mercredi 28 mai 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 1



En ce temps-là, les superstitions et croyances étaient tenaces.

On croyait à Dieu et à Diable, au mauvais œil
et aux jeteurs de sorts.

On préférait aller voir le rebouteux que le docteur. On se méfiait de l’apothicaire et de ses remèdes.

On fréquentait l’église plus par peur du curé qui ne manquait jamais de reprocher les absences de chacun aux messes dominicales. Ainsi montré du doigt, l’enfer n’était pas loin.

 

En quelque sorte, chacun se méfiait de chacun, et il était préférable de ne pas trop en dire (surtout sur ses biens) afin de ne pas attiser la jalousie et l’envie. Le soir, les volets étaient tirés pour éviter les regards indiscrets.

 

La médisance était presque une activité communale (commune à tous les villages), peut-être pour éloigner de soi toute répréhension, toute attaque.

 


Dans cette atmosphère de suspicions, il était un personnage très redouté, le berger !!

En contact continuel avec la nature, il connaissait les plantes, celles qui provoquaient le mal, tout comme celles qui apaisaient. C’étaient souvent les mêmes, d’ailleurs, question de dosage. Et puis, il connaissait les astres aussi.

 

Tout commença étrangement un jour où le curé Tinel se rendant au chevet d’un de ses paroissiens alité découvrit dans la maison de ce dernier, un certain Girard, guérisseur-sorcier.

Que faisait ce charlatan de mauvaise réputation dans la demeure du malade ? Le curé prit d’un coup de sang fit chasser l’individu de sa paroisse. Peu de temps après, Girard fut arrêté et jeté dans une geôle. Condamné à deux ans d’emprisonnement, le guérisseur jurait vengeance et pria un de ses amis et disciples d’agir violemment contre le curé.

Cet ami, un « berquet » nommé Thorel dévoué à son maître se surpassa......

 

Voilà le début de cette sombre histoire....

                                                                                                                                              à suivre......

Sabouler ?

 

Le verbe sabouler apparaît vers 1530.

Cela ne va pas vous étonner si je vous révèle que son origine est incertaine !

Mais il pourrait avoir pris naissance à partir de deux autres verbes :

  • ·         Saboter : secouer
  • ·         Bouler   : renverser (en 1390, bouler = chambouler).

À son origine, sabouler était employé dans le sens de : houspiller ? Puis vers 1546, dans celui de bousculer, secouer.

À la forme pronominale, se sabouler signifie :

  • ·         S’agiter (1628).
  • ·         Se battre (XVIIIe siècle).

Un mot qui exprime donc le mouvement, parfois violent comme l’explique :

  •   ·         Vers 1830             : frotter – cirer (avec beaucoup d’ardeur !!)
  •        Fin XIXe siècle   : laver énergiquement.

Y a-t-il de la violence dans ce verbe se sabouler qui, vers 1935, s’employait pour : s’apprêter, se farder ?

Quelques mots découlant de ce verbe et qui sont sortis d’usage :

  • ·         Un saboulement (1573)
  • ·         Un saboulage, utilisé en 1673, par Mme de Sévigné.

 

Le maître saboulait sa servante qui au lieu de sabouler au lavoir le linge sale, passait son temps à se sabouler avec des fards de couleurs vives. À se sabouler de cette manière, le maître ne risquait-il pas un coup de sang ?

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 21 mai 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux


 


Que diriez-vous d’un voyage dans le temps, au milieu du XIXe siècle, dans un petit village du Pays de Caux, en  Normandie ?

Un endroit comme beaucoup d’autres où survivaient de nombreuses légendes et la peur des sortilèges  et envoûtements.

Alors malgré le chant des oiseaux, l’odeur du foin coupé, les cris des enfants et le chant joyeux des femmes lavant le linge, chacun avait un œil suspicieux sur ses voisins, surtout si quelques soucis venaient entacher le quotidien.

Monsieur le curé veillait sur ses ouailles, en père protecteur, et venait asperger d’eau bénite maisons et étables hantées pour rassurer les plus inquiets.

 

En cette année 1851, à la mairie, Monsieur Adolphe Cheval et à l’église le curé Louis Thinel servaient une population de 346 administrés pour le premier et 346 âmes pour le second. Tous deux attentifs.

Bien évidemment, ils travaillaient de concert pour le bien de tous.

 

Alors, pourquoi tout à coup, tout sembla partir à vau-l’eau ?

Un roquentin

  

Nous avons vu précédemment le mot rombière qui pourrait provenir du verbe roquer : tousser ou ayant des difficultés respiratoires.

 Je vous propose à présent ce nom masculin, roquentin, attesté dans notre langage depuis 1630.

Roquentin s’est également orthographié, rocantin.

L’origine de ce mot est obscure, mais il proviendrait peut-être de :

  • ·         Roque : roche – forteresse.
  • ·         Roquer : heurter – roter – craquer.

 

Toutefois, François Villon (XVe siècle) parle, dans un de ses textes, d’un vieux roquart désignant un vieillard morose.

 Le roquetin au fil des ans !

  • ·         Vieux soldats (1630).
  • ·         Jeune élégant faisant la cour à une femme (1669).
  • ·         Vieillard ridicule prétendant faire le jeune homme (XIXe siècle).
  • ·         Chanteur interprétant des chansons satiriques (1631).

 

Les mots vont et viennent, traversent les siècles, et leur définition varie.

Ce  jeune élégant qui faisait la cour à une femme, suite à une période sous les drapeaux, se
retrouva en vieux soldat qui, après un verre de trop, bien éméché, chantait à tue-tête des chansons satiriques. Bien des années plus tard, prenant de l’âge, il fut un vieillard ridicule qui, tout comme la rombière, toussait, grognait, ennuyant son entourage.

Oh ! J’avais oublié, le roquetin rotait également ce que n’osait faire la rombière devant, tout de même, tenir son rang. Fierté oblige !

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 14 mai 2025

Entre Lisieux et Orbec – Madeleine Morin – chapitre 3

 


 

Le docteur Lange, médecin du Roi en 1717, laissa un écrit concernant cette « affaire Madeleine Morin » dans lequel il relate les faits et ses observations. Il y décrit Madeleine Morin comme étant :

Une fille exprimant la douceur et la sagesse, n’ayant point de passions dominantes, d’un tempérament assez bon, d’une conduite simple et régulière, possédant une piété sans superstition et beaucoup d’attachement à son devoir et de résignation à la volonté de Dieu.

 

Pour lui, il n’y avait aucun maléfice.

Seuls des faits inexpliqués.

 

Pour les vomissements des chenilles, assurément la grande absorption de fruits et légumes mal lavés.

Quant aux épingles ressortant à plusieurs endroits du corps, une seule hypothèse plausible pour lui. Lorsque Madeleine avait été attaquée par sa voisine, cette dernière lui aurait fait avaler de petits sachets remplis d’aiguilles et d’épingles.

Les douleurs durent être horribles lorsque les sachets s’ouvrirent, libérant leur contenu et provoquant des vomissements de sang, la paroi de l’estomac étant piquée et éraflée par les pointes acérées.

Les épingles auraient ainsi parcouru le corps traversant les muscles, les organes et les veines avant de ressortir à divers endroits du corps de la pauvre jeune femme.

 

Un réel calvaire.

 

Lorsque le corps de Madeleine rendit la dernière épingle, la jeune femme mit un long temps à se remettre avant de poursuivre sa vie tout simplement.

 

Quant à la voisine, aucune information la concernant.

Une rombière

 


Un nom féminin souvent accompagné du qualificatif « vieille ».

 

Mais d’où vient ce mot et que signifie-t-il ?

Le mot « Rombière » est attesté dans le vocabulaire depuis 1860. D’origine incertaine, avec quelques hypothèses :

  • ·         Rombière dont la première syllabe ROM évoque le grognement (grommeler – grogner)

Origines possibles :

  • ·         Du lorrain, romber : gronder sourdement

Ou encore de

  • ·         Romer : grommeler – respirer difficilement.
  • ·         Roquer : tousser (difficultés respiratoires).


Un mot qui évoque la vieillesse, le déclin de la vie et ses inconvénients. Pas top !

 

Le mot Rombière, argotique, nomme une bourgeoise d’âge certain (ou d’un certain âge), ennuyeuse (peut-être parce que s’ennuyant aussi), prétentieuse, voire un peu ridicule.

Et aussi pour compléter cette définition : une femme vieille (certes) mais aussi laide (1925).

Un tableau vraiment charmant !!

 

Le masculin existe aussi : une rombière = un rombier.

Rombier, mot également argotique (1901) :

  • ·         Un vieillard

Et puis dans le langage militaire :

  • ·         Un homme – un type – un mec – un personnage....

 

Un vieux rombier semble être plus noble, plus respecté que la vieille rombière qui est décrite décatie et acariâtre.

Encore une injustice flagrante entre les deux sexes !

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 7 mai 2025

Germain.... Mon cousin germain.

 


Mais non ! Il ne s’agit nullement du prénom de mon cousin.

Alors pourquoi germain ?

Vient-il, ce cousin, de Germanie ?

Pourquoi pas, car il n’est pas interdit d’avoir un cousin germain prénommé Germaine habitant en Germanie ! Parfois, la vie a des imprévus surprenants.

 

Mais voilà....

 

Germain, dans ce cas précis, est emprunté au latin germanus = naturel, au sens de :

  • ·         Progéniture.
  • ·         Du même sang.
  • ·         Du même germe.

 

Germain, adjectif, (vers 1160) est employé pour désigner les frères et sœurs de mêmes parents.

 

Aujourd’hui, et depuis 1680, germain n’est employé qu’en parlant de cousins :

  • ·        
    enfants issus des frères et sœurs et ayant les mêmes grands-parents.

 

Seul reste dans notre langage : ce « cousin germain » et bien évidemment son féminin, la cousine germaine.

 

Entre Lisieux et Orbec – Madeleine Morin – chapitre 2

 


Madeleine Morin avait repris le fil de sa vie.

Le 22 juin 1716, alors que le soleil venait tout juste de poindre à l’horizon, Madeleine partit d’un bon pied au bourg de Farvaques.

En chemin, elle fut agressée. Elle reçut grand nombre de coups de bâtons sur la tête, sur l’épaule gauche, au ventre... La douleur fut telle que la pauvre jeune femme perdit connaissance. Ce fut sa sœur qui la découvrit gisant sur le sol la tête couverte de sang.

À la question : « Qui t’a agressée de la sorte ? »

Madeleine répondit : « La voisine..... »

 

Le sieur du Bois, grand chirurgien de Fervaques, vint au chevet de Madeleine afin de la soigner. Il la trouva dans un état pitoyable, avec de multiples contusions : sur le sommet de la tête, sur l’omoplate gauche, sur la région du foie. De plus, elle avait une terrible fièvre et tombait fréquemment en syncope. »

 

Le 10 juillet, le praticien revint visiter Madeleine qui se plaignait de forts maux de tête. Trouvant étrange la contusion sur le sommet du crâne de la blessée, il y pratiqua trois incisions pensant voir apparaître un épanchement de sang. Que ne fut pas sa surprise lorsque qu’apparurent une aiguille et deux épingles qu’il s’empressa d’ôter.

Le 22 juillet, il fit, en raison des grandes douleurs que ressentait Madeleine, huit incisions sur le bras gauche, il en enleva
alors sept épingles et une aiguille.

L’étonnement du grand chirurgien croissait avec le nombre d’épingles recueillies.

Le 10 septembre, le sein gauche de la pauvre femme produit sous le scalpel de l’homme de science six épingles.

Le 28 septembre, sous les fausses côtes de la patiente, du Bois récupéra encore trois épingles.

 

Y avait-il quelque sortilège là-dessous ?

 

Car ce n’était pas fini !

Le 3 novembre, de nouveau auprès de la blessée, ce fut encore du côté gauche, dans la cuisse et la jambe, que furent encore extraites des épingles, au nombre de huit.

 

Le chirurgien malgré toute sa science en matière de médecine ne comprenait rien à tout cela. Il en parla au sieur Lange fils, médecin de ses amis.  Le 10 janvier 1717, ils furent tous deux témoins de l’extraction de sept nouvelles épingles au sein gauche de Madeleine.

Le médecin Lange, perplexe, mais ne croyant pas à quelque possession diabolique, avait émis cette réflexion :

« Si les vomissements de chenilles pouvaient s’expliquer par l’ingestion des fruits et légumes..... mais les épingles ! »

Ils ne pouvaient garder cette étrangeté pour eux, il leur fallait d’autres avis et les médecins de Lisieux furent sollicités. Sur la recommandation de ces derniers, Madeleine Morin fut admise le 28 janvier 1717 à l’hôpital général de Lisieux.

Dans une chambre, sans aucun autre malade, surveillée nuit et jour par deux religieuses, elle fut mise en observation.

 

Et devant de nombreux témoins, le phénomène se poursuivit.

Du 22 janvier, jour de son admission à l’hôpital et jusqu’au 29 avril, ce furent soixante-deux épingles et une aiguille, maintenant sur toutes les parties du corps, côté gauche et côté droit.

Toutes ces épingles furent l’objet d’un minutieux examen.

 

Elles étaient toutes sans tête, de différentes grosseurs et semblaient avoir été étêtées avec des ciseaux. Elles étaient courbées de la même manière.

Celles en fer étaient un peu noires.

Celles en laiton étaient intactes.

 

Avant l’apparition des épingles, la malade était prise d’une forte fièvre et de vomissements de sang.

 

Puis il se formait, à certains endroits, une petite boursoufflure qui grossissait. Il était alors possible de sentir sous le doigt l’aiguille avant qu’elle ne soit à fleur de peau. À ce moment précis, il suffisait d’inciser avec un bistouri et de la recueillir avec une pince.

Sur les incisions ainsi pratiquées, il était appliqué de l’huile d’olive pour une parfaite cicatrisation.

 

Combien de temps dura le phénomène ?

Madeleine Morin sortit-elle enfin guérie de l’hôpital ?

 

Laissons au docteur Lange le temps de rassembler ses notes et de donner son diagnostic.