mais non, relisez-la. Bien qu’alambiquée, elle est parfaitement claire. Non ?

 

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 16 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE - DANS CETTE PREMIERE PARTIE DU XIXème SIECLE - chapitre 4

 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 4

 

Après une si longue absence, Louis Vergnault eut bien du mal à se réintégrer dans la vie civile.

Il lui fallut se reprendre en main et non plus se laisser guider par les ordres de ses supérieurs auxquels il fallait obéir sans contester, sans réfléchir.

Tant bien que mal, il reprit son ancien métier, celui de cordonnier.

Le soir, il s’en allait à l’estaminet fumer son brûle-gueule et boire bien souvent plus que de raison.

Le décès de sa mère, Gabrielle Vergnault, née Baron, à l’âge de soixante ans, en janvier 1838, l’éprouva plus qu’il ne l’eût pensé. Avec la disparation maternelle, c’était toute son enfance qui basculait dans un abîme sans fond.

Plus rien derrière lui.

Et devant ?

Rien non plus ! Ni femme, ni enfant.

Il avait vadrouillé toute sa jeunesse, sans penser à l’avenir, sans rien construire.

Il eut, le jour de l’inhumation, l’impression de se trouver sur une crête rocheuse, seul, entouré d’un vide vertigineux.

Après la triste cérémonie, il s’en était allé boire, encore et encore, plus que de coutume, pour oublier le néant qui l’entourait.

 

Quelque temps plus tard[1] , il fit la connaissance de Suzanne Sadran[2]. Avec elle, il reprit goût à la vie. Pour elle, il promit de changer ses habitudes et de ne plus boire. Alors, ils se marièrent le mardi 11 juin 1839, à Niort, ville où ils habitaient tous les deux[3].

  

Les promesses, elles sont dites à un moment donné. Il est parfois difficile de les tenir... voire impossible.

 

Peu à peu, Louis se sentit enfermé dans ce mariage. Alors, il prit le large de plus en plus fréquemment, rentrant au domicile conjugal de plus en plus tard dans la nuit, ivre à ne plus tenir debout.

Les scènes conjugales retentissaient dans tout le quartier et le caractère emporté et violent de Louis Vergnault éloignait même les voisins les plus désireux de secourir Suzanne, craignant comme cela était déjà arrivé, de recevoir des coups.

 

Pourtant Suzanne, en épouse aimante, essayait de satisfaire au mieux son époux. Lorsqu’il souhaita ne plus travailler comme cordonnier, mais prendre un commerce de bière, elle n’y fit pas opposition.

Comme elle travaillait à demeure puisqu’elle était gantière, elle pourrait avoir un regard sur son époux et peut-être ce commerce l’empêcherait-il  de ne plus aller boire ailleurs.

Ce fut le cas, en effet, les premiers temps, jusqu’au jour où il but le fond de commerce au lieu de le vendre avec profit.

 

Les scènes reprirent. Avaient-elles réellement cessé ? 

L’alcool décuplait la colère et la force de Louis. Les coups tombaient de plus en plus sur l’épouse qui n’en pouvait plus de tant de violence.

 

Les coups, mais aussi les mots blessants, les menaces.

Suzanne en avait parlé à une de ses voisines à qui elle se confiait quand le poids de ses souffrances devenait trop lourd.

 

« Il souhaite ma mort, avait-elle avoué, la voix chargée de sanglots. Je n’en dors plus, j’ai peur.

-          Mais non, avait répliqué l’amie, tu te fais des idées.

-          Non, je sais que c’est vrai. Hier, il m’a tendu la moitié de sa pomme en me disant : « Tiens, mange la, ça sera la dernière que tu mangeras ».

 

Une autre fois, elle avait raconté que son époux, Louis, était revenu avec un pain. En le posant sur la table, il avait lancé :

«  Tu crois manger ce pain ? Eh bien, tu te trompes, il se passera aujourd’hui quelque chose qui t’en empêchera ! »

 

L’amie de Suzanne ne savait plus comment la consoler, la réconforter.

Elle finit par dire :

« Quitte-le !

-          Le quitter ? Et si il me retrouve, il me fera la peau.....

 

 

Quitter son mari, Suzanne ne pensait qu’à cela.

Ce qui l’empêchait de le faire, la peur des coups dont elle connaissait trop bien la douleur.

 

Suzanne réfléchissait.

Suzanne se renseigna.

Suzanne demanda « la séparation ».

 

A suivre....

 



[1] Aucune indication concernant la date de rencontre avec celle qui devint son épouse.

[2] Suzanne Sadran, née le 24 décembre 1798, fille de Jacques Sadran et de Suzanne Rat (parents décédés bien avant le mariage) était propriétaire sans autre précision sur l’acte de mariage.

[3] François Vergnault, le père de Louis, se remaria l’année suivante, le 24 décembre 1840 avec Marie Thérèse Texier.

Atchoum !!!!!

 


Enchifrenée !!!

 

Encore un mot utilisé par ma grand-mère !!

« Enchifrené » est un mot qui remonte au XIIIème siècle. Il est composé à l’origine de « en » et de « chanfrein ou chef » (la tête).

Sa définition première, tournait autour de l’emprisonnement comme l’atteste la phrase « d’amors enchifrené », signifiant « pris comme dans un étau par l’amour ».

Au début du XVIIème siècle, le mot est utilisé en parlant d’un rhume, avec un fort embarras du nez.

 

« Je suis enchifrenée »

J’ai un gros rhume, mon nez est pris, j’ai du mal à respirer.

C’était dans ce contexte que ma grand-mère employait cet adjectif.

 

Quand une personne est enchifrenée, elle subit un enchifrement, mais le mot fut peu usité.

 

J’espère que ce petit « article autour d’un mot », ne vous trouvera pas enchifrenés et que vous respirez librement sans enchifrement.

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 9 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE - DANS CETTE PREMIERE PARTIE DU XIXème SIECLE - Chapitre 3

 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 3

 

Chaque année, pour renforcer les effectifs de l’armée, en fonction des besoins en hommes, un tirage au sort était effectué, au chef-lieu de canton, parmi les jeunes hommes nés vingt ans plus tôt. De petits rectangles de papier numérotés pliés en quatre étaient retirés par chaque futur appelé. Puis lorsque l’urne avait été vidée, chaque homme ayant en main le papier fatidique, un nombre était annoncé à haute voix par un huissier.    

Au-delà de ce nombre, les hommes étaient exempts, mais avant celui-ci,  il leur fallait partir[1]. Bien évidemment, il était possible à certains, les plus aisés, de se faire remplacer par un autre qui, lui, par manque d’argent voyait là une aubaine de se remplir les poches[2].

 

Louis Vergnault n’attendit pas le « tirage au sort ». La tête pleine des récits de gloire qu’il avait entendus, dès l’âge de vint ans, il s’engagea. Il fut affecté dans l’infanterie légère[3].   

 

Mais une fois dans les rangs, la vérité fut bien autre.

Ah, il pouvait le dire, du pays, il en vit car il parcourut, à marche forcée, bien des milles, mal chaussé, le lourd paquetage sur le dos, et cela qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou qu’il gèle à pierre fendre.

 

Tout comme ses camarades, il avait souvent le ventre vide, car l’intendance ne suivait pas toujours pour ne pas dire, pas souvent voire jamais. Le ravitaillement avait toujours du retard. Les ventres gargouillaient, les estomacs se tordaient, la fatigue arrivait, les jambes flagellaient, la tête tournait, mais il fallait avancer.

 

Les bivouacs !! Pas de tentes pour s’abriter la plupart du temps. Elles étaient réservées aux gradés. Quand il y avait une couverture pour chacun, c’était déjà bien. Alors, après avoir cherché un endroit sec pas trop loin d’un feu de camp, Louis Vergnault s’enroulait dedans et cherchait le sommeil qui souvent tardait à venir. A ce moment, il se demandait où se trouvaient ses rêves de gloires.

 

Quant aux filles, parlons-en !!

Celles qu’il voyait, celles qui acceptaient un échange rapide à la sauvette contre de l’argent, ne donnaient ni amour, ni tendresse, à peine un instant d’attention. De ces brèves relations charnelles, un risque et pas le moindre, recevoir en cadeau ce « mal de Naples » qui décimait les armées.

Ces filles s’introduisaient dans le camp à la nuit tombée. Le règlement interdisait leur venue, car les hommes se battaient pour obtenir leurs faveurs.

Un seul havre de paix toutefois, celui autour de la cantine où la cantinière écoutait les soldats, les consolait et donnait à certains quelques privilèges intimes.

 

Le soir au bivouac, les hommes fumaient, prenaient connaissance des nouvelles dans les journaux, lisaient leur courrier. Il y en avait toujours un qui savait lire et qui aidait ceux qui n’avaient pas cette chance. Un autre aussi écrivait, sous la dictée, un message se voulant rassurant, à leur famille. Aucune mention en rapport avec leurs déplacements ne devait être révélée.

 

Les soldats jouaient aussi aux dès, aux cartes, mais il était formellement interdit de miser de l’argent. Trop de bagarres en cas de lourdes pertes !! Alors, les joueurs se servaient de cailloux ou encore de haricots secs[4]

 

Quand la solde arrivait et que la troupe avait quartier libre, Louis Vergnault avec d’autres se rendait à la ville voisine, où la presque totalité de l’argent reçue passait dans l’alcool et les filles......

Beaucoup d’empoignades pour des broutilles  lorsque l’alcool échauffait les esprits.

 

A bien réfléchir, Louis Vergnault ne connut pas la gloire escomptée.

Il vit du pays, certes, mais en revenant au pays son temps achevé, il se retrouvait désillusionné, un tantinet amer et sans un sou.

 

 A suivre ......



[1] D’où l’expression « tirer le mauvais numéro ». Sous Napoléon, le Premier, les hommes partaient 7 ans.

[2] Lorsque « le numéro était racheté », un contrat se faisait chez un notaire. Ce contrat stipulait la somme donnée à la signature du contrat et parfois d’autres clauses : le montant alloué en cas de décès versé à la famille – parfois une pension en rente viagère en cas de blessures handicapantes......

[3] Une ordonnance du 23 octobre 1820 crée 20 régiments d'infanterie légère. Une ordonnance du 28 août 1831 créé le 3e bataillon du 19e léger. Sur le registre militaire qui mentionne Louis Vergnault ne figure que « engagé » et son affectation « 19è léger ». De ce fait, il est très difficile de retracer son parcours militaire.

 

[4] D’où l’expression « la fin des haricots » annonçant qu’un joueur n’avait plus de quoi miser, et donc qu’il avait perdu.

Oyé oyé, avis à la population !!

 

Une harangue

 

 Le mot « Harangue » puise ses sources de l’italien « aringa ou arringa », mais aussi du Catalan « arenga », désignant une arène, un lieu de rassemblement.

Ce nom s’employait, initialement, pour « lire en public » (1414), puis « faire un discours » (1514), d’ailleurs, François Villon, poète français, utilisa ce mot en 1461 pour nommer un discours public.

 

Une harangue est donc un discours solennel devant une assemblée sur une place publique, avant de devenir, ironiquement, vers 1530, un discours très ennuyeux, puis, vers 1611, une longue remontrance. Une remontrance, n’est-elle pas un long discours ennuyeux ? 

« Un harangueur harangue une harangue », peut se traduire par : « un orateur expose en public un discours ennuyeux ».......

Mais haranguer une foule peut aussi exhorter celle-ci à la révolte. l’Histoire en fut témoin à de nombreuses reprises...... souvenez-vous notamment de la Révolution de 1789 et de ses tribuns qui finirent sous le couperet de la guillotine.....

Oui, en effet, avant de haranguer, il vaut mieux tourner sa langue sept fois dans sa bouche !!!

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 2 décembre 2020

HISTOIRE VRAIE - DANS CETTE PREMIERE PARTIE DU XIXème SIECLE - Chapitre 2

 

Louis Vergnault, marchand de bière à Niort

 

Chapitre 2

 

Sa vie ! Elle aurait pu être ni meilleure, ni pire que celle de tout un chacun, si à certains tournants de son existence, il avait fait d’autres choix.

Mais pouvait-il réellement l’affirmer ?

 

Lorsqu’il était né, le pays venait de sortir d’une période bien difficile.

Bien qu’éloignée de la capitale, la ville de Niort, où ses parents vivaient, en avait eu des échos, un peu décalé dans le temps.

 

Dans son enfance, Louis avait entendu parler par les anciens de la Révolution qui avait entraîné la fin du règne du Roi, puis, de la République qui rendait les hommes égaux. Plus de ci-devant nobles, tous citoyens. Et puis ensuite l’arrivée au pouvoir d’un Premier Consul, Napoléon Bonaparte, qui avait été sacré Empereur[1].

Mais ce que déplorait le peuple, c’était cette misère qui n’avait pas cessé, c’étaient toutes ces guerres qui prenaient de plus en plus de fils et de maris aux familles, ôtant un nombre considérable de bras pour les travaux des champs.

 

Les discussions dans les estaminets, dans les rues et lors des veillées étaient souvent très animées, entre révolutionnaires, royalistes et bonapartistes, sans oublier les vieilles querelles entre protestants et catholiques qui rejaillissaient régulièrement. L’ambiance était assez mouvementée surtout lorsque l’alcool échauffait les esprits.

 

Le père de Louis, François Vergnault, afin de pouvoir nourrir sa famille[2] travaillait comme couvreur, mais également, surtout l’hiver et par mauvais temps, comme tireur d’étaim. Cette seconde activité, il la pratiquait à demeure, rue du Bonnet Rouge[3] à Niort.

 

Louis grandit comme tous les enfants aidant son père sur les toits, effectuant de petits travaux ici et là pour gagner sa croûte. Libre de caractère, curieux de tout, il était souvent à vagabonder dans les rues de la ville regardant partout,  écoutant ce qui se disait.

 

-=-=-=-=-=-=-

 

L’empereur, Louis en entendait souvent parler, par des anciens soldats qui avaient fait avec Bonaparte bien des campagnes, et même si beaucoup étaient revenus estropiés, ils respectaient encore celui qu’ils avaient appelé, un temps, « le petit caporal ».

Louis, né en 1802, n’avait aucun souvenir du passage de l’Empereur Napoléon 1er à Niort, le 7 août 1808[4].

« Tu l’aurais vu, mon gars, c’était grandiose, lui avait raconté un ancien, un vieux de la vieille, qui avait perdu un bras et un œil. Tu l’aurais vu, avec l’Impératrice, la Joséphine. Tout le monde lui faisait un cortège en criant des « hourra » !! »

 

Cet homme était intarissable. Il contait à Louis les pays qu’il avait traversés, les glorieuses batailles auxquelles il avait participé, les soirées au bivouac.

« L’armée, mon gars, y’a rien d’mieux pour faire un homme et puis tu vois du pays ! »

Et il ajouta avec un clin d’œil :

« Sans compter les filles !!  Elles aiment l’uniforme, les bougresses ! »

Il ponctua cette phrase par un rire gras en assenant dans le dos de Louis, avec la main qui lui restait, une tape qui déséquilibra le jeune homme.

A de nombreuses reprises, il avait raconté, raconté, cet ancien Grognard, oui, mais uniquement les bons moments en omettant de mentionner les morts sur les champs de bataille, les amputations sur une table de fortune sous une tente, les longues marches forcées dans le mauvais temps, le manque de nourriture, le manque de couverture, les soldes payées avec beaucoup de retard.

 

«  Quelles aventures ! » pensait Louis qui n’avait alors que quinze ans. Et il rêvait de gloire.....

 


 à suivre .......



[1] Sacre de Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1804.

[2] François Vergnault avait épousé, en secondes noces, Louise Gabrielle Barron. Ils avaient eu 5 enfants : Marie Anne, née en l’an 8 – Louis, né en l’an 11 : le 3 octobre 1802 – Jean, né en l’an 12 – Marie Anne, née en juillet 1806 (la coutume voulant que lorsque un enfant mourait, le prénom était  donné au petit du même sexe naissant après le décès) – Marie Victoire, née le 18 août 1810.

[3] La rue du Bonnet rouge a été rebaptisée, elle se nomme aujourd’hui : rue du Petit-Paradis. En 1806, la ville de Niort comptait 797 habitants.

[4] Quelques années plus tard, le 1er juillet 1815, en partance pour Sainte-Hélène, Napoléon, déchu, passa dans Niort, incognito.

 

AU PAS... AU TROT... AU GALOP !!!!!

 
Un palefroi.

 

Un mot qui remonte loin dans le temps puisqu’il fait son apparition à la fin du premier millénaire sous la forme de « parafridus » et « parafridum ». Vers 1176, il devient « palefreid » avant de prendre son orthographe définitive, celle que nous lui connaissons aujourd’hui, à la fin du XIIIème siècle : palefroi.

 

Ce nom puise son origine dans le bas latin « paraveredus », désignant un cheval de poste ou un cheval de voyage ou encore, du XIIème au XVIème siècle, le cheval monté par les dames.

Un palefroi est donc une monture à mettre en opposition au destrier qui, lui, est un cheval de bataille.

 

Un destrier

En 1080, on disait « destrer » – de destre ou dextre, la droite en opposition à senestre, la gauche – pour nommer le cheval de bataille, car l’écuyer le menait toujours de la main droite.

Ce terme « destrier » évoque les tournois et batailles au cours desquels les chevaliers arboraient leurs couleurs sur leur heaume et leur bouclier.

 

Un haquenée

Vers 1360, c’était le nom que l’on donnait à un petit cheval ou jument que montaient les dames.

Mais Balzac, dans un de ses écrits en 1841, donna un autre sens à ce mot, à savoir : « femme laide, d’allure masculine. »

Sympa, Honoré !!

 

Est-ce pour cela, et par dérivé, que parfois, certains indélicats traitent de « jument », une femme de grande taille, au physique ingrat ?

 

Ah les mots !!!! On peut les mettre à toutes les sauces, leur donnant des saveurs sucrées, douceâtres, épicées, aigres, acides .........

 

 

Trois chevaux.....  Peut-être le tiercé gagnant, sait-on jamais !!

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert