jeudi 28 mars 2019

ENQUIQUINER ?


Aimez-vous être enquiquinés ?

Sûrement que non ?
Moi non plus d’ailleurs !

« Enquiquiner », un mot qui, aujourd’hui est employé pour : agacer, importuner.

Mais avant ?
Avant !
Au milieu du XIXème siècle, quand quelqu’un se trouvait enquiquiné, il était gratifié de tous les noms d’oiseaux.  Je ne les citerai pas, ne connaissant pas, ou alors très peu, le langage fleuri de cette époque.

Regardons bien ce verbe.
Il est composé du préfixe « en » et de la terminaison  « er » des verbes du premier groupe.
Au centre, « quiqui » qui pouvait être orthographié « kiki », terme désignant familièrement  le cou, la gorge.
Vous avez déjà entendu cette expression « attraper quelqu’un par le quiqui » qui veut dire le saisir par le col ?
Ou cette autre : « Serrer le quiqui de quelqu’un », avec l’intention criminelle de lui tordre le cou.

Mais avant ?
Avant !
Bien avant 1800, s’enquiquiner signifiait se gaver, s’emplir la gorge jusqu’à plus soif, pour faire plus bref, « se saouler » !

Flaubert, dans un de ses écrits, en 1844, emploi le mot « enkikinant ». Il faut bien se différencier des autres ! Ceci dit, ce mot avec deux « K » a beaucoup plus d’allure.

Je ne pourrais que conclure par :
« Que c’est enquiquinant de subir les enquiquinements des enquiquineurs ! »
En quelque sorte :
« Il ne faut pas se laisser emme.... par des emme.... »
Oh, je vous demande pardon !
Je reprends ma traduction, style bon chic, bon genre :
« Eviter les enquiquineurs et vous ne serez jamais enquiquinés !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



HISTOIRE DE VILLAGE - UN JOUR DE NOEL A ECQUETOT


Crêpage de chignons


Il faisait pourtant bien froid en ce 24 décembre 1837. Un temps à se dépêcher de se rentrer bien au chaud.
Pourtant, dans le silence de ce dimanche d’hiver, jour de repos, jour de recueillement aussi puisque veille de la Noël, des hurlements s’étaient élevés dans la rue du bout de la ville, juste devant la masure du sieur Charles Voisin, le marchand de porcs.
Des voix criardes, hurlantes d’injures et de douleurs.
Querelles de femmes comme il pouvait en avoir tant, pour tout et  pour rien, simplement parce qu’on avait le sang chaud, ou bien un ras-le-bol de la vie qui n’épargnait personne.
Querelles de femmes que les hommes laissaient souvent filer, sauf lorsqu’il s’agissait de leur femme, bien évidemment.
Oui, mais tout de même, parfois cela dégénérait. Et ce jour-là justement, ça dérapa !

Un échange verbal qui avait commençait doucement.
Quelques remarques aigres-douces avaient suivi.
Puis, le ton avait monté. Un peu. Et plus encore....
Jusqu’au moment où la fille  Elisa Eulalie Dumont se mit à hurler à la face de Marie Rose Prieur, épouse Bréant.
Et ce qu’elle hurlait n’était pas des plus aimables, mais plutôt d’un langage très fleuri.
« C’est là que j’ t’ en vas foutre. Y a longtemps que j’ t’en dois et j’ t’aurai bin  autre part, va, et mieux qu’ cela. »
Ne se contentant pas  de déverser son venin d’injures,  la fille Dumont se rua sur la femme Bréant, toutes griffes dehors, lui déchirant le visage, puis l’ayant renversée à terre, se mit à la ruer de coups de pied, tout en poursuivant son verbiage riche en vocabulaire ordurier.

Les crêpages de chignon, s’ils amusaient  un temps les badauds,  ne devaient tout de même pas franchir certaines limites.
Mais ce ne fut pas sans mal que la bagarre fut interrompue.
La demoiselle Dumont, d’un tempérament vindicatif, ne voulait pas lâcher Marie Rose Prieur, femme Bréant. Enfin maîtrisée, elle se redressa, échevelée, la mise en « as de pique », vociférant à s’en casser la voix et ce fut à regret qu’elle s’éloigna toisant d’un air arrogant le groupe qui s’était formé autour de ce conflit  quelque peu attractif et qui se dispersait, peu à peu, sans toutefois commenter l’évènement, prenant partie ou non pour l’une ou l’autre des adversaires.

Elisa Eulalie Dumont, contrainte de lâcher prise, se promettait bien, sur le chemin de son logis, de ne pas en rester là.
« J’ la r’trouv’rai bin sur mon chemin, va, et cet’ fois-là, j’ lui en mettrai des coups. Ça, pour sûr ! »

Louis Isidor Bréant s’empressa de relever son épouse. La pauvre femme avait le visage hachuré de griffures et la lèvre supérieure tuméfiée.
« Ma pauvre ! s’exclama le mari, rentre donc, i’ t’ faut prendre un r’montant ! »
A cette époque, le seul remontant valable : un verre de goutte.

« Ça ravigote ! » admit Marie Rose, en reposant son verre sur la table. Puis, regardant son époux mettre sa veste et se coiffer de son chapeau, elle demanda :
« Où vas-tu donc à cet’ heure ?
-          Voir le maire, pardi !
-          Voir le maire, mais pourquoi donc ?
-          J’ vas porter plainte. On va tout d’ même pas laisser ça là.

Sur ces paroles, il s’en alla dans le froid hivernal. Levant les yeux vers le ciel d’un gris de plomb, il aperçut voleter quelques flocons.

-=-=-=-=-

Voilà pourquoi, en ce dimanche 24 décembre 1937, le maire de la commune, Robert Paturel, fut dérangé, alors qu’il s’apprêtait à fêter Noël.

Et ce fut une chance, car autrement, nous n’aurions jamais eu connaissance de ce crêpage de chignons.

Une question se pose toutefois, qu’elle était la raison de tout ce tapage, de tous ces coups ?

Une histoire de galants ?
Peu probable.
Marie Rose Prieur était née le 13 mars 1801 et Elisa Eulalie Dumont le 21 juillet 1816.
Marie Rose Prieur était mariée, elle avait épousé Louis Isidor Bréant, le 25 janvier  1823 à Hectomare.
Elisa Eulalie Dumont était encore jeune fille.

Un commérage, une médisance dite par la femme Bréant et qui serait revenu aux oreilles de la demoiselle Dumont ?
Possible.

Mais tout cela n’est qu’hypothèses !

Le maire avait pris la plainte, l’avait inscrite sur le registre de délibération de sa commune.
Cette plainte parvint-elle au juge de paix du Neubourg ?
Pas sûr non plus !
Souvent, le maire de la commune essayait de calmer les esprits, faisant comprendre à ses administrés, en conflit, qu’un arrangement à l’amiable valait mieux qu’un procès qui pouvait durer bien longtemps et coûter fort cher.  Des arguments de poids !   


Ce que je peux affirmer, sans me tromper, c’est que monsieur le curé, sans aucun doute mis au courant de l’affaire, a dû prêcher la paix et la réconciliation lors de la messe de minuit dans l’église d’Ecquetot, devant tous les paroissiens réunis.


-=-=-=-=-=-=-


Petites précisions :

Elisa Eulalie Dumont, si elle se maria ne le fit pas à Ecquetot.  Son nom n’apparait  pas non plus sur les listes décennales des actes d’Etat Civil répertoriant les décès de cette Ville.
Son père François Dumont décéda à Ecquetot, le 14 septembre 1842.

Marie Rose Prieur, épouse Bréant, devint « la veuve Bréant », le 6 décembre 1859, jour où s’éteignit son époux, Louis Isidor, dans leur domicile à Ecquetot.
Marie Rose Prieur vécut de nombreuses années après lui. Elle rendit l’âme, à l’hospice de Louviers, le 25 juillet 1882.

La scène s’était passée, rue du Bout de la Ville, devant la demeure de Charles Voisin, marchands de porcs.
Charles Voisin avait épousé le 17 février 1903 – 28 pluviose an XI – Perpétue Allix, originaire d’Ecquetot.
Il décéda à Ecquetot le 12 janvier 1838, bien après son épouse qui, elle, quitta ce monde le 21 juillet 1806.


Petit fait divers (ou petit fait d’hiver)
trouvé dans les registres de comptes-rendus
du Conseil municipal d’Ecquetot

mercredi 20 mars 2019

Difficile de s'y retrouver !


Une freluque, un freluquet, une fanfreluche.....

Une freluque, vers 1478, désignait une mèche de cheveux. Une freluque qui se transforma, en 1611, en « freluche », petite chose de peu de valeur, puis avec la même définition en « fanfreluche ».
XVIIème siècle.
Revenons à notre « freluque » qui n’est plus une, mais un « freluque », tout en étant toujours  une frange de cheveux, mais également une frange d’habit et/ou un ornement un peu tape à l’œil, sensé mettre en valeur le dit habit. De ce parement  découla le nom de « freluquet », attribué  à celui qui se parait  de ces artifices décoratifs,  qui avant de prendre le sens d’homme prétentieux, était tout simplement un homme bien mis, coquet, soigné.... enfin, propre sur lui.
N’est-ce pas en raison de l’abondance de fanfreluches vestimentaires de fort mauvais goût, que ce freluquet devenant vite trop voyant pas sa mise excentrique, désirant en cela copier la noblesse dont il n’était pas, fut qualifié de « prétentieux » ?
Il ne faut jamais, au grand jamais, prétendre être ce que l’on n’est pas !

Ma grand-mère (encore elle !) employait ce mot pour nommer un homme mince et grêle, ajoutant même l’adjectif « petit ». Cela donnait donc  : « C’est un petit freluquet ! »
Dans la bouche de mon aïeule, ce n’était pas flatteur, mais alors, pas du tout, car sous-entendu dans cette petite phrase : « Petit roquet, mince, frêle, arrogant, hargneux ».
La totale !
Elle ne mâchait pas ses mots, grand-mère. Comme on disait alors, « franche comme l’or ».


Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



HISTOIRE DE VILLAGE - UNE NUIT A ECAUVILLE


Une nuit à Ecauville

Pourtant, c’était un village calme. Il ne s’y passait presque rien.
Pas idyllique tout de même, car comme partout les mauvaises langues bavaient sur leurs voisins, déversant leur venin empli de médisances, d’envies et de jalousies.
Mais rien de plus.
Et puis, tout cela n’était que paroles qui s’envolaient les jours de grand vent.
Pourtant, cette nuit-là, celle du 12 au 13 mai 1903, des cris sortirent du lit les habitants du hameau du Beheurin, village d’Ecauville.
Des cris ?
Plutôt des hurlements, accompagnés d’injures.
Pourquoi tout ce tapage ?
Ne pouvait-on pas laisser dormir en paix les braves gens ?
Les appels à l’aide provenaient de la maison de la veuve Samson.
Tous s’y précipitèrent, sachant que la veuve vivait seule et qu’elle était âgée. De plus, depuis quelque temps, des rôdeurs malveillants sévissaient dans la région, n’hésitant pas à tuer pour détrousser  les personnes isolées et vulnérables.

Le spectacle qui s’offrit aux yeux des voisins de la pauvre vieille fut des plus surprenants.
La veuve Samson, sur le sol de sa demeure, se protégeant du mieux qu’elle pouvait avec ses bras, recevait une volée de coups de bâton et de sabots de .......
Jamais, ils n’auraient pu se douter !
De la veuve Hupin, une autre de leurs  voisines, qui malgré son âge avancé, le même que celui de la victime, développait une force incroyable dans les  coups qu’elle assénait avec profusion.
Echevelée, vociférant, il ne fallut pas moins de deux hommes pour la neutraliser. Les femmes, elles, s’étaient précipitées pour relever avec précaution, la pauvre veuve Samson qui contusionnée se laissa reconduire à sa couche, poussant des cris de douleur à chaque mouvement.

Le maire, prévenu, s’était transporté sur les lieux. Il essaya de comprendre ce qui venait de se passer. Ce fut ainsi qu’il apprit que la veuve Hupin s’était introduite à la faveur de la nuit dans la demeure de sa voisine, dans l’intention de la voler.
Mais Adèle Thouet, veuve Samson, ayant le sommeil léger, entendant du bruit, s’était levée et avait surpris la voleuse.
« Qu’est-ce que tu fais là, toi ? lui avait-elle demandé.
- T’occupes, va t’ recoucher !
- C’est y pas qu’ tu viens m’ voler ? Avait alors interrogé la propriétaire du lieu. Puis, elle s’était mise à hurler : « Au voleur ! »
Voulant la faire taire, la veuve Hupin attrapa une petite bûche posée près de la cheminée et ainsi armée, bouscula avec sa voisine qui se retrouva au sol, hurlant de plus belle.
« Vas-tu te taire, charogne ! hurlait l’agresseuse.
La pauvre Adèle Thouet ne se taisant pas, loin de là, les  coups de pieds chaussés de sabots et les coups de bâton s’abattirent  en nombre, meurtrissant la pauvre femme.

Bien sûr, l’intervention  des voisins, fit que rien ne fut volé, mais il y avait eu intrusion dans un domicile à la faveur de la nuit dans l’intention de voler et, bien sûr, coups et blessures volontaires.


Qui étaient ces deux femmes ?
Voisine apparemment, donc se côtoyant journellement, échangeant des banalités sur le temps, les vieilles douleurs et la vie toujours trop chère et que sais-je encore, se confiant peut-être l’une à l’autre sur leur vie, leurs petits malheurs et leurs économies ......

La victime, Adèle Thouet avait vu le jour le 16 décembre 1828 à Amfreville-sur-Iton. Elle était la fille de Parfait Louis Marie Thouet, décédé en juin 1865 à Evreux et de Julie Adèle Duval.
Elle avait convolé en justes noces, le 27 novembre 1865 à Amfreville-sur-Iton, avec François Vincent Samson, un gars de Bérangeville-la-Campagne, né le 21 janvier 1825. Les parents de François Vincent, François Guillaume Samson et Marie Catherine Bobin demeuraient à Ecauville où le sieur Samson Père était décédé le 22 mars 1854.
Adèle Thouet devint veuve le 1er février 1898, date à laquelle son époux ferma les yeux en leur domicile d’Ecauville, hameau du Beheurin.

En 1903, non loin de chez elle, une autre femme, veuve elle aussi, la veuve Hupin.
Veuves toutes deux, voilà un point qui ne pouvait que les rapprocher.
Par contre, je n’ai rien trouvé sur cette veuve Hupin. En 1901, tout comme en 1903, elle ne figure pas sur les recensements d’Ecauville.
Voilà qui ne fit pas mon affaire, car cette femme restera à jamais un mystère.

J’entends très distinctement la question que vous vous posez.
Comment ai-je eu vent de cet évènement ?
Tout simplement en lisant la presse et notamment les journaux suivant :
·         « La Presse » - 13 mai 1903
·         « L’aurore » - 13 mai 1903
·         « Le Figaro » - 13 mai 1903
·         « La croix » - 15 mai 1903

Tous relatent cette tentative d’assassinat pour vol.
Toutefois, La veuve Hupin, se voit nommée « veuve Vupin » dans le journal  « La Croix ».
Ce  petit détail ne changea rien, hélas, dans mes vaines recherches d’indentification de cette femme.

Je tiens avant de clore ce petit récit à vous rassurer.
L’article de « La Croix » note :
« La veuve Vupin a été arrêtée et l’état de la victime est relativement satisfaisant. »

Qu’entendait le journaliste dans le terme « relativement » ?
Toutefois, si la pauvre veuve Samson est décédée des suites de la maltraitance de sa voisine, ce ne fut pas à Ecauville.

Morale de cette histoire :
Si vous avez quelque économie, n’en parlait à personne et surtout, évitez de mettre votre pactole sous le matelas de votre lit ou dans une boite en fer au dessus de la cheminée !




mercredi 13 mars 2019

Qui se souvient ?


Ce fut un couple mythique que celui de Laurel et Hardy.

Des anciens de cinéma parlant, du cinéma en noir et blanc.

Leur comique rappelle celui des clowns, Hardy dans le rôle du « Clown blanc » et Laurel dans celui de «l’Auguste ».

Mais avant de se rencontrer, avant de former ce duo inoubliable, ils ont fait carrière l’un et l’autre chacun de leur côté.

  

Oliver Hardy

Il naquit le 18 janvier 1892 à Harlem en Georgie et fut élevé par une « nounou noire » pour qui il eut une grande affection.
A huit ans, il chanta dans une chorale dans laquelle il tint un rôle de soliste. Sa voix força l’admiration.
La mort prématurée de son père rompit l’insouciance de ses jeunes années. A la suite de ce décès le jeune Oliver commença à prendre du poids.
La famille,  sa mère, ses deux frères, ses deux sœurs et lui-même) s’installa à Madison puis à Milledgeville. Oliver entra alors au collège militaire.
Pour gagner sa vie, sa mère fit l’acquisition d’un hôtel dans lequel descendaient des acteurs...... et voilà l’origine de la passion d’Oliver pour le théâtre, le chant et le cinéma.
En 1910, il prit la direction du premier cinéma de Milledgeville, mais très vite lui vint l’envie de passer derrière la caméra.
Trois ans plus tard, il décrochait son premier petit rôle, celui d’un homme un peu enrobé.
Sa carrière était lancée et il enchaîna tournage sur tournage.

Un coiffeur italien le surnomma, sans doute en raison de son physique tout en rondeur, « joli bébé ». Bébé, baby... Très vitre cela devint « Babe ». Surnom que Hardy garda jusqu’à la fin de sa vie.
En 1916, Oliver Hardy rencontra Myrtle Lee qu’il épousa cinq années plus tard.

1917, les Etats Unis entrent en guerre,  Oliver Hardy se trouvait alors à New York. Il se présenta au bureau de recrutement pour s'engager, les moqueries qu’il reçut alors lui infligèrent une profonde humiliation.
Une chance pour le cinéma car ce fut juste après, en 1918, qu’il joua dans  "Lucky dog" aux côtés d'un certain Stan Laurel.



Et pendant ce temps

  
Stan Laurel

Stanley Jefferson naquit le 16 juin 1890 à Ulverston en Angleterre.
Ses parents appartenaient au milieu théâtral. Son père, notamment, était écrivain, impresario, metteur en scène et même acteur. Sa mère, Madge Metcalfe, était actrice.
Stanley avait deux frères et une sœur. Stanley fut un élève très médiocre. Son souhait : monter sur les planches. En 1907, il intégra la troupe de Lévy et Cardwell pour une tournée à travers l’Angleterre. Il a dix-huit ans.
Les rôles à cette époque consistaient surtout en pantomime, un tremplin idéal pour accéder au « cinéma muet ».

Ce fut, à cette époque, que la chance lui fit rencontrer, dans la troupe de Fred Karno, un jeune acteur qui déjà promettait, Charlie Chaplin.
1910, la troupe partit pour une tournée en Amérique. Stanley fut du voyage, Charlie aussi. La tournée fut un fiasco !
1912, nouvelle tournée aux Etats-Unis. Stanley et Charlie y participèrent, mais Chaplin quitta la troupe pendant la tournée pour aller travailler avec Mack Sennett. Sans Chaplin, nouveau fiasco.

Stan Jefferson, un nom qui ne crevait pas l’écran, et surtout qui comptait treize lettres. Superstition oblige, il fallait le changer. Voilà pourquoi il devint Stan Laurel.
Pourquoi ? Après toutes ces années, lui-même avoua ne pas s’en souvenir! 

1916, Stan rencontra Maë Dallberg, une chanteuse. Ils formèrent un duo, « Stan et Maë Laurel », et partirent en tournée.

Remarqué, alors pour son comique, Stan Laurent commença à tourner ses premiers films.


Première rencontre, premier tournage ensemble.  

1918 à Jaksonville, tournage dans « Lucky dog »
Un premier film, une première rencontre. Mais il fallut encore un peu de temps pour que le duo se forme.
Stan dit plus tard :

"Babe et moi, nous étions des camarades de travail, rien dans le film ni dans nos relations ne pouvait annoncer ce que nous deviendrions l'un pour l'autre..."  



Et puis le hasard ......

La veille du tournage de « Get ’Em Young » dans lequel il devait jouer le rôle d’un maître d’hôtel, Oliver Hardy se brûla gravement à l'avant-bras en faisant des grillades !
Qui le remplaça ?
Stan Laurel, bien sûr !

Il n’en fallut pas plus.
Oliver Hardy qui avait fait ses premiers essais de mise en scène, devint réalisateur et demanda à Stan Laurel de tourner pour lui.
Le duo venait de se former.

Leur premier film , « Sklipping wives », puis d’autres suivirent, et ce fut ainsi jusqu’en 1951.
Leur dernier film « Atoll K ». 

Oliver Hardy eut deux malaises cardiaques à peu de distance l’un de l’autre. Il fut alors contraint à un régime sévère. Le 12 septembre 1956, nouvelle crise cardiaque. L’acteur fut admis à la clinique Saint Joseph de Burbank (CA). Il était dans le coma. Atteint d'une hémiplégie du côté droit qui le priva de la parole, il décéda le 7 août 1957 à son domicile.


Laurel avait eu de son coté une crise cardiaque avant le premier tour de manivelle de la série TV.
Après le décès d’Oliver, il renonça à tourner. Il vécut une retraite paisible dans sa résidence de Santa Monica, près de sa fille Loïs et ses petits-enfants.

Le 20 juillet 1964, Stan Laurel fut hospitalisé en raison d’une crise de diabète.

Stan Laurel décéda d'un arrêt cardiaque, le 23 février 1965.
Il repose au cimetière de Forest Lawn (CA).




HISTOIRE VRAIE - ROUEN A LA FIN DU XIXème SIECLE


Chapitre 10





 Gracié, mais envoyé au bagne, Constant Roy, enchaîné, embarqua avec d’autres bagnards, sur le bâtiment « Ville de Saint-Nazaire »[1] qui accosta en Guyane[2], le 17 mai 1891.

Deux jours plus tard, Constant Roy découvrait Maroni, son nouveau lieu de villégiature.
Pas vraiment le rêve !
La cohabitation avec les autres détenus ne se révéla pas des plus aisées, il ne fallait montrer aucun signe de faiblesse. S’imposer. Dominer. Les coups ne venaient pas uniquement des matons.






La fiche d’identification établie à son arrivée apporte quelques renseignements supplémentaires.
La voici :



Matricule 24 553

ROY se disant Constant
Né le 2 avril 1865 à Yverdon – Suisse
Fils d’Auguste et Charlotte Rouiller
Garçon de café
Lettré

Dernière adresse : Rouen
De religion protestante

1 m 76
Cheveux châtain-clair
Yeux gris-bleu
Nez moyen
Menton à fossette
Visage ovale



Le « dit Constant », ne subit pas cette peine sans révolte, car il s’évada le 8 avril 1892.
Le document ne nous donne aucune information sur le moyen employé, s’il partit seul, s’il bénéficia d’une aide extérieur.
Dommage, c’eut été fort intéressant.

Deux mois de cavale qui se terminèrent le 1er juin 1892, jour où il fut repris.

Le « dit Constant » fut jeté dans une geôle d’isolement, sans presque pas de lumière, surveillé nuit et jour, au pain et à l’eau.
Pour résister à un tel traitement, il fallait posséder un mental à toute épreuve.

Le Tribunal Maritime Spécial qui se réunissait deux fois l’an afin de juger les crimes et délits les plus graves au sein du bagne, tels les meurtres, les évasions et les voies de fait sur les surveillants, condamna, en sa séance du 6 septembre 1892, Roy à deux années de double chaîne, pour évasion.

La double-chaîne ?
Cela signifiait que le forçat se trouvait dans une salle séparée dont il ne sortait pas jusqu’à la fin de sa peine, retenu au bout de son banc par une chaîne pesant le double du poids d’une chaîne normale.
Manière d’ôter aux fugitifs toute envie d’une nouvelle évasion.

Les punitions finissaient par briser les plus coriaces.

Ce fut ce qui arriva, car Roy, brisé, mâté, anéanti, finit par rentrer dans le rang.
Le temps de la révolte passé, il ne lui fallait penser qu’à survivre du mieux possible dans cet enfer.

A Maroni, la journée des bagnards commençait par le réveil à 5 heures, puis l’appel trois quarts d’heure plus tard. Ensuite, le temps de ranger leur case et ils partaient travailler de six heures à onze heures. Une pause de deux heures et le labeur reprenait jusqu’à dix-sept heures.
Extinction des feux à vingt heures.

Les tâches, au bagne,  étaient diverses et variées.
Le nouvel arrivé était affecté à la troisième classe. Ce qui impliquait que, sauf infirmité ou faiblesse physique constatée par un certificat médical, il effectuait les tâches les plus pénibles, corvées collectives, sous haute surveillance.
Une des tâches leur incombant, la coupe de bois, avec un stère obligatoire par jour[3].
La troisième classe avait des dortoirs collectifs séparés des deux autres classes.

Au bout de trois années sans problème majeur de discipline, le forçat accédait à la seconde classe, puis à la première classe.
Ces deux dernières  classes donnaient quelques avantages non-négligeables : être affecté chez des employeurs en ville et dormir chez ces derniers, et parfois la permission de ne pas porter la tenue de bagnard....
En 1901, Roy passa en première classe.














En 1903, cela faisait douze années qu’il avait quitté le sol français.
1903, en raison de sa conduite exemplaire, sa demande de ramener sa peine à quinze années de travaux forcés fut acceptée.
Encore quinze années !
En 1918, il aurait cinquante-trois ans et serait enfin libre.
Il avait survécu, même aux fièvres qui avaient décimaient tant de ses camarades de galère, alors, il pouvait espérer avoir encore quelques bonnes années à vivre.

D’autant plus que sa peine fut encore réduite........ Il voyait enfin la lumière de la liberté au bout du tunnel.

Il allait enfin être libre ....... Enfin !!

Mais la vie se plaît à jouer de mauvais tours, c’est bien connu !
Ce fut ainsi qu’elle ôta, à Constant Roy, cette joie de mourir libre. Oui, car Roy, dit Constant, décéda le 20 mai 1914, à Saint-Laurent-de-Maroni.


[1] Le paquebot « Ville de Saint Nazaire » sortit du chantier naval de l’Océan à Bordeaux en janvier 1871. En 1891, il fut affrété par l’Etat pour transporter les forçats à Cayenne. Longueur : 88,5 m - Largeur : 12,33 m - Jauge : 2676 tonneaux - Vitesse : 12,5 nœuds.
[2] Charles Bousquet, ayant bénéficié de la grâce présidentielle en même temps que Constant Roy, était en direction du bagne de Guyane, également sur ce navire.
[3] A Maroni, il y avait aussi une briqueterie. Les bagnards fabriquaient également des tuiles,  entretenaient les rues et bâtiments de la ville de Saint-Laurent, étaient au service de certains commerçants et habitants.......

jeudi 7 mars 2019

Gadouillons, gadouillons !


La Gadoue

Pétula Clark chantait, « Ah, la gadoue ! » dont voici les paroles :

Du mois de septembre au mois d'août,  faudrait des bottes de caoutchouc
Pour patauger dans la gadoue-
Une à une les gouttes d'eau, me dégoulinent dans le dos
Nous pataugeons dans La gadoue-
Vivons un peu sous le ciel gris-bleu, d'amour et d'eau de pluie
Et puis mettons en marche les essuie-glaces, et rentrons à Paris-
ça nous changera pas d'ici
Nous garderons nos parapluies, nous retrouverons la gadoue-
Il fait un temps abominable, Heureusement tu as ton imperméable
Et ça n'empêche pas la gadoue-
Il fallait venir jusqu'ici, pour jouer les amoureux transis
Et patauger dans la gadoue-
Vivons un peu sous le ciel gris-bleu, d'amour et d'eau de pluie
Et puis mettons en marche les essuie-glaces, et rentrons à Paris-
L'année prochaine nous irons, dans un pays où il fait beau
Et nous oublierons la gadoue

Je sais que pour certains, cette chanson remonte loin et de ce fait, Pétula Clark est une inconnue.

Mais que direz-vous de la gadoue, qui elle, recouvre le sol depuis la nuit des temps, bien  que le mot, nom féminin, n’apparût que vers 1560 ?
Le mot est un dérivé de « gade », désignant la boue auquel a été ajouté le suffixe « doué », qui lui qualifiait un fossé, une douve ou encore un canal pour l’écoulement des eaux.

La gadoue était donc la boue des fossés.

Mais, la gadoue désignait aussi un mélange de matières fécales et d’immondices, autrefois employé comme engrais et donc par extension un champ détrempé par ce mélange odorant.....
Je vous rassure, c’était autrefois.
Mais, mise à part la vision que cela peut vous apporter, sans omettre la notion olfactive plutôt nauséabonde, c’était un procédé très écologique !

De là, l’expression « être dans la gadoue », désignant une situation un tantinet mer........
Oh, pardon ! Une situation désastreuse !

Nous nous écartons, là, de la gadoue de Pétula Clark qui n’est autre que  de la terre détrempée sous l’effet d’une pluie incessante du « mois de septembre jusqu’au mois d’août » !

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert