OEIL POUR OEIL
Chapitre 2
Joseph Marius Chevalier-Joly avait donc convolé avec Marie-Louise
Faucher, le 13 novembre 1909. La célébration avait eu lieu à
Montreuil-sous-Bois.
Présents, en cette occasion, parents et amis, à l’exception de la mère
du marié, Rosalie Bon de son nom de jeune fille, décédée à Cuiseaux
(Saône-et-Loire) le 1er août 1895, à seulement trente-quatre ans.
Le couple nouvellement uni s’installa à Paris, 17 rue de Malte.
La « lune de miel » ne fut pas réellement tout miel. Chaque
époux se découvrant dut s’adapter au caractère de l’autre.
En ce qui concernait notre « gentil chronique », même si le
caractère excessif de son épouse le heurtait bien souvent, il se montra
patient, pensant que le temps aplanirait les difficultés.
Mais Marie-Louise, au caractère explosif, trouvant leur quotidien
quelque peu médiocre, ne cessait de se plaindre.
Joseph Marius avait pourtant une bonne place. Comptable, il était très
apprécié de ses patrons.
Si les scènes étaient légion au foyer, il y eut tout de même quelques
moments de tendresse et pour preuve, la naissance d’un petit Raymond François,
le 23 septembre 1912. Le poupon vit le jour à Montreuil-sous-Bois, 19 rue de la
Révolution, au domicile de ses aïeux maternels. La venue de ce petit ne
rapprocha pas les jeunes parents. Les désaccords se multiplièrent.
Eternelle insatisfaite, Marie-Louise commença à chercher réconfort
dans d’autres bras.
Septembre 1913, Raymond François souffla sa première bougie.
Août 1914, avant ses deux ans, le monde s’embrasait et allait
s’enliser dans une guerre de tranchées pendant une durée interminable de quatre
années.
Le 4 août 1914, Joseph Marius Chevalier-Joly, marié et père d’un
enfant, comme beaucoup d’autres, fut rappelé sous les drapeaux et intégrait le
15ème régiment de chasseurs à cheval.
Brillant élément au cours de son engagement dix ans plus tôt, il
poursuivit son ascension avec brio :
·
11 novembre 1914, nommé adjudant.
·
20 mars 1915, accédant au grade supérieur, celui
d’adjudant-chef.
Au cours des batailles, il montrait un courage sans faille, dirigeant
son peloton avec efficacité et bravoure, mais toutefois sans témérité, mesurant
les dangers avant de s’élancer à l’assaut de l’ennemi.
Souchez avait été le théâtre d’affrontements terribles au cours des
deux batailles d’Artois. Joseph Marius pouvait en parler. Dans la tranchée où
il se trouvait avec ses hommes, il avait subi, à de nombreuses reprises, le feu
de l’artillerie allemande.
En ce 18 août 1915, l’adjudant-chef Chevalier-Joly dirigeait les
travaux de réfection de sa tranchée.
Tout autour, les obus sifflaient et envoyaient des gerbes de terre et d’éclats métalliques, creusant,
lors de leur impact au sol, d’immenses cratères, futurs refuges salutaires ou
tombes immondes lors des prochains assauts.
Dans la tranchée, les bras des soldats ne chômaient pas. Il fallait
évacuer la terre, consolider les parois des boyaux, laisser accessible une voie
de retrait. La peur de mourir ensevelis donnait l’énergie nécessaire malgré
l’épuisement physique et moral.
Un sifflement plus fort parvint aux oreilles des hommes, un sifflement
de mauvais augure. Un obus se dirigeait vers eux. L’éclatement fut ressenti
violemment, des gerbes de terres recouvrirent tout, anéantissement le travail
de déblaiement effectué quelques minutes plus tôt.
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