mercredi 30 avril 2025

Un froc ?

 


Un mot venant de l’ancien haut allemand : ROCK : tunique, habit

Du latin médiéval : KROCCUS : froc de moine (817)

Un froc a longtemps désigné l’habit du moine couvrant la tête, les épaules et la poitrine (vers 1155), puis l’habit monacal en son ensemble (1608).

Quelques expressions :

  • ·         Prendre le froc : se faire moine ou prêtre.
  • ·         Porter le froc ou quitter le froc : XVe siècle.
  • ·         Jeter le froc aux orties (XVIe siècle) : quitter les ordres pour                                                 les  hommes comme pour les femmes.
  •        Un froc désigne aussi un lainage grossier comme celui utilisé           pour confectionner les frocs des moines.

L’argot s’empara du mot (1905), l’employant pour nommer un pantalon.

Quelques mots :

  • ·         Froquer (verbe – fin XVIe siècle) : faire entrer quelqu’un en religion.
  • ·         Un frocard (fin XVIIe siècle) : un moine – mot ayant disparu de notre vocabulaire.
  • ·          Défroquer (verbe transitif) : orthographié deffroquer au XVe siècle – faire quitter le froc.                                                             Participe passé : défroqué.
  • ·         Une défroque, au sens péjoratif, est un babillement étrange.

 

Avec tout ce qui précède, on peut se hasarder à écrire :

Un frocard au froc de froc, nouvellement défroqué, car ayant jeté le froc aux orties, a une défroque peu ordinaire.   

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

Entre Lisieux et Orbec – Madeleine Morin – chapitre 1

 

Madeleine Morin, demeurait dans la paroisse de Courson. C’était une jeune femme simple, aux bonnes mœurs.

En 1715, alors âgée de vingt ans, elle avait eu querelles avec une de ses voisines qui lui avait lancé quelques maléfices en ces mots :

« Autant de paroles je te dirai, ce sont autant de diables qui sont dans ton corps ».

Des paroles, direz-vous.

Mais voilà......

Quelques jours plus tard, Madeleines fut prise de fortes douleurs d’estomac.

Elle ne pouvait garder que peu d’aliments.

Pendant vingt-deux mois, sa seule nourriture, en petite quantité : fruits, légumes et eau.

Mais ce qui fut plus extravagant, c’était que Madeleine crachait, de temps à autre,  des chenilles et même des lézards. Phénomène d’autant plus inquiétant que chenilles et lézards étaient vivants.

 

Tous ces événements d’une extrême bizarrerie ne pouvaient être que la conséquence des paroles lancées par la voisine.

Celle-ci, ainsi que son mari, se retrouva enfermé à la prison d’Orbec.

 

Le sieur du Bois, grand chirurgien de Fervaques, mis au courant de l’affaire, vint visiter la malade. Il préconisa de lui couper les cheveux. Mais pas seulement. Afin de conjurer le sort, il fallait que soit appliqué sur le crâne rasé un pigeon vivant. Ce traitement, coupe et pigeon, pour plus d’efficacité devait être effectué par la jeteuse de sort, à savoir la voisine qui fut sortie de sa geôle pour cette étrange cérémonie.

 

L’ Église s’intéressa à ce cas de possession et conseilla que Madeleine Morin se rende en pèlerinage à Notre-Dame-de-le-Délivrande.

Cela ne coûtait rien d’essayer et Madeleine en bonne chrétienne se rendit dans cette paroisse. L’envoûtée y entendit neuf messes. Au cours des cinq premiers offices, la pauvre Madeleine s’évanouit et vomit jusqu’à vingt-huit chenilles dont certaines de la grosseur d’un petit doigt.

 

De ce pèlerinage, Madeleine Morin revint à Vourson complètement guérie.

Oui, mais......

 

 

mardi 22 avril 2025

Savez-vous ce qu’est un fourgat ?

 

 


Un fourgat, nom masculin (1831), est un receleur.

Un fourgat fait le trafic d’objets volés, ce petit commerce illégal a pour nom, la fourgue (1866)

La fourgue et son fourgat font partie du langage argotique.

Et nous voilà quasiment en terrain familier, car la fourgue vient du verbe transitif, fourguer, découlant lui-même de l’italien frugare = fouiller (XIVe siècle).

Fourguer est également un mot argotique ayant pour définition : vendre des objets volés.

Peu à peu, au fil du temps, la notion de vol s’estompa pour prendre la signification de : vendre (en toute honnêteté) à quelqu’un (1958).

Fourguer, c’est aussi se débarrasser, à bon prix, d’un objet dont on ne veut plus.

 

Un fourgat fourgue sa fourgue avant qu’elle ne soit découverte par les autorités !!!

Prudence, prudence !!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

Entre Lisieux et Orbec

 



La semaine prochaine, je vous emmènerai dans la paroisse de Courson dans le département du Calvados, au début du XVIIIème siècle, afin de vous présenter Madeleine Morin.

 

Pourquoi cette jeune femme et pas une autre ?

Parce que Madeleine Morin eut quelques petits démêlés avec une voisine et que ceux-ci eurent des conséquences, et pas les moindres, dans sa vie.

 

Un peu de patience et je vous raconte tout......

mercredi 16 avril 2025

Vous arrive-t-il d’être fourbu (e – us – ues) ?

 

Fourbu est un adjectif, participe passé du verbe fourboire (1400).

Que signifie fourboire ?

Boire fortement : boire avec excès et de là : se fatiguer de trop boire.

Il faut préciser que celui (ou celle) qui boit trop.... et surtout de l'alcool... risque d'avoir un bon mal de tête, ce qui fatigue énormément.

 

Fourbu qualifie une personne très fatiguée (1546). En cette année 1546, Rabelais utilisa ce terme dans ses écrits.

L’adjectif fourbu s’attribue également à un cheval atteint d’une inflammation des tissus du pied (1563).

Cette inflammation prit également le nom de fourbure (nom féminin - 1611).

 

Un article bien court qui ne m’a pas trop fatiguée. Je ne suis donc pas fourbue !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


Louviers 1591 – une histoire rocambolesque – chapitre 5

 

   

Le calme revint sur Louviers.

Françoise Fontaine demeura encore un temps dans la ville des drapiers, avant d’aller vivre à Rouen où elle trouva à se placer comme servante.

Ce fut dans une rue de Rouen qu’elle rencontra, par hasard, le prévôt. Elle alla vers lui avec un large sourire afin de le saluer. Lui, ne la reconnaissant pas se demanda ce que lui voulait cette femme.

Alors Françoise Fontaine lui dit :

 

« Mais je suis cette pauvre femme à qui vous avez sauvé la vie à Louviers. Maintenant, je suis mariée avec un tailleur d’habits et nous vivons grâce à Dieu en tout bien et honneur. »

À cela, le prévôt lui répondit :

«  Mon amie, Dieu vous fasse la grâce de vivre en femme de bien et priez Dieu qu’il vous assiste. »

 

-=-=-=-=-

 

Il y eut de nombreux cas semblables à celui de Françoise Fontaine.

Comment expliquer ces manifestations ?

 Reprenons les constats et explications de Palma Cayet (Pierre-Victor), né à Montrichard (Touraine) en 1525, mort en 1610. Disciple de Ramus. Protestant. Prédicateur de Catherine de Bourbon. Qui se convertit au catholicisme en 1595. En 1596, il enseigna l’hébreu au collège de Navarre.

 

Concernant notamment le cas de Françoise Fontaine, il écrivit :

         La scène de la nuit du 16 août : Hallucinations, impulsions, elle jette tout par les fenêtres. Le                 
démon lui parle, lui impose certains actes.

Françoise Fontaine présente des attaques de grande hystérie : couchée sur le dos, les bras en croix  ou bien rejetée en arrière. Les assistants ont pu croire par moments qu’elle était soulevée de terre, alors qu’elle se tenait sans doute sur la pointe des pieds. Elle a de la rigidité cataleptique.

 

Parfois Ie corps reposant sur la tête et sur les pieds, le tronc en cercle, Ia poitrine paraît gonflée et la malade semble suspendue horizontalement, au-dessus du sol. Les yeux sont relevés en haut. À côté de ces attaques, elle a des crises convulsives avec délire hallucinatoire, pendant lesquelles l’intelligence n’est pas abolie.

 

Concernant les poils et les cheveux :

De tout temps, ils étaient considérés comme impurs. Ils jouèrent souvent un grand rôle dans les histoires de possédées. Le diable s’y logeait, disait-on. Voilà pourquoi, les différentes religions ordonnaient à leurs prêtres de se raser.

 

Françoise Fontaine ne fut pas brûlée, comme de nombreuses autres pauvres femmes atteintes des mêmes manifestations. Une réelle chance !

 

 

 

À lire :

Sorciers, sorcières et possédés en Normandie

Procès en sorcellerie du Moyen Age au XVIIIe siècle

D’Yves Lecouturier

Éditions Ouest-France.

 

vendredi 11 avril 2025

Louviers 1591 – une histoire rocambolesque – chapitre 4

 


Le 2 septembre, Françoise Fontaine fut sortie de sa cellule afin d’entendre la messe dans l’église Notre-Dame de Louviers. Elle était sereine. Au moment de la communion lorsque le prêtre présenta l’hostie sacrée, une ombre obscurcit les vitraux du lieu saint, un des losanges du vitrail proche de l’autel vola en éclats, un souffle éteignit tous les cierges.

Un murmure de stupéfaction et quelques cris parcoururent alors l’assemblée des fidèles qui virent tout à coup se soulever de terre, Françoise qui peu de temps avant, agenouillée devant le prêtre, attendait de recevoir la communion. Six personnes de forte stature se cramponnaient à elle, afin de la ramener sur le sol.

Ce fut à ce moment que certains paroissiens pris de terreur se sauvèrent en se bousculant. Certains autres agenouillés sur les pavés de l’église priaient avec une ferveur redoublée.

 

Le curé aspergeait abondamment d’eau bénie les personnes proches en psalmodiant des prières dont lui seul connaissait les paroles.

Un grand moment de panique.

 

Le lendemain, Françoise Fontaine subit un nouvel exorcisme. Étaient présents à ce rituel religieux d’une extrême délicatesse, le curé Belet, bien évidemment, le médecin du Roussel, un barbier et un apothicaire ayant leur échoppe à Louviers et également le prévôt. L’envoûtée réagit violemment, se tordant de convulsions, se retrouvant en lévitation tête en bas, pieds en l’air.

Le démon qui la tourmentait ne voulait pas lâcher sa proie. Que fallait-il faire ?

 

« Les cheveux ! s’exclama le prévôt. Ne dit-on pas que les maléfices s’accrochent aux cheveux et aux poils du corps ? Il faut raser cette femme et tout envoûtement disparaîtra ! »

 

À ces mots, Françoise ne sourcilla nullement. Elle se laissa raser la tête calmement. Par contre,  lorsqu’il fut question de raser tous les poils de son corps, ceux de ses aisselles et ceux de ses parties intimes, dites honteuses, elle se redressa, assurant avec aplomb :

« Je me sens beaucoup mieux..... comme libérée. Le démon a quitté mon corps ! »

Et aussitôt, les traits du visage de la jeune femme se détendirent et, en effet, elle semblait être au meilleur de sa forme.

Mais, le démon appelé « malin » pouvait encore jouer un tour à sa façon et réintégrer l’enveloppe charnelle de la femme Fontaine dans les jours suivant. Afin de s’assurer que tout était rentré dans l’ordre, la possédée-exorcisée fut mise en observation dans une chapelle, sous bonne garde : un prêtre, sans doute muni d’un rasoir, et quelques gens d’armes prêts à intervenir.

Le prévôt, toutefois, demeurait perplexe, convaincu que Françoise Fontaine avait simulé.

Mais pourquoi toute cette mise en scène ?

 

En ce mois de septembre 1591, la justice classa l’affaire, et les cloches de l’église Notre-Dame n’avaient jamais résonné aussi joyeusement après l’office au cours duquel Françoise Fontaine, enfin délivrée du démon, avait communié.

mercredi 9 avril 2025

Franquette !

 


Franquette
est un nom féminin employé encore de nos jours, mais uniquement dans la locution : « à la bonne franquette », locution apparue vers 1741.

Au XVIIème siècle, franquette était employée pour franchement.

Aujourd’hui, il signifie « sans cérémonie – sans façon ».

 

À la bonne franquette pourrait être rapproché de à la fortune du pot.

La fortune du pot : ce qui reste dans le « pot », dans le chaudron, sans façon également.

 

Encore une locution : Faire des chichis (faire du chichi) ou ne pas faire de chichis ! Les chichis étant des « manières ».....

Le mot chichi est rapidement passé dans le domaine de la coquetterie.

  • ·         Chez le coiffeur : boucles de cheveux postiches
  • ·         Chez la couturière : fanfreluches en tout genre !

 

Petite conversation entre deux personnes :

- Dans ce jardin, nous allons manger à la bonne franquette !

- Manger à la fortune du pot, alors ! Mais dans ce lieu, je crains de froisser les chichis de ma robe. Et puis, il y a du vent, les chichis de mes cheveux vont s'envoler !

- Mais arrêtez donc de faire autant de chichis !!

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 2 avril 2025

La pommade

 



Mot constaté dans notre langage depuis 1539, provenant de l’italien pomada : crème utilisée pour les soins de la peau.

Mot dérivé de pomo : fruit et pomme.

Les anciennes pommades étaient parfumées avec de la pulpe de pomme d’api.


  Pomme d'api : variété de pomme de petite taille de forme légèrement aplatie, dont un côté est rouge vif.    

Pommade : préparation onctueuse composée d’un corps gras et d’essence parfumée. Onguent médicinal (1611).

Les pommades n’ont pas toutes la même composition en fonction de la pathologie à soigner.

 


Quelques locutions :

  • ·         Coup de pommade ou jeter de la pommade (1878) : flatter – amadouer. Locution abandonnée au profit de ....

o   Passer de la pommade à quelqu’un (1893).

  • ·         Pommader (1581)          : enduire de pommader.
  • ·         Un pommadin                : garçon coiffeur (1859)  puis                                                        élégant ridicule (1872).
  • ·         Se pommader (1888)    : argot s’enivrer.
  • ·         Un pommadier (1878)  : coiffeur.
  • ·         Un pommadier (1903)  : mortier de pharmacien. 


Le pommadin après avoir, dans un pommadier, préparer une pommade, pommada un client tout en lui passant de la pommade.

Avec tout cet étalage de pommade, attention aux glissades !!!

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

 

Louviers 1591 – une histoire rocambolesque – chapitre 3

 

 La geôle !


C’était une grande salle commune, avec de la paille sur le sol et un seau dans un coin.

Ce pouvait être aussi un petit espace individuel, avec une petite ouverture munie de barreaux et sans vitre, aux murs sales, au sol recouvert de paille changée peu souvent, sauf si le prisonnier payait pour avoir de la paille fraîche au moins tous les cinq jours. Un seau pour les besoins, vidé normalement tous les jours. Normalement !! Dans ce réduit, une forte odeur d’urine, d’excréments, d’humidité. Un lieu glacial en hiver, étouffant en été.

 

Le soleil d’août dardait ses rayons et malgré la chaleur suffocante, Françoise Fontaine hurlait, tapait du pied et des poings sur la porte et cela nuit et jour. Tout ce tapage résonnait dans les couloirs et empêchait les autres prisonniers de dormir. Ceux-ci d’ailleurs se révoltèrent. Le gardien lui-même menaça de démissionner. Il n’arrivait pas à maintenir l’ordre dans la prison.

Quant au prévôt, il était parti en service du roi et ne devait revenir qu’à la fin du mois d’août.

Aussitôt revenu, il fut averti des troubles provoqués par la prisonnière Fontaine.

Il ne fallait donc pas perdre de temps et régler cette affaire au plus vite afin que le calme revienne.

 

La jeune femme fut aussitôt sortie de prison et transportée au parquet, mais aussitôt arrivée, alors que l’interrogatoire venait de commencer, il se produisit des phénomènes des plus étranges.

Françoise Fontaine tomba sur le sol à plat dos, les bras étendus, la gorge enflée, les yeux exorbités. Puis son corps fut comme traîné en tous sens, balayant le sol, avant de s’élever à deux pieds de hauteur.

Le prévôt effrayé sortit de la salle du parquet et referma précipitamment la porte sur laquelle des coups violents étaient portés.

 

On alla quérir d’urgence le curé de Louviers (M. Belet), un médecin (L. du Roussel) qui était de confession protestante, un apothicaire et un barbier.

Ce fut donc en force que tout ce petit monde pénétra dans la salle d’audience.

 

Devant l’état de la femme, le médecin du Roussel diagnostiqua : « assurément, elle est possédée du malin esprit ».

 

L’apothicaire suggéra : « pour empêcher le sorcier de mal faire, il faut le battre avec un balai neuf de bois de bouleau. »

On frappa alors la prisonnière par-dessus ses vêtements et elle revint à elle, mais à la première question formulée, une nouvelle crise la prenait.

Le remède manquait d’efficacité durable.

 

Le curé Belet essaya l’exorcisme, commençant celui-ci  par une aspersion d’eau bénie. L’effet fut immédiat, la possédée revint à elle, disant : « Je suis lasse. »

Elle semblait n’avoir aucun souvenir de ce qui venait de se passer.

Le curé lui montra alors un crucifix. Aucune réaction, si ce ne fut qu’un léger soupir.

 

Le calme était-il enfin revenu ?

L’eau bénie et le crucifix avaient-ils effrayé le démon au point de l’expulser du corps de Françoise Fontaine ?

C’en était assez pour aujourd’hui, demain serait un autre jour et les interrogatoires reprendraient.

 

De retour dans sa geôle, la prisonnière s’endormit aussitôt, rompue de fatigue.