Marina,
quatorze ans, était, d’ordinaire, dynamique, sauf lorsqu’elle se sentait, un
tantinet, fatiguée. Alors là, plus que molle, elle était tout à fait
« ramollo » ! un vrai Chamalo fondu !
Une
ado, quoi !
Dans
ces cas-là, elle disait d’une voix éteinte, en soufflant, à chaque demande
d’aide de sa mère :
« Désolée,
maman, j’ai la flemme ! »
Ou
encore
« Ah
non, pas envie ! »
Alors
sa mère faisait tout pour qu’elle bouge son popotin. Elle avait bon dos la
crise d’ado !
La
seule solution, car il y en avait bien une, c’était : le chien.
Balisto,
magnifique labrador, était, à longueur de temps, tout foufou. Alors, pour le
calmer, il fallait consacrer beaucoup de temps en promenades, pour le fatiguer
un chouia.
Et
cette tâche, indispensable, revenait automatiquement à Marina.
D’habitude,
le petit-pipi du soir se faisait vers vingt-deux heures. Mais ce soir-là,
Balisto renouvela sa demande vers vingt-trois heures trente.
C’étaient
les vacances d’automne, alors, Marina se dévoua pour sortir son toutou préféré
encore une fois. Balisto, reconnaissant, manifesta grandement sa joie en se
tortillant le train arrière de droite et de gauche, tel un tortillard et en remuant
la queue.
Dehors,
il ne tenait pas en place, il sautait, courait, revenait en arrière. Arrivée
près de la mare communale, il fit une petite pause. N’était-il pas sortir pour
satisfaire quelques besoins tout à fait naturels ?
De
l’autre côté de la mare, se dressait un splendide saule pleureur, éclairait par
un faible rayon lunaire. Marina remarqua que les branches de l’arbre
s’agitaient violemment. Pourtant, il n’y avait pas un souffle de vent. Elle
regardait ce phénomène, intriguée, mais à ce moment Balisto, une branche dans
la gueule, vint la solliciter pour jouer. Elle lança plusieurs fois le bout de
bois que lui ramenait aussitôt l’animal. Ce jeu fatigua très vite Marina qui
pensa qu’il n’était plus temps de jouer.
Poursuivant
sa route, elle passa devant la grange du père Constand, un voisin. Elle perçut
des bruits de voix, pourtant le lieu était désert. Elle crut apercevoir des
lueurs où aucune lumière ne brillait. Dans les jardins et les champs, les
plantes, tout comme le saule, effectuaient une danse, comme muées par un
courant d’air qui était tout à fait inexistant.
Etrange,
non ? Mais la nuit n’est-elle pas propice aux angoisses absurdes ?
Ses
pas, plutôt ceux de Balisto, la conduisirent vers le cimetière. Derrière le mur
de pierre, les croix des tombes se dressaient, lugubres.
Balisto,
trouvant une ouverture dans une faille du mur s’était engouffré dans le
cimetière. Tout à coup, paniquée, Marina, appela l’animal, doucement d’abord,
comme pour ne pas gêner, puis plus fort. En vain, le labrador n’avait aucune
intention d’obéir, l’aubaine était trop bonne de se défouler sans contrainte.
« Où
est ce chien ? J’en ai plein le dos ! Par où est-il
passé ? »
Tout
en maugréant, Marina longeait le mur du cimetière pour découvrir par où le
chien était passé. Elle trouva enfin. Elle s’introduisit donc, à son tour, dans
le lieu, seulement éclairé par un vieux lampadaire qui, ayant vécu, ne diffusait
que très peu de lumière, en clignotant. Un grésillement continuel et inquiétant
annonçait l’extinction totale et définitive de l’appareil, dans des délais fort
brefs.
Seule,
dans ce sinistre cimetière, entourée de sépultures dont certaines étaient
éventrées, elle avançait à petits pas, essayant de repérer le chien qu’elle
maudissait de plus en plus, afin de lui remettre sa laisse et rentrer au plus
vite.
L’horloge
de la petite église égraina les douze coups de minuit.
Minuit ! Ne disait-on pas, dans certains livres, que
c’était l’heure propice aux faits criminels ?
Elle
stoppa, scrutant l’obscurité, tous sens en éveil. Mais ce qu’elle percevait
surtout, c’étaient les battements sourds de son cœur dans ses tempes.
Tout
à coup, elle sentit quelque chose lui cramponner les chevilles. Tétanisée, elle
n’osait bouger, elle n’osait non plus regarder vers le sol. Elle imaginait des
doigts à l’état de squelette lui serrer les chevilles dans le seul but de
l’entraîner sous terre, dans le royaume des morts. Les os et les ongles qu’elle imaginait crochus et
noirs, la griffaient affreusement. Elle se sentait défaillir. Une suée
l’envahit en même temps qu’elle sentait un souffle glacé dans son cou.
Des
âmes errantes n’ayant pu regagner la lumière rodaient-elles autour d’elle ?
Pourquoi
lui voulaient-elles du mal, à elle ?
Elle
n’avait pas délibérément voulu déranger, loin de là. Ce n’était qu’à cause du
chien. Ce maudit chien qu’elle ne retrouvait pas.
Emplie
de terreur, voilà à présent qu’elle entendait gémir. Si elle le pouvait, elle
s’enfuirait à toutes jambes laissant l’animal derrière elle, mais ses jambes,
justement, ne répondaient pas à son commandement. Clouée sur place, elle allait
sûrement périr, là.
Soudain,
elle entendit japper et reçut sur la poitrine deux grosses pattes dont la force
faillit la faire tomber à la renverse. Aussitôt après, elle fut assaillie par
un grand nombre de léchouilles qui la débarbouillèrent en un rien de temps.
« Balisto,
mon toutou adoré, cria-t-elle soulagée. Allons, viens, on rentre. »
Et
sans demander son reste, Marina sortit en courant, laissant derrière elle, à
leur triste sort, tous les esprits
errants. Qu’ils se débrouillent, ce n’était pas son affaire.
Le
retour fut plus bref. Marina avait envie
de retrouver la lumière rassurante du foyer de ses parents.
Aussitôt
la porte fermée, Balisto alla se coucher dans sa corbeille et s’endormit
aussitôt.
« Ça
va ? lui demanda sa mère, en voyant le visage un peu défait de Marina.
Tout s’est bien passé ? Tu n’as eu aucun problème ?
-
Oui, ça va ! répondit
l’adolescente. Tu as regardé quoi à la télé ?
-
Une émission sur les fantômes et les esprits.
Certains scientifiques affirment que certaines personnes sont possédées. Ils
prétendent également que certains lieux sont hantés. Si un jour, tu remarques
quelque chose de bizarre, tu m’en parles ? Surtout la nuit d’Halloween,
comme aujourd’hui !
-
T’inquiète pas ! je te le dirai....
mais tout va bien.
-
Ok ! Bonne nuit, ma chérie.
Marina
eut bien du mal à trouver le sommeil et quand elle s’endormit ses rêves furent
peuplés d’un tas d’êtres venus de l’au-delà, plus hideux les uns que les
autres.
C’était,
en effet, la nuit d’Halloween, et cette nuit là, ne disait-on pas que les
esprits prenaient un peu l’air pour venir troubler la quiétude des
humains ?
Avait-elle
rêvé ou avait-elle réellement vécu l’horreur dans l’enceinte du
cimetière ?
Marina
préféra oublier. Il n’est pas toujours bon connaître la vérité.
Et
puis, après tout, on ne sait jamais !!!!
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