jeudi 12 septembre 2019

HISTOIRE VRAIE - PARIS DES ANNÉES 1900 - QUE SONT-ILS DEVENUS ?


HISTOIRE VRAIE – DANS LE PARIS DE 1901

Cour d’assises de la Seine – 21 octobre 1902
Leca devant ses juges – Après le verdict


Après ce procès que sont devenus les cinq accusés ?
En l’absence d’un compte-rendu du verdict des jurés, il m’a fallu ruser, prendre des chemins de traverse dans mes recherches, passer énormément de temps en consultations de diverses archives.
Alors, si vous le voulez bien, nous allons reprendre, un à un, les cinq individus qui comparaissaient en ce 21 octobre 1902.   

Dominique François Eugène Leca

Nous savons déjà qu’il était né le 25 septembre 1874 à Paris, dans le onzième arrondissement et qu’il était le fils de Alexis Leca et Augustine Richelet.
Surnommé « le Corse », en raison des origines paternelles, car, Alesion Leca (Alexis en français) avait vu le jour le 14 novembre 1840 à Evisa, en Corse. Il était venu sur le continent où le 27 janvier 1874, il avait, à Paris dans le onzième arrondissement, épousé la demoiselle Augustine Richelet.
Son métier ? Gardien de la paix !
Nous pouvons aisément imaginer la honte que lui procura les frasques et condamnations de son fils.
Alesio Leca décéda le 30 juin 1913.

Leca écopa, en octobre 1902, de huit années de travaux forcés et à la relégation. En clair, après sa peine écoulée, il n’avait pas le droit de revenir en France.
La fiche matricule du bagne de Guyane le concernant, mentionne :
Ecroué sous le numéro 2754 
Numéro matricule 32663
Suite au verdict du 21 octobre 1902, sa demande de pourvoi en cassation fut rejetée le 29 novembre 1902.
Incarcéré, Leca attendit le 12 juin 1903 pour embarquer sur le bâtiment « la Loire » en direction de la Guyane.

La fiche matricule révèle également les condamnations antérieures à 1902 de ce « mauvais garçon » dont la taille ne dépassait pas 1,62 mètres et qui avait les cheveux châtain-foncé, ainsi qu’une fine moustache.

Voici le palmarès judiciaire de Dominique François Eugène Leca :
11 février 1891              tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 2 mois de prison
14 novembre 1891       tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 8 mois de prison
10 juillet 1893               tribunal de la Seine                          condamné à 2 ans de prison et 5 ans d’interdiction
10 avril 1900                    tribunal de la Seine                        condamné pour vol à 8 mois de prison

Faisons une petite parenthèse, en ajoutant, quelques mentions de la fiche militaire de ce jeune homme.
Condamné le 14 novembre 1891, il n’eut sans doute autre choix, à la fin de sa peine, que de s’engager dans l’armée.
Ce qu’il fit, sans doute de mauvaise grâce, le 12 décembre 1894, et pour une durée de trois années.
Il fut affecté au 2ème bataillon d’Afrique où il effectua plusieurs campagnes en Algérie et en région saharienne.
Tout ne fut pas simple non plus, rebelle dans l’âme, il ne se laissa pas mater et il passa à la section de discipline du corps le 8 octobre 1897. Maintenu pendant douze mois par mesure disciplinaire, il ne fut libéré que le 12 décembre 1898.
Seize mois plus tard, avril 1900, il écopait à nouveau d’une peine d’emprisonnement de huit mois.

Revenons à la fiche de Guyane sur laquelle il est noté également :
·         Sait lire et écrire
·         Métier appris au bagne : effilocheur
« De la bande des apaches – très mauvaise conduite – attitude arrogante en présence de Monsieur le Préfet. »
Tentative d’évasion le 22 novembre 1904.

Mais surtout :
·         Se dit marié.

Marié !!  Eh oui !
Dominique François Eugène Leca avait épousé, le 27 décembre 1902 à Fresnes, la demoiselle Louise Victorine Van Maele, née à Paris dans le vingtième arrondissement le 4 décembre 1875, sans profession et demeurant 95, rue de Montreuil. Leca avait demandé à son avocat, Juste François Edmond Gaston Rousset, avocat à la Cour d’Appel,  d’être son témoin.
Pourquoi ce mariage alors que le nouveau marié devait partir au bagne ?
Projetait-il déjà de « se faire la belle » pour retrouver sa belle ? 


Georges Erbs[1]

Né le 24 août 1876 à Saint-Nicolas-du-Port (Meurthe et Moselle) fils de Antoine Erbs et Catherine Rickling, il résidait à Bône, en mars 1901. En juillet 1901, il emménagea à Paris, au 176 boulevard Charonne.
Ce jeune homme, blond aux yeux gris,  s’engagea dans l’armée le 4 mai 1897, pour quatre années. Il fut affecté au 3ème bataillon d’Afrique.
Il s’engagea !
A vrai dire, on ne dut pas lui laisser le choix, afin de faire oublier les divers méfaits dont il était l’auteur, car, en effet, Georges Erbs avait passé quelques années à l’ombre.
30 avril 1892                                   condamné pour vol à 1 mois de prison
14 novembre 1892                      condamné pour vol à 2 années de prison
10 août 1894                                  condamné pour vol à 2 années de prison et 25 francs d’amende

Libéré des obligations militaires le 5 mai 1901, vous ne serez pas étonné d’apprendre que le « certificat de bonne conduite » attribué à la quasi-totalité des jeunes appelés ou engagés, fut refusé au soldat Erbs.

Le soleil de l’Algérie lui avait redonné des couleurs, mais ne lui avait pas remis les idées en place, car en ce 21 octobre 1902, il fut condamné à huit années de travaux forcés et à la relégation.

La fiche du bagnard Erbs précise un certain nombre d’informations et pas les moindres.         
Ecroué sous le numéro 2600
Matricule au bagne de Guyane : 32560
Il embarqua le même jour et sur le même bâtiment que Leca, soit le 12 juin 1903, en direction de la Guyane.    
Mesurant 1.69 mètres, Erbs savait lire et écrire et exerça le métier d’effilocheur au bagne.

Mais voici le plus important :
« De la bande des apaches – insubordination grave – insultes »

Et puis, ne supportant pas le bagne et sa rude discipline, ce qui se comprend aisément, il tenta quelques évasions.......

·         Le 31 août 1934                réintégré le 5 septembre 1904 
jugement le 22 novembre 1904 : 2 ans de travaux forcés
·         Le 24 décembre 1904    réintégré le 7 janvier 1905
jugement le 10 juin 1905 : 2 ans de travaux forcés
·         Le 18 août 1908                réintégré le 5 novembre 1908
jugement le 8 décembre 1908 : 5 ans de travaux forcés
·         Le  (aucune date)           réintégré le (aucune date)
jugement le 11 mai 1909 : 5 ans de travaux forcés
·         Le 20 décembre 1922  (rien de noté)

Où pouvait-il aller sur cette île inhospitalière ?
Dernière évasion décembre en décembre 1922 et aucune mention ensuite[2].


Louis Amédée Koch

Fils de Louis Koch et de Marie Louise Ritton, Louis Amédée Koch avait vu le jour le 16 février 1880 à Paris.
Brun aux yeux bleus, il avait une taille élevée pour l’époque puisque mesurant 1.73 mètres.
Tout comme ses amis et adversaires, il avait eu quelques condamnations, mais pas pour vols ou escroqueries, ni pour coups et blessures, mais uniquement pour « outrage à agent ».
·         Août 1898                          condamné à 3 mois de prison
·         Juin 1899                            condamné à 1 mois de prison
·         Novembre 1899              condamné à 15 mois de prison
Peu de choses en vérité, comparé aux autres « escogriffes ».

Concernant l’affaire jugée en octobre 1902, aucune information le concernant.
Sa fiche militaire, de la classe 1900, portant le matricule 3474, ne mentionne rien de plus que : « décédé à Paris sixième arrondissement, le 22 novembre 1905.


Félix Claude Magnin

Félix Claude Magnin pour lequel l’avocat général, Corentin Guyho, avait demandé l’indulgence des jurés, avait eu un parcours chaotique[3] également.

Né le 18 avril 1874 à Paris dans le dixième arrondissement, fils de Félix Edouard Edgard Magnin et Euphrasie Basset, il habitait, en 1896, chez ses parents au 10 rue Petion à Paris Xème.
A cette même époque, il avait comme signe particulier une « cicatrice au cou », sans plus de précision.
1,62 mètres, taille moyenne pour l’époque, il possédait des yeux gris clair.

Sa carrière de délinquant débuta bien tôt, par de petits larcins et des délits de braconnage.
·         20 mai 1890                        condamné pour vol à 3 jours de prison
·         28 mai 1891                        condamné pour délit de chasse à 50 francs d’amende
·         18 août 1892                     condamné pour délit de pêche et vagabondage à 1 mois de prison
·         24 août 1894                     condamné pour vol à 2 ans de prison et 2 ans d’interdiction

Alors, le juge lui mit le marché en main : engagement militaire pour atténuer l’ardoise judiciaire, en servant son pays.
Sorti de prison, le 27 juin 1896, Félix Claude Magnin s’engagea le jour même et fut affecté au 2ème bataillon d’infanterie légère d’Afrique dans les rangs duquel il fit les campagnes d’Algérie et des Régions Sahariennes.
Libéré des obligations militaires en août 1899, sans le « certificat de bonne conduite » qui lui avait été refusé, Magnin reprit sa carrière de « mauvais garçon » :
21 octobre 1902, mis en accusation pour coups et blessures volontaires, assis sur le même banc des accusés que Leca et tous les autres, il ne fut condamné qu’à deux ans de prison. Il ne s’en sortait pas trop mal, malgré tout.

Le 13 février 1907, il comparaissait encore devant la justice, mais cette fois pour un délit de pêche. Pas de peine d’emprisonnement, uniquement une amende d’un montant de cent francs.

Mobilisé le 3 août 1914, pour la Grande Guerre, il manqua à l’appel le 13 août 1917. Déclaré « déserteur » et arrêté le 17 septembre 1917, il fut emprisonné pour désertion, mais sa peine fut suspendue en raison du manque d’homme au front. Félix Claude Magnin fut envoyé en première ligne où il ne fut ménagé ni par ses supérieurs ni ses « poteaux de galère ».
Pas besoin de préciser les brimades imposées aux déserteurs lorsqu’ils étaient repris.

En mars 1905, Magnin demeurait au 81 de la rue Saint-Maux à Paris.
En avril 1909, il avait emménagé 11 rue de Villeneuve à Alfortville.
Après sa démobilisation en mars 1919, il revint à Paris, rue Saint-Maux, mais au numéro 121.


Et voilà le dernier,
« Yeux bleus », alias Victor Jules Voiry

Né le 9 janvier 1881 à Paris dans le douzième arrondissement et plus exactement au 67 rue de Reuilly, il était le fils de Victor Désiré Voiry et Marie Clément.

En ce 21 octobre 1902, le doute planant en effet sur sa culpabilité, les jurés ne le condamnèrent pas. Certainement aussi, parce qu’il n’avait aucun antécédent judiciaire.
Au moment des faits, il vivait au foyer parental, 125 rue de Montreuil à Paris.
Il fut appelé pour son service armé le 16 novembre 1902. Le règlement et la discipline militaires auraient dû le faire rentrer dans le rang. Mais faire subir à un réfractaire de l’ordre  la rigidité des commandements n’était-ce pas le meilleur moyen de le braquer définitivement ?

Le 16 novembre 1902, donc, « Yeux bleus » fut affecté au 8ème régiment d’artillerie, avec le grade de canonnier de seconde classe.
Le 27 août 1903, il manquait à l’appel. L’armée dans sa bienveillance lui laissa un délai pour qu’il se présente au corps, passé celui-ci, le canonnier Voiry fut déclaré déserteur.
Mais les déserteurs étaient activement recherchés, d’autant plus que les gendarmes qui les arrêtaient recevaient une prime non-négligeable. Repris le 24 octobre 1903, le conseil de guerre condamna  le canonnier, seconde classe, Voiry à deux mois de prison.
Libéré du service obligatoire le 24 décembre 1904, le « certificat de bonne conduite » lui fut refusé.
Ne demandez pas pourquoi !

Le 4 février 1908, Victor Jules Voiry demeurait au numéro 100 de la rue de Montreuil à Paris.
Un peu plus de six années plus tard, le 28 avril 1914, ses « yeux bleus » se fermaient pour l’éternité. Victor Jules Voiry n’avait que trente-trois ans.


Et Casque d’or dans tout cela ?
A votre place, je ne me ferais pas trop de soucis pour elle, mais il vous faudra attendre la semaine prochaine pour la retrouver arpentant les rues de Paris, sans Manda, sans Leca......
Qui sera à son bras ?







[1] Renseignements provenant de la fiche militaire de Georges Erbs – classe 1896 – matricule 2099.
[2] Aucune possibilité de trouver un acte de décès après 1910 dans les archives de Guyane.
[3] Informations recueillies à partir de la fiche militaire – classe 1895

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