Dans
la cour de récréation d’une école, les enfants s’ébattent en poussant de grands
cris. Le bruit est intense.
Dans
une salle de classe, silencieuse, un professeur des écoles note sur le tableau
les informations d’une leçon qu’il s’apprête à donner lorsque la récréation
sera terminée. Il est un peu inquiet. C’est la première fois qu’il va affronter
une classe. Sa première classe. Aujourd’hui, en ce début de septembre, c’est le
jour de la rentrée.
La
sonnerie retentit impérative. Les élèves pénètrent dans la salle de classe et
découvrent leur instituteur qui leur fait face avec un large sourire. Il attend
que les enfants s’assoient avant de prendre la parole.
« Bon....
Bon..... Bon.... Bonjour les en... en.... enfants.... »
Les
mots se bousculent dans la gorge du pauvre enseignant. Les élèves, eux, se
regardent d’un air amusé. Certains, même, étouffent un rire.
Sans
se démonter, le maître poursuit :
« Je...
Je.... suis.... mon... mon.... monsieur Ki... Ki... Ki......
Il
n’a pas le temps d’achever sa phrase qu’entre Louanne qui, bien évidemment, est
en retard. Elle s’assoit, sans un « bonjour », sans un mot d’excuse
et pose ses pieds sur la table, tout en mâchant, très bruyamment, un chewing-gum.
Le
silence dans la classe est pesant. Chacun attend les réactions de
l’instituteur. Celui-ci, d’ailleurs, prend la parole d’un ton réprobateur.
« Vous...
vous.. ...vous ê.... ê... êtes.... en... en... re... re.......
-
En retard ! Oui ! Et
alors ? rétorque Louanne. Mais, vu comment vous parlez, j’ai pas loupé
grand-chose !
La
classe exulte. Louanne, en sa qualité de cancre, a toujours un large auditoire
prêt à se dissiper afin d’éviter de travailler. Tous les élèves rient, à
l’exception de Suzie qui, bonne élève, est là pour passer une année laborieuse
lui permettant de ravir la première place dans toutes les matières. Pour elle,
seul le vingt sur vingt est acceptable. Aussi, ose-t-elle un
« Chut ! », sensé rétablir le silence.
Le
maître, lui, chercher toujours ses mots :
« Si...
Si.....Si....
-
Silence ! hurle Suzy.
Le
silence se fait aussitôt. Le maître entame un début de remerciement, en
regardant cette élève modèle :
« Mer...
Mer.... Mer......
-
De rien ! coupe Suzy.
L’instituteur
reprend la parole, enfin, il essaie :
« Pre...
Pre... Pre... Prenez vos... vos....
-
Cahiers ? interroge Lucie.
-
Non, fait le maître d’un mouvement de
tête.
-
Livres ? demande Chloé.
Nouveau
mouvement négatif de l’instituteur.
Louanne
se lève et, sur la musique d’une chanson inventée, fredonne :
« Stylos,
règles, crayons et pourquoi pas la porte pour aller faire une petite promenade.
On s’ennuie, ici .....
Chloé
dont la chaise se trouve juste devant le bureau de Louanne lève le bras et
lance, énervée :
« M’sieur,
elle donne des coups de pied dans ma chaise. Et puis, elle m’embête. »
En
effet, cette Louanne, mauvaise élève perturbatrice, lance en tout sens, et
notamment dans la chevelure de Chloé, des boules de papier fabriquées avec les
pages déchirées de son cahier d’exercices.
Suzie
est hors d’elle. Elle est venue pour apprendre et non pour assister à un pareil
charivari.
« Bon !
hurle-t-elle, on pourrait peut-être travailler, non ?
Le
silence s’étant rétabli, pour quelques instants, l’enseignant en profite pour
préciser :
« Bonn’...
Bonn’.....
A
cela, Louanne déclare en se dressant pour se faire admirer :
« Bonne
idée ! Peut-être pour vous, mais moi, j’trouve pas !
-
Si... Si... Si.... articule
désespérément le maître, un tantinet épuisé de ne pouvoir se faire entendre.
-
Silence, hurle de nouveau Suzie qui,
comprenant le problème de l’instituteur, dû au stress, essaies de lui venir en
aide. Celui-ci, d’ailleurs, reconnaissant, lui adresse un triste petit sourire.
L’enseignant
dont le nom n’est autre que Monsieur Kiratetou, un nom un peu prédestiné, circule
alors entre les tables et distribue des feuilles d’exercices. Le nez sur les copies,
les élèves lisent en silence. Lucie regarde sur la feuille de sa voisine,
déclarant :
« C’est
quoi l’exercice ? J’comprends rien !
-
T’es pas la seule, confirme Louanne.
Peu
à peu, un brouhaha envahit la pièce, ce qui exaspère Suzie qui ose :
« Vous
êtes fatigantes. Vous pourriez pas la fermer et travailler ?
Louanne,
elle, toujours affairée à faire des boules de papier, vise à présent le maître
qui en reçoit une sur la tête. Ayant atteint son but, elle lance avec aplomb,
en regardant le maître d’un air supérieur :
« Travailler ?
Pourquoi faire ? »
L’instituteur
est au bord de la crise de nerf, ce qui accentue terriblement son bégaiement.
« Ça...
ça.... ça.... essaie-t-il d’articuler, sans succès.
-
Oui, ça suffit, en effet, déclare
Louanne. Moi, je m’en vais.
Suzie
se lève précipitamment, et prend la place du maître qui semble au bord du malaise. Puis,
s’adressant à Louanne :
« Toi,
tu restes assise ! Et au boulot ! Et je ne veux plus rien
entendre !
L’instituteur,
tout penaud, prend la place de Suzie. Il
a en mains, l’exercice qu’il vient de distribuer et qu’il essaie de faire comme
un élève attentif.
«
Eh Lucie, tu peux copier sur le maître, souffle Chloé à sa camarade.
-
Tu crois que je peux, chuchote Lucie,
incrédule.
L’instituteur,
soulagé de ne plus avoir à affronter ses élèves, informe, mais à voix basse
pour ne pas être entendu de toute la classe :
« Elle
peut toujours copier sur moi, mais je ne sais pas faire l’exercice, aussi, elle
aura un beau zéro ! »
La
phrase vient de sortir sans difficulté.
Monsieur
Kiratetou pense alors :
« Demain
sera un autre jour ! J’essaierai de faire mieux ! »
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