Jeanne
traînait de plus en plus dans le village. Sa mère ne la voyait qu’au moment des
repas où elle s’affalait sur une chaise, mangeait en silence et repartait
aussitôt.
Son
point de ralliement, la place de l’église où elle s’installait sous l’arbre,
avec un livre.
Non,
elle ne lisait pas, loin de là !
Il
fallait bien qu’elle se donne une contenance.
Pour
cela, elle avait murement réfléchis et opter pour « la lecture », en
choisissant avec application un livre sur l’étagère de la chambre qu’elle
occupait chez tante Adélaïde.
Elle
ne voulait pas faire trop intello, et, à l’inverse, ne pas paraitre trop
nunuche !
Son
choix s’était arrêté sur un livre de Jules Verne, qu’elle n’avait jamais lu,
mais dont elle avait vu l’adaptation au cinéma.
Elle
connaissait donc l’histoire.
Assise
sous l’arbre, livre ouvert à hauteur des yeux, elle surveillait les allées et
venues.
Très
vite, elle eut des crampes dans les bras. Aussi, refermant le livre, elle le
posa sur ses genoux et s’étira.
Le
sol commença à lui être inconfortable, aussi se leva-t-elle et s’adossa-t-elle
au tronc de l’arbre.
La
place était déserte.
Le
temps lui semblait long.
Aucun
beau cycliste à l’horizon.
Déçue
par cette attente vaine, Jeanne décida de rentrer.
« Tiens,
la voilà ! s’écria tante Adélaïde en tendant son bras dans sa direction. »
Jeanne
n’en croyait pas ses yeux. Dans la cour, devant la maison, tante Adélaïde
parlait à un jeune garçon qui s’était retourné à son approche et plus
exactement au moment de l’exclamation de tante Adélaïde.
Et
devinez quoi ?
Pendant
que Jeanne faisait le pied de grue sur la place du village, à attendre un
certain cycliste, celui-ci, justement, se trouvait chez tante Adélaïde.
Incroyable,
non ?
« Regarde,
Jeanne, Cédric est venu me faire une visite. Il est arrivé avant-hier, pour les
moissons.
-
Salut ! lança Jeanne qui affectait
un air indifférent, alors que son cœur tapait à grands coups dans sa poitrine
et que ses joues la cuisaient.
Puis,
Jeanne pensa :
-
J’espère que je ne suis pas trop
rouge !
-
Salut, répondit Cédric en se tournant
vers elle.
Jeanne
constata que les yeux de Cédric étaient divinement
magnifiques et puis, son sourire..... !
« Bon,
il faut que j’y aille. Grand-père va m’attendre, nous avons commencé à
moissonner hier et il y a encore beaucoup à faire. Faut profiter du beau temps,
surtout que les blés sont mûrs.
-
Va, mon garçon, répondit tante Adélaïde.
Merci d’être venu me voir. Cela m’a fait plaisir. Tu salueras ton grand-père pour
moi !
-
Pas de problème !
Le
beau cycliste avait enfourché son vélo et s’apprêtait à partir, quand, soudain
il se retourna et s’adressant à Jeanne, lui proposa :
«
Si tu veux venir à la ferme, tu peux. Après les moissons, nous faisons toujours
la fête.
-
Oui, pourquoi pas ! acquiesça
l’adolescente d’un ton boudeur et indécis, ne voulant pas montrer son
enthousiasme. Puis, cérémonieuse, elle ajouta : « Sympa de me le
proposer ! »
Sans
attendre la réponse, Cédric s’était élancé et franchissait dans un dérapage
maîtrisé la grille du jardin de tante Adélaïde. S’engageant à vive allure sur
la route, il faillit renverser la mère de Jeanne qui revenait du magasin
d’alimentation-café-tabac-journaux-dépôt-de-pain, seul commerce du village, un
panier au bout de chaque bras.
Arrivant
à hauteur de sa fille et de sa tante, posant ses paniers à terre, elle demanda,
essoufflée :
« C’est
qui ce bolide qui vient de sortir d’ici ? Il a l’air bien pressé.
-
C’est Cédric, un des petits-fils au Hubert, la
renseigna tante Adélaïde.
-
C’est vous qui l’avez effrayé
ainsi ?
-
Il moissonne ! Et apparemment, ça
ne peut attendre ! lança Jeanne en s’éloignant vers le potager.
Cachée
par le poulailler, loin des regards indiscrets, Jeanne se mit à effectuer une
danse dont elle seule connaissait la chorégraphie, danse plus proche d’une invocation
à un dieu païen, mais lequel, et qui s’acheva par un :
« Ouah !
Demain, je le revois ! »
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