Chapitre
7
Après
avoir erré dans la campagne, Jean-Jacques Philippe prit le chemin de son
domicile. Il avait repris ses esprits et savait maintenant qu’il devait se
cacher jusqu’à ce que, le temps passant, l’affaire fut oubliée. Il comptait sur
l’agitation du moment, période troublée de cette après-révolution où la
maréchaussée avait fort à faire entre ordres et contre-ordres et la traque des
soldats qui lassés des combats meurtriers aux frontières du pays désertaient en
grand nombre.
« Déserteurs » !
Un bien grand mot tout de même.... Ces
soldats qui n’avaient aucune vocation militaire avaient, pour la plupart, signé
un engagement après avoir été saoulés par des agents recruteurs peu scrupuleux
qui répondaient aux ordres reçus par leur hiérarchie, disant : « Il
faut de la chair-à-canon, débrouillez-vous ! ».
Alors,
tous les moyens étaient bons.
Jean
Jacques Philippe arriva en pleine nuit à Vraiville. Il gratta à la porte de son
domicile. Clotilde, son épouse, toute ensommeillée, vint lui ouvrir.
La
jeune femme s’apprêtait à le sermonner, pensant qu’il rentrait saoul comme une
barrique, ayant dépensé, comme à son habitude, l’argent du ménage en beuverie.
Ce
n’était pas le cas, elle le vit tout de suite. Le regard hagard et les
vêtements crottés de boue de son époux,
en disaient plus long que tous les discours de la Chambre des Députés
nouvellement constituée.
Assurément,
il s’était passé quelque chose de grave.
Mais
quoi ?
Clothilde
laissa entrer son époux et referma rapidement la porte du logis, non sans avoir,
auparavant, regardé alentour si il n’y avait personne.
Elle
pressentait un malheur, la prudence était donc de rigueur.
Jean-Jacques
Philippe s’était uni, le 21 février 1886, à Clotilde Blondel, né et demeurant à
Vraiville. La cérémonie s’était déroulée dans la commune de résidence de la
future comme le voulait l’usage.
Six
années, déjà ! Mais aucun petit....
« Faut
que j’ me cache, tu comprends. Si les gendarmes viennent, et i’ viendront, tu
sais point où j’ suis. Tu m’as point vu. Tu comprends ......
Clothilde
ne posa pas de question, mais elle pensa, sachant fort bien que son époux avait
le sang chaud et que cette Révoltions lui avait tourneboulé la tête :
« Dans
quelle histoire i’ s’est encore fourré ? »
En
silence, elle mit quelques effets dans une besace, ainsi qu’un morceau de pain
et un restant de fromage.
Sans
un mot, Jean Jacques Philippe prit le sac de toile, ouvrit la porte, regarda
alentour et partit dans la clarté matinale, non sans avoir, auparavant,
embrassé son épouse.
« T’inquiètes
point, murmura-t-il dans un souffle. N’écoute point c’ qu’on dit ! j’ te
donne des nouvelles. »
Clotilde,
pieds nus et en chemise, sur le pas de la porte, regarda s’éloigner son homme,
essuyant d’un revers de main une larme. Soupirant, l’estomac noué, elle referma
doucement la porte pour ne pas éveiller l’attention du voisinage et alla
ranimer les braises dans la cheminée. Elle frissonnait autant de froid que
d’inquiétude.
Elle
pensa, un instant, aller se remettre au lit, mais elle savait pertinemment
qu’elle ne pourrait retrouver le sommeil, aussi commença-t-elle les tâches de
sa journée. Etre occupée l’empêcherait de cogiter et d’extrapoler d’imaginaires
situations.
Mais
les nouvelles vont vite, surtout lorsqu’elles sont mauvaises, surtout
lorsqu’elles parlent de meurtres, de sang.... Le monde nouveau qui était en
marche, en cette année 1792, n’avait rien changé en cela dans la nature
humaine.
Clothilde
devait, toutefois, apprendre rapidement ce qui était arrivé.
En
allant puiser de l’eau, elle aperçut des groupes de femmes qui discutaient. A
son approche, les regards la fixèrent, les voix se turent.
Clothilde
se sentit la cible de toutes les discussions, mais personne, apparemment n’osait
l’aborder.
Personne ?
Une voix s’éleva pourtant :
« A
sa place, j’ f’rais point la fière pardi ! Femme d’assassin en fuite, moi,
j’ me cacherais aussi ! »
Interloquée
par cette violence verbale, Clothilde stoppa sa marche, essayant de rester
digne et impassible, mais ses jambes ne la portaient plus.
« C’était
donc ça, pensa-t-elle en une fraction de seconde, il a tué un homme. Non, ce
n’est point possible .... »
Sa
main laissa choir le seau, sa tête se mit à lui tourner, ses oreilles à lui bourdonner,
sa vue à se brouiller, elle se raidit pour ne pas tomber, mais rien n’y fit.
Comme
dans un rêve, elle se sentit d’affaisser sur le sol.
.........à suivre ..............
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