Girard sous les verrous criait vengeance, et
celle-ci devait être terrible.
Le berger Thorel fut mandaté pour exécuter cette
sentence hors du commun.
Vengeance contre le curé Tinel. Jean
Louis Sénateur Tinel était
considéré par tous comme un brave homme. Il demeurait à Cideville depuis peu
ayant remplacé le curé Vason. Il
habitait le presbytère avec sa sœur, Adèle Adélaïde, et avait en pension deux
jeunes garçons, tous deux fils d’instituteurs, souhaitant intégrer le
séminaire : Gustave Lemonnier et Clément Bunnel, âgés de douze et quatorze
ans au moment des faits.
Félix Nicolas Thorel
demeurait dans le village d’Auzouville-l’Esneval à
quelques lieues de Cideville où il menait paître ses moutons. Facile pour lui
d’approcher le curé et ses hôtes sans être remarqué, et notamment, les jeunes
élèves dont il avait la charge.
Comment le berger allait-il s’y prendre ?
Ne devait-il pas être discret ?
Ce fut un jour de vente publique en cette fin
d’année 1850, qu’il choisit pour effectuer son méfait. S’approchant de Gustave
Lemonnier, alors qu’il était absorbé par ce qui se passait autour de lui,
Thorel toucha discrètement la chemise du jeune étudiant.
Son geste fut-il accompagné d’une invocation aux
esprits démoniaques ?
Le soir même, les deux garçons furent pris de
malaise. L’un, d’une grande anxiété, ne pouvait trouver le sommeil. Le second
avait perdu la vue.
Mais ce ne fut pas tout.
Une forte bourrasque s’abattit sur le presbytère.
Les murs tremblèrent sous l’assaut du vent, les vitres volèrent en mille
éclats, les murs et le plancher vibrèrent.
Et puis, comme pris dans une danse infernale, les
objets s’agitèrent : couverts, vaisselles, brosses, balais, chaises et
tables, couverture et draps des lits, vêtements divers. Les portes des placards
et buffets, les couvercles des coffres s’ouvaient et se refermaient, marquant
le rythme de ce curieux ballet.
Dans un tourbillon, toutes ces choses, suspendues
dans l’air, s’entrechoquaient dans un bruit tel qu’il était perçu à une
demi-lieue à la ronde.
Tous les habitants du village s’étaient regroupés, à
bonne distance toutefois, du presbytère et constataient avec frayeur ce
phénomène hors du commun. On vint aussi des villages alentour.
Le curé Tinel priait avec ferveur, exorcisait les
lieux à grand renfort d’eau bénie. Mais face à ce déferlement incontrôlable, sa
foi n’avait aucune emprise.
Quelle force diabolique sévissait en ces
lieux ?