L’orchestre
répétait. Tout devait être parfait. Le concert préparé n’était-il pas pour
fêter l’anniversaire du Roi ?
Un
homme dirigeait les musiciens, attentif, très attentif. Il se nommait
Jean-Baptiste Lully. Sa réputation n’était plus à faire, certes, mais il tenait
à la garder. La volonté du Roi, Louis XIV, était parole divine. Dans le royaume
de France, il faisait la pluie et le beau temps. Sa volonté pouvait faire d’un
de ses sujets le plus riche et le plus estimé en quelques secondes et ce même
sujet pouvait l’instant d’après se retrouver enfermé dans un cachot jusqu’à la
fin de sa vie.
L’oreille
du maître captait toutes les imperfections, rien ne lui échappait.
Tout
à coup, Lully explosa, entra dans une furie incontrôlable.
Un
violoniste avait faire une fausse note. Quel scandale inqualifiable ! Et
si cette fausse note était intervenue le lendemain et avait atteint l’oreille
royale !
Sans
hésiter un seul instant, ce chef intransigeant se dirigea vers le fautif et
hurla :
" C'est toi, il n'y a pas cela dans ta
partie."
Le
pauvre violoniste ne bougea plus, tétanisé par la peur, car le maître était
réputé pour ses violentes colères.
Hors
de lui, saisissant le violon, Lully le leva et le rompit sur le dos de
l’instrumentiste coupable d'avoir joué faux.
Personne
dans l'orchestre ne dit mot, c'était à peine si on entendait respirer.
Lully
avait souvent ce comportement coléreux et ce n’était pas la première fois qu'il
brisait ainsi un instrument au cours d'une répétition.
La
colère passée, la répétition achevée, il faisait appeler le violoniste, lui
payait au triple de sa valeur la perte
de son instrument de travail, et, manière de s’excuser, invitait le pauvre
homme à déjeuner dans la meilleure auberge.
Les
luthiers de l’époque devaient beaucoup aimer Lully. Grâce à lui, leur chiffre
d’affaires avait dû prospérer.
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Que
devons-nous à Jean-Baptiste Lully ?
Avant
l’arrivée de Lully comme musicien de la Chambre du Roi, le violon avait une
très mauvaise réputation. Ce n’est pas pour rien qu’il reçut le surnom de
crin-crin. Faire jouer ensemble plusieurs violons était impensable tant les
sons qui sortaient de tous ces instruments étaient inaudibles, douloureux.
Lully
fut le premier à mettre en place des « orchestres à cordes »,
travaillant la justesse des sons et également la mesure pour un ensemble
parfait. Exigeant au plus haut point, il demandait un travail colossal et seuls
les plus habiles instrumentistes avaient la possibilité d’être engagés.
Il
fut donc celui qui réhabilita le violon, lui donnant la noblesse qu’il a
aujourd’hui, alors qu’avant, tous s’entendaient à dire que les sons en étaient
détestables.
Pour
battre la mesure, Lully se servait d’une grosse canne avec laquelle il battait les temps sur le seul.
Il
fut le premier « batteur de mesure », celui qui, plusieurs années
plus tard, sera appelé « chef d’orchestre », cet homme ou femme qui
devant l’orchestre dirige pour que tous soient ensemble et respectent les mêmes
nuances, la même interprétation d’un morceau de musique.
Ce
jour-là, le roi n’était pas présent. Cloué au lit, la santé du monarque
inquiétait la cour. Cet homme n’allait-il pas rendre l’âme très
rapidement ?
Lully
se mit à composer un « Te Deum ». Il dirigea cette musique, prière
pour la guérison du Roi, quelques jours après dans le recueillement de la noble
assistance en l’église des Feuillants de la rue Saint-Honoré de Paris.
La
musique bien que solennelle avait des sonorités majestueuses enflées par
l'acoustique du saint lieu.
Tous
les regards des musiciens de l'orchestre étaient rivés sur leur
"chef". Lully dirigea, comme à son habitude, avec fougue et précision.
Dans
le feu de l'action, enveloppé par la musique qui le transportait bien au-delà
de cette église et absorbé par la direction précise de son orchestre, la canne,
dans un geste maladroit du maître, s'abattit sur le pied de celui-ci.
Une
horrible douleur lui monta dans la jambe, mais il poursuivit la direction de
l’ouvre jusqu’à la dernière note.
La
plaie que Lully s’était infligée, par maladresse, n'était pas belle. On
transporta alors le maestro dans ses appartements et son médecin, demandé
d'urgence, se rendit au chevet de l'illustre malade sans tarder.
Lully
fut obligé de garder le lit, incapable de se tenir debout.
La
plaie s'infecta, la gangrène attaqua le pauvre pied et notre grand musicien mourut
quelques jours plus tard, le 22 mars 1687.
Triste
fin en vérité pour cet homme à qui nous devons la création de la direction
d'orchestre.
Quelle
ironie du sort, car la dernière œuvre qu'il dirigea était une prière pour
sauver le roi d'une mauvaise maladie. Dieu écouta cette prière, mais d'une
oreille peu attentive, car il sauva le roi, certes, mais en rappelant Lully à
lui.
Faute
d'attention fatale, pour le pauvre musicien.
Est-ce
pour cette raison que les chefs d’orchestre ont abandonné la
« canne » pour la « baguette », moins dangereuse, sauf si
on se la met dans l’œil, bien sûr ?
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Lully
ne doit pas sa renommée à son seul talent, car bien que génie incontesté, il intrigua
toute sa vie par ambition et n'hésita pas à faire emprisonner ses rivaux pour
les éclipser à la cour et dans le cœur du Roi.
Fils
d'un meunier florentin, doué de musique, pratiquant la guitare, le Duc de Guise
le remarqua lors d'un de ses passages à Florence et ce ne fut qu'en simple page
qu'il entra au service de la Duchesse de Montpensier. De là, il accéda à la
Maison du Roi.
Son
génie résida surtout à concilier l’exubérance italienne à la rigueur de la
musique française à cette époque.
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Lully
laisse derrière lui une œuvre considérable. Il collabora également à la
création de ballets, très en vogue à la Cour du Roi Soleil qui grand danseur
aimait être le point de mire sur scène, brillant comme l’or, lumineux comme
« le soleil ».
Lully
travailla aussi avec Molière, composant notamment la musique du
« Bourgeois Gentilhomme ».
Un
grand parmi les grands que l’on n’est pas prêts à oublier.
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