Après le récit « du presbytère hanté de
Cideville », je pense que, tout comme moi, vous êtes restés sur votre
faim !
En effet, rien sur l’origine de ces faits étranges.
Le saurons-nous un jour ? Peut-être, mais pas
certain.
Difficile de trouver de la raison dans
l’irrationnel.
Une question se pose alors, les phénomènes qui se
produisirent dans le presbytère furent-ils un cas isolé ?
D’autres lieux se virent-ils animés par un identique
charivari d’objets animés de toute sorte ?
Voilà ce que je vous propose, dès la semaine
prochaine :
Une
plongée dans les lieux habités par des esprits malveillants.
Attention !
Je ne sais pas encore ce que je vais vous faire découvrir........
Saint-Georges-du-Vièvre
dans l’Eure.
Saint-Georges-du-Vièvre, commune du département
de l’Eure, entre Bernay et Pont-Audemer, réputée dès le XVIème
siècle pour ses toiles de lin de grand
renom qui ont fait les beaux jours des tisserands.
Saint-Georges-du-Vièvre où je vous invite, en
ce premier quart du XXème siècle.
Saint-Georges-du- Vièvre :
Une commune bien tranquille, comptant 624 habitants au recensement de 1926.
Chacun se connaissait et se saluait.
Les jours de marché, il y avait foule sur la
place de la mairie et sous la halle. Ces jours-là, le boulanger faisait plus de pains, le médecin recevait plus de
patients et l’officine du pharmacien ne désemplissait pas, tout comme les
autres boutiques.
Le pharmacien, Aimé Maurice Gourlin, n’était
pas de Normandie. Il avait vu le jour dans la Somme, le 24 août 1869, mais il
avait su se faire accepter par les habitants de Saint-Georges où il était venu
s’installer après son mariage[1] avec une
demoiselle d’Appeville-Annebault, Victorine Marguerite Morisse.
Le jeune couple était arrivé avec bagages
aussitôt les noces et, le 30 septembre 1899, naissait une petite fille qui
reçut les prénoms de Marie Odette Augustine Octavie.
D’autres enfants naquirent.
La pharmacie était prospère.
Jusqu’à ce mois de décembre 1929...
Saint-Georges-du-Vièvre
dans l’Eure – premier phénomène.
Tout commença à la fin de fin décembre 1929. Il
faisait froid dans le laboratoire de la pharmacie, aussi Aimé Gourlin se dit
qu’il serait bien de faire une flambée, histoire de dégourdir l’air.
Il mit quelques feuilles de journal, du petit-bois
et craqua une allumette.
Quelques flammèches montèrent, promettant un
réchauffement rapide.
Au moment de mettre du charbon, la buse de
raccordement au tuyau d’évacuation de la fumée se détacha et alla rouler aux
pieds du pharmacien.
Celui-ci ne s’en étonna pas plus que cela et
remit la pièce en place rapidement, car la fumée envahissait la pièce.
Aussitôt replacée, la buse sauta encore et
roula de nouveau vers Aimé Gourlin.
Etonné, mais sans plus, il pensa qu’il l’avait mal
emboîtée et recommença l’opération de remboîtage en y mettant une plus grande
force.
Aussitôt mise, aussitôt repartie, et cela
plusieurs fois de suite.
Il y avait de quoi s’étonner !
Monsieur le pharmacien eut bien d’autres
surprises par la suite....
Saint-Georges-du-Vièvre dans l’Eure – et après
Monsieur le pharmacien alla de surprise en
surprise.
De fin décembre 1929 au 7 janvier 1930, pas
moins de 36 manifestations paranormales. Rien que ça !
Après la buse de raccordement du poêle, se
furent les bocaux qui furent pris de mouvements incontrôlés finissant sur le
sol ; les portes des placards s’ouvraient et se fermaient laissant
échapper le contenu des étagères.
Un bocal de naphtaline lourd de deux kilos
contourna un meuble et alla se fracasser trois mètres plus loin.
Les chaises lévitaient à deux mètres du sol.
Un escabeau faisait une promenade de santé
autour du laboratoire.
La balance de précision, posée sur une table,
balança, oscilla un moment avant de se retrouver sur le sol.
Aimé Gourlin n’était pas un homme
impressionnable, mais tout ce chambardement dans son échoppe commençait à
l’ébranler. La clientèle, témoin de certains faits, avait été signaler les
phénomènes à la gendarmerie. Bientôt, plus aucun malade ayant besoin de sa
science n’oserait franchir la porte de sa pharmacie.
Les témoins de toutes ces manifestations
racontaient à qui voulait l’entendre leur expérience peu commune. Bien
évidemment, ils chuchotaient pour ne pas être entendu des entités maléfiques.
Mieux valait être prudents.
Mme veuve Deshayes[2],
couturière, venait chaque jeudi à la pharmacie pour des travaux de couture et
de ravaudage. Elle s’installait dans la salle à manger. Ce jour-là, elle
s’enfuit comme si le diable était à ses trousses. Direction la gendarmerie.
Monsieur Alphonse Lhermitte, menuisier de son
état, prenait des mesures[3] dans la
pharmacie afin d’effectuer de nouveaux casiers. Les cheveux lui sont dressés
sur la tête.
Mademoiselle Yvonne Henriette Homo[4], modiste,
mit longtemps à se remettre de ce qu’elle avait vu.
Robert Leroux[5], le
gendre de M. gourlin, se trouvait avec son beau-père et Monsieur Maunoury dans
l’officine, lorsqu’une boîte de pâte de guimauve lancée par une main invisible
chuta sur le carrelage. La boîte remise en place tomba encore et encore avant
d’arrêter son petit manège.
Le parapluie de mademoiselle Cécile Gourlin[6],
accroché à une patère par la cordelière, se décrocha et tomba sur le bras de
Monsieur Gourlin fils[7].
Une autre fois, ce furent le chapeau, la canne
et le parapluie qui se poursuivaient dans la maison.
Aimé Gourlin avait beau ne pas y croire, il
pensa qu’il valait mieux mettre tous les atouts de son côté, aussi fit-il appel
au curé du pays, Monsieur Hervieu[8].
Crucifix à la main, marmonnant des prières, le curé Hervieu posa des médailles
de Saint-Benoît sur toutes les étagères. Hélas, aucun résultat.
L’abbé Meulant, curé de Saint-Etienne-l’Allier,
vient exorciser les lieux. Pour lui, c’était évident, il s’agissait de « farces diaboliques du malin ».
Les gendarmes, Marcel Dumontier et Paul et Marcel Luyck, vinrent constater
les faits.
Monsieur Gauger, procureur de la République
d’Evreux, se déplaça en personne. Son verdict : « causes surnaturelles ».
Tout cela était bien beau, mais rien ne
changea.
Saint-Georges-du-Vièvre
dans l’Eure – et alors ?
Rien ne changeait !!
Mais à bien réfléchir, les événements se
produisaient uniquement lorsque qu’une jeune fille[9],
employée comme bonne par la famille Gourlin, était présente.
Si elle ne venait jamais dans le laboratoire,
elle se trouvait dans la cuisine, pièce contiguë.
Bien entendu, la jeune personne fut entendue
par les autorités, mais elle n’avait rien à dire. Elle avait constaté les faits
comme chacun, sans plus.
Ce qui était certain, c’était que lors de ses
absences, un calme absolu s’installait dans l’officine.
Pour en avoir le cœur net, monsieur Gourlin
proposa que la jeune bonne aille passer un moment chez son fils Alphonse
Gourlin à Appeville-Annebault où il avait une exploitation agricole.
La jeune
fille partit le 15 janvier et revint un mois plus tard, le 14 février. Pendant
cette période aucun objet volant, ni parapluie farandolant, ni balance
sautant....
Alors, que penser ?
Le mystère demeure.
Le pharmacien constata que tous ces
bouleversements lui avaient occasionné une perte entre 700 et 800 francs de
produits. Il porta plainte, par acquit de conscience, « contre
inconnu » à la gendarmerie.
Et alors ?
Dans la « Revue spirite » du 1er
mai 1930, parlant des événements de Saint-Georges-du-Vièvre, il est noté :
« ... manifestations non
surnaturelles, mais surnormales... ».
Évoquant l’implication inconsciente de la jeune
fille : « ... l’influence de la
crise de puberté dans le développement médiumnique ».
Aujourd’hui, on parlerait de poltergeists,
phénomènes causés par une personne présente, le plus souvent une adolescente
introvertie, sur les lieux. Des esprits frappeurs, disait-on alors.
Et nous le verront plus tard, il y a eu
beaucoup de cas.
Fut-ce le cas dans la pharmacie ?
Monsieur Gourbin vendit sa pharmacie à un
certain Monsieur Sarrazin.
Un jour, une bonbonne d’éther tomba de son
étagère et atterrit sur le pauvre Sarrazin qui fut gravement brûlé.
Un accident ? Provoqué par .... ?
Aussitôt, sur la place du marché de
Saint-Georges-du-Vièvre, on ne manqua pas de dire :
« Le fantôme est revenu hanter la
pharmacie ! »
Un frisson parcourut les personnes présentes,
regard tourné vers la vitrine, se souvenant soudain de l’effroi d’alors.
Et cette jeune fille qui était-elle en
vérité ?
Selon le journaliste du « journal d’Evreux
et du département de l’Eure » en date du 8 mars 1930, elle se nommait
Andrée Pontel, âgée de 17 ans. Aucune jeune fille de ce nom dans les divers
recensements des communes des environs de la pharmacie. Mais cela ne veut pas
dire qu’elle n’a pas existé, simplement passé entre les mailles des agents
recenseurs.
Dans un article, j’ai retrouvé le témoignage
d’un descendant du pharmacien Gourbin. Intrigué, il a mené son enquête.
Celle-ci l’a mené vers une famille Fontaine et une certaine Henriette.
Pourquoi pas, mais cette jeune fille, en 1929,
comptait onze printemps et non dix-sept.
Alors ?
Je trouverai peut-être, un jour.... Les
recherches sont capricieuses, elles mettent parfois longtemps avant d’aboutir.
Toutefois, en savoir plus, ne changera rien à
l’histoire qui a bientôt un siècle.
Des lieux réputés hantés, l’histoire en compte
beaucoup, pour vous en donner une petite idée, je vous conseille les
livres :
·
Les fantômes de Normandie de
Véronique Beaumont.
·
Histoires vraies de maisons hantées
de Stéphanie et Edouard Brasey.
·
Maisons hantées et lieux
fantomatiques du monde entier d’Alison Rattle et Allison Vale.
·
Une histoire vraie : les
fantômes de la 87ème avenue de M. L. Wielm.
·
Les lieux hantés des éditions
Time-Life.
·
.....
Petit conseil : évitez ces lectures avant
d’aller vous coucher !!
Saint-Georges-du-Vièvre dans l’Eure – nouvelles révélations
J’aime les imprévus, mais uniquement lorsqu’ils
sont positifs !
Alors que je pensais avoir clos l’article
ci-dessus, sur les « esprits frappeurs de la pharmacie de
Saint-Georges-du-Vièvre », un appel téléphonique fit rebondir cette
enquête en apportant quelques précisions et témoignages qui m’incitèrent à reprendre
les recherches.
Alors reprenons, si vous le voulez bien.
Dans un extrait précédent, j’avais noté :
Robert Leroux[10], le gendre de M.
gourlin, se trouvait avec son beau-père et Monsieur Maunoury dans l’officine,
lorsqu’une boîte de pâte de guimauve lancée par une main invisible chuta sur le
carrelage. La boîte remise en place tomba encore et encore avant d’arrêter son
petit manège.
La première information importante concerne, Monsieur Maunoury.
Monsieur Pierre François Valentin Maunoury
était le beau-frère du pharmacien Gourlin.
En effet, il avait épousé, le 17 novembre 1894,
une demoiselle Marie Joséphine Augustine Morisse, sœur de Marguerite Victorine
Morisse, épouse Gourlin.
La fille du couple Maunoury, Renée Hélène, née
en 1905 à Ry, avait été le témoin du désordre d’objets volants et notamment,
l’agitation d’une pile de linge[11].
Voilà le scoop de la seconde information.
Et puis, mais les bruits avaient déjà couru en 1939, ces « manifestations
diaboliques » auraient été le résultat d’une rivalité entre deux femmes
souhaitant être embauchées à l’officine.
Mais qui étaient-elles ?
Reprenons les listes de recensements entre 1906
et 1936, afin de noter les différentes servantes logées à la pharmacie. La
non-mention ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de bonnes au service des
Gourlin, seulement qu’elles ne vivaient pas sous leur toit.
En raison de la Grande guerre, aucun comptage
de la population en 1916.
|
1906 |
Lecat Jeanne |
Née en 1892 à Saint-Pierre-des-Ifs. |
|
1911 |
Brière Louise |
Née en 1891 à Saint-Georges-du-Vièvre. |
|
1921 |
Aucune mention d’une domestique, mais elle
pouvait vivre dans le village. Malgré tout aucune indication de
« Gourlin » dans la rubrique « patron ». Peut-être aussi,
parce que cette jeune femme avait plusieurs employeurs d’où la mention
« divers » |
|
|
1926 |
||
|
1929 |
Pontel Andrée |
Information journalistique – jeune fille de
17 ans. |
|
1931 |
Rouen Raymonde |
Née en 1907 à Campagny. |
|
1936 |
Fontaine Henriette |
Née le 5 septembre 1918 à
Saint-Etienne-l’Allier. |
N’ayant
rien, pour le moment, sur la « seconde jeune femme », reprenons les
investigations relatives à Andrée Pontel.
Ayant constaté le grand nombre de coquilles
dans les journaux, notamment dans l’orthographe des noms de famille, supposons
que.... FONTEL soit FOUTEL.
Une famille Foutel apparaît dans la commune de
Saint-Grégoire-du-Vièvre, non loin de Saint-Georges-du-Vièvre.
Dans la famille Foutel, je demande, une des
filles !
Et je découvre qu’il y a bien une Andrée
Foutel, née en 1912 à Saint-Martin-Saint-Firmin. Née en 1912, ce qui lui fait
17 ans en 1929.
L’acte de naissance de cette jeune fille
confirme sa naissance, fin 1912 et son mariage en 1932.
Était-ce bien la petite bonne ?
Beaucoup de coïncidences ? Non ?
Et si vous apprenez qu’au foyer d’Alphonse
Gourlin, fils de Gourlin Aimé pharmacien, il y avait une petite bonne nommée
Geneviève Alice Alphonsine Foutel, née en août
1910 à Saint-Pierre-des-Ifs et que celle-ci était la sœur d’Andrée.
Alors là, je pense qu’il n’y a plus de doute.
Non ?
Reprenons maintenant une autre phrase du début
de mon texte :
Dans un article, j’ai retrouvé le
témoignage d’un descendant du pharmacien Gourbin. Intrigué, il a mené son
enquête. Celle-ci l’a mené vers une famille Fontaine et une certaine Henriette.
Pourquoi pas, mais cette jeune
fille, en 1929, comptait onze printemps et non dix-sept.
Il y a bien eu une petite bonne, nommée
Henriette Marguerite Louise Fontaine, au
service du pharmacien de Saint-Georges-du-Vièvre. Elle apparaît sur les
recensements de 1936.
Elle n’a toutefois pas remplacé la demoiselle
Foutel aussitôt son départ, car en 1931, Raymonde Rouen été dans la place.
Je pourrais affirmer, sans trop me tromper, que
l’arrivée à la pharmacie d’Henriette Fontaine se situa vers mai 1932.
En effet, Raymonde Rouen convola en justes
noces en avril 1932.
Henriette ? La seconde jeune fille ?
Je pense avoir fait le tour de ce qu’il y avait
à découvrir.
J’espère que ces explications ne vous ont pas
été trop pénibles.....
Si toutefois d’autres éléments surgissaient, je
serais prête à reprendre ma fonction de détective, tel Sherlock Holmes.
[1] Mariage le 24 octobre 1898 à Appeville-Annebault.
[2] Aurélie Augustine Cornu, veuve d’Alphonse Henri Deshayes – mariage le 17 mai 1905.
[3] Ce fut le 27 décembre que le pauvre menuisier eut la
frayeur de sa vie.
[4] Yvonne Henriette Homo, née le 23 mai 1905.
[5] Robert Maurice Leroux, cultivateur, avait épousé
Thérèse Marie Marguerite (née en 1903), seconde fille du pharmacien, le 23
avril 1927 à Saint-Georges du-Vièvre.
[6] Cécile Gourlin, née le 25 novembre 1909.
[7] Alphonse Gourlin, né le 28 avril 1901.
[8] Le curé Hervieu vint le 12 janvier 1930.
[9] Qui était cette jeune fille ? Elle vivait chez ses parents dans une commune proche de Saint-Georges–du-Vièvre. Les journaux la nommaient Andrée Pontel, âgée de 17 ans. D’autres écrits font mention d’une certaine Andrée Fontaine, d’autres encore....
[10] Robert Maurice Leroux, cultivateur, avait épousé
Thérèse Marie Marguerite (née en 1903), seconde fille du pharmacien, le 23
avril 1927 à Saint-Georges de-Vièvre.
[11] Le déplacement de la pile de linge n’a pas été
mentionné par les journalistes.
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