Chapitre
4
A
bout de souffle Jean Jacques Philippe Signol s’était arrêté. Adossé au tronc
d’un arbre, le cœur battant la chamade, le côté douloureux comme sous l’effet
d’un coup de poignard, il essayait de percevoir les bruits environnants. Mais
une enclume sonnante semblait s’être emparée de son crâne. Ses oreilles
bourdonnaient intensément. Il ne pouvait se concentrer.
« Il
faut que je retrouve mon calme ! » pensa-t-il.
Depuis
combien de temps courait-il ainsi ? Il avait fui droit devant lui sans
savoir où sa course le menait.
Pourquoi
avait-il fui ?
Il
n’était pas en capacité de s’en souvenir.
Quelques
images furtives passaient devant ses yeux, mais il n’arrivait pas à les saisir,
ni à quoi les rattacher.
Seul
raisonnait dans ses oreilles une voix lointaine, ouatée, celle de sa mère qui
lui ordonnait :
« Sauv’
té, mon fils, sauv’ té ! j’ dirai rin ! »
Pourquoi
devait-il se sauver ?
Pourquoi
avait-il obéi à cette voix, en prenant la fuite ?
Peu
à peu, tout s’éclaircit et Jean Jacques Philippe s’écria :
« Non !J’ai
point voulu ça ! Non ! »
Que
s’était-il passé ?
-=-=-=-=-=-=-=-
La
tranquillité de Villettes n’était plus qu’un vain mot.
Depuis
quelque temps, ce n’était qu’un incessant va-et-vient de voitures et de chevaux.
Cocarde
tricolore au chapeau ou à la boutonnière, les cavaliers agissaient dans le
village comme en terrain conquis. Chacun se qualifiait de titres glorieux, et
ce n’était que des « Citoyen » par-ci et « Citoyen »
par-là.
Le
vieux Jean Baptiste Signol finit par en être excédé. Et le pire, quand il se
rendait sur ses terres en lisière du village, il devait montrer patte blanche,
déclinant son identité à des « sentinelles républicaines » qui le
connaissaient fort bien.
Quelle
stupidité !!
Le
blé et l’avoine, tout comme la luzerne et le lin, n’avaient pas besoin de tous
ces contrôles pour pousser.
Ce
soir-là, 18 mars 1792, ce fut l’apothéose !
Alors
que le jour baissait, Jean Jacques Philippe se présenta au logis de ses
parents.
La
journée avait été belle, mais le ciel clair parsemé d’étoiles annonçait de
fortes gelées.
Le
père était auprès de l’âtre où il prenait un peu de repos les mains tendues vers
les flammes.
La
mère préparait le souper.
La
pièce était plongée dans une semi-obscurité, éclairée au seul gré du feu qui
projetait des formes mouvantes sur les murs.
« Tiens !
Te v’là ! s’écria joyeusement la mère, entre donc ! »
Le
père, lui, émit un grognement, avant de lui lancer ironiquement :
« Salut
et fraternité, citoyen ! »
Marie
Marthe haussa les épaules montrant ainsi sa désapprobation, face à ce
comportement, avant que son estomac ne se serrât, redoutant encore un
affrontement, entre père et fils. Et
comme le craignit Marie Marthe, l’affrontement ne se fit pas attendre.
« Comment
va la révolution, à c’t’heure ? Et la république ? C’est quand
que j’ vas toucher d’ l’argent à me chauffer les pieds, sans m’ fatiguer ?
- - Les députés représentent le peuple et travaillent
à l’établissement des lois pour l’égalité !
- - Ah ! I’ travaillent ! ça
parlotte quoi ! Et pendant c’ temps, l’ peuple i’ s’ fatigue, lui, pour
nourrir tous c’ monde-là !
- - T’as toujours rin compris, toi !
- - Rin compris ? ça tu peux l’ dire,
car j’ vois rin qui change, moi !
- - Faut du temps, pardi. Et d’abord, faut
r’pousser l’ennemi hors des frontières.
- - L’ennemi ? J’ croyais qu’ vous
étiez tous frères !
- - Ça va donc jamais finir ! soupira
Marie Marthe.
- - Tu vois, tu fatigues ta mère avec tout ça, hein la Marie ? répliqua le
père en regardant son épouse.
- - C’est qu’ vous m’ fatiguée tous les
deux, pardi. Moi, j’fais ma soupe, et l’ reste ........
- - Alors, citoyen, lança le père, pourquoi
qu’ t’es v’nu ?
.................... à suivre ...................
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