mercredi 19 mars 2025

Ripolinez-vous de temps à autre ?


Ripoliner : peindre avec de la peinture de marque Ripolin.

Les plus anciens d’entre nous se rappellent sûrement de l’affiche « Ripolin » placardée sur les murs des maisons en bordure de routes.

 

Mais connaissez-vous l’histoire de ce mot, Ripolin, qui a donné le verbe ripoliner 




Voilà... c’est une réelle aventure.

 

Un chimiste hollandais du nom de Carl Julius Ferdinand Riep[1], mit au point en 1888, une peinture à l’huile de lin vernissée ayant la propriété de sécher rapidement. Cette peinture prit le nom de Riepolin :

RIEP (nom de l’inventeur) – OLIN ( de OLIE - huile).

Une affaire qui devint rapidement productive et différentes usines furent implantées en France et en Angleterre.

 

Dix années plus tard, Carl Julius Ferdinand Riep lança un partenariat avec une maison française ayant pignon sur rue à Paris, vendant du matériel aux artistes et artisans. Cette maison bien connue portait de nom de « société parisienne Lefranc et Cie » (future maison Lefranc & Bourgeois)  qui  modifia un petit peu le nom en RIPOLIN.

L’usine près de Paris produisait en 1901, 450 litres de peinture par jour.

En octobre 1898, le chef-opérateur Félix Mesguich[2] de l’Agence nouvelle de publicité tourna le premier film publicitaire en montrant trois peintres dans une situation comique. Trois peintres ripolinant, bien évidemment.

Ce film publicitaire inspira l'affichiste Eugène Vavasseur[3] qui créa une affiche pour Ripolin (celle dont je parle en début de cet article) qui remporta un large succès.



Sur cette publicité, trois peintres en bâtiment, avec canotiers et amples blouses claires, se peignant le dos. Les trois peintres de l'affiche furent baptisés Riri, Polo et Lino.

Riri pour RI – Polo pour PO – Lino pour LIN. 

            Ce qui donne RI PO LIN !

Ingénieuse la publicité ! Même dans le plus petit détail.


Une unité de production fut installée à Issy-les-Moulineaux  - 21 – 31 quai d’Issy. Un bâtiment de trois étages où étaient fabriquées des encres d’imprimerie. 350 ouvriers et ouvrières y travaillaient.

Ce fut au premier étage du bâtiment, dans l’atelier « du mélange d’essences » que le 11 novembre 1904, un incendie se déclara provoquant une explosion. Les ouvrières et ouvriers œuvrant dans l’atelier furent rapidement entourés de flammes dans ce local dont les fenêtres étaient grillagées.

Article du journal l’Humanité parlant de l’événement

L'Humanité du 12 novembre apporte d'autres détails sur la catastrophe : " Il était exactement quatre heures vingt. Dans un vaste alambic, des préparateurs traitaient de l’éther et de l'essence de térébenthine. Une énorme colonne de feu envahit toute la pièce, puis une formidable explosion se fit entendre. Sous la poussée formidable des gaz enflammés, une grande partie de la façade s'écroula avec un bruit terrifiant. Affolés, les ouvriers et ouvrières, au nombre de quarante-huit, occupés dans le bâtiment, tentèrent de fuir. Mais déjà, les flammes barraient la route. Tous se ruèrent vers les locaux prenant jour sur le quai. De fortes barres de fer, scellées dans le mur, empêchaient toute fuite de ce côté. Ce fut alors une explosion de cris de rage et d'impuissance, immédiatement suivis de hurlements de douleur. "


"Les hommes en tête, toutes les victimes que les flammes avaient chassées s'étaient élancées dans le brasier, dans le dessein de gagner la cour. Atrocement brûlés par les flammes, aveuglés par la fumée, butant à chaque pas, les malheureux atteignirent enfin le quai. Dans un galop furieux, bousculant tout sur leur passage, ils fuirent éperdument, dans toutes les directions. Derrière ce groupe, apparut une femme, dont les vêtements flambaient. Un pompier la saisit au passage, l'enveloppa dans une couverture et la porta aux ambulances qui arrivaient au même instant.

"Puis, de la grille d'entrée, cachée par instant par la fumée, deux hommes surgirent. Leurs vêtements étaient également en feu. Ils traversèrent la chaussée en poussant des cris affreux, dévalèrent le contre-quai et allèrent se précipiter dans la Seine. MM. Gaudey, charbonnier, et Arthur, journalier, se jetèrent à leur suite dans le fleuve et les ramenèrent sur la berge. Une deuxième voiture d'ambulance les recueillit et les transporta à l'hôpital."

Les pompiers affluent de toute la banlieue parisienne, de Grenelle, d'Auteuil, de la Sainte-Chapelle. La foule des badauds aussi raconte le reporter :  "Par les gares de Mirabeau-Ceinture d'Issy et par les portes du Viaduc et de Versailles arrivaient continuellement de nouveaux curieux. Bientôt les quais, les contre-quais, les berges de la Seine et les rues avoisinantes regorgèrent de monde. Dans cette masse compacte de spectateurs, s'élevaient continuellement de nouveaux cris d'horreur et de pitié".

  
Au petit matin, treize victimes ont été recensées. Les pompiers continuent de fouiller les décombres, redoutant de retrouver des corps.
Après cette tragédie, l'usine Ripolin quitta Issy-les-Moulineaux.

 

Un petit aperçu, vraiment petit, de la vie de « Ripolin » qui appartient depuis 2011 à un grand groupe américain.

Maintenant, vous savez pourquoi vous RIPOLINER  et s’il existe le mot gribouillage, il existe aussi le mot RIPOLINAGE !!!



[1] Carl Julius Ferdinand Riep né à Küstrin (Oostenrijk) – décédé le 13 juillet 1898 à Hilversum (Pays-Bas) fils de Johann Riep et Charlotte Busse.

[2] Félix Mesguich, pionnier du cinéma, né le 15 septembre 1871 à Alger - décédé le 25 avril 1949 à Paris.

[3] Eugène Charles Paul Vavasseur né le 25 avril 1863 à Paris – décédé le 6 février 1949 à Clichy – affichiste, caricaturiste, graphiste  - pseudonymes : Merlet et Ripp.

 

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