Lorsque j’ouvris
les yeux, pour la première fois, je vis penché au-dessus de moi, deux
personnages cornus.
Et que de
cornes ! Deux paires par individus !
« Comme il
est beau ! » disait une voix douce et flutée, emplie de tendresse et
de fierté.
Je n’avais, à ce
moment, pas réellement conscience de qui j’étais, mais je ne doutais pas, déjà,
de ma réelle beauté.
Je fus très
effrayé par cette première vision de ma vie, vision cauchemardesque, ne pouvant
pas, c’était évident, savoir que je leur ressemblais.
Cela me fatigua
quelque peu et je voulus me reposer. Pour ce faire, il me fallut me pelotonner,
m’entortiller et me contorsionner pour entrer dans ce que je devais découvrir
plus tard : « MA COQUILLE ! »
Je ne pouvais, à
cet instant précis, la voir, car la traitresse – déjà ! – était
transparente.
Ouf ! Cette
opération laborieuse achevée, enfin bien au chaud, je pus enfin m’endormir.
Un peu plus tard,
je risquais une seconde sortie. Je fus accueilli par la même voix et les mêmes
cornes !
« Bonjour,
mon Colinou ! Coucou, mon Colinet ! Tu es beau, mon
Andantino ! »
Et cette même voix
se mit à fredonner, pour me bercer, un flux de mots tout miel.
Je compris, alors,
car bien que venant de naître, je n’étais pas tout à fait idiot, que Colinou,
Colinet, Andantino, ce devait être « MOI ».
Cette voix douce, chantante
et aimante, assortie des deux premières paires de cornes, était tout
bonnement : « Maman » !
Par la suite, je
pris conscience que j’étais un escargot. Eh oui ! Ça peut arriver à tout
le monde ! Escargot, avec tous les inconvénients que cela pouvait comporter.
Maman m’aida,
m’encouragea.
Ses premières
tâches étant surtout de m’apprendre à me déplacer sans casse. Entendez par là,
sans casser ma coquille.
Puis à rétablir
l’équilibre, en cas de dérapages et de culbutes.
Ensuite, apprendre
à connaitre ma corpulence afin de ne pas m’engager dans des espaces trop
étroits.
Cela est plus
facile lorsqu’on est « garçon-escargot », les escargottes acceptant
difficilement d’être obligées d’emprunter des passages assez larges.
On peut, alors,
les entendre :
« Oh !
Mais, avec ma silhouette fine, je peux passer n’importe où ! »
Ou bien :
« Je ne
possède pas une forte coquille, la mienne a un galbe harmonieux et
mince ! »
Ou encore :
« J’ai perdu
quelques rondeurs, je passe partout, à présent ! »
Et je peux vous
dire que c’était à mourir de rire, lorsqu’on les regardait, nous les escargots,
les trouvant exagérément rondes,
faire des efforts incroyables et se
tortillant en tous sens, pour se couler dans des passages hyper-larges, mais hyper-trop-étroits
pour elles !
Certaines ne
mangeaient que de la salade, se privant des meilleurs mets, afin d’obtenir une
silhouette svelte. Drôle ? Non ?
Après un temps
d’apprentissage, en avant !
Ce fut alors que
je m’aperçus que j’étais suivi !
Mine de rien, je
penchais, discrètement, une corne vers l’arrière de ma coquille, pour essayer
de démasquer l’intrus.
Rien !
Uniquement un
ruban argent, luisant.
Quel était cet
importun qui ne laissait que cette trace ?
Voulant le semer,
je me mis à exécuter des circuits en zigzag, des dérapages. Sans aucun
résultat.
Trouvant les
dessins, ainsi réalisés sur le sol, d’une grande valeur artistique, je
continuai pendant un moment mes méandres imprégnés de génie créateur.
J’oubliai vite le
soi-disant intrus et m’amusai follement.
Maman m’expliqua
aussi le soleil dont il fallait me méfier et la pluie bienfaitrice.
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