Suite et fin
Nicolas, après le départ des sauveteurs et des gendarmes, se rendit prés de la rescapée que la voisine avait aidée à se changer. A présent, elle reposait dans son lit.
Nicolas, après le départ des sauveteurs et des gendarmes, se rendit prés de la rescapée que la voisine avait aidée à se changer. A présent, elle reposait dans son lit.
« Comment
va ? s’enquit le mari, en regardant son épouse dont le visage livide le
saisit d’effroi.
- Elle est ben fatiguée, à c’t’ heure. Faut
qu’elle dorme.
- Le médecin doit venir, précisa le
cordonnier, i’ faudrait pas qu’elle attrape la mort après une tel’ baignade.
- Pour sûr,
approuva la voisine, surtout l’iau, el’ doit point êt’ chaude.
- C’est sûr, répéta machinalement Nicolas,
simplement comme ça pour dire quelque chose.
A
ce moment, Marie Catherine Angélique ouvrit les yeux et d’une très faible voix,
protesta :
« Non,
non, pas l’ docteur. Ça va aller ! C’est une dépense pour ren !
- J’ m’en moque, moi, d’ la dépense !
- ça va, j’ te dis répéta-t-elle avant de
refermer les yeux. J’suis fatiguée, simplement fatiguée.
- Il faudrait lui donner un peu d’eau-de-vie,
préconisa la voisine, ça va la réchauffer.
- J’vais chercher un verre, obéit le
cordonnier.
- Bon bah, j’y vas moi ! Si besoin, j’
suis point loin !
- Oui, merci ! j’ vas rester près d’elle
en attendant l’ médecin.
Quand
la voisine fut sortie, Marie Catherine Angélique ouvrit de nouveau les yeux,
esquissa un sourire.
« Ça
va aller, va, dit elle pour rassurer son mari. J’ai eu ben peur, tu sais. J’ai
vu la mort de près.
- Tu veux un peu d’eau d’ vie pour t’ réchauffer,
demanda le mari qui avait gardé le verre plein à la main.
- Non, j’ suis barbouillée. J’ veux
ren !
En
foi de quoi, l’homme vida d’un trait le verre, il ne faut rien perdre, et
s’assit à côté de son épouse. Se sentant inutile et surtout souhaitant entendre
le son de la voix de son épouse, histoire de se rassurer, il demanda :
« Tu
veux que j’ te laisse ? »
Sa
question restant sans réponse, il regarda son épouse et s’aperçut que le visage
de celle-ci avait pris un teint cireux. Elle ne respirait plus.
Ce
fut à ce moment que le médecin arriva. Il ne put que constater le décès de la
femme. Décès qu’il ne pouvait attribuer aux « suffocations de la
noyade », puisque la «noyée » avait repris ses esprits après avoir
été repêchée.
Alors ?
Quelle était la cause du trépas survenu deux heures après l’immersion prolongée
dans la rivière.
Le
médecin ausculta la défunte, réfléchit, posa des questions au pauvre veuf
complètement retourné et qui essayait de répondre de son mieux.
Il
fallait, au médecin, trouver une explication plausible afin de ne pas perdre la
face.
Alors,
le praticien, à court d’arguments, posa son ultime question :
« Pouvez-vous
me dire ce que votre femme a mangé ce matin, au réveil ?
- Des œufs durs, répondit le cordonnier en se
grattant le menton, se demandant où voulait en venir le médecin.
Le
praticien prit un air grave et conclut :
« Des
œufs durs ! Ne cherchez plus la cause de la mort. Ce sont les œufs durs
qu’elle a mangés avant sa chute dans l’eau. C’est lourd à digérer les œufs
durs, et secouée comme elle a été dans l’eau……
Evident,
non ?
Les
trois sauveteurs reçurent, chacun, pour leur acte de bravoure une récompense de
vingt francs. Cette somme, accordée par le Conseil Municipal de
Pont-de-l’Arche, fut prélevée sur les fonds des dépenses imprévues.
Leur
seul regret, à tous trois, fut que la femme Lucas n’aie pas survécu.
-=-=-=-=-=-
Marie
Catherine Angélique Legendre était née à Pont-de-l’Arche, le 6 août 1761.
Elle
décéda, à l’âge de cinquante-huit ans, ce 17 avril 1820.
Nicolas
François Lucas, lui, décéda le 8 novembre 1828, rue Sainte Marie à Pont- de-l’Arche.
Il était âgé de soixante-six ans.
Après
ce funeste événement, le pauvre veuf continua-t-il à manger des œufs
durs ?
Heureusement...... la médecine a fait de grands progrès.
Heureusement...... la médecine a fait de grands progrès.
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