Historiques

mercredi 13 août 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 12

Ce fut au tour de Rosalie Faucillon de venir témoigner. Domiciliée à Mesnil-Panneville et épouse de Pierre Eléonord Levaillant[1], elle avait quarante-huit ans, s’occupait de son ménage,

Marie Anne Rosalie Faucillon naquit le 21 brumaire de l’an XI. Fille de Louis Charles Faucillon et de Marie Louise Bonne Marais, elle avait épousé le 21 décembre 1843, Pierre Eléonor Levaillant au Mesnil-Panneville.

 

Rosalie Faucillon déclara que les ramoneurs qui avaient travaillé à Cideville étaient venus chez eux et en présence des domestiques avaient raconté avoir vu un des enfants du presbytère casser les carreaux avec un morceau de savon et un couteau.

Chez l’épicier Varin, tenant boutique à Cideville non loin du presbytère, la servante de M. Tinel avait dit, avec satisfaction, que M. Tinel était absent pour la journée avec les deux élèves. Elle allait être tranquille. Elle précisa en parlant des deux garçons et du prêtre :

« Ces messieurs du presbytère ayant le dos, l’un contre la cheminée, l’autre contre une porte et l’autre encore à un autre endroit, j’ai vu une brosse et une clé se culbuter dans la maison ainsi qu’un couteau qui était sur la table passer à travers un carreau. J’ai repris le couteau dans le jardin et reposé sur la table et ce couteau était retourné une seconde fois dans le jardin. À ce moment, je l’ai laissé en disant : « Va au diable, si tu veux ! ». »

 

Ces messieurs du presbytère, c’étaient donc des élèves et du curé dont il s’agissait.

Cette brave servante soupçonnait-elle ces messieurs d’être à l’origine des faits qui hantaient les lieux ?

 

 

Qu’allons-nous découvrir au cours de l’audition de Charles Jules de Mirville, quarante-huit ans, propriétaire domicilié à Gommerville, canton de Saint-Romain-de-Colbosc ?

Charles Jules Eudes de Catteville de Mirville[2], marquis de Mirville, auteurs d’ouvrages sur le spiritisme.

Voici le récit qu’il fit :

« Mercredi dernier, je me suis rendu au presbytère de Cideville. Je me suis prêté à un jeu, parlant à haute voix à l’entité censée hanter les lieux :

      Lorsque tu voudras répondre affirmativement, tu frapperas un coup. Lorsque tu voudras répondre négativement, tu en frapperas deux.

Immédiatement, un coup s’est fait entendre. »

 

Dans la salle des « oh ! » de stupéfaction montèrent crescendo. Le juge de paix fut obligé de demander le silence. Le calme revenu, Charles Jules de Mirville reprit la parole.

«  Ce fut alors que s’instaura un dialogue. Combien y a-t-il de lettres composant mon nom ?

      Huit coups. (Mirville)

      Mon nom de baptême ?

      Cinq coups. (Eudes)[3]

      Maintenant mon prénom qui ne figure que sur le registre de l’État-civil et que personne ne m’a donné           jusqu’à présent ?

      Immédiatement sept coups. (Charles)[4]

      Maintenant le nom de mes enfants. L’aînée ?

      Cinq coups. (Aline)

      Celui de la plus jeune ?

      Neuf coups, rapidement rectifiés en sept. (Blanche)

      Maintenant, passons à mon âge. Frappe autant de coups que d’années.

      Quarante-huit coups.

      Combien de mois compteras-tu entre le premier janvier de cette année et le moment où je prendrai la          quarante-neuvième ?

      Trois coups très forts et un très faible. (Sûrement le coup faible marquait un demi-mois.)

     Ce n’est pas complet, combien de jours   à présent entre ce demi-mois et l’anniversaire de ma                          naissance ?

      Neuf coups.

 

C’était parfaitement juste, j’aurai quarante-neuf ans le 24 avril de cette année.

L’interrogatoire se poursuivit, sur mon lieu d’habitation. Des questions sur la musique et notamment la suite, airs et paroles, des chansons que cette « chose » avait l’habitude de chanter et également sur la « valse du Guillaume Tell ». Tout fut parfait, aucune erreur.

Pendant ce temps, les deux élèves poursuivaient leur travail, M. le Curé n’est pas venu dans l’appartement pendant tout ce temps. »


 

Le juge demanda alors si le témoin avait envisagé que ce fut M. Tinel qui avait frappé les coups. M. de Mirville répondit qu’il ne le pensait pas.

« Pensez-vous que ce serait le berger Thorel ?

-       Je ne pense pas qu’il puisse le produire par lui seul, mais bien avec l’assistance d’une cause occulte et surnaturelle.

 

Le témoin précisa qu’il était l’auteur d’ouvrages dont l’un s’intitulait : « Les peuples et les savants en matière de religion ».

 

À la dernière question :

« Connaissiez-vous le curé de Cideville ?

      Je n’avais jamais vu M. le curé de Cideville avant mercredi dernier et j’ignorais complètement qu’il existait une commune du nom de Cideville. »

 

Un silence lourd avait envahi la salle tout le temps où le marquis de Mirville avait parlé.

Ces dires laissaient à penser que les esprits existaient et qu’ils connaissaient tout des vivants.

C’était aussi une époque où l’on faisait tourner les tables pour entrer en communication avec l’au-delà, parler avec un être cher disparu trop tôt et qui manquait terriblement.

Une époque aussi où les charlatans, profitant de la douleur du deuil, soutiraient de l’argent en vendant de l’espoir.

 

Alors, qui frappait les coups répondant au marquis ?

Un esprit ?

Un charlatan connaissant bien l’homme à qui il répondait ?



[1] Pierre Eléonor (ou

Léonor) Levaillant dont je vous avais affirmé ne rien avoir sur lui. Eh bien, mes recherches à la suite du dernier chapitre ont été plus efficaces. Il est né le 11 messidor an 3 à Criquetot, du mariage d’Etienne Nicolas Levaillant et Marie Victoire Halle.

[2] Charles Jules né le 24 avril 1802 au château de Filières – Gommerville (76). Décédé au même endroit, le 11 septembre 1873. Mariage avec Louise Marguerite de la Pallu le 7 mars 1831 à Paris. Son épouse décéda le 13 mars 1842 à Pise en Utalie.

[3] Pour tous, son nom était Mirville.

[4] Tous ne le connaissaient que sous le prénom de Jules.

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