Jean Jacques Philippe
se sentit mal à l’aise tout à coup. L’énervement et la colère de son père allaient
sûrement redoubler lorsqu’il apprendrait la raison de sa venue.
Il réfléchissait à la
manière d’orienter calmement la conversation. Ce fut sa mère qui lui donna le
temps nécessaire à la réflexion.
« Tins, vins
prendre un bol de soupe ! dit-elle en posant un troisième bol sur la
table, et v’nez tous deux pendant qu’ c’est chaud. »
Père et fils, face à
face, se lorgnaient du coin de l’œil.
« Moi, j’ te dis,
qu’une soupe comme ça, jamais la république ell’ en f’ra !! Hein, la
mère ?
Marie Marthe hocha la
tête en signe d’approbation.
Avait-elle réussi à
détendre l’atmosphère ?
Même si c’était le cas,
elle, elle se sentait mal, très mal.
Un pressentiment, là,
au creux de l’estomac........
« Bon, bah c’est
pas l’ tout ! T’es tout de même pas v’nu pour manger la soupe ! Pas
vrai ! Moi, j’ le sais. J’ai entendu, va, toutes vos manigances pour
affamer l’ pauv’ peuple !
Jean
Jacques Philippe regarda son père et essaya de garder son calme.
« D’
quelles manigances, tu parles ?
-
J’ai entendu les gens comm’ moi. Il
parait qu’il faut donner d’ nos réserves de blé, d’avoine et d’foin. Dis-le,
non de dieu !
-
On réquisitionne, mais on vous donne d’
l’argent pour ça !
-
Bah voyons, pour sûr. Un prix d’
misère....
-
C’est pour la patrie, pour nos soldats.
On laisse à chacun d’ quoi vivre !
-
Ah, la belle affaire ! Moi j’ te
dis c’est du vol !
Le
silence se fit avant que.....
« Et
pis, reprit le fils, c’est point tout !
-
Tu veux ma ch’mise aussi, c’est
ça ?
-
Les soldats ont besoin d’ chevaux.
-
Quoi ? Tu s’rais ti pas en train d’
me dire que tu vas m’ prendre ma bête ?
Marie
Marthe s’était levée, prête à défaillir, en voyant son homme se dresser
précipitamment, renversant le banc sur lequel il était assis. Maintenant, les
deux hommes, père et fils, rouges de colère, se faisaient face.
« Jamais,
vociférait Jean Baptiste, en s’approchant de son fils, jamais, tu m’entends. Tu
m’ prendras pas mon ch’val. »
Jean
Baptiste, le dos à la cheminée, avançait les poings menaçants. Voulant parer
les coups, Jean Jacques Philippe tendit les bras. Ses mains arrêtèrent son
père dans son élan, et, celui-ci, déséquilibré, bascula en arrière.
La
tête du vieil homme heurta un des chenets.......
Un
moment saisit, mère et fils ne purent bouger. Tous deux savaient qu’il n’y
avait plus rien à faire.
D’une
voix blanche, tout en regardant la tâche rouge qui s’étalait sur le sol de
terre battue, Jean Jacques Philippe murmura :
« J’ai
pas voulu ça, non ! »
Puis
il regarda sa mère les yeux pleins de larmes.
« Sauv’
té, mon fils, sauv’ té ! J’ dirai rin ! répondit Marie Marthe.
Dans
le noir profond de la nuit sans lune, Jean Jacques Philippe s’enfuit de la
maison, courant au hasard, ne sachant où diriger sa course.
......... à suivre ..............
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