jeudi 30 avril 2020

MORGUE


Morgue

Aujourd’hui, je vais évoquer un mot absolument pas drôle, mais qui revient très souvent dans le langage des romans ou films policiers, très appréciés, de beaucoup d’entre vous….

La morgue !!!
Car, qui dit crime, dit cadavre, dit morgue…..
Elémentaire, mon cher Watson !!

Morgue. Mot féminin attesté  depuis 1532 et qui, à cette époque lointaine, désignait la pièce où les guichetiers de prison, examinaient les prisonniers avant leur mise  sous écrou, d’où le nom de « morgueur »  qui fut attribué par la suite à ces agents pénitenciers.

Etait-ce en raison du regard méprisant de ces geôliers que « morgue » prit le sens de mépris, arrogance ? Assurément !!

Au XVIIème siècle, la morgue prit le sens moderne  et définitif que nous lui connaissons toujours aujourd’hui, c’est-à-dire, le lieu où est entreposé le corps des défunts. D’abord employé dans les établissements pénitenciers, nommant ensuite  les chambres froides des instituts médico-légaux, avant de désigner les chambres mortuaires des hôpitaux.

Pour en revenir à notre « morgueur », il fut également connu, dans l’administration, sous l’appellation de « Garçon d’amphithéâtre ».

Comme quoi, les mots possèdent des origines souvent bien curieuses……

Maintenant, devant votre « policier préféré », je suis certaine que vous aurez une petite pensée pour l’article ci-dessus……..


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert





HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES



LES EMPOISSONNEUSES

L'AFFAIRE BODIN-BOURSIER


CHAPITRE  7



En cette fin de séance du 29 novembre 1823, la parole fut donnée à l’avocat général.
Pour ce magistrat, aucun doute, l’origine de la mort était bien due à la prise, volontaire ou non, d’arsenic.
Suicide ?
Accident ?
Crime ?

L’avocat se lança donc dans un monologue question-réponse des plus éloquents.
Reprenant l’idée d’un « crime »....

Dans cette dernière hypothèse, qui dit « crime », dit « criminel » ?
Mais, qui pouvait avoir un intérêt quelconque à la disparition (définitive) du sieur Boursier ?

La fille Blin ?
Assurément pas ! Elle était depuis peu au service des Boursier et y était entrée grâce à d’excellentes recommandations. De plus, courageuse, elle faisait bien son ouvrage. Mme Boursier en était satisfaite.

Les soupçons ne pouvaient donc que se porter sur la maîtresse de maison, la veuve Boursier, car seule cette femme, avait pu, sans attirer l’attention, entrer dans la salle à manger et s’approcher de la soupe au riz.
Bien sûr, elle disait avoir mangé de ce mets, mais qui, à part elle-même, pouvait l’affirmer ?
Personne !!

Et ce fait qui en dit long, très long...... La veuve Boursier avait lavé le récipient, aussitôt !!
Pourquoi ????
Pour prouver à son époux que ce récipient, justement, était propre... avant d’y avoir mis la soupe à cuire.
Quelle galéjade !!
Bien, évidemment, débarrassé du restant de potage et récuré minutieusement, ce récipient ne pouvait être que propre.
Pourquoi avoir jeté le reste de soupe ? Pourquoi avoir récuré la casserole ?
C’était l’évidence même, pour masquer toutes les preuves de cet ignominieux acte criminel.

Quant à Kostolo,  avait-il été, à un moment ou un autre, l’instigateur de l’acte abominable de cette épouse amoureuse, souhaitant se débarrasser d’un mari gênant, afin de filer le parfait amour avec son amant ?
Kostolo qui comparaissait dans le box des accusés et que les diverses dépositions avaient dessinés sous les traits d’un homme sans moralité, d’une bassesse d’âme extrême, n’avait nullement l’étoffe d’un assassin.
D’ailleurs, avait-il eu, un seul instant, le désir d’épouser Marie Adélaïde Bodin-Boursier ?
L’argent de sa maîtresse était sa seule convoitise.

La seule, l’unique personne capable de l’acte criminel dont il était question, n’était autre de la veuve Boursier !!!

-=-=-=-=-


Après une courte suspension de séance, Maître Couture, défenseur de la femme veuve Boursier lançant son réquisitoire.
Il essaya, au cours de celui-ci, de contrecarrer les attaques de l’avocat général avec effets de voix, effets de manches.

Bien évidemment, la seule coupable ne pouvait être que Marie Adélaïde Boursier qui venait d’être décrite, peu charitablement d’ailleurs, comme une femme sans morale, une mère dénaturée, un monstre.
Etait-ce donc de cette même femme dont on parlait ?  Celle qui avait reçu la meilleure des éducations par des parents aimants dont le père, approchant les quatre-vingts ans[1], avait exercé comme magistrat et fonctionnaire.
Elle avait été mariée, depuis quinze années, cette femme, avec un homme pas toujours facile, mais bon.
Et aujourd’hui, cette même femme, était accusée d’empoisonnement ?
Comment pouvait-on l’affirmer ?
M. Boursier n’avait-il pas, la veille ou l’ avant-veille, dîné dehors ?
Selon les explications de l’expert, M. le docteur Orfila, les effets d’un poison pouvaient apparaître trois, voire quatre jours, après l’absortion.

La fille Blin qui, selon ses dires, avait mangé de cette soupe. Mais, tout comme pour sa maîtresse, personne n’a pu en témoigner.
Alors, pourquoi ajouter plus foi aux affirmations de la servante ?

Les relations amoureuses de Mme Boursier et de Kostolo ?
Pourquoi une femme devrait être plus vertueuse qu’un homme ? Etre plus fidèle ?
Surtout que concernant la marche de sa maison, son attention à ses enfants, le commerce aussi, rien n’avait été négligé par la veuve Boursier.

Et voilà l’amant blanchi de tout soupçon !
Cet homme, pas amoureux, loin s’en faut, profitant, abusant même des largesses de la maison Boursier. Détournant par quelque manipulation une épouse, une mère de famille, pour obtenir... Quoi ? De l’argent !! Acceptant ses dons, sans scrupule, sachant le mari dans l’ignorance des détournements financiers en sa faveur.
Car Kostolo connaissait la fortune de la maison Boursier, l’ayant apprise par le défunt lui-même.
Kostolo prodiguant compliments et caresses pour arriver à ses fins.
Et, le comble, c’était dans les bras de cet homme que le pauvre Boursier était mort !!
Quel cynisme !!
Quelle trahison !!

Non !! Mme veuve Boursier n’était pas cette criminelle qu’on voudrait qu’elle soit.
Une femme troublée par les regards d’un autre homme, plus jeune....  Voilà toute son erreur, toute sa culpabilité !! Mais cela ne faisait pas d’elle une meurtrière.

Maître Théodore Perrin de Grenoble, défenseur de Kostolo, prit ensuite la parole.
Un très bref plaidoyer qui se voulut de défendre au mieux son client qu’il qualifia d’aventurier, d’homme sans scrupules, certes, mais tous ces traits de caractère ne faisaient pas de lui un assassin.
-=-=-=-=-=-
Les jurés mirent huit heures à délibérer dans la chambre de délibération contiguë à la salle d’audience.
A leur retour pour énoncer le verdict, M. le président posa les deux questions résultant de l’acte d’accusation :
1.       Marie Adélaïde Bodin, veuve Boursier, est-elle coupable d’avoir, le 28 juin, attenté à la vie de Guillaume Etienne Boursier son mari, par l’effet d’une substance pouvant donner la mort ?
2.       Nicolas Kostolo est-il coupable d’avoir, de complicité et avec connaissance de cause, aidé ou facilité l’exécution de ce crime ?
Réponse à la première question :
Non, la veuve Boursier n’est pas coupable
Réponse à la seconde question :
Non, Kostolo n’est pas coupable

Avant de clore la séance,  mettant fin au  procès, Monsieur le président ajouta, en s’adressant à la veuve Boursier :
Femme Boursier, vous allez recouvrer la liberté que les plus graves soupçons vous avaient fait perdre ; le jury vous a déclaré non-coupable du crime qui vous était imputé.
Puissiez-vous trouver la même absolution dans le témoignage de votre conscience !
Mais n’oubliez jamais que la cause de vos malheurs et du déshonneur qui couvrira peut-être votre nom, fut le désordre de vos mœurs et la violation des nœuds les plus sacrés
Que votre conduite à venir efface la honte de votre conduite passée et que le repentir remplace l’honneur que vous avez perdu.

Aucune  « leçon de morale »,  par contre, à l’encontre de Kostolo !!

-=-=-=-=-=-
Mme veuve Boursier ne fit plus parler d’elle, elle se fondit dans les brumes des années qui suivirent.

Kostolo fit de même. Gageons toutefois qu’il continua à poursuivre sa vie...... au crochet de la gent féminine !!



[1] Charles Thomas Bodin, né à Gournay-en-Bray le 11 juin 1744  - Avocat au baillage de Gournay – est décédé dans sa ville natale le 15 octobre 1835. Il n’a pas été appelé comme témoin lors du procès de sa fille, la mère de Marie Adélaïde, née le 14 décembre 1851 dans l’Oise, décéda à l’âge de quarante ans, le 8 décembre 1792, à Gournay-en-Bray.


jeudi 23 avril 2020

Vous arrive-t-il d’être « dans le coaltar » ?




Coaltar de l’anglais « coal » (charbon) et « tar » (goudron).

Le coal-tar (1850)  est un goudron de charbon obtenu après distillation de la houille. Il fut, dans un premier temps, utilisé pour imprégner les bois, par injection ou enduit, mais on s’en servait également comme désinfectant ou antiseptique.








Les ouvriers qui travaillaient à la fabrication de ce produit, toute une journée  dans des lieux mal aérés, en subissaient les effets nocifs des émanations.  Leur journée achevée, corps fatigué et cerveau embrumé, ils marchaient au ralenti.

Est-ce pour cela que l’expression « être dans le coaltar » signifie « être mal réveillé ». Je dirais plutôt, « l’esprit complètement englué ».





Dans le même esprit, il y a aussi :
« Être dans le cirage », sans doute pour les mêmes raisons lors de la fabrication de ce produit cireux à l’odeur entêtante.
Ou encore
« Pédaler dans la semoule » - « Pédaler dans la choucroute »
Ces deux dernières expressions montrant plutôt l’engluement au sol avec d’énormes difficultés à avancer, sans oublier les patinages et  dérapages excessifs, parfois (souvent !) mal contrôlés.

Et le « rouge-coaltar » ? Vous connaissez ?
Il s’agissait d’un vin d’un rouge grossier et d’une consistance visqueuse et dense.
Beurk !
J’imagine l’apparence.
Rien que d’y penser l’envie de vomir me saisit l’estomac !
Certaines personnes osaient ingurgiter un tel breuvage ?
Si oui, les buveurs sortaient-ils vivant d’une telle consommation ?
Oui, peut-être, mais assurément..... dans le coaltar !!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert




mercredi 22 avril 2020

HISTOIRE VRAIE - DES SIÈCLES D'EMPOISONNEUSES



les empoisonneuses 


L’AFFAIRE BODIN - BOURSIER





CHAPITRE  6

Audience du 29 novembre 1823.

Les témoignages se succédaient, sans apporter, toutefois, un éclaircissement probant  de l’affaire.
Beaucoup trop de contradictions.

Ce matin-là, peut-être qu’enfin......

Le sieur Donzel, employé à l’administration de la maison du roi, était venu spontanément faire une déclaration.
Pourquoi ? Qu’avait-il à voir dans cette affaire de mort suspecte ?
Bah voilà !
Tout simplement parce que Bailly, après le décès de Boursier, était entré au service de Mme Donzel qui tenait une épicerie.

Voilà la déclaration de ce monsieur :
« Après la mort de Boursier, Bailly est entré au service de mon épouse qui, un jour, s’enquit du ressenti de son nouvel employé, concernant la mort de son ancien patron. Bailly sembla troublé et sa réponse fut :
« L’opinion publique regarde la femme Boursier comme l’auteur de la mort de son mari ».
Mon épouse s’offusqua de cette réplique, considérant que l’on ne pouvait accuser sans preuves, surtout en pareil cas. Ne s’agissait-il pas de la mort d’un homme ?  Pas une mince affaire tout de même ! Suite à cette conversation, Bailly fit de nombreuses visites à la femme Boursier, son ancienne patronne, et plusieurs personnes de la maison Boursier lui rendirent visite. Ce fut à partir de ce moment que s’opéra un revirement dans le discours de Bailly, justifiant son ancienne maîtresse. Il sembla, tout à coup, très au fait des tragiques événements. Pourquoi ce changement ? Je trouvais cela très suspect, dangereux même. »

Puis, le sieur Donzel, qui déposait au nom de son épouse, mais aussi en son propre nom, expliqua que ses soupçons concernant Bailly se confirmèrent et augmentèrent, lorsqu’il découvrit, un jour, dans la caisse de l’épicerie, une pièce d’un louis. Son étonnement fut immense, car ce n’était pas « monnaie  courante ». Il avait demandé qui l’avait déposée. On lui avait répondu : « Bailly. »
En complément de cette réponse, il fut ajouté : « Ce n’est pas le seul louis, bah non ! Il y en a eu d’autres, beaucoup d’autres !!! »

Beaucoup d’autres ?

Quelque temps après, Bailly avait demandé un congé pour se rendre chez l’avocat de son ancienne patronne, maître Couture.
Que trafiquait-il ?
La question était vraiment d’importance, car le sieur Donzel avait aperçu l’employé de sa femme, dans la rue de Bourgogne, en pleine conversation avec un des garçons de la dame Boursier. Sous le bras de Bailly...... un sac d’argent !!!
Enfin un sac, ceux dont on se servait habituellement pour transporter des fonds.

Cela ne sentait-il pas la magouille ?

Le sieur Donzel ne voulant pas garder sous son toit un employé malhonnête, avait posé quelques questions à Bailly. Ce dernier, avec aplomb, avait rétorqué :
« Je me suis rendu rue de Varennes, chez un client de l’épicerie ! »
Mais qu’en était-il réellement de cette présumée course ? Il s’avéra que c’était faux !! Le commis Bailly n’avait été chargé d’aucune mission commerciale.

« Devant toutes ces cachotteries malsaines et ces diverses contradictions, poursuivit le sieur Donzel, je me suis permis de conseiller paternellement à Bailly de dire la vérité. Sachant qu’il n’en ferait rien, je pris la décision, pénible mais nécessaire, de remercier Bailly et également la demoiselle de boutique avec laquelle il avait, apparemment, quelque intimité. »
Le sieur Donzel conclut sa déposition par :
« Je n’aime pas prendre position en affaire de justice, mais il m’a semblé être de mon devoir de venir faire cette déclaration à la cour. »


Interrogée sur ce témoignage, plus que complet, Mme veuve Boursier déclara ne rien savoir de tout cela, affirmant uniquement :
« Bailly était sorti depuis longtemps de chez moi, il avait été renvoyé par M. Boursier pour des causes graves sans doute. »

Voilà qui commençait à devenir intéressant et titillait fortement l’attention des personnes présentes dans la salle d’audition.
Bailly fut de nouveau appelé à la barre.
Devant un nouveau flux de questions, il déclara avoir rencontré, quelques fois, certains de ses anciens collègues ou encore, reçu de temps à autre, leurs visites.
Rien de préjudiciable !
Il lui avait été demandé s’il ne souhaitait pas reprendre du service dans son ancienne place.

En réalité, c’était Kostolo qui souhaitait le voir revenir rue de la Paix.
Pas tout à fait du reste, car ce désir de réembaucher Bailly venait de Mme Boursier, via Kostolo.
Mais en fait, cette décision de Marie Adélaïde Bodin, veuve Boursier, lui avait été soufflée par sa tante, la veuve Flamand, qui avait plaidé la cause de Bailly.

Et c’était reparti !!!
Qui croire ?

Le président de séance, circonspect, s’adressant à la veuve Boursier :
« Pourtant, ne venez-vous pas de dire que cet ancien employé avait été renvoyé pour fautes graves ?
-          Graves ! s’exclama la veuve, quelques étourderies et peu d’assiduité !
-          Pourtant, il venait fréquemment chez vous depuis le décès de votre époux ?
-          Pas chez moi ! A la boutique tenue par la fille Reine.
-          Certes, mais on a tout de même essayé de faire entrer ce jeune homme chez vous.

Se retournant vers Bailly, toujours à la barre, le président poursuivit :
« Pourquoi avez-vous formulé des accusations contre la veuve Boursier ?
-          Je n’ai fait que répéter ce que j’entendais.
-          Concernant l’arsenic, là aussi, vos changements de dépositions étaient en fonction de ce que vous entendiez ? De ce qu’on vous disait de révéler ?
-          Je ne savais pas que c’était important.
-          Et en ce qui concerne la visite chez l’avocat de la veuve Boursier. Qu’avez-vous à répondre ?
-          J’en ai eu la demande par un des fils de Mme Boursier. M. Couture souhaitait me rencontrer. Je me suis rendu chez lui, mais il était absent.
-          Et ce paquet, contenant de l’argent ?
-          Ce paquet ne contenait pas d’argent, mais du sel gris.

Etonnant tout cela !!!

Maitre Couture qui avait suivi avec intérêt les questions et réponses souhaita s’expliquer sur sa demande de rencontrer le témoin. Car, c’était bien, en effet, une demande de sa part.
En fait, c’était sur la sollicitation de la belle-sœur de sa cliente, que Maître Couture avait souhaitait rencontrer Bailly, afin d’éclaircir les différentes dépositions de celui-ci.
Mais, juridiquement, un avocat à le devoir de ne pas entrer en communication avec les témoins, aussi, le jour du rendez-vous, il avait préféré s’absenter.

Oui, car les dépositions de Bailly, depuis de début de l’enquête n’étaient pas réellement claires, troublantes même, notamment en ce qui concernait l’arsenic et la mort-aux-rats.
Pour se donner une idée de toutes les contradictions, il faut revenir un peu en arrière......
C’est ce que nous allons faire grâce aux explications de Maître Couture.

Suite à une première perquisition, dans la maison Boursier, que ce fut dans le logis, le commerce ou les caves, aucun poison n’avait été découvert. Bailly l’avait d’ailleurs affirmé !
Puis, Bailly était revenu sur cette déclaration. Il y avait bien de la mort-aux-rats et de l’arsenic, les deux poisons bien rangés dans un casier. Bien cachés. Comme l’avait préconisé le sieur Boursier.
Suite à cet aveu, pourquoi le juge d’instruction n’avait-il pas fait procéder à une nouvelle visite des lieux ?

Maître Couture, voulant en avoir le cœur net, avait, de lui-même, pris cette initiative bien que la loi ne l’y autorisait pas. Accompagné de Bailly, il s’était rendu rue de la Paix où Bailly s’était dirigé directement à un endroit précis, sans la moindre hésitation.
Pour quelqu’un qui ne savait pas, qui ne savait plus... sa mémoire lui était revenue bien facilement !!
Bailly, donc, à croupetons, passa le bras dans un casier et en ressortit deux paquets, l’un contenant de la mort-aux-rats et un second, de papier gris, plein de poudre d’arsenic.

Après ce constat, l’avocat avait fait remettre cette découverte à l’endroit même où elle se trouvait quelques minutes plus tôt. Il avait ensuite cloué une planche devant les casiers, pour marquer l’emplacement, mais surtout éviter que cette trouvaille ne changeât de place.

Bailly devant la confession de l’avocat de Mme Boursier ne sut que répondre. Il bafouillait et  bredouillait de vagues  explications sans queue ni tête, et surtout, que si il n’avait pas précisé sa visite avec maître Couture, c’était parce qu’il ne s’en était pas souvenu.
Bah voyons !!

Cette petite escapade en catimini, dans un lieu présumé « scène de crime », était-elle légale ?
Pas certain !
Vice de procédure, assurément, qui aurait pu remettre en cause la validité de ce procès !
Mais, rappelez-vous que cela se passait en 1823 .....


mercredi 15 avril 2020

SOYONS FOU, UNE FOIS ENCORE !!!


   


Soyons fous pour une fois .....
Un peu de vocabulaire sortant de l’ordinaire ! Suite 3......

La fin.....  car il faut bien une fin à tout !! 



Un cuistre
Nom et adjectif à la fois, ce mot apparut vers 1622.
Un mot qui vient de « coistre » - « Quistre » (1174) correspondant à « coistron » - « quistron » désignant un marmiton, un valet de cuisine.  
Vers 1640,   « cuistre » a été attribué à un valet, un subalterne qui en 1670, devin un homme pédant, ridicule, vaniteux, manquant de savoir vivre, compensant sa pauvreté par sa prétention.
La totale !!!



Une chattemite
Personne affectant des manières douces et modestes, pour tromper son entourage.
Vous l’aviez deviné, ce mot, apparu à la fin du XIIIème siècle, vient de « cattus », le chat.

Le proverbe ne dit-il pas : « Caresses de chat donne des puces !!! »


Un jaseur
De jaser qui :
·         Vers 1500, avait pour définition, en désignant un oiseau : émettre une succession de petits cris. 
·         En 1538, ce verbe « jaser » qualifia les humains avec cette notion de : dire inlassablement des futilités.
A la forme pronominale, « se jaser » prit la signification de : se moquer
Vers 1678, un jaseur devint un être frivole, mais aussi indiscret, médisant.

1718, l’argot s’empara du mot, « jaser » devint « jaspiner » : parler fort...... japper.
De là :
·         Un « jaspin » - vers 1865 – un bavardage.
·         Un « jaspineur » et/ou une « jaspineuse » - vers 1846 - celui ou celle qui profère un « jaspinage » - vers 1883.


Un caïman
De caïmand (1393) lui-même de « caymant » ou « quemand » : quemander – mendier.
Un caïman est un mendiant.

Mais..... Par allusion à un autre caïman, plus féroce, ce mot désigna, dans l’argot de l’Ecole Normale (1880), un surveillant, un répétiteur.
Ce mot a-t-il encore sa place dans le jargon des étudiants d’aujourd’hui ?


Une basse-fosse
Tout le monde ou presque connaît ce mot.
Dans le milieu carcéral, d’avant le avant d’avant, il y avait la fosse – le premier sous-sol, et puis la basse-fosse, en dessous, endroit plus humide et plus terrible aux prisonniers devant y résider.

Mais qui sait ce que sont les basses-fesses ?
Dans les villes anciennes, jusqu’au début du XIXème siècle, certaines rues avaient le rôle de « toilettes publiques ». Hommes, femmes et enfants venaient poser culotte, en ces lieux.
Ces rues non loin d’un cours d’eau étaient généralement en pente, ce qui facilitait, par temps de grandes pluies, l’évacuation des dépôts accumulés.


Je viens d’achever un livre merveilleux dont je vous ferai partager mes impressions dans un autre petit écrit, et dans lequel l’auteur, Jean Anglade, note le mot « céhoenne », à plusieurs reprises d’ailleurs.
J’ai eu, la première fois bien du mal à le comprendre. Il m’a fallu le prononcer à haute voix pour qu’il se clarifie.
Céhoenne !! Très joli, non ?
Moins dur, moins cruel, que ce mot bien connu qui ne compte que trois lettres........


Ainsi s’achève le « chapitre insultes d’antan ».
J’espère que tous ces mots vous ont ébaudis.

Ebaudir ?
Ce verbe se disait « abaudir » au XIIème siècle et possédait le sens de : étonner – rendre bègue.
Issu du latin « balbus » : bègue.

Ebaudir : Etonner quelqu’un – frapper quelqu’un de surprise,  tout en le mettant en joie.

A bientôt pour d’autres mots oubliés......



Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert