HISTOIRE
VRAIE
L’enterrement
de vie de garçon
Ou
Là où
intervint, encore, un tire-bouchon
Ce devait être un jour mémorable.
Ce le fut, en effet.
« Allez, les poteaux ! j’ vous invite tous ? avait
lancé Emile Gelin, le serrurier.
Quand il s’agit de faire la fête
et de s’en balancer derrière le gosier, c’est bien évident, il n’y a pas
de fainéants.
Tous acceptèrent l’invitation de gaîté de cœur.
Tous se retrouvèrent donc dans le restaurant de Monsieur Grellot, rue
Lancry, non loin du logement d’Emile, dans le 10ème arrondissement
de Paris.
Une belle tablée de joyeux lurons !
Une soirée bien animée, bien arrosée, comme le voulait la tradition de
« l’enterrement de la vie de garçon », car c’était pour fêter ses
prochaines épousailles que le sieur Gelin avait rassemblé, en ce lieu, tous ses
amis.
Un enterrement festif, sans pleurs, ni couronnes mortuaires.
Festif et bruyant !
A quel moment tout chavira ?
Quel fut le déclencheur ?
Les vapeurs d’alcool embrumant les cerveaux ?
Une réflexion du prioritaire du lieu, le sieur Grellot ?
Certains ont l’alcool mauvais, était-ce le cas pour Emile Gelin ?
Quoiqu’il en soit, le futur marié se leva brusquement, se saisit d’une
bouteille et avec cette arme improvisée frappa le restaurateur à la tête. Tout
aurait pu en rester là, dans la surprise de l’évènement dégrisant quelque peu
les amis présents, lorsqu’un consommateur, Eugène Moisset, attablé plus loin,
voulant protéger la victime, s’interposa. Mal lui en prit, car Emile Gelin
attrapa un tire-bouchon qui se trouvait sur une table juste à côté.
Le consommateur, brave mais quelque peu téméraire, reçut plusieurs
coups de cet ustensile, juste au-dessus de l’œil droit. A un centimètre près il
eut l’œil crevé.
Tant de tapage et de violence firent que la maréchaussée intervint,
avec à sa tête le commissaire Maissière.
Et voilà que tout ce beau monde, bel et bien dessoûlé, se retrouva au
dépôt.
Sur le même banc à côté des fêtards, le sieur Grelot, choqué, une
poche de glace sur la tête, Eugène Moisset, l’œil gauche morne et cerné, maintenant
un torchon maculé de sang sur son œil droit.
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Un tragique fait divers qui a fait l’objet de quelques lignes dans un
encadré du journal « Le Petit Parisien », en date du 9 octobre 1905.
Ce quotidien ne donnant pas de suite à l’évènement, j’ai mené mon
enquête qui ne se révéla pas bien fructueuse.
Emile Gelin, âgé de vingt-neuf
ans, exerçait le métier de serrurier. Il demeurait rue de la Grange-aux-Belles
dans le 10ème arrondissement de Paris.
Je n’ai pas trouvé de mariage le concernant dans les semaines qui
suivirent.
Ecopa-t-il d’une peine d’emprisonnement pour violence, ivresse et
coups et blessures volontaires ?
A la suite de tout cela, sa belle rompit-elle tous liens, ne souhaitant
plus s’engager dans les liens du mariage ?
Monsieur Grellot, propriétaire du restaurant rue de Lancry, âgé de
trente-neuf ans au moment des faits, porta-t-il plainte ?
Rien pour le dire.
Une seule chose, toutefois bien
rassurante, il ne décéda pas des suites des coups qu’il avait reçus.
Eugène Moisset, le consommateur, héros de trente-huit ans, venu
secourir le commerçant demanda-t-il des dommages et intérêts à son
agresseur ?
Mystère le plus complet sur toutes ces interrogations.
Je ne peux rien vous apprendre non plus sur le nom des invités d’Emile
Gelin qui ont dû regretté d’avoir accepté l’invitation.
Quant à la bouteille, massue improvisée, et au tire-bouchon, arme
dangereuse, ont-ils fini leur carrière dans une boîte annotée « pièces à
conviction – octobre 1905 – affaire Gelin » ?
Je relance l’enquête.
Qui veut se changer de rouvrir le dossier ?
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