Des
demandes de renseignements sur des individus étaient affaire courante, et
maires et commissaires de police se voyaient souvent sollicités par des courriers
provenant de villes plus ou moins lointaines.
Dans
ces périodes troublées d’après la Révolution Française, chacun se méfiait des
autres et surtout, cachait le montant de ses biens pour ne pas être spolié.
Les
unions, du moins pour ceux qui avaient un peu de biens ou de renommée, ne se
concluaient pas à la légère, et bien souvent, elles se faisaient par affinité
de fortune ou de corporations de métiers.
Les
demoiselles, bien dotées, étaient fort courtisées et l’alliance consentie ne
tenait nullement compte des sentiments, mais des « comptes » en argent
sonnant et trébuchant de la famille du jeune homme. Les jeunes filles pauvres
étaient, d’office, écartées.
Pas
de mésalliance ! Surtout pas !
Aucun
roturier, sans fortune, ne pouvait prétendre entrer dans une « bonne
famille », et les demoiselles récalcitrantes à un mariage imposé, étaient
contraintes à se découvrir une vocation religieuse. Enfermées dans un
couvent !
Et
l’amour, là-dedans, me direz-vous !
« Il
vient avec le temps ! », disaient celles qui avaient vécu pareille
expérience, sans réellement y croire.
D’ailleurs,
ai-je parlé «d’amour » ?
Non !
Uniquement
« argent » et « profit ».
Pas
pareil !
-=-=-=-=-=-
Ce
qui ressortait dans la lettre que venait de lire, Monsieur Lambart, maire de
louviers et qui provenait de Lyon,
c’était l’inquiétude d’un père dont le fils, travaillant dans cette ville de
Louviers, annonçait le désir de prendre épouse.
Quelle
était la position sociale de la famille de la jeune fille ?
Quelle
était la réputation de celle-ci ?
Mais,
le maire comprenait entre les lignes :
« Vous
comprenez, il n’est nullement envisageable que notre famille se discrédite
auprès de nos connaissances par une alliance qui ferait tache. Comprenez que
nous ne voulons pas, non plus, être dépossédés de nos biens par une quelconque
malhonnêteté venant de cette union. »
Car,
la famille G avait du bien, pas plus que cela, mais tout de même. Le citoyen
Benoist G était restaurateur à Lyon. Il en était fier. Sa fortune était le
fruit de son travail.
Son
fils, André G, lui avait vanté les grandes qualités de la fille de son patron,
sa beauté, sa grâce, sa douceur, enfin toutes les qualités qu’on pouvait
trouver à l’être aimé et qui faisaient qu’un garçon perdait tout jugement
réaliste et devenait parfois un peu « nigaud ». Et puis, plus il
était « imbécile », plus il était facile à duper !
Alors,
quoi penser ?
Et
si la jolie jouvencelle n’était qu’une gourgandine ?
Devant
ses fourneaux, Benoist G bouillait plus que la soupe dans ses marmites,
s’imaginant même le plus inimaginable.
Voilà
pourquoi il s’était résolu à demander quelques précisions au représentant de la
commune.
-=-=-=-=-=-
La
réponse qui lui parvint ne le rassura qu’à moitié. En effet, le citoyen Joseph
F, avait en effet la chance d’avoir une bien jolie jeune fille.
Jolie
ou vilaine, après tout ce n’était pas son affaire !
Mais
….. car il y avait un mais !
Ce
citoyen n’était pas « méchanicien », mais siamoisier.
Pourquoi
ce mensonge ? Mais après tout, s’il en vivait bien, pourquoi pas ! Il
n’y avait pas de sot métier.
Oui,
mais la chute faillit provoquer une crise d’apoplexie au pauvre aubergiste,
tout là-bas à Lyon.
Le
citoyen F n’était pas propriétaire d’une manufacture, il occupait un métier de
siamoise chez lui.
La
situation financière de la future famille était donc loin de celle annoncée par
son fils, André.
Le
maire avait conclu sa missive en précisant qu’il n’avait recueilli aucune
plainte contre la famille F.
Encore
heureux ! Il n’aurait plus manqué que ça !
-=-=-=-=-=-
La
distance de Lyon à Louviers se calculant en journées de voyage, il ne fut pas
possible à Benoist G de se déplacer pour rencontrer son fils. De plus, il
n’était pas concevable de fermer l’auberge alors qu’après un hiver rigoureux
ayant un peu gelé l’activité de son commerce, ce mois de germinal annonçait une
bonne reprise.
Un
échange épistolaire s’établit entre père et fils qui n’aboutit à rien, chacun
restant sur ses positions.
Mais
pourquoi André G désirait absolument l’approbation parentale ?
Il
aurait pu se marier, sans rien dire et l’affaire se serait arrêtée là.
Et
bien voilà. André G n’avait pas la majorité légale. Considéré comme mineur, il
avait besoin du consentement de ses parents.
De
guerre lasse, ce fut le père qui céda.
N’approuvant
nullement cette union, les parents ne furent pas présents le jour de la
cérémonie, mais ils firent parvenir, par voie notariale un acte de consentement,
en date du 26 thermidor an 13 de la
République, précisant :
«….
donnent au dit André G, leur fils, l’autorisation de contracter mariage devant
tout officier public avec telle personne qu’il juge à sa convenance …. »
Et
vlan !
En
clair : qu’il fasse ce qu’il veut, mais qu’il ne vienne pas se plaindre.
Un
mois plus tard, le 21 vendémiaire an 13, André G et Marie Catherine Clothilde F
s’unissaient à la mairie de Louviers.
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