Une nuit à Ecauville
Pourtant, c’était un village calme. Il ne s’y passait presque rien.
Pas idyllique tout de même, car comme partout les mauvaises langues
bavaient sur leurs voisins, déversant leur venin empli de médisances, d’envies
et de jalousies.
Mais rien de plus.
Et puis, tout cela n’était que paroles qui s’envolaient les jours de
grand vent.
Pourtant, cette nuit-là, celle du 12 au 13 mai 1903, des cris
sortirent du lit les habitants du hameau du Beheurin, village d’Ecauville.
Des cris ?
Plutôt des hurlements, accompagnés d’injures.
Pourquoi tout ce tapage ?
Ne pouvait-on pas laisser dormir en paix les braves gens ?
Les appels à l’aide provenaient de la maison de la veuve Samson.
Tous s’y précipitèrent, sachant que la veuve vivait seule et qu’elle était
âgée. De plus, depuis quelque temps, des rôdeurs malveillants sévissaient dans
la région, n’hésitant pas à tuer pour détrousser les personnes isolées et vulnérables.
Le spectacle qui s’offrit aux yeux des voisins de la pauvre vieille
fut des plus surprenants.
La veuve Samson, sur le sol de sa demeure, se protégeant du mieux
qu’elle pouvait avec ses bras, recevait une volée de coups de bâton et de
sabots de .......
Jamais, ils n’auraient pu se douter !
De la veuve Hupin, une autre de leurs
voisines, qui malgré son âge avancé, le même que celui de la victime,
développait une force incroyable dans les
coups qu’elle assénait avec profusion.
Echevelée, vociférant, il ne fallut pas moins de deux hommes pour la
neutraliser. Les femmes, elles, s’étaient précipitées pour relever avec
précaution, la pauvre veuve Samson qui contusionnée se laissa reconduire à sa
couche, poussant des cris de douleur à chaque mouvement.
Le maire, prévenu, s’était transporté sur les lieux. Il essaya de
comprendre ce qui venait de se passer. Ce fut ainsi qu’il apprit que la veuve
Hupin s’était introduite à la faveur de la nuit dans la demeure de sa voisine,
dans l’intention de la voler.
Mais Adèle Thouet, veuve Samson, ayant le sommeil léger, entendant du
bruit, s’était levée et avait surpris la voleuse.
« Qu’est-ce que tu fais là, toi ? lui avait-elle demandé.
- T’occupes, va t’ recoucher !
- C’est y pas qu’ tu viens m’ voler ? Avait alors interrogé la
propriétaire du lieu. Puis, elle s’était mise à hurler : « Au
voleur ! »
Voulant la faire taire, la veuve Hupin attrapa une petite bûche posée
près de la cheminée et ainsi armée, bouscula avec sa voisine qui se retrouva au
sol, hurlant de plus belle.
« Vas-tu te taire, charogne ! hurlait l’agresseuse.
La pauvre Adèle Thouet ne se taisant pas, loin de là, les coups de pieds chaussés de sabots et les
coups de bâton s’abattirent en nombre,
meurtrissant la pauvre femme.
Bien sûr, l’intervention des
voisins, fit que rien ne fut volé, mais il y avait eu intrusion dans un
domicile à la faveur de la nuit dans l’intention de voler et, bien sûr, coups
et blessures volontaires.
Qui étaient ces deux femmes ?
Voisine apparemment, donc se côtoyant journellement, échangeant des
banalités sur le temps, les vieilles douleurs et la vie toujours trop chère et
que sais-je encore, se confiant peut-être l’une à l’autre sur leur vie, leurs
petits malheurs et leurs économies ......
La victime, Adèle Thouet avait vu le jour le 16 décembre 1828 à
Amfreville-sur-Iton. Elle était la fille de Parfait Louis Marie Thouet, décédé
en juin 1865 à Evreux et de Julie Adèle Duval.
Elle avait convolé en justes noces, le 27 novembre 1865 à
Amfreville-sur-Iton, avec François Vincent Samson, un gars de
Bérangeville-la-Campagne, né le 21 janvier 1825. Les parents de François Vincent,
François Guillaume Samson et Marie Catherine Bobin demeuraient à Ecauville où
le sieur Samson Père était décédé le 22 mars 1854.
Adèle Thouet devint veuve le 1er février 1898, date à
laquelle son époux ferma les yeux en leur domicile d’Ecauville, hameau du
Beheurin.
En 1903, non loin de chez elle, une autre femme, veuve elle aussi, la
veuve Hupin.
Veuves toutes deux, voilà un point qui ne pouvait que les rapprocher.
Par contre, je n’ai rien trouvé sur cette veuve Hupin. En 1901, tout
comme en 1903, elle ne figure pas sur les recensements d’Ecauville.
Voilà qui ne fit pas mon affaire, car cette femme restera à jamais un
mystère.
J’entends très distinctement la question que vous vous posez.
Comment ai-je eu vent de cet évènement ?
Tout simplement en lisant la presse et notamment les journaux
suivant :
·
« La Presse » - 13 mai 1903
·
« L’aurore » - 13 mai 1903
·
« Le Figaro » - 13 mai 1903
·
« La croix » - 15 mai 1903
Tous relatent cette tentative d’assassinat pour vol.
Toutefois, La veuve Hupin, se voit nommée « veuve Vupin »
dans le journal « La Croix ».
Ce petit détail ne changea
rien, hélas, dans mes vaines recherches d’indentification de cette femme.
Je tiens avant de clore ce petit récit à vous rassurer.
L’article de « La Croix » note :
« La veuve Vupin a été arrêtée et l’état de la victime est
relativement satisfaisant. »
Qu’entendait le journaliste dans le terme
« relativement » ?
Toutefois, si la pauvre veuve Samson est décédée des suites de la
maltraitance de sa voisine, ce ne fut pas à Ecauville.
Morale de cette histoire :
Si vous avez quelque économie, n’en parlait à personne et surtout,
évitez de mettre votre pactole sous le matelas de votre lit ou dans une boite
en fer au dessus de la cheminée !
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