Puis ce fut l’audition
des jeunes filles ayant échappé à leur agresseur.
-
Olympe Alabert,
mariée depuis son agression.
L’accusé qu’elle
reconnait parfaitement l’a bien entrainée du côté de Mionnay.
-
La dame Pierron,
ancienne maîtresse de Marie Curt.
-
Josephte Charlety,
domestique.
-
Marie Bourgeois,
couturière à Lyon, vit ses affirmations confirmées par la veuve Gerbe,
polisseuse à Lyon. Ainsi que par Benoit Berthelier, fermier à Polletins qui
déclara lui avoir donné l’hospitalité dans la soirée du 31 octobre 1855, et réitéra les paroles de la jeune femme
après l’avoir accueillie.
-
Marie Clavier,
directrice de la maison des Blandines, reconnut Dumollard comme étant
l’individu venu lui demander des domestiques à louer.
-
Victorine Perrin, femme Murel. Elle
relata tous les détails de sa mésaventure qui aurait pu lui être fatale. Elle
reconnut formellement son agresseur.
-
Rosalie Nicolas à la Guillotière.
C’était bien là, cet homme assis sur le banc des accusés qui lui avait volé sa
malle et ses paquets.
-
Julie Fargeat, domestique, narra
le vol dont elle avait été victime. Elle dit aussi avoir soupé avec Dumollard
dans une gargote. « C’est qu’il voulait qu’on y reste coucher. Mais il
prit une seule chambre avec un seul lit. Alors moi, je ne voulais pas. Je suis
partie ! »
-
Marie Michel, devenue depuis femme
Detey. « Ah oui que je le reconnais !
s’exclama-t-elle » Avec tout ce que je viens d’entendre, Sainte Vierge,
j’ai échappé de justesse à la mort ! » Le récit de Marie Michel fut
confirmé par le sieur Favel, conducteur de la voiture de Lyon à
Neuville, par Antoinette Falcon, jeune femme qui avait reçu Marie Michel
après sa mauvaise rencontre et par M. Arene, commissaire de police à
Neuville qui avait recueilli le dépôt de plainte.
-
Marie Joséphine Bussod, femme
Chamont, ouvrière en soie à Lyon, une des sœurs d’une des
victimes, témoigna également : « Le 26 février de l’année
dernière.... Puis pointant son index en direction de Dumollard, ... cet homme
est venu chercher ma sœur pour remplacer sa servante qui venait de le quitter.
Il avait promis de bons gages. J’ai essayé de dissuader ma sœur de partir de la
place qu’elle avait à ce moment-là. L’homme lui donna un délai pour réfléchir.
Huit jours plus tard, il revint et ma sœur partit avec lui et une malle pleine
de tout ce qu’elle possédait. » La pauvre Marie Joséphine éclata en
sanglots.
-
Les deux autres sœurs de Marie Eulalie
Bussod, Marie Françoise et Jeanne Marie, avaient, elles aussi, assisté à
l’exhumation de leur sœur au bois des Communes. Toutes trois l’avaient aussitôt
identifiée. Elles reconnurent également les effets et objets ayant appartenu à
la jeune défunte.
-
Marie Pichon, veuve Bertin,
servante à Saint-Genis dans le Rhône, relata le récit de sa déconvenue. Elle
affirma qu’elle avait toujours été seule avec son agresseur, que jamais elle
n’avait perçu la présence de deux autres hommes. « C’est bien lui, là,
dit-elle en désignant l’accusé d’un mouvement de tête, qui a essayé de
m’étrangler et qui courut après moi pour me rattraper lorsque je
m’échappais. »
Puis,
ce fut au tour de François Maule, garde-champêtre à Dagneux de déposer
devant la justice.
Il
avait entendu la mère Joly lui confier ses doutes concernant le Raymond et puis
il répéta la conversation qu’il avait eue avec Marie Anne Martinet, lui
révélant l’assassinat de Tramoyes.
« Faux,
s’insurgea la femme, comment aurais-je pu, je savais rien ! »
Caroline
Izard, domestiques à Lyon, détenue momentanément dans la
maison d’arrêt de Trevoux, reçut quelques confidences de Marie Anne femme
Dumollard, sa co-détenue.
« Il
y’en avait encore deux qu’ils ne savent pas, qu’elle a dit, une dans le bois
près de chez nous et l’autre qui ne trouveront jamais. J’ai demandé si elle
avait été jetée dans le Rhône, mais elle n’a rien répondu. Un autre jour, elle
a déclaré, « ces charognes en savent assez, ils n’en sauront pas plus.
C’est comme l’argent ! Ils l’auront jamais ! »
Bien
évidemment, la femme Izard reçut le qualificatif de « faux témoin »
de la bouche de la femme Dumollard.
Un
gardien de la prison de Trevoux rapporta que Dumollard avait tenté de se pendre
dans sa cellule. Réalité ? Simulation ?
L’audience
s’acheva sur cette déclaration. Elle devait reprendre le lendemain, premier
février, pour le réquisitoire et les plaidoiries.
-=-=-=-=-=-=-
Maître
Lardiere, défenseur de Martin Dumollard, insista beaucoup sur l’enfance de cet
homme que tout condamnait. Son père, écartelé devant ses yeux. Sa mère errante
sur les chemins, rejetée de tous et dont il devait voir bien trop souvent les
larmes. Son jeune frère mort en bas âge et dont il avait pris le prénom. Sa
petite sœur, aussi, trop tôt disparue. Et puis son mariage qui n’avait pas été
béni par la venue d’enfants, privant encore cet homme du bonheur de voir
grandir un petit être dans son foyer.
Maître de Villeneuve,
défenseur de la femme Dumollard, eut moins de mal à convaincre les jurés. Cette
femme qui avait subi les coups et les humiliations d’un mari violent et qui le
sachant un assassin devait se taire, et, pour toutes ces raisons, il requit les
circonstances atténuantes.
Le Président demanda
aux accusés si ils avaient quelque chose à ajouter pour leur défense.
« Rien, monsieur,
répondit Marie Anne Martinet.
-
Tout ce que ma femme dit, lança
Dumollard d’une voix tonitruante en se levant, que j’ai couru après elle avec
un couteau, je dis que ce n’est pas. Je sais bien que je l’ai frappée plusieurs
fois, mais ......
En
pleurant, Marie Anne ajouta :
-
« Si, il est venu un jour sur moi
avec un couteau et il me l’a planté au ventre. »
-=-=-=-=-=-=-
Les jurés se retirèrent
pour délibérer pendant que les accusés étaient reconduits en prison.
Elle, les yeux baissés.
Lui, avec un regard
provocateur et un air satisfait.
Deux heures après, les
deux accusés entrèrent de nouveau dans la salle d’audience. Pour la première
fois depuis son arrestation, Martin Dumollard semblait inquiet. Quant à Marie
Anne Martinet, elle sanglotait, le visage enfoui dans son mouchoir.
Le verdict de la cour
condamna Martin Dumollard à la peine de mort pour vols et assassinats et
ordonna son exécution sur la place publique de Montluel. Elle condamna Marie
Anne Martinet à vingt ans de travaux forcés pour complicité et recel.
La foule hurla de joie
à l’annonce de ces deux condamnations.
Dans sa geôle,
enchaîné, Dumollard avait retrouvé sa sérénité, parlant volontiers de sa vigne,
son champ, sa vache, manifestant toutefois de la haine pour celle qui l’avait
perdu, Marie Pichon. Il refusa le secours de la religion que lui offrait l’abbé
Béroud, aumônier de la prison et vicaire de la paroisse de Bourg.
Dumollard se pourvut en
cassation. L’audience eut lieu le 26 février 1862. Deux avocats, Maitre Achille
Morin et Maitre Gigot, furent commis d’office. Ce pourvoi fut rejeté.
Marie Anne Martinet
accepta l’arrêt qui la frappait, sans contester.
Le 6 mars 1862 au soir,
veille de l’exécution de la sentence, les deux époux furent réunis dans le
cachot de Dumollard pour partager un dernier repas. Il leur fut servi du
boudin, mets préféré du condamné.
Avant de se séparer, les
époux échangèrent un baiser très distant. Marie Anne pleurait.
Vers dix heures et demie,
l’homme fut installé dans une voiture afin de le conduire sur le lieu de son
supplice. En cette occasion, les casernes de gendarmerie de six villages tout
proches furent mobilisées, ainsi que
cinquante lanciers de Lyon.
Vers quatre heures du
matin, en ce samedi 8 mars 1862, la voiture entra dans Montluel où déjà une
foule immense, accourue de tous des départements limitrophes, s’était
rassemblée, dans une ambiance de fête.
A six heures du matin,
après avoir bu le « verre du condamné », composé d’une tasse de café
et d’un verre de madère, Dumollard effectua à pied les quelques mètres de
distance jusqu’à l’échafaud. Avant de monter les quelques marches vers la
guillotine, il lança : « Je suis innocent, je paye pour les
autres. »
Quelques minutes plus
tard, le couperet tombait.
Acte de décès de Martin
Dumollard – Montluel, mars 1862.
L’an
mil huit cent soixante deux le huit du mois de mars à dix heures du matin...
sont comparus Leon Tripard âgé de quarante neuf ans maréchal des logis de
gendarmerie domicilié à Montluel non parent du décédé, antoine Charvel âgé de
cinquante ans garde champêtre domicilié
à Montluel non parent du décédé lesquels nous ont déclaré que Dumollard Martin
epoux de Marie anne Martinet âge de cinquante deux ans cultivateur domicilié à
Dagneux né à Tramoye, fils de defunt pierre Dumollard et marie Josephte Rey est
décédé en cette commune le huit du mois de mars à sept heures du matin.
Treize années plus
tard, le 4 avril 1875, Marie Anne
Martinet, décéda à Auberive, dans la Haute Marne.
L’an
mil huit cent soixante quinze, le quatorze du mois d’avril à quatre heures du
soir..... sont comparus les sieurs Nicolas Arnoult âgé de cinquante trois ans
et Charles Lesprit âgé de trente sept ans tous les deux employés
d’administration demeurant à Auberive, lesquels nous ont déclaré que ce dit
jour quatre avril à sept heures et demi du matin Marie anne Martinet âgée de
soixante ans née à Cordieux arrondissement de Trevoux (ain) domiciliée à
Dagneux même arrondissement, journalière veuve de Martin Dumollard dit Raymond
fille de Benoit Martinet et de Marie Belet est décédée à Auberive ainsi que
nous en sommes assuré et les déclarants ont signé avec nous le présent acte
après que lecture leur en a été faite.
Marie Anne Martinet
n’avait pas fini son temps de « travaux forcés » de vingt années. Que
faisait-elle à Auberive ?
J’ai bien évidemment
voulu comprendre.
Dans cette ville fut
fondée par douze moines, au début du XIIème siècle, une abbaye
cistercienne. Ce lieu de prières fut fermé au moment de la Révolution
Française. Les locaux furent d’abord convertis en manufacture, avant de
devenir, en 1856, une prison de femmes. Voilà pourquoi, nous retrouvons Marie
Anne Martinet en cette ville, au jour de son décès, alors qu’elle n’avait pas
encore achevé la totalité de sa peine.
Que reste-t-il
aujourd’hui de cette affaire criminelle ?
Quelques écrits :
·
Rémi Cuisinier, « Dumollard, L'assassin des bonnes »
- La Taillanderie, juillet 2008
·
Lécrivain et Toubon, « Procès célèbres. Affaire Dumollard
devant la cour d'assises de l'Ain » -
Paris, 1862
·
Maxime Guffroy, « Dumollard, ou L'assassin des servantes »
- Avignon, 1869
·
L'affaire Dumollard : le tueur de bonnes, Lyon, coll. « Bibliothèque du Moniteur judiciaire de Lyon », 1903
·
Maurice Jogand, « Les amours de Dumollard » - Paris, Dénoc et Marmorat, 1884 *
·
Pierre
Bouchardon, « Dumollard, le tueur de bonnes » - Albin Michel, 1936.
Et une complainte
intitulée :
Complainte sur
Dumollard de Dagneux, département de l’Ain, L’assassin des Servantes, l’homme
le plus criminel du 19e Siècle, condamné par les Assises à la peine
de Mort.
Air du Juif-Errant.
Accourez,
jeunes filles, écoutez un récit ;
Pour
vous des plus utiles et des plus accomplis ;
Jamais
vous n’aurez lu un fait si dissolu.
Dagneux
est un village qu’habitait Dumollard,
Pire
qu’un vrai sauvage il vivait en fuyard
Jamais
aucun brigand n’a versé tant de sang
Il
était fils d’un père qu’un jour, les Autrichiens,
Pour
un crime sévère, lui cassèrent les reins ;
Mais,
malheureusement, il avait un enfant.
Cet
enfant misérable grandit par ses actions,
A
Marianne exécrable il propose ses noms ;
A
deux ils commettaient tous leurs nombreux forfaits.
A
toutes les servantes il promettait un gain,
Ces
promesses attrayantes réussissaient très-bien ;
Marie-Anne
Pichon échappe à ce glouton.
La
pauvre jeune fille se rend dans un hameau,
Au
sein d’une famille raconte son fléau.
Les
larmes sont aux yeux à son récit affreux.
Il
leur parlait de messe tout au long du chemin,
Et
même de confesse, pour tromper son dessein ;
Jamais
on ne croira ce vil scélérat.
Des
pauvres domestiques il était le bourreau,
Pour
des sommes modiques il les jetait à l’eau :
Ou
dans une forêt, la nuit, il les tuait.
Il
n’avait d’autre ouvrage, ni d’autre profession.
Que
le seul brigandage, pour nourrir sa maison ;
Où,
le soir et matin, il portait son butin.
La
justice terrible condamne Dumollard,
Brigand,
être insensible, a mourir sans retard ;
On
le verra bientôt monter sur l’échafaud.
La
femme, son complice, vingt ans dans les prisons,
Subira
la justice de ses crimes profonds ;
Ne
plaignez point son sort, elle n’a point de remord.
Vous,
filles imprudentes, tremblez au sort affreux
De
toutes ces servantes suivant cet homme odieux ;
Leur
promettant un gain qui les flattait soudain.
Vous,
filles inconstantes, qui fuyez vos parents,
Pour
devenir servantes et gagner de l’argent ;
Evitez
le danger, pour ne pas y tomber.
Nous
devons dans ce monde, savoir nous contenter ;
Qui
parcourt terre et l’onde, ne peut rien ramasser.
Tant
va la cruche à l’eau, qu’elle tombe en morceaux.
Cette feuille se
vendait chez M. Duchier, rue St-Esprit, 26, à Clermont.
Pour
écrire ce texte, je me suis aidée d’un texte de l’ouvrage :
Causes
célèbres de tous les peuples par A. Fouquier
Édition
illustrée – Tome VII – Livraisons 115 à 139
Paris
- Lebrun et Cie Editeurs - 8 rue des Saints pères - 1865
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