Un témoignage glaçant que celui du jeune Gustave et
qui plongea la salle dans un silence abyssal.
Les hommes ne croyaient pas à toutes ces
manifestations étranges, démoniaques, quoique... Ils en avaient pourtant
entendu parler par les anciens au cours des veillées, mais il était bien connu
qu’au fil du temps ce qui n’était qu’une infime anecdote devenait presque une
affaire d’Etat. Les hommes ne voulaient pas y croire, mais pourtant certains
avaient vu...
Quant aux femmes, elles priaient car monsieur le
curé les mettaient en garde : « Ne pas dévier du droit chemin, Satan
veille ! Satan peut prendre les formes les plus aimables pour séduire. ».
Elles savaient, les femmes, en leur for intérieur que le malin pouvait tarir le
lait des vaches, empêcher les poules de pondre, nouer des aiguillettes des
jeunes mariés, rendre les femmes infécondes.... Oui, il avait plus de malice
que de bonté le malin, mais s’attaquer à la demeure du curé, là, il faisait fort
tout de même !
Le juge de paix avait laissé un peu de temps afin
que le silence polaire qui s’était abattu sur l’assemblée fonde peu à peu, sans
doute en raison des flammes de l’enfer qui régnaient dans la tête de chacun.
Lorsque quelques murmures se firent entendre, le
témoin suivant fut appelé.
Ce fut Clément Bunel, âgé
de quatorze ans, le second élève du curé Tinel vivant au presbytère de Cideville
et camarade de Gustave Lemonnier, qui se
présenta devant le juge de paix.
Voici sa déposition :
« Le
mardi 26 novembre dernier vers les cinq heures après midi, j’ai entendu comme
un fort coup de vent. À la suite de ce coup de vent, j’ai entendu comme des
petits coups de marteau qui frappaient contre le lambris de l’appartement où
j’étais à travailler. Les jours suivant, jusqu’au dimanche, les coups reprirent,
toujours à la même heure. M. Tinel dit à ce bruit « plus fort, plus
fort » et le bruit a frappé plus fort..... »
La suite ne différa pas du récit de son camarade,
sauf que Clément Bunel précisa que lorsque Thorel s’était jeté à genoux devant
Gustave, celui-ci eut une crise de nerfs à la suite de laquelle, il avait perdu
connaissance. Le soir, Gustave Lemonnier, revenu à lui, n’eut aucun souvenir de
ce qui s’était passé. Ensuite, il ajouta :
« Le lendemain, la pellette se mit
à sauter et danser, j’eus l’idée d’approcher les pincettes de cette pellette et
l’une et l’autre dansaient, tombaient et se relevaient. J’ai vu aussi deux pupitres
placés sur une table tomber et la table se renverser par-dessus. Trois fers à
repasser ont quitté le foyer devant lequel ils étaient placés et se promener
dans l’appartement avant de disparaître sous le buffet. Mon petit camarade a
été tiré par une jambe et la vieille servante et moi avions eu beaucoup de
peine à le retenir. »
La suite confirma les dires du second élève, à
savoir : les couteaux, la brosse, les chandeliers... se jetant sur les
carreaux et les brisant, le bois allumé au feu quittant le foyer.
Le jeune Bunel avait reçu en plein visage un objet
en fer, il en portait encore la marque de la blessure à l’œil droit. Se
retournant vers le public présent, il montra à tous cette blessure encore bien
visible.
Clément poursuivit son récit :
« Un soir, en nous couchant, j’ai
vu encore la chandelle s’éteindre sans aucune cause apparente. M. Tinel a vu
comme moi une table remuer et entendu plusieurs des bruits qui se produisaient
au presbytère, mais quand M. le curé était présent, il y avait beaucoup moins
de tapage. Par contre, il était présent quand une grammaire partit, soulevée
par une force incroyable, traversa un
carreau pour choir dans le jardin. M. Tinel dit que cela semblait bien drôle de
voir cela. »
À ce moment, le berger Thorel demanda au juge de
paix s’il pouvait poser certaines questions au témoin afin de préciser quelques
événements.
Le juge répondit :
« Le témoin s’est longuement
expliqué, il n’est nullement nécessaire de clarifier plus amplement les
faits. »
Demande rejetée !
Pourquoi ?
La réponse apparaîtra peut-être au fil des récits
des nombreuses autres personnes qui devaient être entendues.
En attendant, les premières dépositions étaient
assez étranges.
Des dires à vous empêcher de dormir, à regarder sous
le lit avant de se coucher, à ne dormir que d’un œil, à scruter le silence de
la nuit.... à imaginer des objets volants, des mains noires frappeuses et le
pire pour les enfants récalcitrants à l’étude du français se voir poursuivis
par une grammaire volante, autoritaire et menaçante.
Fils de Benony Joachim Bunel et Zoé Juliette Ancelot, il est né
le 14 décembre 1836 à Riville (76) - Décédé
le 21 avril 1893 à Saint-Jacques-sur-Darnétal (76) – à l’âge de
56 ans. Il entra dans la prêtrise. En
1879 : curé de Cailleville et nommé à Fresnoy Folny. En 1885 : curé à St Jacques sur Darnétal, où il décéda
.