Charles Nicolas Chauvet comptait
les jours. Sa fille lui avait annoncé sa visite pour le début août.
Ne pouvant la recevoir dans sa
maison qui ne comportait qu’une seule chambre, il avait demandé au couple
Desveaux s’il leur était possible de l’accueillir la nuit, chez eux. Marie Éloïse
serait ainsi mieux logée.
Marie Éloïse arriva le 3 août
1876, en tout début d’après-midi.
La jeune femme, comme à son
accoutumée, ne marqua aucun signe affectif envers son père qui en fut chagriné.
Mais que pouvait-il attendre de
sa fille ? Rien, évidemment !!
Aussi, ne voulant pas dévoiler sa
déception, il essaya de se montrer bienveillant et joyeux.
N’avait-elle pas, malgré tout,
accédé à sa demande de lui rendre visite ?
C’était toujours un premier pas.
La soirée se passa sans grande
discussion. Après le repas, Marie Éloïse s’en alla chez les voisins pour y
passer la nuit.
Le lendemain, elle revint chez
son père. Celui-ci était absent ayant été faire une course. En l’attendant, la
jeune femme prépara le repas.
Au retour du père, ils se mirent
à table.
En dessert, il y avait de la
crème et pour finir, un petit verre d’eau-de-vie après le café.
Au grand étonnement de son père, Marie
Éloïse ne mangea pas de crème : « La crème, ça me réussit pas. Après,
j’ suis tout’ barbouillée. »
Elle refusa également le café et
le pousse-café[1],
prétextant : « Avec la chaleur, c’est pas bon. La tête va m’ tourner ! »
À chaque fois, le père Chauvet,
conciliant répondait : « Comm’ tu veux, ma fille ! »
Pensant au fond de lui :
« D’ailleurs, t’as toujours fait c’ que tu voulais ! »
La journée se passa. Le repas du
soir fut composé des restes de celui du
midi et après, Marie Éloïse reprit le chemin de Déville-Lès-Rouen.
Peu après le départ de sa fille,
le père Chauvet se sentit mal.
La contrariété ?
La crème qui passait mal avec la
chaleur de ce début août ?
Le petit verre d’alcool qui lui
tournait la tête ?
Il ne se sentait pas bien du tout
le pauvre homme. L’estomac barbouillé, la tête lourde, les jambes
flageolantes... et puis aussi ce mal à l’estomac et au ventre, comme une
brûlure.
Avait-il pris un coup de
chaud ?
Pourtant, il ne s’était pas
exposé au soleil et avait toujours gardé son chapeau.
Alors, ne tenant plus debout, il
avait décidé de se mettre au lit de bonne heure.
« Une bonne nuit de repos,
avait-il pensé, et d’main il n’y paraîtra plus. »
En pleine nuit, Charles Nicolas
Chauvet fut pris de vomissements.
Quand sa voisine, Gervaisine
Desveaux, inquiète de ne pas le voir debout en milieu de matinée, se rendit
chez lui, ce fut pour le trouver dans un état lamentable, baignant dans ses souillures.
Elle prévint le médecin qui
diagnostiqua une indigestion.
Mais l’état du pauvre Chauvet
alla s’empirant pendant huit jours, avant qu’il ne décède, le 11 août 1876 à 10
heures du matin.
Si la mort du père Chauvet parut,
sur le moment, des plus naturelles, peu à peu, la rumeur enfla, enfla.....
Et chacun fit le rapprochement
entre la visite de la fille et la mort du père.
[1] Nom donné au petit verre d’eau-de-vie pris, ordinairement, après le café. L’eau-de-vie pouvait aussi être ajoutée au café.
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