Scapin, de nouveau seul, reprend courageusement son
chemin, ou du moins essaie d’en trouver
un, dans ce fouillis végétal.
Il ne chante plus, car il lui semble qu’une étrange
musique flotte dans l’air. Cette mélodie semble se jouer de lui. Par instant,
fort distincte, elle se dérobe à l’oreille l’instant suivant. Impossible de
cerner d’où elle vient. Elle est partout et nulle part, elle fait corps avec
l’environnement. En toute évidence, cette diabolique musique n’existe que pour
dérouter quiconque l’entend.
« Les ancêtres ont raison, pense Scapin. Une
musique irréelle pour attirer en des lieux secrets et perdre les aventureux.
J’ai peut-être eu tort de vouloir être brave »
En effet, à cet instant même, Scapin ne se sent plus
brave du tout. Il a même très peur. Il se rend compte également qu’il est bel
et bien perdu.
Et maintenant, en plus de la musique, Scapin entend
une multitude de petits chuchotis.
« Hou ! Hou ! Qui est-ce ?
Hou ! Hou ! Qui est-ce ? dit une voix.
-
Je ne sais
pas ! Quel étrange petit bonhomme ! répond une autre voix.
-
N’est-ce pas un
habitant de ce pays où le soleil brille sans cesse, enchaîne une troisième
voix.
-
Hou !
Hou ! Où est-il ce pays ? questionne la première voix.
-
Au-delà des
grands arbres, répond la troisième voix.
Scapin cherche désespérément d’où viennent ces voix,
mais ne peut les localiser. Ce lieu, insolite, est donc réellement peuplé
d’esprits … De plusieurs esprits ou d’un seul esprit imitant plusieurs voix ?
Là est bien la question que se pose notre petit ami.
Des voix innombrables arrivent à ses oreilles, ainsi
que des craquements, des bruits de pas et d’ailes, des souffles, des
sifflements …. Mais, également cette impression singulière d’une multitude de
regards rivés sur lui.
« Faire semblant de rien, voilà la stratégie à
tenir. Je ne dois pas me laisser impressionner », pense notre jeune héros.
Soudain, Scapin débouche sur un vaste espace où la
végétation luxuriante s’éclaircit pour laisser la place à de curieux végétaux.
De sa courte vie, Scapin n’avait jamais rien vu de
pareil.
Devant lui, d’énormes champignons au pied filiforme
orné, à mi-hauteur, d’un anneau rappelant les cols en dentelle des
grands-mères, et coiffés d’un chapeau rouge cramoisi.
Une forte odeur de moisi flotte dans l’air et le sol
est jonché de mousse dans laquelle les pieds s’enfoncent à chaque pas comme
dans une épaisse moquette.
L’endroit est agréable et clair. Scapin en profite
pour faire une légère pause, bien méritée. Il lui semble, en effet, que cela
fait une éternité qu’il vagabonde. Un peu de repos ne sera donc pas du luxe, et
Scapin s’allonge avec volupté sur le profond tapis de verdure.
Ainsi placé, il aperçoit les lamelles jaunes striées
qui ornent le dessous des chapeaux des gigantesques végétaux.
Dans le calme retrouvé, le petit lutin entend son
ventre émettre quelques borborygmes protestataires.
« Mais j’ai faim ! » s’écrie-t-il en
sautant sur ses pieds.
Ce mouvement brusque déclencha le
« drelin-drelin » des grelots ornant son bonnet.
« Il faut que je trouve de quoi manger. »
Et voilà notre petit héros de nouveau en marche à la
recherche, cette fois, de quelque chose de bien réel, de la nourriture.
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