mercredi 29 janvier 2025

Dans le quartier de Bucaille – chapitre 1

 

Jean Benoist était receveur de l'Abbaye du Vœu à Cherbourg. Sans être riche, il possédait des revenus qui lui permettaient de faire vivre sa famille. Il jouissait également d’une excellente réputation.

Jean Benoist avait vu le jour à Anglesqueville dans le Pays de Caux.

Il épousa, en janvier 1655[1], la demoiselle Marguerite Mesnage. 

Une union qui vit naître une multitude d’enfants :

Michel (1656) – Marie (1658) – Nicolas (1660) –    Jean (1663) -  Marguerite (1666) – Jeanne (1668) – François (1670) – Jacques (1674).

Des parents très pieux élevant leurs enfants dans la foi.

Était-ce pour cette raison que Marie, baptisée le 2 avril 1658, jour de sa naissance, envisagea très jeune de rentrer dans les ordres ?        

Elle quitta donc Cherbourg pour le monastère des Clarisses à Alençon.

De santé très fragile, elle fut rapidement renvoyée dans son foyer.

Sa piété la fit rencontrer un moine de l’ordre des Cordeliers[2], dénommé Saulnier. Celui-ci vivait au pied de la montagne du Roule[3].Marie devint la maîtresse de cet homme dont la sainteté était fortement contestée. En effet, il passait plutôt pour un débauché vivant de la crédulité des gens qui cherchaient réconfort auprès de la religion. Marie fut alors, de plus en plus, prise de convulsions et des extases. On dit même qu’elle avait des pouvoirs de guérisseuse. Plusieurs malades témoignèrent avoir recouvré la santé grâce à elle.

Les avis étaient partagés, certains voyaient en elle une sainte, d’autres une sorcière.

Afin de faire taire tous les commentaires, la jeune femme fut confiée à l’examen de plusieurs médecins.  



[1] Aucune date de mariage, seulement celle d’un contrat signé le 25 janvier 1655, à Octeville-Vauville (dans la Manche).      

[2] Cordeliers : Frères d’un ordre mineur de moines, dont le nom  provient de la corde qui ceint leur robe de gros drap gris.

[3] La montagne du Roule, promontoire rocheux à Cherbourg, au sommet de laquelle on peut admirer la rade.

Ne trouvez-vous pas que cette phrase qui a du mordant ?

 

Que comprendrait une personne maîtrisant mal le français en entendant ces deux phrases ?

 

Un Maure, croque-mort, mord un mort.

Le cheval du Maure qui mord le mort, prend le mors aux dents.

 

·        Un Maure :  habitant du Sahara vivant en Mauritanie

·        Un croque-mort : employé des pompes funèbres chargé du transport des morts au cimetière. À   l’origine, afin de vérifier qu’une personne était bien décédée, on lui mordait le gros orteil d’un de  ses pieds, s’il réagissait, il était toujours vivant !!

·        Mord : verbe mordre – 3e groupe – 3e personne du singulier du présent de l’indicatif.

·      Un mort : du latin mortuus – qui demeure sans vie – dont la vie s’est retirée : personne qui ne vit  plus.

·      Le mors : harnachement, le plus souvent métallique, inséré dans la bouche d'un cheval permettant au cavalier de contrôler la vitesse et la direction de l’équidé.

·   

   
Prendre le mors aux dents : s’emballer, s’emporter, détaler.

 

La langue française est vraiment exceptionnelle !!


mercredi 22 janvier 2025

Cherbourg - l'abbaye du Vœu

 


L'abbaye du Vœu, au nord-ouest de  Cherbourg, fut fondée en 1145 par Mathilde, petite-fille de Guillaume le Conquérant et fille d’Henri 1er  Beauclerc.

Cette abbaye, depuis sa création, fut, à de nombreuses reprises, pillée, détruite et brûlée partiellement.


Elle servit de lieu de prières, mais aussi au cours des siècles, de caserne, de prison.....

C’est non loin de cette abbaye que je vous emmènerai prochainement, afin de vous conter une sombre histoire de sorcellerie, qui se passa au cours de la seconde partie du XVIIème siècle.

Alors à la semaine prochaine.

Pourquoi enguirlande-t-on quelqu’un ?

 




Une guirlande, chacun sait de quoi il s’agit. Elle pare le sapin ou un lieu au moment des fêtes et notamment celles de fin d’année.

 

Le mot « guirlande » est bien plus ancien que cela, car il était déjà employé bien avant que le sapin, dit de Noël, ne trône dans les salons en décembre.

Guirlande est un emprunt à l’italien « ghirlanda » qui désignait une couronne de fleurs ou de feuillages. C’était alors au XIIIème siècle.

 

En 1403, ce mot s’appliquait à une couronne de métal précieux, celle portée par les rois et les reines.

 

Mais le temps passant, le mot fut repris pour nommer un recueil de poésies dont chaque feuillet était paré d’une fleur.

 

Les dérives qui suivent vont vous éclairer sur la question posée plus haut.

Guirlander, verbe apparu au XVIème siècle, avait pour définition : orner d’une guirlande, comme par exemple cette couronne de laurier remis au plus méritant.

« Guirlander » prit la forme de « Enguirlander », vers 1555.

Et puis, ce verbe « enguirlander » fut utilisé, à partir de 1819, avec la signification de « couvrir d’éloges » ou encore « orner un discours ». Voilà peut-être le rapport avec la couronne de laurier.

 

En 1922, tout bascule. Les éloges initiaux deviennent réprimandes, reproches... voilà pourquoi « enguirlander » peut s’employer pour : vilipender -  engueuler.....

 

De grâce, ne m’enguirlandez pas, je n’y suis pour rien si les mots s’amusent à dire tout et leur contraire !


Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

                   « Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert


vendredi 17 janvier 2025

Révélations – chapitre 4

 


Au couvent de Sainte Claire d’Ollioules, Catherine Cadiere se confia à son nouveau directeur de conscience, le Père Nicolas.

«  Le père Girard m’a envoûtée. Lorsque je me suis retrouvée grosse, il a fait en sorte que je perde l’enfant qui dans mon ventre avait déjà trois mois. Une femme dont j’ignore le nom a fait ce qu’il fallait. J’ai eu des flots de sang pendant plusieurs jours.»

L’affaire prenait une vilaine tournure.

Un juge ecclésiastique fut délégué par l’Évêque. Accompagné d’un lieutenant-général civil et criminel, il rendit visite à Catherine pour enquêter. La jeune fille ne changea pas un mot à ses premières révélations.

Afin que les événements et plaintes qui s’ensuivirent ne se propagent, la jeune femme  fut enfermée dans une cellule isolée au couvent des Ursulines de Toulon. Mais, cette accusatrice n’était pas tout à fait « blanche comme neige » et après les investigations et témoignages, elle fut accusée..... d’avoir proféré de fausses et calomnieuses accusations, d’avoir abusé de la religion, d’avoir faussement contrefait la sainte et d’avoir contrefait la possédée. 

Les convulsions répétées de Catherine Cadiere, simulées ou réelles, avaient été mises en scène par l’un de ses frères, Étienne Cadiere, prêtre dominicain.

Catherine Cadiere se retrouva donc sur le banc des accusés, avec à ses côtés son avocat, maître Chaudon.

L’inculpée expliqua le déroulement de ses relations avec le Père Girard :

Dans un premier temps, j’étais mal à l’aise en présence du Père Girard. 

Le Père Girard m’affirmait que « Dieu demandait plus de moi et que je devais me donner toute entière.

Le Père Girard me dit : « Je suis votre maître, votre Dieu… Vous devez tout souffrir au nom de l’obéissance ».

Les viols détériorèrent ma santé, je me mis à vomir, au point de ne pouvoir pratiquement plus manger, je rejetais le peu que je prenais. 

 

Le procès qui fit grand bruit prit fin le 11 septembre 1731, avec la sentence suivante : Catherine Cadiere condamnée à la potence.

Un second verdict fut rendu un mois plus tard, le 10 octobre 1731, celui-ci innocenta l’inculpée.

Par la suite, Catherine Cadiere fut définitivement écartée de l’arène judiciaire et publique et remise aux bons soins de sa mère. Aucune information sur la date et le lieu de son décès.

Quant au Père Girard, accusé de crimes de droit commun troublant particulièrement l’ordre public (inceste spirituel, envoûtement et l’avortement), il fut renvoyé à Dole où il mourut le 4 juillet 1733. 

 

Le sujet qui fut largement suivi et commenté, ne cessa de susciter la curiosité de nombreux auteurs, polygraphes, historiens ou romanciers, de 1731 à nos jours.

mercredi 15 janvier 2025

Je suis parfois « chiffonnée », et vous ?

 

  

Ce verbe, chiffonner, est employé depuis la moitié du XVIIème siècle.

 

Il vient de chiffe, pièce de tissus froissée ou encore lambeau de vieille étoffe.

Quel rapport avec mon état d’esprit ?

Tout simplement parce qu’au sens figuré, être chiffonné, signifie : être ennuyé, tracassé, perplexe.....

Comme un morceau de chiffon froissé, j’ai besoin de défroissage, d’éclaircissement, de remise au point pour retrouver des idées sans froissements, claires et nettes.

 

Chiffonné ? Un bon coup de fer à repasser et les soucis sont effacés !!!

 




Pauvre chiffonnier qui, tout le temps dans ses chiffons, est chiffonné, dans un perpétuel « enchiffrenement », lui occasionnant des enchifrènements !!


Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert



vendredi 10 janvier 2025

Catherine – chapitre 3

 



Catherine grandit entourée de sa mère et de ses frères.

Pierre Cadiere était devenu prêtre dominicain séculier.

Etienne Thomas Cadiere fut ordonné prêtre dans l’ordre des dominicains.

Entourée de sa mère priant du matin au soir pour remercier Dieu de les avoir préservés de la peste et de ses deux frères ecclésiastiques, la petite fille acquis rapidement une sensibilité mystique excessive, amplifiée assurément par ses nombreuses lectures relatant la vie des Saints et des Saintes.

La fillette devint une jeune fille à la taille plutôt bien faite, à la peau blanche, et puis ses yeux, magnifiques et clairs, lui donnaient un air angélique. Mais chacun dans son entourage avait deviné que la seule ambition de Catherine était de passer pour une Sainte.

En 1728, le père Girard, jésuite, fut nommé Recteur du Séminaire Royale de la Marine de Toulon. Très vite, cet homme de quarante-huit ans acquit une grande réputation. Ses sermons attiraient de plus en plus de dévotes dont faisaient partie Catherine et sa mère.

Séduite par les prêches du Père Girard, la demoiselle Cadiere souhaita rejoindre un groupe de jeunes filles au Tiers-Ordre de Sainte Thérèse d’Avila à Toulon, demandant comme directeur de conscience, le recteur nouvellement nommé.

Ce fut à partir de ce moment que Catherine présenta des stigmates et sembla être sous l’emprise de possessions.

Devant de telles manifestations, le Père Girard prit la jeune fille sous sa coupe, afin de déterminer la véracité des faits : simulation ou marque de sainteté.

Pour se faire une opinion, le Père Girard  passait de longs moments en tête-à-tête avec Catherine, moment de réflexion et de prière.

Que se passait-il réellement au cours de ces huis clos ?

Personne ne put le dire, mais les rumeurs montaient graduellement, extrapolant tout et son contraire.

Les plus romantiques parlaient « d’histoire d’amour ».

Les plus malintentionnés évoquaient des actes qui n’avaient rien à voir avec la spiritualité...

En juin 1830, vinrent aux oreilles de l’Évêque de Toulon tous ces bruits de chapelles et confessionnaux et pour mettre fin à tous ses commérages, éloigna Catherine au couvent de Sainte Claire d’Ollioules[1] et lui désigna le Père Nicolas comme nouveau directeur de conscience.




                                                                                                                                      A suivre.......

[1] Ollioules, commune située à l’ouest de Toulon.

mercredi 8 janvier 2025

Un clabaud !! Qu'est-ce que c'est ?

 

D’origine incertaine, ce mot, un clabaud, fit son apparition vers 1450. Il s’orthographiait alors : clabault.

 

Peut-être viendrait-il du néerlandais « klabaard », employé pour : crécelle ou bavard.

Ce mot désignait :

  • ·         En 1501 – une espèce de chien qui aboyait fortement.
  • ·         En 1710 – une personne qui criait beaucoup sans raison.

 

Et puis aussi, vers 1680, un chapeau aux bords pendants, sans doute en raison des oreilles tombantes du chien porta le même nom.

Le verbe « cladauder », provenant du nom « clabaud » s’employait pour :

  • ·         Avant 1500 – aboyer fort.
  • ·         1611 – clabauder contre quelqu’un  >  médire.
  • ·         1648 – crier fort à tort et à travers.



 
Il existe aussi :

  • ·         L’adjectif « clabaudeur –euse » (1554).
  • ·         Les noms : une clabaudage ou une clabauderie (1611).

 Des mots qui ne sont plus guère utilisés.

 

Essayez, toutefois, de ne pas perdre votre latin en déchiffrant la phrase suivante :

Un clabaudeur portant un clabaud bien enfoncé sur sa tête, accompagné de son fidèle clabaud clabaudant, clabaude allègrement contre tous les habitants de son quartier. Quelle clabauderie !!

 

 

 

Pour cette petite histoire autour d’un mot,

Je me suis aidée du

« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert

mercredi 1 janvier 2025

La famille Cadière – chapitre 2

 


Ce fut dans cette ville de Toulon que naquit Joseph Cadière, vers 1664.

Elisabeth Pomet naquit également à Toulon, le 8 octobre 1670.

Ils se rencontrèrent et s’épousèrent, le mardi 1er novembre  1689.

Voilà le commencement de leur histoire, une histoire tout ce qu’il y avait de plus banale, avec rapidement l’arrivée au foyer  :

·         Le vendredi 6 octobre 1690, d’une petite Catherine qui ne vécut que deux années.

·         Le lundi 10 août 1693, d’un petit garçon qui reçut les prénoms de Laurent Toussaint.

·         Le lundi 9 janvier 1696, d’un autre garçon, baptisé François.

·         Le lundi 21 janvier 1697, d’ Etienne Thomas qui pointa le bout de son nez.

Et puis, une autre petite fille, le mardi 12 novembre 1709.

Comme le voulait la tradition, elle prit le prénom de sa sœur défunte, soit Catherine.

 

Le foyer Cadière, aisé sans plus, faisait partie de la petite bourgeoisie toulonnaise.

Le père exerçait le métier de marchand regrattier.

Le premier malheur que rencontra cette famille fut le décès de Joseph, le dimanche 10 août 1710, à l’âge de 46 ans. Il avait pris froid l’hiver précédent, un hiver si rude que tous les oliviers de la Provence avaient gelé. « Un simple refroidissement », avait dit Joseph pour rassurer son épouse, mais il s’avéra que le mal était plus profond.

Elisabeth se retrouvait donc seule avec trois[1] enfants âgés de 14 ans, 13 ans et 9 mois.

Autre tragédie, la peste qui sévit en 1720-1721. Marseille fut touchée en premier, et l’épidémie atteignit Toulon le 31 juillet 1720. Ce fut l’hécatombe, la ville perdit plus de la moitié de ses habitants, soit 15 783 décès.

Par miracle, la famille Cadière fut épargnée.



[1] Il s’agissait de  François, Etienne Thomas et Catherine. Quant à Laurent Toussaint, il n’était plus au foyer – peut-être était-il décédé avant  son père, sans aucune certitude car aucune date le confirmant.

Conseil un peu tardif !!

 

Jour de réveillon..... Attention aux abus !!

 

 

Il vint avec vingt vins. Il serait vain de préciser qu’aujourd’hui la migraine vainc après l’absorption de trop de vin.

 

Bonne année 2025.

En cette occasion, je veux vous présenter tous mes vœux !