Historiques

mercredi 17 septembre 2025

Une carambouille ?

  

Carambouille : un mot d’argot apparu vers 1918.

Escroquerie consistant à revendre rapidement des marchandises dérobées.

En 1878, apparut cette locution, également argotique :

« Vol à la carambole » que l’on peut traduire par « vol à l’étalage ».

 

Des mots de la même origine :

·         Une carambouille (1918)

·         Un carambouillage (1900)

·         Carambouler (1928)

 

 

Carambouiller, verbe ayant un rapport très étroit avec le billard par sa comparaison aux mouvements des boules sur le tapis de la table de billard et celui des marchandises passant de complice en complice.

En effet, caramboler (1792), terme de billard employé lorsque le joueur, d’un même coup, touche deux boules avec la sienne. Il y a alors carambolage.

 



Au verbe caramboler fut ajoutée une finale ouille comme dans fripouille, embrouille, chatouille......

 

Caramboler est également employé au sens figuré pour heurter, en parlant de véhicules.

Un carambolage : véhicules se heurtant en série. Collision.

 

 

Carambolage et son verbe caramboler sont donc comme beaucoup d’autres mots utilisés par analogie dans des domaines divers.



Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

jeudi 11 septembre 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 16

 


Catherine Hebert[1], épouse d’Antoine Fezier[2], âgée de soixante-quatre ans, fut la suivante à être entendue.

Elle vivait à Yerville et s’occupait des soins de son ménage.

Son mari, Antoine Mezidor Pezier, exerçait le métier de lardier[3].

Elle expliqua qu’étant à Yvetot, M. Fontaine l’envoya chercher par sa servante.

Ce n’était nullement pour lui commander de la marchandise, mais pour lui parler.

Arrivée au domicile de M. Fontaine[4], Catherine Hébert vit le berger Thorel. M. Fontaine, huissier à Cany, demanda à la femme Fezier :

« Avez-vous vous eu connaissance que M. Thorel soit allé demander grâce à M. Tinel à l’occasion d’une messe qui se disait à minuit ? »

Affirmant aussitôt être certain que c’était bien elle qui avait fait courir le bruit, sa propre femme l’en ayant informé.

« Ce n’est pas vrai ! protesta Catherine Hébert. Appelez donc votre épouse pour que nous nous expliquions. »

Mais, l’huissier refusa tout net de faire paraître son épouse ponctuant sa décision par :

«  Faire paraître Mme Fontaine, en présence d’une malheureuse lardière comme vous ! »

La réplique de la « malheureuse lardière » arriva sans tarder :

« Je n’ai sans doute pas autant de fortune que Madame Fontaine, mais les lardières ont autant d’honneur comme les femmes d’huissier. »

Ce fut sur cette phrase bien lancée et fort juste, que la déposition de cette femme s’acheva.

 

Bien évidemment, nous ne savons pas qui a fait courir le bruit, et en quoi il pouvait éclaircir les événements.

Que peut-on déduire de ce témoignage ?

Que les notables, en raison de leur position sociale, méprisaient le « bas peuple » ?

 

Nicolas Appolonius Varin[5] fut le suivant à être entendu.

Né le 17 avril 1814 à Cideville, Nicolas Appolonius, âgé de 37 ans, était marchand épicier dans sa ville natale.

Voilà ce qu’il exposa :

« Le 6 décembre, à Cideville, Félix Thorel est venu chez moi pour acheter du tabac. J’étais à prendre un petit verre avec un nommé Auguste, domestique de Madame Boishebert. Félix Thorel vint se mêler à notre compagnie et parlant des bruits se produisant chez M. Tinel, il dit : 

« M. le Curé n’est pas débarrassé, dans trois semaines il ne le sera pas encore. Il ne faudrait pas que ça vous étonne que dans six semaines il ne le sera pas encore et que le presbytère tombera en démence».

Et il ajouta :

« Vous remarquerez que M. le Curé est attaqué par un homme qui en sait aussi long que lui. Vous savez que celui qu’il est venu débarrasser Amédée Lamure gendre du père Abel s’est trouvé avec M. le Curé et qu’ils ont eu des mots ensemble et que cet homme pourrait se venger parce que M. le Curé n’avait pas raison d’empêcher cet homme de gagner sa vie ».

Je fis alors observer :

« Comment se fait-il que c’est aux enfants que l’on fait du mal et non à M. le Curé ? »

 La réponse fut celle- là : « M. le Curé vit avec les enfants, il en tire un bénéfice ».

 

Les dires de Nicolas Appolonius Varin sont clairs et embrouillés en même temps.

Ils nous renvoient au tout début de l’histoire.

 

Reprenons cette phrase de sa déposition :

Vous savez que celui qu’il est venu débarasser Amédée Lamure gendre du père Abel s’est trouvé avec M. le Curé et qu’ils ont eu des mots ensemble et que cet homme pourrait se venger parce que M. le Curé n’avait pas raison d’empêcher cet homme de gagner sa vie.

 

Cette phrase ne ferait-t-elle pas allusion au moment où le curé Tinel, allant au chevet d’un malade, jeta dehors un certain Girard, guérisseur-sorcier.

Amédée Lamure, dont il est question, serait, selon mes recherches, Arsène Amédée Lamure, né le 16 décembre 1802 à Limesy, mais surtout décédé le 28 février 1849 à Cideville.

Il était en effet le gendre d’Abel Marc, charron, vivant à Cideville.

Céleste Mathilde Marc, la fille d’Abel, avait bien convolé avec Arsène Amédée Lamure.

De la rancune de la part du guérisseur Girard qui ainsi jetait dehors de la maison du mourant n’avait pu gagner sa vie.

 

Quant au curé, le voilà accusé d’être intéressé par l’argent que lui rapportent ses deux étudiants.

 

Oui bien sûr, mais les bruits, les objets volants....

Magie ? Sorcellerie ?

La suite donnera peut-être une explication.

 



[1] Catherine Hebert née le 20 novembre 1787 à Yerville – décédée le 19 Décembre 1864 à Yerville.

[2] Antoine Mezidor né le 23 mars 1795 à Auzouville-l’Esneval – décédé le 18 mars 1860 à Yerville. Catherine Hebert et Antoine Mezidor Pezier s’étaient unis le 25 novembre 1820.

[3] Lardier : marchand spécialisé dans la vente du lard.

[4] Aucune information trouvée sur M. et Mme Fontaine.

[5] Nicolas Appolonius Varin avait épousé Ambroisine Scolastique Bellemare, le 22 décembre 1844 au Mont-de-l’If (76). Ambroisine, née le 24 juin 1823 au Mont-de-l’If, travaillait aussi dans l’épicerie.

mercredi 10 septembre 2025

Comme disait ma grand-mère !! Laisse ce chien, tu vas te faire gaffer !

 


 

Gaffer est un verbe de patois normand. Avec cette phrase, ma grand-mère me mettait en garde, car agacer un chien finit parfois par une morsure, plus ou moins forte.

Gaffer : mordre en parlant d’un chien.

 

Dans certaines autres régions de Normandie, on trouve gaffrer ou encore gaffaer.


 

Une gaffaée se traduit donc par : une morsure, mais également une calomnie, une médisance (« morsure psychologique », une blessure souvent plus terrible qu’une plaie physique).

 

Il est vrai que je me suis fait gaffer plusieurs fois par le chien de la famille (je ne m’en suis d’ailleurs jamais vanté), mais venant de ce chien, ce ne fut jamais une vraie morsure, simplement un pincement de mise en garde : « Arrête, tu m’ennuies ! »

 

Mais quand un chien ne connaît pas son tourmenteur, attention, il peut devenir dangereux.

 

 

mercredi 3 septembre 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 15

 



Tout ce qu’on peut en tirer, de tous ces témoignages, c’est qu’ils n’éclaircissent pas la situation.

 

Est-ce que la prochaine audition va changer la donne ?

 

Il s’agit du facteur de la poste aux lettres, Nicolas Boniface Dufour[1], âgé de quarante-deux ans et demeurant à Yerville.

À cette époque, le facteur passait dans tous les foyers et connaissait tous les habitants du secteur qu’il desservait. Il entendait tous les ragots. Il était donc au courant de bien des choses.


 

Voilà la déclaration du facteur Dufour :

« Le 7 décembre dernier, j’étais à dîner au presbytère de Cideville. À la fin du repas, j’entendis du bruit en haut où étaient les enfants. M. Tinel me dit : « Entendez-vous ? Voilà comme on entend du bruit dans le presbytère. » Je montai en haut, les deux élèves étaient chacun à un bout de la table, éloignés de 50 à 60 centimètres de cette table. J’entendis frapper dans la muraille. Je suis sûr que ce n’était pas les élèves qui faisaient ce bruit-là. La table s’avança dans l’appartement sans que je vis personne la pousser. Je remis la table à sa place, elle avança de nouveau d’environ trois mètres. Les élèves n’y touchaient pas. Je redescendais l’escalier. J’étais sur la première marche et je regardais encore la table, quand celle-ci arriva jusqu’au haut de l’escalier toujours poussée par une force invisible. Je veux préciser que cette table n’a pas de roulettes sous ses pieds.

Un dimanche, ayant remis une lettre à M. Tinel, celui-ci me fit une réponse écrivant sur cette table. Je la voyais s’en aller de devant de M. Tinel. Cela se passa en présence de M. Cheval.

Jeudi dernier causant avec les deux petits élèves dans la cuisine du presbytère, j’ai vu une croisée se briser par une force invisible. »

 

 

La personne suivante se nommait Auguste Atanase Lecontre[2]. Âgé de quarante ans, il exerçait le métier de charpentier à Cideville, où il habitait également.

Le charpentier rapporta qu’étant au presbytère, un dimanche de décembre, il entendit cogner derrière le lambris. Ce bruit était si fort que la table oscillait, bien que ne touchant pas le mur.

Puis il poursuivit :

« Le dimanche avant Noël reconduisant le soir M. le Curé et ses deux élèves, sur le chemin une pierre arriva au milieu de nous. De suite,  nous entrions dans la cour de M. de Cairon, du côté que nous était venue cette pierre. Il faisait beau clair de lune, nous n’avons vu personne.

Le curé de Mesnil m’a dit que le ramoneur lui avait rapporté avoir vu les carreaux du presbytère de Cideville  se casser sans qu’il ne vît personne les casser, que même un livre avait passé au travers d’un de ces carreaux, poussé par une force qu’il n’avait pas vue et que M. Tinel avait été ramassé ce livre dans le jardin. »

 

Après cette déposition, Auguste Atanase Lecontre déclara qu’il ne pensait pas qu’on puisse attribuer ces actes au berger.

 

Vint déposer ensuite Jean Baptiste Leseigneur[3], cultivateur, âgé de dix-huit ans, demeurant chez son père.


 

Jean Baptiste était venu au presbytère et avait entendu gratter dans le lambris et frapper dans la table. Il était convaincu que ce ne pouvait être les enfants ni M. Tinel. D’ailleurs, lorsque M. Tinel s’absenta, les bruits continuèrent. Il avait été témoin du déplacement de la chaise du plus jeune des élèves, sans que ce dernier la touche.

         Puis, poursuivit-il, certifiant qu’il avait vu :

« Un marteau partir de dessus la table, poussé par une force occulte pour aller casser deux carreaux. Un chausson partir du pied de cet élève (le plus jeune) et aller casser un carreau. Un couteau posé dessus la table, une brosse et un morceau de bois qui étaient auprès du foyer partir aussi dans les carreaux. Un autre morceau de bois quitter le coin du feu pour aller au milieu de l’appartement. »

 

La salle bien qu’ayant déjà entendu tous ces faits retenait son souffle, la peur au ventre devant l’inexplicable.

Jean Baptiste, après cette énumération de projections d’objets de toute sorte, reprit son récit :

« Je suis certain que ce n’étaient pas les deux élèves qui faisaient cela.

Un autre jour, étant allé me promener avec les deux pensionnaires et de la sœur de M. Tinel, étant au milieu de la plaine sur la route de Cideville en direction d’Auzouville, j’ai vu des cailloux arriver devant nous, sans nous frapper, lancés par une force invisible. »

 

Rien de bien probant dans ces dires. Toujours des objets projetés, objets domestiques et maintenant des pierres....

 

Cela me rappelle certains autres faits, entendus lorsque j’étais enfant, jets de pierres sur les façades de certaines maisons.....

Alors doit-on en venir à penser, qu’en effet, des forces naturelles s’étaient mises en mouvement ?

 

Attendons la suite des récits des témoins, mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux.

Quelle tâche ingrate pour le juge de paix qui devra démêler le vrai du faux, le réel du surnaturel ! 



[1] Nicolas Boniface Dufour, né le 13 mai 1808 à Yerville et décédé le 17 juin 1893 à Dieppe.

[2] Aucune information sur Auguste Atanase Lecontre.

[3] Aucune info ur ce jeune homme, ni sur son lieu de résidence illible sur le rapport de justice.

Comme disait ma grand-mère !!

 

Vas-tu arrêter de faire du gargot ?

 

Gargot, un mot normand, du genre masculin, désignant une flaque d’eau boueuse.

De là, le verbe gargoter : remuer l’eau sale d’une flaque.

 

Comme tous les enfants, j’adorai gargoter... l’eau des flaques ou l’eau des baquets de lessive en un temps où j’aidais ma grand-mère à rincer le linge après qu’il ait mijoté dans la chaudière, à bonne température, et ait été frotté à la brosse sur une planche à laver.

La machine à laver dans les années 50 s’appelait « grand-mère » et il fallait de l’huile de coude pour enlever les taches.

Bien évidemment, cette lessive se faisait à l’abri d’un bâtiment bordant le jardin et le rinçage, dehors avec l’eau de pluie de la citerne, et cela, hiver comme été.

Gare à l’onglée lorsque dehors le froid sévissait.

Par contre, l’été, il est très agréable de faire du gargot !




 

Il existe un autre mot qu’utilisait ma grand-mère : le clapot.

Clapot : petite lessive, mais aussi commérages, cancans ou encore petite flaque de boue.

Clapot : on brasse avec la langue ou avec les mains. On a pu aussi, comme il le fut un temps au lavoir, brasser langue et eau en même temps.

C’est peut-être de là que vient l’expression « laver son linge en famille ».



 

Clapot, dans le sens de commérages, se décline en d’autres mots, tels :

·         Clapoter (ou encore clabauder) : faire des commérages, des cancans.

·         Un clapotage : action d’agiter l’eau avec ses mains.

·         Un clapoteux : un porteur de commérages.

·       Un clapotier : un bavard (synonyme de clapoteux), un marchandeur (celui qui marchande avant d’acheter).

 

Les temps changent. Avec le monde moderne on clapote moins, du moins plus en faisant la lessive, mais ce qui est rassurant, c’est que les enfants restent au fil des siècles des enfants qui adorent toujours autant faire du gargot dans les flaques de boue.