jeudi 29 mars 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - Le pire fut évité !


Le pire fut évité !

La toiture s’affaissa dans un bruit de tonnerre, éclaboussant alentour des gerbes de flammèches qui brillèrent dans la nuit noire et glaciale de cette mi-janvier.
Il n’y avait plus rien à faire à présent, que d’arroser copieusement les braises afin d’éviter que l’incendie ne se propage aux bâtiments tout proches.
Une chance que Pierre Jacques Coui et Nicolas Lambert passaient par la ruelle, celle dite à la Drouanes, et aperçurent des lueurs suspectes accompagnées d’une odeur qui ne trompait pas.
Ils stoppèrent aussitôt leur marche.

« C’est y qui y a l’ feu, par là ! s’exclama Pierre Jacques.
-          Faut prévenir les habitants, répliqua Nicolas en se précipitant vers le bâtiment dont la toiture auréolée de fumée commençait à s’enflammer.

Criant et tambourinant sur la porte, celle-ci s’ouvrit sur deux hommes en chemise qui, réveillés dans leur sommeil, ne réalisaient pas encore le danger qu’ils encouraient.
La mare, non loin, fournit l’eau que les quatre hommes charriaient à l’aide de seaux.
Alertée par le remue-ménage, Marie Elisabeth Dequatremare sortit du logement. En chemise, elle aussi,  elle avait juste pris le temps de jeter sur ses épaules un châle dans lequel elle s’enveloppait.
Apercevant son four dévoré par les flammes, elle s’écria en se signant :
« Sainte-Vierge, protégez-nous ! »

Les quatre hommes et vinrent rapidement à bout du sinistre. Mais, il ne restait rien du petit bâtiment.

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Pour se remettre de leurs émotions, les hommes rentrèrent dans la demeure de la vieille Marie Elisabeth Dequatremare qui, les ayant précédés, avait déjà sorti des verres et une bouteille de goutte.

« Ça va aller, la mère ! dit Jean-Jacques. Avec l’Auguste, on va déblayer et tout reconstruire.
-          Oui, j’ vous remercie, les gars. Mais, j’ me d’mande comment l’ feu il a ben pu prendre. C’est y qu’on l’aurait mis ?


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Le jour pointait lorsque le maire d’Ecquetot, prévenu du sinistre, arriva sur les lieux. Il y trouva déjà afférés au déblayage des décombres, les deux gendres de Marie Elisabeth Dequatremare, Jean Jacques Declan et Auguste Heudebert Duval, ceux qui, en chemise précédemment, avaient pris le temps de se vêtir décemment.

Après les salutations d’usage, la conversation en vint aussitôt sur ce qui venait de se produire.
Une chance, c’était que le local où se trouvait le four n’était pas accolé au mur de l’habitation, mais à celui qui bordait la ruelle.
Puis, la question cruciale fut prononcée par le maire.
« Comment le feu a-t-il pris ?
-          Ça j’ sais point, déclara Jean Jacques Declan.
-          Les cendres avaient été couvertes avant d’ dormir ! ajouta Auguste Duval.
-          Pas de chandelles allumées ? s’enquit le maire.
-          Pour sûr, non ! s’exclama Auguste Duval.
-          Vous dormiez ? questionna encore le maire.
-          Ça oui, et bien en plus ! répliqua Jean Jacques comme à regret d’avoir été interrompu de cette façon dans son sommeil.

Auguste expliqua alors :
« D’puis qu’elle est veuve, on vient aider régulièrement la mère et comme y a pas d’ place dans la maison, on dort sur une paillasse dans le local où y a l’ four. Il y fait bon, en plus.
-          Avez-vous des voisins qui vous en voudraient ? Est-ce que vous pensez que ce pourrait être un acte de malveillance ?
Les deux beaux-frères se regardèrent, visiblement cette question les étonnait.
Des ennemis ?
C’était impensable !
L’affaire fut donc classée.
L’incendie ?
Un accident dû à un défaut de ramonage, rien de plus.

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Marie Elisabeth Dequatremare, en ce jour funeste du 15 janvier 1836 où son four était parti en fumée, était veuve depuis peu. En effet, son époux, Jean Louis Darcy, était décédé le seize mai de l’année précédente, à l’âge de 71 ans. Depuis lors, ses deux gendres Jean Jacques Declan et Auguste Heudebert, maris respectifs de ses deux filles Marie Esther et Hilaire Elisabeth Chrétienne, venaient régulièrement et passaient, parfois, la nuit à Ecquetot.

Marie Elisabeth Dequatremare s’était unie en mariage à Jean Louis Darcy, le 16 thermidor an six. De leurs quatre enfants, seules les deux petites filles vécurent.
Hilaire Elisabeth Chrétienne, née le 25 nivôse an dix.
Marie Esther, née le 11 mai 1806.
Leurs deux garçons étaient décédés en bas âge. C’était ainsi.
Mais ne les avaient-ils pas retrouvés en leurs deux gendres ?

Après ce malheureux incendie, ils avaient d’ailleurs décidé, étant donné l’âge avancé de leur belle-mère, qu’elle ne pouvait rester seule.
Malgré ses protestations, Marie Elisabeth Dequatremare, veuve Darcy, se plia à la volonté de ses enfants.
Ce fut ainsi qu’elle quitta sa maison et la commune d’Ecquetot.

 
Un petit fait d’hiver,
recueilli dans les registres de délibérations du
Conseil Municipal d’Ecquetot, en date du  15  janvier 1836.




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