mercredi 16 juillet 2025

Avez-vous, un jour, pris un gadin ?

 

Gadin.

Ce nom, masculin, est issu de l’argot (1914) pour désigner la chute d’une personne.

Et avant ?

  • ·         Un gadin (1867) nommait la tête, puis un vieux chapeau et enfin un coup sur la tête.
  • ·         Ce fut aussi un jeu de bouchon (1867), consistant à faire tomber un bouchon assimilé à une tête.

 

L’expression « faire gadin-gadouille » explique bien que, là, il y a bien une chute et en plus dans la gadoue.

  • ·         Faire Gadin-gadoue : tomber de cheval (1915).
  • ·         Prendre un gadin : tomber (plus récent).

On trouve aussi :

  • ·         Faire gadin-cailloux, donc plus de gadoue, mais des cailloux. Plus dure la chute.

 

Les Lyonnais emploient le mot gadin pour nommer un caillou.

Ce gadin (caillou) devient galin dans le sud-est de la France.

L’ancien normand-picard désignait un galet ou un caillou par : un gal.

 

De la gadoue, des cailloux et une chute !!!

Gare aux bosses et aux plaies !!

Donc : ne prenez aucun risque... Prudence, prudence !

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 8

 


 

Un témoignage glaçant que celui du jeune Gustave et qui plongea la salle dans un silence abyssal.

Les hommes ne croyaient pas à toutes ces manifestations étranges, démoniaques, quoique... Ils en avaient pourtant entendu parler par les anciens au cours des veillées, mais il était bien connu qu’au fil du temps ce qui n’était qu’une infime anecdote devenait presque une affaire d’Etat. Les hommes ne voulaient pas y croire, mais pourtant certains avaient vu...

Quant aux femmes, elles priaient car monsieur le curé les mettaient en garde : « Ne pas dévier du droit chemin, Satan veille ! Satan peut prendre les formes les plus aimables pour séduire. ». Elles savaient, les femmes, en leur for intérieur que le malin pouvait tarir le lait des vaches, empêcher les poules de pondre, nouer des aiguillettes des jeunes mariés, rendre les femmes infécondes.... Oui, il avait plus de malice que de bonté le malin, mais s’attaquer à la demeure du curé, là, il faisait fort tout de même !

               

Le juge de paix avait laissé un peu de temps afin que le silence polaire qui s’était abattu sur l’assemblée fonde peu à peu, sans doute en raison des flammes de l’enfer qui régnaient dans la tête de chacun.

 

Lorsque quelques murmures se firent entendre, le témoin suivant fut appelé.

 

Ce fut Clément Bunel[1], âgé de quatorze ans, le second élève du curé Tinel vivant au presbytère de Cideville et camarade de  Gustave Lemonnier, qui se présenta devant le juge de paix.

Voici sa déposition :

«  Le mardi 26 novembre dernier vers les cinq heures après midi, j’ai entendu comme un fort coup de vent. À la suite de ce coup de vent, j’ai entendu comme des petits coups de marteau qui frappaient contre le lambris de l’appartement où j’étais à travailler. Les jours suivant, jusqu’au dimanche, les coups reprirent, toujours à la même heure. M. Tinel dit à ce bruit « plus fort, plus fort » et le bruit a frappé plus fort..... »

 

La suite ne différa pas du récit de son camarade, sauf que Clément Bunel précisa que lorsque Thorel s’était jeté à genoux devant Gustave, celui-ci eut une crise de nerfs à la suite de laquelle, il avait perdu connaissance. Le soir, Gustave Lemonnier, revenu à lui, n’eut aucun souvenir de ce qui s’était passé. Ensuite, il ajouta :

« Le lendemain, la pellette se mit à sauter et danser, j’eus l’idée d’approcher les pincettes de cette pellette et l’une et l’autre dansaient, tombaient et se relevaient. J’ai vu aussi deux pupitres placés sur une table tomber et la table se renverser par-dessus. Trois fers à repasser ont quitté le foyer devant lequel ils étaient placés et se promener dans l’appartement avant de disparaître sous le buffet. Mon petit camarade a été tiré par une jambe et la vieille servante et moi avions eu beaucoup de peine à le retenir. »

 

La suite confirma les dires du second élève, à savoir : les couteaux, la brosse, les chandeliers... se jetant sur les carreaux et les brisant, le bois allumé au feu quittant le foyer.

 

Le jeune Bunel avait reçu en plein visage un objet en fer, il en portait encore la marque de la blessure à l’œil droit. Se retournant vers le public présent, il montra à tous cette blessure encore bien visible.

Clément poursuivit son récit :

« Un soir, en nous couchant, j’ai vu encore la chandelle s’éteindre sans aucune cause apparente. M. Tinel a vu comme moi une table remuer et entendu plusieurs des bruits qui se produisaient au presbytère, mais quand M. le curé était présent, il y avait beaucoup moins de tapage. Par contre, il était présent quand une grammaire partit, soulevée par une force  incroyable, traversa un carreau pour choir dans le jardin. M. Tinel dit que cela semblait bien drôle de voir cela. »

 

À ce moment, le berger Thorel demanda au juge de paix s’il pouvait poser certaines questions au témoin afin de préciser quelques événements.

Le juge répondit :

« Le témoin s’est longuement expliqué, il n’est nullement nécessaire de clarifier plus amplement les faits. »

 

Demande rejetée !

Pourquoi ?

 

La réponse apparaîtra peut-être au fil des récits des nombreuses autres personnes qui devaient être entendues.

En attendant, les premières dépositions étaient assez étranges.

Des dires à vous empêcher de dormir, à regarder sous le lit avant de se coucher, à ne dormir que d’un œil, à scruter le silence de la nuit.... à imaginer des objets volants, des mains noires frappeuses et le pire pour les enfants récalcitrants à l’étude du français se voir poursuivis par une grammaire volante, autoritaire et menaçante.

 



[1] Fils de Benony Joachim Bunel et Zoé Juliette Ancelot, il est né le 14 décembre 1836 à Riville (76) - Décédé le 21 avril 1893 à Saint-Jacques-sur-Darnétal (76) – à l’âge de 56 ans. Il entra dans la prêtrise. En 1879 : curé de Cailleville et nommé à Fresnoy Folny. En 1885 :  curé à St Jacques sur Darnétal, où il décéda
.

 

mercredi 9 juillet 2025

Un gougnafier


Un mot récent puisqu’il n’est attesté dans notre langage que depuis 1899.

Un mot d’origine incertaine, comme beaucoup d’autres, mais avec quelques pistes de provenance.

·         Gougniafiasse (1891) désignant un goinfre.

  • Gougniafiasse serait une variante de :

o   Golafre (vers 1220).

o   Goulafre (avant 1639).

Un gougnafier, un goinfre, une personne qui s’empiffre goulûment de nourriture d’une manière malpropre.

Mais aujourd’hui quel sens a pris le mot gougnafier ?

  • ·         Un gougnafier, en ce début de XXIe siècle, est un rustre, à bon à rien.

J’ajouterai même, citant ainsi Marcel Pagnol : « pas un bon à rien, mais un mauvais à tout ».

Petite précision : il n’existe pas de féminin au nom gougnafier......

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 7

 

Les témoins se succédaient.

Vint alors Victor François Bourrienne – 34 ans – gendarme à Yvetot.

Il avait enquêté avec son collègue, Constant Masson.

 

Voici son témoignage :

« M. Tinel m’a déclaré qu’on lui avait dit que Thorel propageait dans le public que lui, M. Tinel, n’était pas quitte de tout ce qui se passait dans son presbytère. »

 

Le gendarme Bourrienne affirma aussi avoir vu sur la figure d’un des élèves du curé, la marque des cinq doigts de la main qui l’avait frappé et qui selon le jeune homme était noire et s’était enlevée par la cheminée. Il avait aussi constaté les carreaux cassés aux fenêtres. Aucune manifestation n’avait eu lieu dans la demeure – bruits, lévitation d’objets... – pendant sa présence de cinq quarts d’heure dans la demeure du curé.

 

Rien en vérité de bien nouveau.

Par contre les déclarations suivantes furent plus explicites.

 

Déposition de Gustave Lemonnier[1] – 12 ans – étudiant chez M. le Curé de Cideville.

« Le mardi 26 novembre dernier, vers 5 heures après-midi étant à étudier dans un appartement d’en haut au presbytère, j’ai entendu un petit bruit comme celui de coups de marteau. Ces bruits reprirent les jours suivants à la même heure.

Le dimanche à midi le bruit s’est reproduit. M. Tinel eut l’idée de dire « plus fort, plus fort » et le bruit s’est reproduit plus fort toute la journée.

Le lundi, mon camarade demanda que ce bruit joue « maître corbeau » et « maître corbeau » a été parfaitement reproduit ainsi que d’autres airs demandés.

Le mardi, la table d’en haut s’est ébranlée et tout ce qui se trouvait sur cette table.

Le bruit a frappé plus fort pendant toute la semaine. On avait peine à tenir dans l’appartement.

Un couteau poussé par une force invisible est parti de dessus la table de la cuisine dans un carreau qu’il a traversé pour aller dans le jardin. On a été le chercher et reposé sur la table et j’ai vu qu’il s’était relancé dans un autre carreau. J’ai vu aussi les brosses partir dans les carreaux, puis une boite, le bréviaire de M. Tinel partit dans la cuisine et s’enfuit par une porte de l’appartement y attenant et traverser un carreau. La broche à rôtir s’enfuit par un autre carreau. Le gril tomba sur le pavé de la cuisine. Les fers à repasser, placés devant le foyer d’une chambre en haut, s’enfuirent dans l’appartement. Le feu en fit autant et s’avança sur le plancher sans rien brûler, il fallut le remettre dans la cheminée. Un soulier dessous la table est venu me frapper au visage tandis que j’écrivais à cette table. Un chandelier de même me fit mal à la figure.

J’ai eu aussi un soufflet sur la joue droite. Je n’ai vu qu’une main, seule sans aucun corps sauf une sorte de forme humaine vêtue d’une blouse, un spectre, qui me poursuivit pendant quinze jours partout où j’allais. Il n’y avait que moi qui pouvais la voir.

Une force invisible me tira par la jambe, mon camarade a répandu de l’eau bénite et cette force a lâché prise.

Une voix d’enfant se faisait entendre disant : « pardon », « grâce ».

À chaque fois, où se produisaient ces manifestations, M. Tinel était absent. Je lui en ai fait part et M. Tinel me répondit : « Ceci est bien drôle ! ».

La main qui m’a frappé était noire et je la vis aller par-dessous la cheminée. J’étais effrayé, mais je n’ai jamais voulu quitter le presbytère, jamais voulu rentrer chez mes parents.

Lorsque M. Thorel s’est présenté au presbytère sous prétexte de porter l’orgue au château, M. Tinel lui mettant la main sur l’épaule lui dit :  « demandez pardon à cet enfant-là », et se jetant à genoux, il m’a demandé pardon.

Sitôt que je vis le berger Thorel, je reconnus en lui le spectre qui m’avait suivi pendant quinze jours et je dis à M. Tinel : « Voilà l’homme qui me poursuit depuis quinze jours ! »

 

Pendant toute la déclaration du jeune Gustave Lemonnier, le silence était palpable parmi le public, seuls quelques « ah ! » et « oh ! » ponctuaient le récit.

Un récit étonnant, surréaliste.

Un récit à donner des frissons.

 



[1] Sur le recensement de 1851, rien de précis concernant ce jeune garçon à l’exception de son âge : 12 ans. Ce renseignement permet de déterminer son année de naissance, soit entre 1837 et 1839. Après des recherches, je n’ai trouvé qu’un certain Narcisse Gustave Hyacinthe Lemonnier, né le 25 juillet 1838 à Bois-Himont (76) non loin d’Yvetot et dont le père était instituteur. Était
-ce bien le « Gustave du presbytère » ?

mercredi 2 juillet 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 6

 

Le deuxième témoin à être entendu fut :


Valentin François Andrieu – 31 ans – Géomètre (agent voyer) demeurant à Yerville.

Né le 19 mai 1819 à Saint-Martin-aux-Arbres[1]

Fils de Nicolas Simon et Marie Catherine Désirée Enoult

Époux d’Antoinette Eugénie Dorothée Thubeuf – mariage le 29 mars 1848 à Yerville.

 

Ce témoin n’avait eu connaissance des faits que lors d’une visite qu’il fit au curé Tinel.

« Il y a des choses extraordinaires qui se passent dans mon presbytère et probablement, la science n’en connaît pas encore la cause », lui avait-il dit.

 

Un témoignage qui n’apporta rien de concret puisque le sieur Andrieu n’avait rien constaté de visu.

 

Troisième témoin :

Constant Masson – 31 ans – gendarme à la résidence d’Yvetot[2].

 

Constant Masson expliqua :

« Étant au presbytère de Cideville, M. Tinel me dit que divers objets de l’intérieur de la maison avaient parti dans les fenêtres qu’ils avaient cassées. Ces objets  étaient tombés dans le jardin. Vingt-trois carreaux furent cassés. Ces objets se composaient de fourchettes, couteaux, un gros marteau qui en partant s’était heurté contre la boiserie de la fenêtre et qui avait cassé trois autres carreaux. »

Après un instant de silence, Constant Masson poursuivit :

«  M. Tinel me raconta qu’une main noire avait donné un soufflet à un de ses élèves. J’appris par la suite toujours par M. Tinel que Thorel, le berger, était venu chez lui, s’était mis à genoux devant le jeune homme et lui avait demandé pardon. »

 

Le gendarme Masson indiqua que l’élève avait confirmé les dires du curé Tinel : la main noire et le soufflet ainsi que la demande de pardon de Thorel.

 

« J’ai entendu dire que M. Tinel avait donné un coup de canne à Thorel. Puis je me suis rendu chez M. Pain. Chez lui je n’ai trouvé que sa femme. Elle m’a certifié : nous avons renvoyé notre berger parce que M. Tinel nous a menacés d’écrire à notre propriétaire si nous ne le renvoyons pas.»

 

Constant Masson avait fait une enquête et écouté les uns et les autres.

Il signa sa déposition.

Rien de bien nouveau, si ce n’est que monsieur le curé Tinel, sans doute dans un esprit de vengeance, avait fait du chantage au couple Pain, patron de Thorel.

Pas bien catholique !!



[1] Valentin François Andrieu décéda le 19 février 1895 à Yerville à l’âge de 75 ans.

[2] Aucune information concernant le gendarme Masson, affecté à Yvetot, au moment des faits.

Un bricheton ?

 

 

Mot attesté dans le département de l’Eure.

  • ·         1867 : brigeton.
  • ·         1878 : bricheton.

Ce mot est dérivé de brichet (1842), désignant un pain d’une ou deux livres qui était fait pour les bergers.

Et si l’on remonte le temps jusqu’à l’année 1264, on découvre qu’à cette époque un morceau de pain s’appelait une briche.

Le terme bricheton est passé dans le langage argotique pour nommer le pain, puis la nourriture, en général.

Et de là :

  • ·         Brichetonner (verbe) : manger

 

Petite phrase explicative.... enfin, si on veut !

·         Le berger brichetonne un bricheton rassis.

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert