lundi 22 août 2016

CONTE MEDIEVAL



La neige tombait à gros flocons depuis le début de la matinée. Dans la grande salle du château, près de la cheminée dans laquelle flambait une énorme bûche, ne répandant que peu de chaleur, la Reine et ses deux filles brodaient. Il fallait bien passer le temps !
Margot, la plus jeune, se plaignait :
« J’ai le bout des doigts gelés, je ne peux plus tenir mon aiguille.
-          Bien sûr, répondit vivement Anne, son aînée, quand il s’agit de travailler.....
-          Voyons, mes filles ! intervint la Reine, afin de calmer ce début de querelle.

Mais, elle avait l’habitude de ces chicanes entre ses deux filles, bien différentes l’une de l’autre.
Anne, l’aînée, raisonnable et soumise, acceptait son sort de princesse avec, peut-être, un peu trop de résignation.
Margot, elle, bouillonnante  et rebelle, ne pensait qu’à rêver. Sa vie, elle souhaitait la mener à sa convenance.

Dans la cour intérieure du château se firent entendre le bruit des sabots d’un cheval sur le sol gelé, à peine atténué par la légère couche de neige. Quelques hennissements aussi.
La servante de la reine arriva en courant, esquiva une révérence maladroite, et essoufflée annonça :
« Majesté, il y a un chevalier qui souhaite vous parler. 
-          Qu’il entre ! ordonna d’un ton majestueux, la reine.

Dans un bruit infernal de ferraille, un jeune homme enfermé dans une épaisse armure, portant épée au côté et heaume sous le bras gauche entra. Il s’agenouilla devant la  souveraine.
Anna continuait à broder. Son devoir n’était-il pas en cette tâche laborieuse ? Et puis, en, sa qualité de princesse, elle se devait de baisser les yeux devant un inconnu !
Margot, elle, dévorait des yeux le jeune homme à la haute stature, au visage plaisant, aux yeux magnifiques, à la chevelure épaisse et bouclée.
Le jeune homme, sur un geste de la reine, se releva et lui tendit un parchemin en lui précisant :
« Majesté, j’ai ce message de la part du roi, votre époux, qui combat, actuellement, aux frontières du royaume.

La reine parcourut des yeux le message, en silence, l’air préoccupé et de plus en plus grave au fil de sa lecture. Puis, elle ordonna à la servante qui attendait près de la porte :
« Prépare les malles, nous partons dans la soirée.
-          Bien Majesté, répondit la servante avant d’effectuer la même révérence maladroite que précédemment et de sortir de la pièce.
-          Nous partons ! Quel bonheur ! s’exclama Margot.
-          Bien sûr, tout est bon pour que tu laisses ton ouvrage ! soupira Anne.
-          Voyons, mes filles ! tonna la Reine, l’heure n’est point aux disputes.

Puis, s’adressant au chevalier qui attendait les ordres :
« Vous nous mènerez donc au roi, mon époux.
-          Oui, Majesté, répondit le jeune homme.
-          Vous connaissez, je suppose, la position des troupes et du campement du roi.
-          Oui, Majesté.
-          Nous mettons donc notre vie entre vos mains, puisque le roi semble avoir une entière confiance en vous.

Le chevalier s’inclina de nouveau devant la reine qui venait d’un geste de la main lui intimer l’ordre de se retirer, et sortit de la pièce dans le même bruit de ferraille que lorsqu’il y était entré.
A peine était-il parti que Margot s’exclama :
« Tu as vu ses yeux ? Et quelle belle allure il a !
-          Toi, bien sûr, toujours aussi frivole ! rétorqua Anne en haussant les épaules d’un air réprobateur.
-          Et toi, toujours aussi rabat-joie ! répliqua Margot qui se mit à fredonner une douce mélodie où les amours y étaient décrits d’une manière fort courtoise.

La reine mit fin, très rapidement, à ce nouveau désaccord. Haussant le ton, plus qu’à l’ordinaire, elle déclara :
Voyons, mes filles, cessez tous ces enfantillages. L’heure était gave. »

Le calme se rétablit très vite et les deux sœurs demandèrent d’une même voix :
« Que se passe-t-il donc, mère ?

Prenant une forte inspiration, la reine exposa la situation en ces quelques mots.
« Votre père se voit contraint de signer un traité pour garder son royaume.
-          Oh ! firent les deux jeunes filles.
-          Et.... poursuivit la reine, vous êtes la monnaie d’échange de ce traité. Votre père vous a promis en mariage à ses deux plus grands ennemis.

Résignée, comme toujours, Anne déclara :
« Je ferai ce que mon père m’ordonnera.
-          Mais pas du tout ! s’écria Margot. Je ne suis pas une monnaie d’échange, moi !
-          Adieu chevalier aux beaux yeux, s’exclama Anne, afin de taquiner sa sœur, mais cette phrase ne calma nullement  celle-ci qui se mit à hurler, théâtrale :
-          « Je n’accepterai pas ! Plutôt mourir !

La reine observait ses filles. Elle se revoyait jeune fille, au même âge.
Ne s’était-elle pas révoltée comme sa fille cadette lorsque son père lui avait imposé son mari. Des révoltes qui n’avaient servi à rien puisqu’elle avait dû accepter son destin. Elle soupira longuement, avant de déclarer :
« Allons mes filles, il faut vous résigner ! Préparons-nous, nous avons une longue route avant d’atteindre le campement de votre père.

La servante surgit alors, affolée, échevelée, essoufflée. Elle ne prit même pas le temps d’effectuer sa coutumière révérence.
« Majesté ! Majesté ! criait-elle, les bras levés comme si le ciel venait de s’écrouler.
-          Que se passe-t-il encore, ma fille ? questionna la reine au bord de la crise de nerfs.
-          C’est que, Majesté, bredouilla la servante, vous allez devoir renoncer à votre voyage. Le chevalier vient de s’enfuir avec la cuisinière, les chevaux et la voiture contenants tous vos biens.

La reine, que tous ces évènements rendirent malade, dut garder le lit pendant de nombreuses semaines.
Et les princesses, me direz-vous ? Elles furent mariées,  assurément.

Pas facile, la vie de princesse !
Alors, à toutes les petites filles qui rêvent de vivre dans un château, d’être une jolie princesse et d’épouser un prince charmant, je conseille ce qui suit ......

Mieux vaut être « bergère » !

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