Dès
l’aurore, Jeanne fut réveillée par le chant du coq.
« Pas
moyen de dormir ! bougonna-t-elle, en plaquant son oreiller sur sa tête
pour amortir les « cocoricos »
triomphants du gallinacé, heureux d’annoncer le début de la journée.
N’était-ce
pas là, une de ses tâches en qualité de coq de basse-cour ?
Etouffant
sous l’oreiller, Jeanne le jeta rageusement sur le sol, et, à plat dos sur son
lit parcourut d’un regard, encore embrumé de sommeil, la pièce où elle se
trouvait.
Un
papier peint jauni, aux motifs d’un autre siècle. Une armoire à glace, sombre
et sobre. Une table de chevet qui avait dû veiller bien des dormeurs, sur
laquelle un napperon brodé maladroitement. Une seule chose avait grâce aux yeux
de Jeanne, l’énorme édredon de plumes, recouvert d’une housse en percale
fleurie, sur lequel elle aimait se laisser tomber et qui l’engloutissait dans
une douceur vaporeuse sans pareille.
A
peine éveillée, Jeanne soupirait déjà d’ennui.
Lorsqu’elle
descendit dans la cuisine, chemise de nuit froissée et cheveux en bataille,
elle fut accueillie par tante Adélaïde.
« Bien
dormi, ma Chérie ? » demanda celle-ci avec un large sourire.
L’adolescente
répondit par un grognement digne des premiers hommes des cavernes.
« Le
matelas doit être bon, je l’ai changé l’an dernier.... »
Tout
en poursuivant son monologue, la vieille dame servit à Jeanne son petit-déjeuner.
Petit
déjeuner, puis douche...... la journée s’annonçait morose ! Jeanne jeta un
coup d’œil sur son téléphone portable. On ne savait jamais, quelquefois que
pendant la nuit, ce coin perdu ait été relié à la civilisation !
Mais
non ! Rien !
Dehors,
il faisait beau.
Affichant,
toujours, une moue boudeuse, Jeanne faisait les cent pas dans la cour. Sa mère
sortit sur le pas de la porte et l’appela :
« Jeanne,
peux-tu aller dans le poulailler voir s’il y a des œufs ? »
Haussant
les épaules, Jeanne se dirigea vers le poulailler, une petite cabane en bois, ancienne
remise à outils. Sur le sol, des cadres en bois contenant de la paille,
servaient de nid aux volailles.
Le
coq, monté sur ses ergots, s’approcha d’elle, agressif.
« Bon,
toi, tu t’tires ! » lança Jeanne, encore plus agressive que le coq.
Le
gallinacé, devant le ton affable sur lequel on venait de lui adresser la
parole, préféra s’éloigner. Il n’avait nullement envie de se voir voler dans
les plumes.
Jeanne
ne découvrit qu’un œuf.
« Pas
courageuses, les cocottes, pensa-t-elle, tout en ramenant l’œuf unique à la
cuisine.
Afin de le remettre à sa mère.
« Tiens !
Y en avait qu’un ! »
Caroline
regarda sa fille, avec un sourire amusée.
« Regarde
bien ! Ce n’est pas un œuf !
-
C’est quoi, alors ?
-
Oui, enfin, c’est un œuf, mais pas un
« vrai » œuf. C’est un œuf factice, pour inciter les poules à pondre.
-
Bon, et bien, tu n’as qu’à le reporter
toi-même !
-
Jeanne ! Ce n’était pas un
reproche ! Tu ne pouvais pas savoir ! Alors, je t’explique......
Furieuse
qu’elle était, Jeanne. On s’était moquée d’elle ! Alors, les œufs,
hein ? Elle n’irait plus les chercher. Et vlan !
Caroline ne chercha pas à la convaincre. Elle soupira.
Décidément, elle ne comprenait plus sa fille. Mauvaise période,
l’adolescence !
Assise
sur le muret séparant la cour du verger, Jeanne bougonnait, encore et toujours,
en balançant ses jambes. Tante Adélaïde s’approcha d’elle :
« Alors,
ma Chérie, que vas-tu faire, aujourd’hui ? »
Jeanne
répondit par un haussement d’épaule. C’était sa seule parade, lorsqu’elle
n’avait pas envie de répondre.
« Tu
sais, le Hubert, celui qui a une ferme à la sortie du village, et
bien....... »
Mais
qu’est-ce qu’elle en avait à faire, Jeanne, du Hubert et de sa ferme !
« ....
Et bien, ses petits-fils de la ville viennent d’arriver... »
Tiens,
tiens ! Des petits-fils de la ville ! Jeanne tendit l’oreille, mine
de rien.
« ......Ils
doivent rester le mois entier. Ils vont faire les moissons...... »
Ils
doivent être idiots les petits-fils au Hubert. Passer leurs vacances, loin de
la ville, et pour faire les moissons, en plus !
« ........
Attends voir..... Cédric doit bien avoir quinze ans et puis...... Lucas, lui,
treize ou quatorze.... ce sont de grands
gaillards, chahuteurs et blagueurs.... toujours le sourire..... »
Pourquoi
elle dit ça, tante Adélaïde, « toujours le sourire » ? Parce que
moi, je fais la tronche ?
Eh
bien, oui, c’est ça ! Et qu’on arrête de me faire la morale !
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