Lorsque le jour se
leva, nous étions à l’orée de la forêt. Devant nous se dressaient ronces et
fourrés. Nous nous écorchions les cornes, craignions pour notre coquille.
Il faut bien
avouer que Griotte ne se plaignait pas. Elle allait bon train derrière nous,
sans dire un mot, sans aucune protestation. Elle fut cependant d’un grand
secours lorsqu’il fallut se restaurer, car elle nous indiquait, avec justesse, les aliments
comestibles.
Toujours
rougissante, elle faisait alors des commentaires avec des phrases d’une
longueur inhabituelle.
« Non !
Ne touchez surtout pas à cette herbe ! »
Ou encore :
« Attention !
Il ne faut pas se fier à la couleur, plus elle est attrayante, plus vous
risquez d’être malades. »
Une sacrée
escargotte, cette Griotte !
Plus nous
pénétrions dans la forêt, plus celle-ci devenait inquiétante. Le vent secouait
les feuilles des arbres et les rameaux des buissons dans un continuel murmure
allant crescendo ou decrescendo, selon sa force.
Il nous semblait
qu’une multitude d’yeux suivait notre marche, qu’une flopée de voix chuchotait
et commentait notre intrusion en ces lieux, qu’une ribambelle d’esprits nous
entourait de maléfices.
Nous nous étions
rapprochés, tous trois, au point que nos coquilles s’entrechoquaient à chacun
de nos balancements.
Mégo était
silencieux, ce qui ne lui ressemblait pas.
Griotte soupirait
de temps à autre. Elle semblait fatiguée, mais n’osait rien dire.
J’étais inquiet,
mais cette inquiétude n’était pas désagréable, elle avait le goût de
l’aventure.
Soudain, Griotte
lança un « Oh ! », mi-étonné, mi-effrayé, en nous montrant de ses
cornes tremblantes des traces brillantes sur le tapis de feuilles mortes qui
jonchait le sol. Ces traces formaient un cercle.
-
Le
cercle diabolique, murmura Mégo, comme dans la légende !
-
Oh !
fit Griotte, se réfugiant dans sa coquille.
-
Que
dit-on d’autre, dans la légende ? demandai-je à mon ami.
-
On
dit qu’une sorcière, aux grands pouvoirs, hante ces lieux. Qu’elle trace un
cercle infernal sur le sol pour éloigner les curieux, et gare à ceux qui
transgressent cet interdit. Elle est maîtresse de l’endroit et elle est
terrible !
A ce moment, comme
pour ponctuer ce dernier mot, le vent s’enfla dans les branches. Le bruit
devint monstrueux. Mégo et moi-même adoptâmes alors la même stratégie que
Griotte. Hop ! Nous rentrâmes les cornes, nos quatre cornes et le reste,
en sécurité, dans notre coquille.
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