UNE BELLE HISTOIRE
Il y a des rencontres, même posthumes, pleines de surprises .....
Ce fut le cas, dernièrement,
lors de la recherche d’une fiche
militaire que je n’ai malheureusement pu
trouver.
Le Poilu concerné ? Un nommé Buhot Joseph Saturnin.
Bien sûr, cela ne vous donne pas grand-chose, j’en conviens.
Je poursuis donc ma recherche. Joseph Saturnin Buhot naquit à
Quatremare, le 29 novembre 1895, et plus précisément, au Hameau du Hazet.
Déclaré sur son acte de naissance, fils naturel de Gabrielle Sidonie
Letellier, il fut légitimé cinq ans plus tard, lors du mariage de sa mère
avec Augustave Clodomir Buhot.
Ce jour-là, Joseph Saturnin Letellier devint Joseph Saturnin Buhot.
Le jeune Buhot grandit dans une famille nombreuse. A cela rien
d’étonnant. Sa mère native de Quatremare – elle y avait vu le jour le 31 mars
1874 - avait six frères, donc six oncles pour le garçonnet. Un de ses oncles,
Alexandre Letellier, pharmacien de son état, travaillait à Elbeuf à la pharmacie Louvel.
Voilà pourquoi à l’âge de quinze ans Joseph Saturnin fut embauché dans cette
officine comme commis, puis devint par la suite préparateur en pharmacie.
Joseph Saturnin avait deux passions. Le sport et la magie.
Le sport, course à pied et l’athlétisme, mais aussi la boxe. Il fit d’ailleurs
partie du « Boxing club d’Elbeuf ».
La magie. Il passait son temps
le nez dans les livres afin d’en connaître toutes les astuces.
Puis ce fut le temps de l’armée. De la classe 1915, il effectua son
temps dans les tranchées.
Bien que n’ayant pas retrouvé sa fiche militaire, j’ai appris qu’il
aurait été brancardier, une tâche difficile en ces temps-là, car au contact des
grands blessés, au contact de la mort violente.
Il aurait était, également, décoré pour fait de bravoure.
De retour dans ses foyers, il reprit sa place à la pharmacie Louvel.
Ses journées étaient bien remplies, le jour dans l’officine, afférer à la
préparation des remèdes, le soir dans les clubs sportifs et la nuit le nez dans
les livres de magie.
Une vraie passion la magie !
Une passion qui l’amena à donner des représentations privées, d’abord,
puis publiques.
Il donna sa première représentation à La-Haye-Malherbe, le 2 avril
1923.
Un dilemme se posa alors à lui. Préparer les médications lui prenait
toutes ses journées, du lundi au samedi. La magie lui demandait beaucoup de
temps de préparation, le soir et tous les dimanches en spectacles.
Il lui fallut choisir et Joseph
Saturnin Buhot choisit, pour le grand bonheur de son public, la magie.
La grande aventure allait commercer !
Un avenir fabuleux s’ouvrait devant lui.
Ce fut alors qu’il prit un nom de scène. Buhot n’étant pas très
attractive, il opta pour Carrington. Dorénavant, il serait le MAGE CARRINGTION.
Un nom qui sonne bien, n’est-ce pas ?
Il créa alors une troupe et sillonna la France, commençant par les
petites villes de province et notamment en Bretagne où sa caravane était
annoncée par des haut-parleurs, en des termes ne pouvant qu’attirer les curieux :
« Ce soir, dans votre ville, en vedette, The Great Carrington, le Maître
de l’illusion. Venez nombreux, vous
serez étonnés, stupéfiés, émerveillés,
intrigués, charmés, déconcertés, par un spectacle sans pareil ..... »
Les spectateurs en avaient pour leur argent, car le spectacle en
question, dans des décors surprenants et exotiques, durait trois heures.
Sa première partenaire sur scène fut Maud Farrer. Partenaire ? Pas
seulement sur scène, car au cours de
leur relation qui ne dura que dix-huit mois, elle lui donna une fille, Josette.
Si Joseph Saturnin
Buhot-Carrington enchaînait les succès professionnels, il les enchaînait aussi
amoureusement parlant. Le succès a du bon de ce côté-là aussi !
Le 24 avril 1924, il épousait, à Louviers Suzanne Andrée Thérèse
Lemonnier, née dans cette ville, le 16
mars 1901 et qui était artiste de théâtre.
Leur mariage ne dura pas quatre ans, car ils divorcèrent, le 29 décembre 1927.
Puis un seconde mariage avec
Louise Henriette Guay qu’il rencontra lors d’une de ses tournées et avec qui il
vécut dix ans, jusqu’au moment de leur divorce. Une fille, prénommée Joëlle, naquit de leur union.
Sur scène, Louise Henriette prit le pseudonyme de Juanita, puis
Manita.
1936, le couple sillonnait la France, à la tête de leur propre
chapiteau, « l’Empire Circus ».
Hélas, une tempête en ce 25 juillet 1936, anéanti tous les espoirs en
même temps que le chapiteau et tout le matériel.
Après cette seconde séparation, the Great Mage passa de cirque en
cirque, Amar, Médrano, Beautour, Bouglione ..... et le Cirque d’Hiver.
« Jamais deux sans trois » dit le proverbe.
ET ce fut justement dans le Cirque d’Hiver, qu’il rencontra celle qui
devint sa troisième et dernière épouse Line
Saban.
Line Saban dont la mère était de nationalité autrichienne et le père,
médecin de nationalité turque, n’avait que vingt ans.
Carrington lui donna le surnom de Manolita, en souvenir de son
ancienne épouse, puis de Manolita, la jeune femme devint Manita.
Ce fut, accompagné de toute la grande famille du cirque, que le couple
se maria le 16 janvier 1951 à Louviers. Pour la circonstance, les futurs époux
étaient habillés en fakir !
Pour une publicité s’en fut
une, et une bonne !
Un mariage qui légalisait le petit James, né en avril 1950, à Louviers.
Pourquoi le mariage fut-il célébré à Louviers ?
Parce que le couple y résidait, tout simplement, rue Saint-Germain, au
numéro 127. Cette demeure à Louviers, Joseph Casimir la possédait déjà depuis
plusieurs années, car en 1933, il avait créé, dans cette ville, un cross qui existe toujours en 2018 et qui
porte son nom « le Challenge Carrington ».
Toutes les vies, même exceptionnelle ont une fin, celle de Joseph
Casimir, tout GRAND MAGE qu’il fut, vit la sienne s’achever le 16 mai 1971, à l’hôpital d’Evreux.
Son corps repose dans le caveau familial à Quatremare.
Manita vécut bien des années après lui, à Louviers justement, toujours
rue Saint-Germain.
Douée de voyance, elle y avait son cabinet de consultation. Elle
donnait annuellement, en janvier, ses
prévoyances qui passaient dans le « Courrier de l’Eure ».
Ce fut cet hebdomadaire qui annonça
le décès de Manita, survenu le 29 avril 2016.
Alors ?
Après tout cela, ne me dites pas que le nom de
« Carrington » ne vous dit rien ?
Alors, si « Carrington » ne vous est pas inconnu, vous
connaissez Joseph Casimir Buhot !
Le « cross Carrington », parcours de neuf kilomètres en
plaine, fait toujours le plein de participants chaque année.
Les plus grands noms de la course à pied y ont participé, et notamment, Jazy et Mimoun.
La classe !
Quant à James, il créa, en 1970, son propre cirque sous le nom de
« Cirque Carrington » qui devint le cirque
« Rancy-Carrington ».
Une belle
histoire, non ?
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