jeudi 10 novembre 2016

AFFAIRE DUMOLLARD - Suite et fin

Puis ce fut l’audition des jeunes filles ayant échappé à leur agresseur.

-          Olympe Alabert, mariée depuis son agression.
L’accusé qu’elle reconnait parfaitement l’a bien entrainée du côté de Mionnay.
-          La dame Pierron, ancienne maîtresse de Marie Curt.
-          Josephte Charlety, domestique.
-         Marie Bourgeois, couturière à Lyon, vit ses affirmations confirmées par la veuve Gerbe, polisseuse à Lyon. Ainsi que par Benoit Berthelier, fermier à Polletins qui déclara lui avoir donné l’hospitalité dans la soirée du 31 octobre 1855,  et réitéra les paroles de la jeune femme après l’avoir accueillie.
-         Marie Clavier, directrice de la maison des Blandines, reconnut Dumollard comme étant l’individu venu lui demander des domestiques à louer.
-         Victorine Perrin, femme Murel. Elle relata tous les détails de sa mésaventure qui aurait pu lui être fatale. Elle reconnut formellement son agresseur.
-         Rosalie Nicolas à la Guillotière. C’était bien là, cet homme assis sur le banc des accusés qui lui avait volé sa malle et ses paquets.
-         Julie Fargeat, domestique, narra le vol dont elle avait été victime. Elle dit aussi avoir soupé avec Dumollard dans une gargote. « C’est qu’il voulait qu’on y reste coucher. Mais il prit une seule chambre avec un seul lit. Alors moi, je ne voulais pas. Je suis partie ! »
-         Marie Michel, devenue depuis femme Detey. « Ah oui que je le reconnais ! s’exclama-t-elle » Avec tout ce que je viens d’entendre, Sainte Vierge, j’ai échappé de justesse à la mort ! » Le récit de Marie Michel fut confirmé par le sieur Favel, conducteur de la voiture de Lyon à Neuville, par Antoinette Falcon, jeune femme qui avait reçu Marie Michel après sa mauvaise rencontre et par M. Arene, commissaire de police à Neuville qui avait recueilli le dépôt de plainte.
-         Marie Joséphine Bussod, femme Chamont, ouvrière en soie à Lyon, une des sœurs d’une des victimes, témoigna également : « Le 26 février de l’année dernière.... Puis pointant son index en direction de Dumollard, ... cet homme est venu chercher ma sœur pour remplacer sa servante qui venait de le quitter. Il avait promis de bons gages. J’ai essayé de dissuader ma sœur de partir de la place qu’elle avait à ce moment-là. L’homme lui donna un délai pour réfléchir. Huit jours plus tard, il revint et ma sœur partit avec lui et une malle pleine de tout ce qu’elle possédait. » La pauvre Marie Joséphine éclata en sanglots.
-         Les deux autres sœurs de Marie Eulalie Bussod, Marie Françoise et Jeanne Marie, avaient, elles aussi, assisté à l’exhumation de leur sœur au bois des Communes. Toutes trois l’avaient aussitôt identifiée. Elles reconnurent également les effets et objets ayant appartenu à la jeune défunte.
-         Marie Pichon, veuve Bertin, servante à Saint-Genis dans le Rhône, relata le récit de sa déconvenue. Elle affirma qu’elle avait toujours été seule avec son agresseur, que jamais elle n’avait perçu la présence de deux autres hommes. « C’est bien lui, là, dit-elle en désignant l’accusé d’un mouvement de tête, qui a essayé de m’étrangler et qui courut après moi pour me rattraper lorsque je m’échappais. »

Puis, ce fut au tour de François Maule, garde-champêtre à Dagneux de déposer devant la justice.
Il avait entendu la mère Joly lui confier ses doutes concernant le Raymond et puis il répéta la conversation qu’il avait eue avec Marie Anne Martinet, lui révélant l’assassinat de Tramoyes.
« Faux, s’insurgea la femme, comment aurais-je pu, je savais rien ! »

Caroline Izard, domestiques à Lyon, détenue momentanément dans la maison d’arrêt de Trevoux, reçut quelques confidences de Marie Anne femme Dumollard, sa co-détenue.
« Il y’en avait encore deux qu’ils ne savent pas, qu’elle a dit, une dans le bois près de chez nous et l’autre qui ne trouveront jamais. J’ai demandé si elle avait été jetée dans le Rhône, mais elle n’a rien répondu. Un autre jour, elle a déclaré, « ces charognes en savent assez, ils n’en sauront pas plus. C’est comme l’argent ! Ils l’auront jamais ! »
Bien évidemment, la femme Izard reçut le qualificatif de « faux témoin » de la bouche de la femme Dumollard.

Un gardien de la prison de Trevoux rapporta que Dumollard avait tenté de se pendre dans sa cellule. Réalité ? Simulation ?
L’audience s’acheva sur cette déclaration. Elle devait reprendre le lendemain, premier février, pour le réquisitoire et les plaidoiries.

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Maître Lardiere, défenseur de Martin Dumollard, insista beaucoup sur l’enfance de cet homme que tout condamnait. Son père, écartelé devant ses yeux. Sa mère errante sur les chemins, rejetée de tous et dont il devait voir bien trop souvent les larmes. Son jeune frère mort en bas âge et dont il avait pris le prénom. Sa petite sœur, aussi, trop tôt disparue. Et puis son mariage qui n’avait pas été béni par la venue d’enfants, privant encore cet homme du bonheur de voir grandir un petit être dans son foyer.

Maître de Villeneuve, défenseur de la femme Dumollard, eut moins de mal à convaincre les jurés. Cette femme qui avait subi les coups et les humiliations d’un mari violent et qui le sachant un assassin devait se taire, et,  pour toutes ces raisons, il requit les circonstances atténuantes.

Le Président demanda aux accusés si ils avaient quelque chose à ajouter pour leur défense.
« Rien, monsieur, répondit Marie Anne Martinet.
-          Tout ce que ma femme dit, lança Dumollard d’une voix tonitruante en se levant, que j’ai couru après elle avec un couteau, je dis que ce n’est pas. Je sais bien que je l’ai frappée plusieurs fois, mais ......
En pleurant, Marie Anne ajouta :
-          « Si, il est venu un jour sur moi avec un couteau et il me l’a planté au ventre. »


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Les jurés se retirèrent pour délibérer pendant que les accusés étaient reconduits en prison.
Elle, les yeux baissés.
Lui, avec un regard provocateur et un air satisfait.

Deux heures après, les deux accusés entrèrent de nouveau dans la salle d’audience. Pour la première fois depuis son arrestation, Martin Dumollard semblait inquiet. Quant à Marie Anne Martinet, elle sanglotait, le visage enfoui dans son mouchoir.

Le verdict de la cour condamna Martin Dumollard à la peine de mort pour vols et assassinats et ordonna son exécution sur la place publique de Montluel. Elle condamna Marie Anne Martinet à vingt ans de travaux forcés pour complicité et recel.
La foule hurla de joie à l’annonce de ces deux condamnations.

Dans sa geôle, enchaîné, Dumollard avait retrouvé sa sérénité, parlant volontiers de sa vigne, son champ, sa vache, manifestant toutefois de la haine pour celle qui l’avait perdu, Marie Pichon. Il refusa le secours de la religion que lui offrait l’abbé Béroud, aumônier de la prison et vicaire de la paroisse de Bourg.
Dumollard se pourvut en cassation. L’audience eut lieu le 26 février 1862. Deux avocats, Maitre Achille Morin et Maitre Gigot, furent commis d’office. Ce pourvoi fut rejeté.
Marie Anne Martinet accepta l’arrêt qui la frappait, sans contester.

Le 6 mars 1862 au soir, veille de l’exécution de la sentence, les deux époux furent réunis dans le cachot de Dumollard pour partager un dernier repas. Il leur fut servi du boudin, mets préféré du condamné.
Avant de se séparer, les époux échangèrent un baiser très distant. Marie Anne pleurait.
Vers dix heures et demie, l’homme fut installé dans une voiture afin de le conduire sur le lieu de son supplice. En cette occasion, les casernes de gendarmerie de six villages tout proches furent mobilisées, ainsi que  cinquante lanciers de Lyon.
Vers quatre heures du matin, en ce samedi 8 mars 1862, la voiture entra dans Montluel où déjà une foule immense, accourue de tous des départements limitrophes, s’était rassemblée, dans une ambiance de fête.
A six heures du matin, après avoir bu le « verre du condamné », composé d’une tasse de café et d’un verre de madère, Dumollard effectua à pied les quelques mètres de distance jusqu’à l’échafaud. Avant de monter les quelques marches vers la guillotine, il lança : « Je suis innocent, je paye pour les autres. »
Quelques minutes plus tard, le couperet tombait.

Acte de décès de Martin Dumollard – Montluel, mars 1862.
L’an mil huit cent soixante deux le huit du mois de mars à dix heures du matin... sont comparus Leon Tripard âgé de quarante neuf ans maréchal des logis de gendarmerie domicilié à Montluel non parent du décédé, antoine Charvel âgé de cinquante ans garde champêtre  domicilié à Montluel non parent du décédé lesquels nous ont déclaré que Dumollard Martin epoux de Marie anne Martinet âge de cinquante deux ans cultivateur domicilié à Dagneux né à Tramoye, fils de defunt pierre Dumollard et marie Josephte Rey est décédé en cette commune le huit du mois de mars à sept heures du matin.

Treize années plus tard,  le 4 avril 1875, Marie Anne Martinet, décéda à Auberive, dans la Haute Marne.
L’an mil huit cent soixante quinze, le quatorze du mois d’avril à quatre heures du soir..... sont comparus les sieurs Nicolas Arnoult âgé de cinquante trois ans et Charles Lesprit âgé de trente sept ans tous les deux employés d’administration demeurant à Auberive, lesquels nous ont déclaré que ce dit jour quatre avril à sept heures et demi du matin Marie anne Martinet âgée de soixante ans née à Cordieux arrondissement de Trevoux (ain) domiciliée à Dagneux même arrondissement, journalière veuve de Martin Dumollard dit Raymond fille de Benoit Martinet et de Marie Belet est décédée à Auberive ainsi que nous en sommes assuré et les déclarants ont signé avec nous le présent acte après que lecture leur en a été faite.
    
Marie Anne Martinet n’avait pas fini son temps de « travaux forcés » de vingt années. Que faisait-elle à Auberive ?
J’ai bien évidemment voulu comprendre.

Dans cette ville fut fondée par douze moines, au début du XIIème siècle, une abbaye cistercienne. Ce lieu de prières fut fermé au moment de la Révolution Française. Les locaux furent d’abord convertis en manufacture, avant de devenir, en 1856, une prison de femmes. Voilà pourquoi, nous retrouvons Marie Anne Martinet en cette ville, au jour de son décès, alors qu’elle n’avait pas encore achevé la totalité de sa peine.
Que reste-t-il aujourd’hui de cette affaire criminelle ?

Quelques écrits :
·         Rémi Cuisinier, « Dumollard, L'assassin des bonnes » - La Taillanderie, juillet 2008
·         Lécrivain et Toubon, « Procès célèbres. Affaire Dumollard devant la cour d'assises de l'Ain » - Paris, 1862
·         Maxime Guffroy, « Dumollard, ou L'assassin des servantes » - Avignon, 1869 
·         L'affaire Dumollard : le tueur de bonnes, Lyon, coll. « Bibliothèque du Moniteur judiciaire de Lyon », 1903
·         Maurice Jogand, « Les amours de Dumollard » - Paris, Dénoc et Marmorat, 1884 *
·         Pierre Bouchardon, « Dumollard, le tueur de bonnes » - Albin Michel, 1936.


Et une complainte intitulée :

Complainte sur Dumollard de Dagneux, département de l’Ain, L’assassin des Servantes, l’homme le plus criminel du 19e Siècle, condamné par les Assises à la peine de Mort.
Air du Juif-Errant.

Accourez, jeunes filles, écoutez un récit ;
Pour vous des plus utiles et des plus accomplis ;
Jamais vous n’aurez lu un fait si dissolu.

Dagneux est un village qu’habitait Dumollard,
Pire qu’un vrai sauvage il vivait en fuyard
Jamais aucun brigand n’a versé tant de sang

Il était fils d’un père qu’un jour, les Autrichiens,
Pour un crime sévère, lui cassèrent les reins ;
Mais, malheureusement, il avait un enfant.

Cet enfant misérable grandit par ses actions,
A Marianne exécrable il propose ses noms ;
A deux ils commettaient tous leurs nombreux forfaits.

A toutes les servantes il promettait un gain,
Ces promesses attrayantes réussissaient très-bien ;
Marie-Anne Pichon échappe à ce glouton.

La pauvre jeune fille se rend dans un hameau,
Au sein d’une famille raconte son fléau.
Les larmes sont aux yeux à son récit affreux.

Il leur parlait de messe tout au long du chemin,
Et même de confesse, pour tromper son dessein ;
Jamais on ne croira ce vil scélérat.

Des pauvres domestiques il était le bourreau,
Pour des sommes modiques il les jetait à l’eau :
Ou dans une forêt, la nuit, il les tuait.

Il n’avait d’autre ouvrage, ni d’autre profession.
Que le seul brigandage, pour nourrir sa maison ;
Où, le soir et matin, il portait son butin.

La justice terrible condamne Dumollard,
Brigand, être insensible, a mourir sans retard ;
On le verra bientôt monter sur l’échafaud.

La femme, son complice, vingt ans dans les prisons,
Subira la justice de ses crimes profonds ;
Ne plaignez point son sort, elle n’a point de remord.

Vous, filles imprudentes, tremblez au sort affreux
De toutes ces servantes suivant cet homme odieux ;
Leur promettant un gain qui les flattait soudain.

Vous, filles inconstantes, qui fuyez vos parents,
Pour devenir servantes et gagner de l’argent ;
Evitez le danger, pour ne pas y tomber.

Nous devons dans ce monde, savoir nous contenter ;
Qui parcourt terre et l’onde, ne peut rien ramasser.
Tant va la cruche à l’eau, qu’elle tombe en morceaux.

Cette feuille se vendait chez M. Duchier, rue St-Esprit, 26, à Clermont.




Pour écrire ce texte, je me suis aidée d’un texte de l’ouvrage :
Causes célèbres de tous les peuples par A. Fouquier
Édition illustrée – Tome VII – Livraisons 115 à 139

Paris - Lebrun et Cie Editeurs - 8 rue des Saints pères - 1865

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