mercredi 16 juillet 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 8

 


 

Un témoignage glaçant que celui du jeune Gustave et qui plongea la salle dans un silence abyssal.

Les hommes ne croyaient pas à toutes ces manifestations étranges, démoniaques, quoique... Ils en avaient pourtant entendu parler par les anciens au cours des veillées, mais il était bien connu qu’au fil du temps ce qui n’était qu’une infime anecdote devenait presque une affaire d’Etat. Les hommes ne voulaient pas y croire, mais pourtant certains avaient vu...

Quant aux femmes, elles priaient car monsieur le curé les mettaient en garde : « Ne pas dévier du droit chemin, Satan veille ! Satan peut prendre les formes les plus aimables pour séduire. ». Elles savaient, les femmes, en leur for intérieur que le malin pouvait tarir le lait des vaches, empêcher les poules de pondre, nouer des aiguillettes des jeunes mariés, rendre les femmes infécondes.... Oui, il avait plus de malice que de bonté le malin, mais s’attaquer à la demeure du curé, là, il faisait fort tout de même !

               

Le juge de paix avait laissé un peu de temps afin que le silence polaire qui s’était abattu sur l’assemblée fonde peu à peu, sans doute en raison des flammes de l’enfer qui régnaient dans la tête de chacun.

 

Lorsque quelques murmures se firent entendre, le témoin suivant fut appelé.

 

Ce fut Clément Bunel[1], âgé de quatorze ans, le second élève du curé Tinel vivant au presbytère de Cideville et camarade de  Gustave Lemonnier, qui se présenta devant le juge de paix.

Voici sa déposition :

«  Le mardi 26 novembre dernier vers les cinq heures après midi, j’ai entendu comme un fort coup de vent. À la suite de ce coup de vent, j’ai entendu comme des petits coups de marteau qui frappaient contre le lambris de l’appartement où j’étais à travailler. Les jours suivant, jusqu’au dimanche, les coups reprirent, toujours à la même heure. M. Tinel dit à ce bruit « plus fort, plus fort » et le bruit a frappé plus fort..... »

 

La suite ne différa pas du récit de son camarade, sauf que Clément Bunel précisa que lorsque Thorel s’était jeté à genoux devant Gustave, celui-ci eut une crise de nerfs à la suite de laquelle, il avait perdu connaissance. Le soir, Gustave Lemonnier, revenu à lui, n’eut aucun souvenir de ce qui s’était passé. Ensuite, il ajouta :

« Le lendemain, la pellette se mit à sauter et danser, j’eus l’idée d’approcher les pincettes de cette pellette et l’une et l’autre dansaient, tombaient et se relevaient. J’ai vu aussi deux pupitres placés sur une table tomber et la table se renverser par-dessus. Trois fers à repasser ont quitté le foyer devant lequel ils étaient placés et se promener dans l’appartement avant de disparaître sous le buffet. Mon petit camarade a été tiré par une jambe et la vieille servante et moi avions eu beaucoup de peine à le retenir. »

 

La suite confirma les dires du second élève, à savoir : les couteaux, la brosse, les chandeliers... se jetant sur les carreaux et les brisant, le bois allumé au feu quittant le foyer.

 

Le jeune Bunel avait reçu en plein visage un objet en fer, il en portait encore la marque de la blessure à l’œil droit. Se retournant vers le public présent, il montra à tous cette blessure encore bien visible.

Clément poursuivit son récit :

« Un soir, en nous couchant, j’ai vu encore la chandelle s’éteindre sans aucune cause apparente. M. Tinel a vu comme moi une table remuer et entendu plusieurs des bruits qui se produisaient au presbytère, mais quand M. le curé était présent, il y avait beaucoup moins de tapage. Par contre, il était présent quand une grammaire partit, soulevée par une force  incroyable, traversa un carreau pour choir dans le jardin. M. Tinel dit que cela semblait bien drôle de voir cela. »

 

À ce moment, le berger Thorel demanda au juge de paix s’il pouvait poser certaines questions au témoin afin de préciser quelques événements.

Le juge répondit :

« Le témoin s’est longuement expliqué, il n’est nullement nécessaire de clarifier plus amplement les faits. »

 

Demande rejetée !

Pourquoi ?

 

La réponse apparaîtra peut-être au fil des récits des nombreuses autres personnes qui devaient être entendues.

En attendant, les premières dépositions étaient assez étranges.

Des dires à vous empêcher de dormir, à regarder sous le lit avant de se coucher, à ne dormir que d’un œil, à scruter le silence de la nuit.... à imaginer des objets volants, des mains noires frappeuses et le pire pour les enfants récalcitrants à l’étude du français se voir poursuivis par une grammaire volante, autoritaire et menaçante.

 



[1] Fils de Benony Joachim Bunel et Zoé Juliette Ancelot, il est né le 14 décembre 1836 à Riville (76) - Décédé le 21 avril 1893 à Saint-Jacques-sur-Darnétal (76) – à l’âge de 56 ans. Il entra dans la prêtrise. En 1879 : curé de Cailleville et nommé à Fresnoy Folny. En 1885 :  curé à St Jacques sur Darnétal, où il décéda
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