Le
jeune Charles Emile avait un ami de jeux du nom de Legrand. Un jour, Charles
Emile, le cœur lourd, assurément, avait dit :
« J’ai
un secret bien difficile à garder..... »
Un
secret voilà qui était intéressant ! Que pouvait être ce secret ?
Mais
Charles Emile hésita à révéler ce qu’il avait sur le cœur. Le jeune Legrand
insista, trépignant d’impatience. Son ami en avait trop dit ou pas assez.
Alors !
« Il
s’agit de la vieille... la grand-mère....... Elle était maltraitée chez
nous..... Même moi, je la rabrouais souvent.... pourtant, elle m’aimait
bien.... elle me donnait des sous, ceux qu’on lui donnait quand elle allait
mendier...... le père ne l’a jamais su, autrement ça aurait bardé....... »
Il
s’arrêta, plongé dans ses pensées. Des larmes perlaient à ses paupières.
« Si
je te dis, tu le garderas pour toi ? »
L’autre
promit, évidemment, l’envie de savoir l’aurait même fait marcher sur des
braises brûlantes.
« C’est
le père et le frère qui ont tué la grand-mère. Ils l’ont battue et
étranglée.... »
Ouah !
Quelle révélation !
Une
révélation que l’ami Legrand se dépêcha d’aller colporter.
Tout
alla très vite à partir de cela, malgré les dénégations de Charles Emile.
Son
ami avait tout inventé, jamais il n’avait dit chose pareille.
Début
Juin 1869, Alexandre Louis Duchemin et son fils Louis Joseph dit Victor furent
arrêtés et conduis à la prison de Laon. Ils comparurent devant leurs juges en à
la Cour d’Assises de Laon, le 11 juin 1869. Le lendemain 12 juin 1869, la Cour
rendit son verdict.
-
Alexandre Louis Duchemin fut condamné
aux travaux forcés à perpétuité.
-
Louis Joseph dit Victor Duchemin écopa
de quinze années de travaux forcés, ayant obtenus les circonstances atténuantes,
car étant sous l’influence de son père.
Mais
ne croyez pas, braves gens, que l’histoire s’arrêta là. Non ! Car dans ce
cas, on aurait pu classer ce meurtre dans
les dossiers des « affaires banales ».
Alexandre
Louis Duchemin mis sous clefs, les langues se délièrent car plus personne ne
craignait ses représailles.
Et
l’on parla du tour de taille de Marie Rose Eugénie qui avait tendance à
s’épaissir régulièrement et qui retrouvait la ligne d’un jour à l’autre.
Le
mot « grossesse » était sur toutes les lèvres, mais aussi cette
question :
« Mais
où sont passés les bébés ? »
D’autant
plus que tous connaissaient la conduite débauchée de la jeune fille qui
fréquentait un certain Leblanc, un gars de la commune et qui était marié !
Quel scandale !
Et
chacun noircissait le tableau, avançant qu’il y en avait bien d’autres !
Une
traînée, sans moralité, qui montrait bien le mauvais exemple, mais que
voulez-vous, elle n’avait jamais fréquenté l’Eglise !
La
maréchaussée enquêta.
Retour
direct pour cette famille à la Cour d’Assises de l’Aisne.
-=-=-=-=-=-=-
Si
je n’ai pas trouvé d’information sur le premier procès, celui de l’assassinat
de la pauvre Marie Rosalie Charpentier, veuve Duchemin, j’ai eu la chance de
découvrir, dans « les annales des tribunaux », le second procès.
C’est
donc dans cet écrit que j’ai puisé la suite de la « Saga Duchemin ».
Audience
du 11 février 1870 – Cour d’assises de l’Aisne, sous la résidence de M. d’Avost.
Ce
jour-là comparaissaient :
-
Duchemin Alexandre Louis – 49 ans.
-
Dubourgue Marie Rose, femme Duchemin, 48
ans.
-
Duchemin Marie Rose Eugénie, 26 ans.
-
Duchemin Louis Joseph, dit Victor, 19
ans.
-
Duchemin Auguste Alexandre, 23 ans.
Accusés
d’infanticides et/ou de complicité d’infanticides.
Les
défenseurs des accusés se nommaient :
-
Maître Broissard, avocat de Duchemin
père.
-
Maître de Grilleau, avocat de la femme
Duchemin.
-
Maitre Grizot, avocat de la fille
Duchemin.
-
Maître Boitelle, avocat de Victor et
Alexandre Duchemin.
Duchemin
père et Victor, déjà condamnés aux travaux forcés par cette même Cour
d’Assises, prirent place, en dernier, sur le banc des accusés. Ils portaient le
costume des bagnards.
Alexandre Louis Duchemin a un
visage maigre et hâve, les yeux enfoncés, les lèvres minces, l’air indifférent
et abattu.
Louis Joseph dit Victor et son
frère Auguste Alexandre ont le teint pâle, de grands yeux ternes, une grande
bouche. Ils sont sans expression, d’un hébètement complet. Aucune émotion sur
leur visage.
Les deux femmes, la mère et la
fille sont insignifiante.
La mère a le regard d’une fixité effrayante
et une contraction perpétuelle de la bouche. On la dirait constamment en proie
à une crise de nerf intérieur.
Voici
l’acte d’accusation, qui fut lu par le greffier :
Le nommé Duchemin a été condamné le
12 juin 1869, par la cour d’assises de l’Aisne, à la peine des travaux forcés à
perpétuité, pour crime de parricide. Un de ses fils, Louis Joseph, dit Victor,
a été condamné, comme complice du crime, en quinze années de travaux forcés.
La victime, mère de Duchemin,
infirme et d’un caractère difficile, et on avait pu supposer que c’était pour
soustraire la famille aux soins et aux charges imposés par sa présence au foyer
que sa mort avait été décidée ; mais on pressentait que ce crime avait un
intérêt plus puissant.
C’était vrai ; cette femme
avait eu le malheur d’être témoin d’une série d’homicides, commis par les
membres de sa famille sur les enfants qu’Eugénie Duchemin, sa petite fille,
avait successivement mis au monde, et l’on craignait de sa part quelques
indiscrétions compromettantes pour tous.
Depuis longtemps, dans la commune
de Berny-Rivière, qu’habite la famille Duchemin, tout le monde connait la
conduite scandaleuse de la fille Eugénie Duchemin, âgée aujourd’hui de vingt-six
ans. On l’avait plusieurs fois trahie, par un changement de taille, un état de
grossesse évident, qui disparaissait sans qu’on sût qu’elle eût donné le jour à
des enfants.
Toute
le monde savait, même les autorités, mais chacun se taisait, apparemment !!!
Cependant, après la condamnation du
Duchemin, les rumeurs s’accusèrent d’avantage et vinrent à la connaissance de
la gendarmerie. Une information fut commencée.
Après
avoir longtemps nié, Duchemin Père passa aux aveux.
Depuis l’âge de douze ans, la fille
Eugénie Duchemin a été en butte aux passions de son père qui après avoir bientôt
triomphé de sa résistance, a continué à entretenir avec elle, jusqu’en 1869,
des relations incestueuses. Au su de tous, elle était également la maitresse
d’un homme, le nommé Leblanc, carrier à Berny.
Nous
reviendrons plus tard sur le nommé Jean Baptiste Leblanc.
Ce
qui nous intéresse pour l’instant, ce sont les quatre grossesses supposées d’Eugénie Duchemin.
En 1863 - La jeune fille fit une
fausse couche à cinq ou six mois de grossesse, suite à un accident. Elle
habitait alors avec sa grand-mère, la carrière des Grismoines.
En 1865 – Nouvelle grossesse. La
fille Eugénie a accouché dans un grenier au-dessus de la chambre de ses
parents.
Selon
l’accusation, la jeune femme, souffrante depuis deux jours, attendait la
naissance imminente. Son père, Alexandre, avait cessé de travailler, attendant
la délivrance. La mort de l’enfant avait été programmée. Ce fut Duchemin père
qui avait pratiqué l’accouchement.
L’enfant
venu au monde, fut enveloppé dans un linge, jeté à terre et piétiné violemment.
Les
frères de la jeune femme, Victor et Alexandre, avaient préparé une fosse au
pied d’un arbre, dans un petit bois.
La
maman avait assisté à la scène sans dire un mot.
On
ne peut que frémir en imaginant la scène. Quelle détermination, quel manque de
sensibilité.
Des
êtres rustres et sans pitié !
Ce
fut Eugénie qui montra à la justice, lors du procès, l’emplacement où avait été
enseveli son bébé. Un petit squelette fut alors exhumé.
En 1867 – la fille Duchemin est au
service d’un vieillard, le sieur Tricot, à Autrèches. La dame Tricot,
belle-fille du vieil homme remarqua l’embonpoint de la jeune fille. Cette
dernière nia être « grosse ».
L’accusation
nous apprend, qu’au moment de la naissance, Eugénie alla passer quelques jours
chez ses parents. Elle mit au monde un enfant vigoureux. Les deux
« grands-parents » assistèrent à l’accouchement, mais il y avait
aussi les sieurs et dame Dubourque, la dame Dubourque était la belle-sœur de la
femme Duchemin
Encore
une fois, l’enfant fut massacré et enterré.
La
mère montra au juge l’emplacement où le petit corps avait été déposé, mais
l’emplacement avait été fouillé et il ne fut rien retrouvé du petit cadavre.
Après,
cet odieux assassinat, la soirée se passa en orgie..... et bien arrosée. Tous
ivres !
Le
lendemain, Eugénie reprit son emploi à Autrèches.
Nous
reviendrons aussi sur la « famille Dubourque », au fil des
interrogatoires.
Fin août 1868 – Naissance d’un
quatrième enfant, dans la chambre des « grands-parents » Duchemin.
Là,
nous atteignons le summum de l’horreur.
Une
fosse fut préparée par les deux frères, dans le même petit bois. L’enfant avait
à peine crié que le « grand-père », lui tordit le cou, le jeta
violemment sur le sol et marcha dessus avec des godillots à semelles cloutées.
Le
petit squelette fut retrouvé. Ce fut encore la mère qui désigna l’endroit aux
magistrats.
Six
semaines après cet horrible infanticide, la grand-mère Duchemin, témoin indésirable,
mourait assassinée, par son fils et son petit fils, Louis Joseph, dit Victor.
L’exposé
de l’acte d’accusation s’achève en ces termes :
Il résulte de tout cela que tous
les membres de la famille se sont associés sous l’inspiration de son chef pour
accomplir ces actes criminels et en assurer le secret et l’impunité.
-=-=-=-=-=-=-
Treize
témoins furent auditionnés.
Mais
avant eux, ce fut Alexandre Louis Duchemin, le père, qui fut sur « la
sellette » !
Voici
quelques extraits de cet interrogatoire :
Le
juge :
Vous
avez quatre enfants.
Alexandre
Louis Duchemin :
Oui,
il y en a trois ici. L’un a été condamné aux travaux forcés, l’autre a été
condamné à rester dans une maison de correction, à l’âge de douze ans pour
attentat à la pudeur, le troisième est là devant vous.
Quel palmarès !
Le
juge :
Vous avez été élevé dans une maison
de correction, vous avez été condamné plusieurs fois pour vol, et vous avez été
condamné enfin ici, pour assassinat de votre mère, aux travaux forcés à
perpétuité. Vous n’avez jamais fait donner d’instruction à vos fils, ni école,
ni église ; aucun d’eux n’a fait sa première communion.
Alexandre
Louis Duchemin rejettera la faute de la non-éducation de ses enfants sur son
épouse qui n’aurait pas voulu !
Ce
qui est à noter, toutefois, c’est que l’on parle de l’éducation des
garçons....... le couple avait pourtant une fille, quantité négligeable
apparemment, seulement bonne à faire la soupe et le ménage et à procréer, sauf
que dans ce cas, les petits qu’elle avait mis au monde, gênaient..........
Poursuivons !
Concernant
le parricide, l’accusé se justifia par cette phrase qui prouve son amour
filial :
« Cette pauvre vieille femme
était intolérable, couverte de vermine et infestait la maison ! »
Le
juge aborda alors l’inceste.
Le
juge :
Vous avez abusé de votre fille dès
douze ou treize ans. La première fois dans votre cour.
Vous alliez souvent dans votre
grenier où vous vous enfermiez avec elle. Vous travailliez de nuit avec elle
dans une fabrique de sucre, pour pouvoir rester seul à la maison pendant le
jour et abuser d’elle tranquillement.
L’accusé
nia toutes ces accusations et affirma même ne pas avoir eu connaissance des
trois accouchements de sa fille et bien sûr, n’étant pas au courant de ces naissances,
n’avoir pu « écrasé la tête de chaque enfant »
« Jamais ! Jamais »,
hurla-t-il.
Le
juge :
Vous favorisiez, en outre, la
débauche de votre fille. Vous aviez des relations avec son amant, Leblanc.
Ce
fut au tour de Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin.
Le
juge :
Vous
n’avez jamais fait donner d’instruction à votre fille ?
Marie
Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Elle
ne m’a jamais écoutée.
Marie
Rose Dubourgue, femme Duchemin nia avoir été au courant des grosseses de sa
fille.
Elle
nia également que sa fille ait été abusée par son père. Mais, à la question
suivante ......
Le
juge :
Votre
fille s’est plainte à vous qui son père voulait abuser d’elle ?
Marie
Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Oui,
monsieur.
Le
juge :
Vous
avez su que cela continuait ?
Marie
Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Je
ne les ai pas vus, mai j’ai bien pensé que ça continuait.
Concernant
les relations que sa fille entretenait avec le sieur Leblanc :
Leblanc et mon homme
s’étaient entendus ensemble pour avoir tous les deux ma fille. Ils sont aussi
coupables l’un que l’autre.
L’interrogatoire,
passa ensuite sur l’assassinat de la vieille femme.
C’est
Leblanc, Victor et mon mari qui ont tué la grand-mère.
Ce
que démentit, Victor, affirmant que Leblanc n’était pas présent.
Concernant
la naissance et le meurtre des bébés, Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin, se
contredit à de nombreuses reprises.
Elle
précisa toutefois que le petit qui était né dans le grenier, c’était vers les
neuf heures du soir, à la fin mai 1865, qu’elle avait mis l’enfant dans un
tablier et que c’était son mari qui l’avait tué en lui écrasant la tête.
Elle
dit aussi :
« Et
pourtant, Alexandre, il avait proposé d’élever l’enfant de sa
sœur ! »
Pour
quelqu’un qui n’était pas au courant, elle ajouta que fin avril 1867 vers
six heures du soir, Eugénie était revenue un dimanche vers midi. Elle
travaillait alors chez un meunier.
Et
pour le troisième bébé, le 21 août 1867, toute la famille était présente, sauf
Alexandre.
Quand
dit-elle la vérité ?
Quelle
information fallait-il croire ?
Eugénie
Duchemin subit, bien évidemment un interrogatoire. En voici quelques extraits.
Elle
avoua le viol de son père alors qu’elle n’avait que treize ans, ainsi que ses
relations régulières avec lui et Leblanc. Son père la menaçait. Il était
violent, surtout lorsqu’il était saoul. Et puis, il y avait, à la maison un
pistolet et un fusil. Elle avait peur tout le temps.
Elle
souhaitait élever ses enfants, mais sa mère lui avait dit :
« Ne
t’embarrasse de rien ! »
Le
juge :
C’était à la fin 1865 que vous avez
accouché sur votre lit dans le grenier. Qui vous a accouché ?
Eugénie
Duchemin :
Papa.
Le
juge :
Qui
tenait la lumière ?
Eugénie
Duchemin :
Maman.
Le
juge :
L’enfant
vivait, criait ?
Eugénie
Duchemin :
Oui
monsieur.
Eugénie
dit encore que ses parents tuaient les enfants car ils pensaient que ça venait
de lui. « Lui » désignant « Leblanc ».
Vint
alors le tour de Duchemin Louis Joseph, dit Victor,
déjà condamné à quinze ans de travaux forcés pour avoir tué sa grand-mère.
Tout
comme sa sœur, il déclara avoir peur de son père. Il affirma que sa grand-mère
ne se doutait pas des infanticides. Il disculpa Leblanc de toute implication
dans les meurtres des bébés, comme dans celui de la vieille femme.
Duchemin
Auguste Alexandre fut interrogé après son frère.
Très
bavard, Auguste Alexandre.
Il
avoua tout :
Oui,
il avait assisté aux accouchements et aux infanticides qui ont suivi.
Oui,
il avait creusé les fosses où avaient été ensevelis les petits corps.
« Oui, j’ai été lâche. J’avais
vingt-deux ans à l’époque et je n’ai pas osé affronter la tyrannie du
père. »
Puis,
concernant le meurtre de la vieille grand-mère, il rectifia sa déclaration,
disant avoir menti au premier procès, sur l’ordre de son oncle Dubourque.
« Ma grand-mère a été
assassinée par mon oncle Dubourque et mon père. Victor n’a pas assassiné ma
grand-mère. »
-=-=-=-=-=-=-
Vinrent
les témoins, brigadier de gendarmerie, médecins, voisins.
Je
leur laisse la parole.
César
Damidot, brigadier de gendarmerie à Vic-sur-Aisne.
Il
déclara que, courant 1868, il fut informé que la fille Duchemin avait commis
des infanticides.
La
famille Duchemin vivait dans un bois à Berny. Le père y régnait en roi et tout
le monde le craignait, mais il recueillit cependant différentes informations
qu’il transmit au parquet de Soissons. La fille Duchemin fut alors arrêtée.
Il
alla interroger Leblanc qui avoua avoir eu des rapports avec Eugénie depuis que
celle-ci avait quinze ans, confirma qu’elle avait été enceinte, mais n’avait
jamais su ce qu’étaient devenus les enfants.
La
femme Dubourque, la tante d’Eugénie, lui avait appris que sa nièce avait des
relations avec son père et son frère, et même avec son mari à elle. Elle avait
ajouté que tout ce vilain monde lui mangeait toutes ses économies.
Louis
Aristide Blaise – docteur médecin.
Il
attesta qu’il ne connaissait pas les accusés avant d’avoir été appelé pour
examiner les cadavres.
Le
premier qu’il examina devait avoir été enseveli un an avant, environ. Mais il
ne put affirmer si l’enfant était né viable et si il avait été étranglé.
Toutefois, une coloration rouge sur son crâne, ne pouvant être produite que par
du sang, montrait qu’il avait subi des violences.
Pour
le second petit, il déclara qu’il avait été enfoui depuis plus longtemps et
était né à terme. Il ajouta qu’en raison de l’état des os, d’une coloration
blanchâtre, il n’avait pu déterminer si l’enfant avait subi des violences.
Au
cours de l’interrogatoire du médecin, les os exhumés des deux petits furent
montrés, mélangés, aux jurés. Ce désordre n’apporta donc rien.
La
femme Marie Justine Huet.
Cette
femme demeurait dans la carrière des Grimoines, non loin des Duchemin. Mais,
elle ne les fréquentait plus depuis dix années, en raison de leur conduite
scandaleuse.
La
fille, elle la voyait souvent avec Leblanc, qu’on disait son amant.
Puis
elle poursuivit :
« D’ailleurs, Madame Goffard
pourrait bien le dire. En venant chez moi, elle a vu Eugénie et Leblanc couchés
dans les champs, non loin de ma porte. Eugénie était souvent grosse,
pardi. »
Joséphine
Marie Martin, femme de Denis Lasner.
Vieille
femme aveugle, elle raconta l’histoire de la fausse couche d’Eugénie dans la
carrière.
Le
Juge écouta Joséphine Marie Martin, mais ne retint pas son témoignage.
Que
pouvait avoir vu une aveugle, sinon ce que les yeux des autres avaient perçu.
Jean
Baptiste Leblanc, maçon et carrier à Berny-Rivière.
Son
témoignage était attendu avec impatience.
Qu’allait-il
raconter ?
Ses
dires furent donc écoutés avec attention. Pas un bruit dans la salle
d’audience !
Il
confirma avoir eu des relations avec la fille Eugénie.
« C’est bien à cause de cela
que j’ai été jeté en prison. Quinze jours que j’y suis resté. Soit disant que
j’avais assassiné les enfants dont elle était la mère. Des médisances, Monsieur
le Juge. Et tout cela a mis bien du désordre dans mes affaires. »
Le
29 août 1868, il travaillait chez les Duchemin. Il construisait un four. Il s’était
aperçu qu’Eugénie était enceinte. Il en avait parlé à Eugénie et au père
Duchemin.
« C’est là que j’ai eu un
accident. Je suis tombé. Deux mois que je suis resté au lit. Quand je fus de
nouveau sur pied.... Rien !! »
A
ce moment, la fille Eugénie s’insurgea :
« Menteur !
En août 1868, je n’étais pas enceinte ! »
Le
juge s’étonna alors :
« Vous
accouchez en septembre et vous n’étiez pas enceinte ! »
Lebanc
ajouta qu’il ne savait pas si les Duchemin étaient au courant de ses relations
avec leur fille.
Etrange !
Tout le village était au courant et les Duchemin l’auraient ignoré !
Secret de Polichinelle tout cela !
Femme
Leblanc.
Cette
femme ne comparut pas, et on le comprend. Quelle humiliation cela aurait été
pour elle ! Mais elle fit une déclaration par écrit qui fut lue par le
juge.
Selon
son écrit, elle avait prévenu la femme Duchemin de la vie dissolue de sa fille
et des bruits publics qui couraient sur ses grossesses.
La
femme Duchemin lui avait répondu :
« Il
faut bien que jeunesse se passe ! »
Rien
sur les relations de son mari avec la « gourgandine ».
Madame
Tricot.
Sa
déposition n’apporta aucune information intéressante.
François
Pierre Fessier
Il
travaillait avec Leblanc et mangeait avec lui. Il le plaisantait sur ses
relations avec Eugénie. Pour lui les grossesses de la fille étaient évidentes.
Louis
Victor Tuillier, garde-champêtre en retraite.
Oui,
les grossesses ! A plusieurs reprises, il s’en était inquiété. Il en avait
même parlé au brigadier de gendarmerie qui lui avait rétorqué :
« Vous avez tant de terrains,
des bois, des vignes, etc... à surveiller, cela est votre affaire, mais non pas
de voir si les jeunes filles sont enceintes..... »
En
clair, occupez-vous de vos affaires !
Decroix,
vieillard de plus de soixante ans.
Apparu
un petit homme à la figure ridée et flétrie.
Il
avoua à la cour qu’il avait eu des relations, une fois par semaine, avec la
fille Duchemin.
« Une fois par semaine,
Monsieur le Juge, vu la faiblesse de mon âge ! », avait-il d’ailleurs
précisé.
La
fille Eugénie venait chez lui.
« C’est d’ailleurs à la suite
d’une nuit de débauche que je suis tombé malade. Je suis resté quinze jours à
l’hôpital de Soissons ».
Des
sourires parcoururent l’assemblée. Un témoignage coquin qui dérida l’atmosphère
où pesaient lourdement les crimes affreux de nouveau-nés.
Valère, « bettavier ».
Homme
de soixante-six ans qui témoigna aussi de quelques « débauches » avec
la fille Eugénie.
Encore
un, me direz-vous ! Oui, et apparemment, il y en avait eu bien
d’autres !
Le
procureur donna lecture de la déposition du jeune Emile Duchemin, actuellement
détenu dans une maison de correction.
Il
s’agissait du jeune Charles Emile, né en juillet 1857 qui confirma les dires de
Decroix sur les relations de sa sœur avec plusieurs hommes de tout âge,
habitant le village.
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