mercredi 9 juillet 2025

Cideville – Une affaire qui a fait la une de beaucoup de journaux – chapitre 7

 

Les témoins se succédaient.

Vint alors Victor François Bourrienne – 34 ans – gendarme à Yvetot.

Il avait enquêté avec son collègue, Constant Masson.

 

Voici son témoignage :

« M. Tinel m’a déclaré qu’on lui avait dit que Thorel propageait dans le public que lui, M. Tinel, n’était pas quitte de tout ce qui se passait dans son presbytère. »

 

Le gendarme Bourrienne affirma aussi avoir vu sur la figure d’un des élèves du curé, la marque des cinq doigts de la main qui l’avait frappé et qui selon le jeune homme était noire et s’était enlevée par la cheminée. Il avait aussi constaté les carreaux cassés aux fenêtres. Aucune manifestation n’avait eu lieu dans la demeure – bruits, lévitation d’objets... – pendant sa présence de cinq quarts d’heure dans la demeure du curé.

 

Rien en vérité de bien nouveau.

Par contre les déclarations suivantes furent plus explicites.

 

Déposition de Gustave Lemonnier[1] – 12 ans – étudiant chez M. le Curé de Cideville.

« Le mardi 26 novembre dernier, vers 5 heures après-midi étant à étudier dans un appartement d’en haut au presbytère, j’ai entendu un petit bruit comme celui de coups de marteau. Ces bruits reprirent les jours suivants à la même heure.

Le dimanche à midi le bruit s’est reproduit. M. Tinel eut l’idée de dire « plus fort, plus fort » et le bruit s’est reproduit plus fort toute la journée.

Le lundi, mon camarade demanda que ce bruit joue « maître corbeau » et « maître corbeau » a été parfaitement reproduit ainsi que d’autres airs demandés.

Le mardi, la table d’en haut s’est ébranlée et tout ce qui se trouvait sur cette table.

Le bruit a frappé plus fort pendant toute la semaine. On avait peine à tenir dans l’appartement.

Un couteau poussé par une force invisible est parti de dessus la table de la cuisine dans un carreau qu’il a traversé pour aller dans le jardin. On a été le chercher et reposé sur la table et j’ai vu qu’il s’était relancé dans un autre carreau. J’ai vu aussi les brosses partir dans les carreaux, puis une boite, le bréviaire de M. Tinel partit dans la cuisine et s’enfuit par une porte de l’appartement y attenant et traverser un carreau. La broche à rôtir s’enfuit par un autre carreau. Le gril tomba sur le pavé de la cuisine. Les fers à repasser, placés devant le foyer d’une chambre en haut, s’enfuirent dans l’appartement. Le feu en fit autant et s’avança sur le plancher sans rien brûler, il fallut le remettre dans la cheminée. Un soulier dessous la table est venu me frapper au visage tandis que j’écrivais à cette table. Un chandelier de même me fit mal à la figure.

J’ai eu aussi un soufflet sur la joue droite. Je n’ai vu qu’une main, seule sans aucun corps sauf une sorte de forme humaine vêtue d’une blouse, un spectre, qui me poursuivit pendant quinze jours partout où j’allais. Il n’y avait que moi qui pouvais la voir.

Une force invisible me tira par la jambe, mon camarade a répandu de l’eau bénite et cette force a lâché prise.

Une voix d’enfant se faisait entendre disant : « pardon », « grâce ».

À chaque fois, où se produisaient ces manifestations, M. Tinel était absent. Je lui en ai fait part et M. Tinel me répondit : « Ceci est bien drôle ! ».

La main qui m’a frappé était noire et je la vis aller par-dessous la cheminée. J’étais effrayé, mais je n’ai jamais voulu quitter le presbytère, jamais voulu rentrer chez mes parents.

Lorsque M. Thorel s’est présenté au presbytère sous prétexte de porter l’orgue au château, M. Tinel lui mettant la main sur l’épaule lui dit :  « demandez pardon à cet enfant-là », et se jetant à genoux, il m’a demandé pardon.

Sitôt que je vis le berger Thorel, je reconnus en lui le spectre qui m’avait suivi pendant quinze jours et je dis à M. Tinel : « Voilà l’homme qui me poursuit depuis quinze jours ! »

 

Pendant toute la déclaration du jeune Gustave Lemonnier, le silence était palpable parmi le public, seuls quelques « ah ! » et « oh ! » ponctuaient le récit.

Un récit étonnant, surréaliste.

Un récit à donner des frissons.

 



[1] Sur le recensement de 1851, rien de précis concernant ce jeune garçon à l’exception de son âge : 12 ans. Ce renseignement permet de déterminer son année de naissance, soit entre 1837 et 1839. Après des recherches, je n’ai trouvé qu’un certain Narcisse Gustave Hyacinthe Lemonnier, né le 25 juillet 1838 à Bois-Himont (76) non loin d’Yvetot et dont le père était instituteur. Était
-ce bien le « Gustave du presbytère » ?

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