mercredi 5 septembre 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - 1792 Villettes


Chapitre 4 

A bout de souffle Jean Jacques Philippe Signol s’était arrêté. Adossé au tronc d’un arbre, le cœur battant la chamade, le côté douloureux comme sous l’effet d’un coup de poignard, il essayait de percevoir les bruits environnants. Mais une enclume sonnante semblait s’être emparée de son crâne. Ses oreilles bourdonnaient intensément. Il ne pouvait se concentrer.

« Il faut que je retrouve mon calme ! »  pensa-t-il.

Depuis combien de temps courait-il ainsi ? Il avait fui droit devant lui sans savoir où sa course le menait.
Pourquoi avait-il fui ?
Il n’était pas en capacité de s’en souvenir.
Quelques images furtives passaient devant ses yeux, mais il n’arrivait pas à les saisir, ni à quoi les rattacher.
Seul raisonnait dans ses oreilles une voix lointaine, ouatée, celle de sa mère qui lui ordonnait :
« Sauv’ té, mon fils, sauv’ té ! j’ dirai rin ! »
   
Pourquoi devait-il se sauver ?
Pourquoi avait-il obéi à cette voix, en prenant la fuite ?

Peu à peu, tout s’éclaircit et Jean Jacques Philippe s’écria :
« Non !J’ai point voulu ça ! Non ! »

Que s’était-il passé ?

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Chapitre 4


La tranquillité de Villettes n’était plus qu’un vain mot.
Depuis quelque temps, ce n’était qu’un incessant va-et-vient de voitures et de chevaux.
Cocarde tricolore au chapeau ou à la boutonnière, les cavaliers agissaient dans le village comme en terrain conquis. Chacun se qualifiait de titres glorieux, et ce n’était que des « Citoyen » par-ci et « Citoyen » par-là.
Le vieux Jean Baptiste Signol finit par en être excédé. Et le pire, quand il se rendait sur ses terres en lisière du village, il devait montrer patte blanche, déclinant son identité à des « sentinelles républicaines » qui le connaissaient fort bien.
Quelle stupidité !!
Le blé et l’avoine, tout comme la luzerne et le lin, n’avaient pas besoin de tous ces contrôles pour pousser.

Ce soir-là, 18 mars 1792, ce fut l’apothéose !
Alors que le jour baissait, Jean Jacques Philippe se présenta au logis de ses parents.
La journée avait été belle, mais le ciel clair parsemé d’étoiles annonçait de fortes gelées.
Le père était  auprès de l’âtre où il  prenait un peu de repos les mains tendues vers les flammes.
La mère préparait le souper.
La pièce était plongée dans une semi-obscurité, éclairée au seul gré du feu qui projetait des formes mouvantes sur les murs.
« Tiens ! Te v’là ! s’écria joyeusement la mère, entre donc ! »
Le père, lui, émit un grognement, avant de lui lancer ironiquement :
« Salut et fraternité, citoyen ! »

Marie Marthe haussa les épaules montrant ainsi sa désapprobation, face à ce comportement, avant que son estomac ne se serrât, redoutant encore un affrontement, entre père et fils.  Et comme le craignit Marie Marthe, l’affrontement ne se fit pas attendre.
« Comment va la révolution, à c’t’heure ? Et la république ? C’est quand que j’ vas toucher d’ l’argent à me chauffer les pieds, sans m’ fatiguer ?
-        -  Les députés représentent le peuple et travaillent à l’établissement des lois pour l’égalité !
-       -  Ah ! I’ travaillent ! ça parlotte quoi ! Et pendant c’ temps, l’ peuple i’ s’ fatigue, lui, pour nourrir tous c’ monde-là !
-       -   T’as toujours rin compris, toi !
-       -  Rin compris ? ça tu peux l’ dire, car j’ vois rin qui change, moi !
-      -    Faut du temps, pardi. Et d’abord, faut r’pousser l’ennemi hors des frontières.
-      -    L’ennemi ? J’ croyais qu’ vous étiez tous  frères !
-      -    Ça va donc jamais finir ! soupira Marie Marthe.
-       -   Tu vois, tu fatigues ta mère   avec tout ça, hein la Marie ? répliqua le père en regardant son épouse.
-       -   C’est qu’ vous m’ fatiguée tous les deux, pardi. Moi, j’fais ma soupe, et l’ reste ........
-       -   Alors, citoyen, lança le père, pourquoi qu’ t’es v’nu ?

.................... à suivre ...................

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