Chaque
commune procéda, à partir de 1792, à la cérémonie de la « Plantation d’un Arbre
de la Liberté ».
Un
symbole fort, marquant la libération du peuple des servitudes de
« l’Ancien Régime », balayées par la Révolution de 1789.
La
liberté, vers un monde meilleur et juste.... Un monde nouveau où tous les
hommes seraient égaux en droits........
Cet
arbre symbolisait aussi la vie, la force, la puissance.....
Ce
fut donc ainsi que le maire d’Ecquetot, ceint de l’écharpe tricolore, flanqué
du conseil municipal au grand complet, présida, le 16 germinal an III, la
cérémonie devant tous les habitants-citoyens réunis.
Cérémonie
solennelle, festive et joyeuse !
Le
lendemain, 17 germinal an III, l’ambiance avait pris un tout autre aspect. Non
en raison des quelques abus d’absorption d’alcool.... quoique !...., mais
parce qu’on venait de découvrir que « l’arbre symbolique » avait subi
le pire des outrages pendant la nuit.
En
effet, un malveillant, ennemi de la République, à n’en pas douter, avait scié
l’arbre à deux pieds de terre, et celui-ci, ayant été jeté sur le côté,
reposait, à présent, inutile et vaincu, sur le sol boueux du cimetière où la
veille, il se dressait fièrement.
Un
scandale pour certains qui s’indignaient.
Une
plaisanterie pour d’autres qui riaient sous cape. En ces temps révolutionnaires
mouvementés, il valait mieux être prudent.
-=-=-=-=-=-
Le
27 floréal an IV après-midi, nouvelle cérémonie de la « Plantation de
l’Arbre de la Liberté », au même endroit que la précédente.
Tous
les habitants-citoyens de la commune étaient présents.
Le
citoyen-maire fit un discours éloquent qui commença par :
« On
n’abat pas comme ça la République....... »
Oui,
mais cinq jours plus tard, le 2 prairial an IV, le citoyen-maire fut prévenu
que l’arbre, nouvellement planté, avait subi le même sort que le précédent.
Abattu à coups de hache !
« Encore !!! »
s’était écrié le citoyen-maire en apprenant la nouvelle. Et il alla, d’un pas
ferme, constater les faits de visu.
Il
y avait donc dans la commune un mauvais citoyen qu’il fallait, à tout prix,
arrêter.
Surtout
(cela resta confidentiel quelques jours), que cet individu ne s’attaquait pas
uniquement aux « Arbres de la Liberté », il avait dans la nuit
précédant la seconde cérémonie de l’Arbre, celle du 26 au 27 floréal, enlevé le
marteau de la cloche de l’église.
Au
matin du 27 floréal, le citoyen Nicolas Dequatremare, chargé de sonner les
annonces des assemblées communales, avait bien été surpris. Il avait eu beau
tirer de toutes ses forces sur la corde actionnant la cloche, celle-ci n’avait
émis aucun son. Revenu de son étonnement, il avait constaté l’absence du
marteau. Il s’était alors précipité à la mairie.
Quelques
minutes plus tard, le maire était sur place avec François Dequatremare et
Victor Vannier deux des conseillers du conseil municipal.
Il
n’y avait aucun doute ! Le marteau avait disparu. Le fait était
indéniable !
Le
malfrat s’était introduit dans l’église, soit par une ouverture située sur le côté nord
du bâtiment, soit par l’œil de bœuf au dessus de la porte d’entrée.
Cela
faisait tout de même trois attentats contre la République en peu de temps.
Il
fallait absolument mettre cet homme qui faisait atteinte aux autorités de la
commune, sous les verrous !
On
n’arrêtait pas, impunément, la République en marche !
-=-=-=-=-=-
Deux
pluviose an VI.
Un
nouvel Arbre de la liberté trônait dans le cimetière.
Cette
fois-ci, la troisième, ne pouvait être que la bonne et pour officialiser en
grandes pompes cette cérémonie, douze fusiliers lancèrent des salves d’armes à
feu qui furent accueillies par les chaleureux applaudissements de la population
de la commune.
Le
mauvais sort devait s’acharner sur la commune d’Ecquetot.
Le
lendemain de la troisième cérémonie de la troisième plantation du troisième
Arbre de la Liberté, que ne fut pas l’étonnement de Louis Jean Baptiste
Paturel, agent, Louis Ambroise Paturel, conseiller et Jean Allix, capitaine de la Garde Nationale
qui, se rendant en la chambre commune d’Ecquetot, d’apercevoir en longeant le
mur du cimetière que le troisième Arbre de la Liberté avait, de nouveau, été
mis à bas par une main criminelle, la même que précédemment, en toute évidence.
Abattu
à coups de hache !
Quel
sacrilège !
Les
trois hommes ramassèrent le tronc étendu sur le sol et le transportèrent
religieusement avec tous les égards et précautions dus à un défunt d’importance
et allèrent le déposer dans l’église.
Ils
se rendirent ensuite à la maison commune faire leur rapport au citoyen-maire
qui faillit s’étrangler de colère.
Ce
n’était plus possible !
Mais
qui était ce criminel ? Un antirépublicain ou un farceur ?
Qu’importe,
présentement, il fallait que cela cesse !
La
commune allait être la risée de toute la région !
-=-=-=-=-=-
Oui,
qui pouvait être l’auteur de ces méfaits ?
Il
y avait bien ....... Oui, un nommé Antoine Langlois......
Pas
méchant, le Toine, comme on l’appelait, mais souvent bien aviné.
Il
était vrai qu’au cours des diverses cérémonies, trois en l’occurrence, il avait
entonné quelques chansons grivoises, alors que des cantiques patriotiques à la
gloire de la Nation, chantés par des voix angéliques s’élevaient vers les
cieux.
Cela
avait jeté un froid, mais chacun connaissant les débordements excessifs du Toine
et ne le sachant pas mauvais bougre, on ne s’était pas plus formalisé que
ça !
Là
où les soupçons se précisèrent toutefois, c’était qu’on avait vu le Toine, à la
fin de chaque cérémonie, entourer l’Arbre de ses bras, dans une étreinte
fraternelle et déclarant, haut et fort, d’une voix pâteuse :
« Resteras-tu
longtemps, là ? »
Il
n’en fallait pas plus pour que tous les soupçons se fixent sur cet homme.
Mais
là, à accuser et condamner !
Les
désagréments cessèrent à partir de ce jour.
Antoine
Langlois fut-il sermonné ? Fut-il menacé ?
Sans
doute, car ......
-=-=-=-=-=-
L’année
suivante, une nouvelle, la quatrième, cérémonie eut lieu et l’Arbre de l’an VII
tint bon. Il prospéra, même, et devint fort.
Vous
en voulez la preuve ?
Et
bien, il trône, encore à ce jour, majestueux, non loin de l’église dans
l’ancienne enceinte du petit cimetière de la commune qui fut déplacé quelques
décennies plus tard.
Alors,
maintenant que vous connaissez son histoire, liée à celle de la commune et à
celle de notre pays, n’oubliez pas quand vous passerez devant lui, de le
contempler, de le saluer.
Il
mérite toute votre considération !
J’ai écrit cette
nouvelle suite à la lecture
du registre des
délibérations du
conseil
municipal d’Ecquetot.
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